Adrien LAUNAY1853 - 1927
- Status : Prêtre
- Identifier : 1325
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1877 - 1882 (Saigon)
Biography
[1325] Adrien-Charles LAUNAY naît le 21 octobre 1853, à MESLAY-du-MAINE (MAYENNE), alors diocèse du MANS, aujourd'hui de LAVAL. Il perd sa mère vers l'âge de trois ans ; il est élevé par une sœur de son père.
Il fréquente d'abord l'école du village où il obtient des bons résultats. Son père s'étant remarié, c’est toujours chez sa tante que le collégien, puis le séminariste revient passer ses vacances. Entré au collège libre de CHATEAU-GONTIER, en 1866, il y récolte, chaque année, de nombreux prix, et en sort en 1873, titulaire du diplôme de bachelier-ès-lettres. Après un an d'études au grand séminaire de LAVAL (1873-74), il reçoit la tonsure le 30 mai 1874 ; il entre au Séminaire des MEP le 29 septembre 1874 où il passe deux ans et demi.
Figure assez originale, et d'une maturité précoce, son excellent cœur et ses brillantes qualités se cachent sous une écorce un peu rugueuse.
Le 22 mai 1875, il reçoit les ordres mineurs ; sous-diacre le 11 mars 1876, diacre le 23 septembre 1876, ordonné prêtre le 24 février 1877, il est destiné à la Mission de Cochinchine occidentale (Saigon). Il quitte Paris le 5 avril de la même année.
Vietnam (1877-1882)
Après avoir étudié la langue vietnamienne à CAIMONG de 1877 à 1878, il est en poste à MYTHO comme vicaire et aumônier de l'hôpital militaire de cette ville, en 1878 et en 1879. Au début de l’année 1879, on le charge du district de CAIDE et CAITHIA. Le climat meurtrier et les fatigues d'un ministère écrasant ébranlent sa santé.
En 1881, il est envoyé au sanatorium de Béthanie à HONGKONG. Après un séjour de quelques mois, il se croit guéri, et regagne son poste. La guérison n'est qu'apparente. Il est dans l'obligation de rentrer en France, quittant la COCHINCHINE en avril 1882.
Durant son court ministère, il baptise plus de trois cents catéchumènes, ramené quantité de familles à la foi chrétienne, construit une église à CAIMAY et une à CAITHIA, doté d'oratoires les stations de TRALOC, NAMTHAN et CAILAI, installé une école à CAITHIA, et commencé un petit hôpital à CAIBE.
Historien des MEP (1884-1927)
Rentré en France, il ne reste pas inactif. Au début de 1884, il publie « L'Histoire ancienne et moderne de l'Annam » depuis l'année 2700 avant l'ère chrétienne jusqu'à nos jours. En juillet 1884, il demande à repartir en mission, mais ses supérieurs l'invitent à prolonger son séjour en France, sa santé n'étant pas suffisamment rétablie. Au mois de septembre 1884, il propose au Conseil des Directeurs de reprendre l'œuvre à peine ébauchée du P. Charles DALLET à savoir, préparer l'HISTOIRE DE LA SOCIETE DES MISSIONS ETRANGERES. Le Conseil accepte la proposition et lui confie avant tout la rédaction des Tables des Archives du séminaire.
Ce travail lui demande dix ans. Il en sort une Table Analytique comprenant douze volumes in-folio de 600 à 1.000 pages chacun, et une Table Alphabétique, composée de quatre volumes in-4°. Tout en se livrant à cet obscur labeur, il publie de nombreux ouvrages sur l' histoire des MEP, l'histoire générale et particulière des missions, un atlas des Missions MEP. Il donne articles et cartes principalement pour les Revues : "Les Missions Catholiques", "Bulletin et Annales de l'Oeuvre des Partants" etc..
En 1894, le P. LAUNAY publie "L'HISTOIRE DE LA SOCIETE DES MISSIONS ETRANGERES" en trois volumes. Cet ouvrage lui vaut un bref élogieux de Léon XIII, et les félicitations et remerciements du P. DELPECH, supérieur du séminaire.
Le P. LAUNAY consulte également les archives de la Propagande, de la Bibliothèque Nationale, du British Museum, les Semaines Religieuses de la plupart des diocèses de France etc.. En 1896, il se rend en Inde et au début de 1898, publie "L'HISTOIRE DES MISSIONS DE L' INDE", ouvrage couronné par l'Académie Française.
Fin février 1898, il part pour la Chine, s'arrête à SAIGON, va au LAOS et emploie tous les jours d'attente à SHANGHAI à copier des documents. A PEKIN, où il arrive le 9 avril 1898, il recueille de nombreux et précieux documents, aidé d'une dizaine de scribes. Le 11 avril, il part pour la MANDCHOURIE. En novembre, il revient à PEKIN où il reste quelques semaines. Aidé et conseillé par Mgr FAVIER, il s'emploie à faire délivrer le P. FLEURY, missionnaire du SICHUAN ORIENTAL, alors prisonnier de YUMANTSE.
De retour en France, au début de 1899, le P. LAUNAY se remet au travail, et c’est une succession ininterrompue de publications diverses. Son "MEMORIAL DE LA SOCIETE DES MISSIONS ETRANGERES" publié en 1912 et 1916, témoigne de l'érudition de son auteur. Cependant l'enfant chéri du P. LAUNAY reste " Mgr RETORD ET LE TONKIN CATHOLIQUE (1853-1858)."
Au printemps de 1926, les délégués des vicaires apostoliques et du séminaire réunis à Rome pour étudier les modifications à apporter au Règlement Général des MEP, font appel aux lumières du P. LAUNAY, archiviste et historien.
La santé du P. LAUNAY exige des ménagements, et un régime sévère. Pour ce motif, il va passer les trois ou quatre mois d'hiver à JUAN-LES-PINS, comme hôte de deux dames dévouées aux oeuvres missionnaires.
En décembre 1926, il s'éloigne du séminaire avec le pressentiment de sa fin prochaine, et part pour JUAN-les-Pins. Le 24 février 1927, il célèbre dans l'intimité le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale ; le 21 avril 1927, vers les 20 heures trente, il rend son âme à Dieu . Ses obsèques sont célébrées dans l'église de JUAN-LES-PINS, le lundi 25 avril.
Le lendemain, le corps du défunt est déposé dans le caveau des MEP à Marseille.
Obituary
M. LAUNAY
MISSIONNAIRE DE SAIGON (COCHINCHINE)
M. LAUNAY (Adrien-Charles) né à Meslay-du-Maine (Laval, Mayenne) le 21 octobre 1853. Entré tonsuré au Séminaire des Missions-Etrangères le 29 septembre 1874. Prêtre le 24 février 1877. Parti pour la Cochinchine Occidentale (Saïgon) le 5 avril 1877. Mort à Juan-les-Pins le 21 avril 1927.
Né à Meslay-du-Maine, département de la Mayenne, alors diocèse du Mans, aujourd hui de Laval, Adrien-Charles Launay perdit sa mère vers l’âge de trois ans, et fut élevé par une tante, sœur de son père. Cette tante célibataire s’occupait de l’ornementation de l’église de son village. Elle était plutôt sévère, et le jeune Adrien la craignait un peu, tout en l’aimant comme une mère. Jusqu’à la fin de sa vie il gardera pour elle un vrai culte, célébrant chaque semaine une messe pour le repos de l’âme de la « bonne tante » rappelée à Dieu le 14 décembre 1885.
Il fréquenta d’abord l’école du village où il obtint des succès en rapport avec son âge, grâce à la tante qui le dirigeait et veillait à ce qu’il ne restât point à s’amuser avec ses camarades après les heures de classe. Pour effectuer le retour à la maison, il lui était accordé dix minutes, et s’il ne rentrait pas à l’heure marquée, la tante inquiète partait à sa recherche. Ayant trouvé un jour le retardataire en train de sauter une barrière en compagnie d’autres enfants, elle n’eut qu’un signe à faire, et notre Adrien fut ramené tout penaud d’avoir désobéi et fait de la peine à la tante, à laquelle il promit du reste de ne pas recommencer. En somme, il vécut plutôt seul jusqu’à son entrée au collège, sa tante le gardant jalousement près d’elle et lui donnant le goût de la piété et du travail par ses encouragements et ses conseils.
Son père s’étant remarié, ce fut toujours chez sa tante que le collégien, puis le séminariste, revint passer ses vacances, de sorte qu’il connut peu les enfants du second mariage de son père, un frère et deux sœurs. Il aima toujours d’une affection spéciale une de ces dernières que sa tante prenait de temps en temps chez elle et qui se rencontrait pendant les vacances avec son grand frère.
Entré au collège libre de Château-Gontier en 1866, il y moissonna chaque année de nombreux prix, et en sortit en 1873, muni du diplôme de bachelier ès lettres. Après un an d’études au séminaire de Laval (1873-74), il entrait, comme clerc tonsuré, au séminaire des Missions-Etrangères le 29 septembre 1874. Il devait y passer deux années et demie.
C’était une figure assez originale et d’une maturité précoce. Son regard scrutateur et son air quelque peu altier, quoique tempérés d’un léger sourire, intimidèrent plus d’un nouveau venu, pendant que les anciens, appréciant son caractère franc et loyal et goûtant ses judicieuses critiques, recherchaient sa compagnie, au risque d’être à l’occasion victimes d’un procédé brusque ou d’une repartie à l’emporte-pièce. Son excellent cœur et ses brillantes qualités se cachaient sous une écorce un peu rugueuse.
Ordonné prêtre le 24 février 1877 et destiné à la Mission de Cochinchine Occidentale, aujourd’hui Mission de Saïgon, il quittait Paris le 5 avril suivant, ne se doutant guère de la destinée que lui réservait la Providence. Le jeune partant aurait été bien surpris si son bon ange lui avait dit à l’oreille : « Tu seras archiviste. Va, fuis aussi loin que tu pourras à travers les arroyos de Cochinchine, la main qui te conduit saura bien te ramener dans la poussière des bibliothèques. Tu blanchiras au milieu des livres, et la plume sera l’arme favorite de ton apostolat. »
Après avoir étudié la langue annamite à Caimong (1877-78), il fut envoyé à Mytho comme vicaire et en même temps aumônier de l’hôpital militaire de cette ville (1878-79). Dès le début de 1879, il était chargé du district de Caidé et Caithia. Quelques lignes adressées à son évêque vont nous dépeindre l’infatigable missionnaire. Il lui écrivait à la date du 31 mai 1877, deux ans à peine après son arrivée en Cochinchine : « Monseigneur, malgré toute ma bonne volonté, je ne pourrai achever les Pâques pendant le temps pascal qui finit dans dix jours ; il me reste trois paroisses dans lesquelles les Pâques ne sont point faites. Je viens donc demander à Votre Grandeur de vouloir bien prolonger le temps pascal de quelques semaines. A Caithia, j’ai trente-cinq catéchumènes ; à Caimui, six familles baptisées depuis dix ans ayant abandonné depuis sept ans et qui demandent à revenir ; il faudra les instruire comme de nouveaux catéchumènes. A Baichan, des enfants de quinze à seize ans qui ne sont pas encore en état de recevoir l’absolution faute de science suffisante, et partout ainsi. J’ai beau passer la moitié de mes nuits en barque et mes journées à confesser et à instruire, je ne suffis pas à la besogne. De plus, je suis désireux d’établir une nouvelle chrétienté dans l’île de Namthan où il y a déjà quatre ou cinq maisons chrétiennes… » Son zèle et son activité lui firent prendre plusieurs initiatives dont il se hâtait d’informer le Vicaire apostolique qui ne lui ménagea point ses approbations et encouragements et lui donna maintes preuves de sa confiance.
Le climat meurtrier et les fatigues d’un ministère écrasant ébranlèrent la santé de l’ardent missionnaire qui est envoyé à Hongkong en 1881. Après un séjour de quelques mois au sanatorium de Béthanie, il se croit guéri et regagne son poste. La guérison, hélas ! n’est qu’apparente, et la tenace infirmité réapparaît bien vite. Il n’y a plus qu’une chance de salut, le retour en France, et Adrien Launay quitte la Cochinchine en avril 1882. Durant son trop court ministère, il avait baptisé plus de trois cents catéchumènes, ramené quantité de familles qui avaient abandonné les pratiques religieuses, construit une église à Caimay et une à Caithia, doté d’oratoires les stations de Traloc, Namthan et Cailai, installé une école à Caithia, et commencé un petit hôpital à Caibé.
Rentré en France, Adrien Launay reste missionnaire par l’œuvre et par l’âme. Il y avait en lui les qualités latentes d’un bénédictin ; elles vont se produire au grand jour, car l’invalide ne reste pas inactif. Au début de 1884, il publie l’Histoire ancienne et moderne de l’Annam depuis l’année 2700 avant l’ère chrétienne jusqu’à nos jours. Au mois de juillet de la même année, il demande à repartir pour sa Mission par la malle de fin octobre. Ses Supérieurs l’invitent à prolonger son séjour en France, car sa santé est loin d’être suffisamment rétablie. Au mois de septembre, il propose au Conseil des Directeurs de reprendre l’œuvre rêvée et à peine ébauchée par le P. Charles Dallet, à savoir : préparer l’Histoire de la Société des Missions-Etrangères. Le Conseil, considérant « l’importance de cette entreprise et les aptitudes que paraît avoir M. Launay dont l’état de santé ne lui permettre jamais de travailler en Mission à plein rendement, accepte sa proposition et lui confie avant tout la rédaction des tables des archives du séminaire. » Ce travail lui demandera dix années, et il en sortira une table analytique comprenant douze volumes in-folio de 600 à 1.000 pages chacun, et une table alphabétique composée de quatre volumes in 4o. Tout en se livrant à cet obscur labeur, notre archiviste publiait divers ouvrages : « La Société des Missions-Etrangères et la guerre du Tonkin, Nos Missionnaires, La Mission de Birmanie, Le Séminaire des Missions-Etrangères pendant la Révolution, Les Cinquante-deux Serviteurs de Dieu, Mgr Retord, Mgr Verrolles, etc. »
L’Histoire de la Société des Missions-Etrangères paraissait en 1894. Adrien Launay mettait dans ce livre, avec l’âmes d’un apôtre, les talents et les mérites de l’historien. Cet ouvrage lui valut un Bref élogieux de Léon XIII, et le vénéré M. Delpech, alors Supérieur du séminaire, lui adressa, au nom de tous, une lettre de félicitations et de remerciements.
Notre historien était une encyclopédie vivante pour les faits concernant les Missions d’Extrême-Orient. Il ne s’arrête point à l’étude de nos archives, mais va consulter celles de la Propagande, de la Bibliothèque nationale et du Bristish Museum, les Semaines religieuses de la plupart des diocèses de France, etc. Bien plus, en 1896, il se rend aux Indes et publie au début de 1898 l’Histoire des Missions de l’Inde, ouvrage couronné par l’Académie française. A la fin de février de cette même année, il part pour la Chine, s’arrête à Saïgon pour une excursion de quelques semaines au Laos, et emploie tous les jours d’attente à Shanghai à copier des documents. Nous allons voir son activité.
Parti de Shanghai le mercredi saint 6 avril, il arrive à la gare de Pékin le samedi saint à trois heures et demie du soir. Personne ne l’attend, car il a voyagé trop rapidement pour avoir eu le loisir d’annoncer son arrivée. Donnons-lui la parole : « Notre charrette roule depuis plus d’une heure. Il est cinq heures un quart et le Pétang n’apparaît pas. Dans une lourde petite carriole que traîne un solide cheval tartare à longue queue et à crinière flottante, je vois deux Européens, portant lunettes, barbes blondes, maigres et de moyenne taille. Sont-ce des Français ou des Anglais ? A tout hasard, je descends et leur demande en anglais s’ils connaissent et peuvent m’indiquer le chemin du Pétang. Le plus âgé me répond en anglais, puis il prie en français son compagnon de compléter ses explications. Je réponds en français cette fois : ─ « Mais seriez-vous Français ? ─ Oui Monsieur ─ Prêtre catholique ? ─ Oui Monsieur, et je me nomme le P. Launay. ─ Ah ! le P. Adrien Launay, le géographe ? ─ Oui Monsieur. ─ Le géographe qui a fait de mauvaises cartes de Chine et vient sur place en faire de meilleures et travailler à la Légation ? ─ Oui Monsieur. ─ Mais nous sommes de la Légation, le Docteur et le deuxième Interprète, etc. » Vingt minutes plus tard, notre confrère arrivait au Pétang où il était chaudement accueilli par Mgr Favier, coadjuteur du Vicaire apostolique, Mgr Sarthou. « Il n’a pas le temps de s’attarder, il doit regarder en avant, car en avant c’est le travail. »
Le saint jour de Pâques, dès neuf heures et demie du matin, il se rend à la Légation de France, et le lendemain il est à la besogne avec une dizaine de scribes. Le lundi suivant, 11 avril, il partait pour la Mandchourie, après avoir fait copier 1.200 pages. Ces pages devaient être recopiées plus tard à la rue du Bac, par les soins du Gouvernement français, pour reconstituer, du moins en partie, les archives de la Légation incendiée en 1900 , lors de la révolte des Boxers.
Nous ne suivrons pas le voyageur à travers nos Missions de Chine où il recueille quantité de précieux documents. Il est de nouveau à Pékin au mois de novembre et s’y arrête quelques semaines. Aidé et conseillé par Mgr Favier, il s’emploie activement à faire délivrer M. Fleury, missionnaire du Sutchuen Oriental, alors prisonnier de Yumantse.
Durant son voyage, il avait semé la joie sur sa route. Citons ces quelques lignes que lui adressait Mgr Favier en date du 21 novembre 1898 : « Mon cher Monsieur Launay, laissez-moi vous remercier de tout ce que vous avez fait pour nous à Pékin. Nos confrères disent : C’est un Lazariste, et ont la fatuité de croire qu’ils vous font un compliment. Moi je dis : C’est un brave et saint homme, un bon ami qu’on n’oubliera jamais… »
De retour en France, au début de 1899, Adrien Launay se remet au travail. Et jusqu’à sa mort, ce sera une série ininterrompue de publications diverses : Histoires particulières des Missions, Documents, livres et brochures de propagande, Bulletin et Annales de l’Œuvre des Partants, etc. Ses vacances, quand il en prend, sont de courte durée. Il fait alors un pèlerinage à Notre-Dame du Chêne, près de Sablé, et à Sainte Anne d’Auray, sanctuaires préférés, où il va implorer, par l’intercession de « Mère et de Grand’Mère », la faveur de pouvoir terminer ses travaux sur les Missions. Jusqu’à la fin, ce sera sa chère et unique ambition.
Adrien Launay n’était pas seulement un historien et écrivain hors ligne. Confident discret, il était souvent consulté, et quand on lui demandait un conseil, ayant le coup d’œil prompt et sûr, il voyait tout de suite le but à atteindre et les moyens d’y arriver. Le visiteur était toujours bien accueilli, mais s’il pénétrait pour la première fois dans la chambre de notre archiviste, il éprouvait quelque surprise à se trouver dans un atelier de rédaction. Pour tout ameublement, des rayons de livres, des casiers d’archives, des cartes et des plans, une table de travail sur laquelle s’entassent in-folios et manuscrits, et il faut débarrasser le seul siège de l’appartement des paperasses qui l’encombrent, avant de l’offrir au visiteur.
Il n’entre pas dans le cadre de cette notice de faire ressortir la variété et l’importance des travaux d’Adrien Launay (1). La presse a salué leur apparition par des éloges unanimes. Mais le « Mémorial de la Société des Missions-Etrangères » n’étant point destiné au public n’a pu être signalé par la critique. Et pourtant, n’est-ce point l’ouvrage qui trahit le mieux la vaste érudition de l’auteur ? Les notices sont rédigées avec une discrète sobriété qui s’allie fort bien à la juste sévérité de certaines appréciations. Quand aux notes biographiques et autres, elles sont d’une éblouissante richesse. Le croirait-on ? Le livre préféré de notre écrivain était « Mgr Retord et le Tonkin catholique », volume de 320 pages rédigé en trois semaines. Charles Dickens termine ainsi la préface de son David Copperfield : « De tous mes livres, c’est celui que je préfère. Comme beaucoup de tendres parents, je place au fond de mon cœur un enfant chéri et il s’appelle, David Copperfield. » L’enfant chéri d’Adrien Launay était son Histoire de Mgr Retord.
(1) Voir la liste des ouvrages de M. Launay à la suite de cette notice.
C’est à la source de sa vocation première que s’alimentaient à la fois sa puissance de travail et la chaleur de son style. Aussi longtemps que ses forces le permirent, il connut les joies et les peines du missionnaire de la brousse, et c’est pourquoi il n’a pas écrit une seule ligne qui ne soit inspirée par le désir de faire connaître, aimer et servir l’apostolat catholique parmi les nations infidèles. Ses nombreux ouvrages, écrits sur des pièces d’une authenticité rigoureusement démontrée, avec une sobriété de procès-verbal qui laisse parler les faits dans toute leur sincérité et toute leur énergie, sont des monuments d’apologétique qui ont sûrement réveillé et affermi la foi de quantité de lecteurs. Il ont aussi fait germer plus d’une vocation sacerdotale ou apostolique. Et il est bien permis de penser qu’ils ont contribué, pour une large part, au merveilleux épanouissement de l’effort missionnaire le plus intense que la chrétienté ait jamais connu et dont nous sommes aujourd’hui les heureux témoins. Pour la Société des Missions-Etrangères, ils sont et resteront de précieux trésors de famille.
Au printemps de 1920, les Délégués des Vicaires apostoliques et du Séminaire réunis à Rome pour examiner les modifications à apporter à notre Règlement général, firent appel aux lumières d’Adrien Launay. Nul n’était plus qualifié pour les éclairer sur l’histoire de l’organisation de la Siciété des Missions-Etrangères depuis son origine en 1658. Un exposé sommaire de cette histoire figure en appendice de la circulaire en date du 21 juillet 1920.
La santé de notre confrère exigeait des ménagements, et les médecins lui avaient prescrit un régime sévère, voire mortifiant. Il s’y soumettait de tout cœur, car pour travailler, il fallait vivre. Pour le même motif, il allait passer trois ou quatre mois d’hiver dans un climat plus doux que celui de Paris. Il se rendait à Juan-les-Pins, comme hôte de deux dames entièrement dévouées aux œuvres missionnaires, et particulièrement à cette des Partants. Il y arrivait avec des malles bourrées de paperasses et se mettait au travail. La villa Sainte-Paule évoquait alors le souvenir de saint Jérôme, de sainte Paule et d’Eustochium. Aux dames était confié la soin de corriger les épreuves, prières et chapelet étaient récités en commun. C’est dans ce pieux asile qu’allait se terminer la carrière d’Adrien Launay.
En décembre 1926, il s’éloignait du séminaire avec le pressentiment de sa fin prochaine et partait pour Juan. Le 24 février 1927, il célébrait dans l’intimité le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale. A cette occasion, Sa Sainteté Pie XI daignait lui accorder une Bénédiction Apostolique spéciale, et Mgr le Supérieur du Séminaire et de la Société lui adressait au nom de tous remercîments et vœux. « Ce n’est pas seulement à Juan-les-Pins, lui écrivait-il, que se fêtent aujourd’hui vos noces d’or sacerdotales. Nous les célébrons ici (au séminaire) de tout cœur dans le souvenir ému de tout ce que vous avez fait pour les Missions-Etrangères au cours d’une vie toute de labeur fécond, discret et désintéressé… Nous savons à quel point d’autres Sociétes nous envient un historien dont nous ne sommes pas assez fiers. Que Dieu vous garde et ne permette pas que les forces physiques vous manquent prématurément… » Hélas ! ces vœux ne devaient pas être exaucés.
Le cher malade se rendrait compte de son état et songeait à rallier le sanatorium de Saint-Raphël aussitôt qu’un regain de forces, alors encore espéré, lui permettrait d’entreprendre le voyage de Montbeton. Il met donc ordre à tous ses papiers, adresse à quelques amis des lettres d’adieu, et se prépare à la mort avec calme et résignation. Jusqu’à la date du 2 avril, il a la consolation de célébrer chaque jour la sainte messe dans son oratoire privé. Et puis, la faiblesse augmente, et les crises cardiaques deviennent plus fréquentes. Réduit à un désœuvrement complet, il s’arme de son chapelet et passe ses journées à l’égrener, assis dans son fauteuil, tout près de la table où il vient d’achever son dernier ouvrage : Documents sur l’Histoire du Tonkin, 1658 à 1717.
Le jeudi-saint, le malade recevait la communion dans son lit. Il eût vivement désiré monter à l’autel le jour de Pâques, mais le Docteur ayant déclaré que ce serait imprudent, il se soumit et s’abstint. Le jeudi 21 avril, vers trois heures du soir, il fait appeler M. le chanoine Pomié, curé de Juan, qui entend sa confession. Comme il demande à recevoir l’Extrême-Onction, le prêtre répond qu’elle lui sera donnée le lendemain avec le saint Viatique. Le malade réplique alors : « Monsieur le Curé, j’avais un grand-père fort pieux qui se sentant malade fit demander à son curé de venir l’administrer. C’était un jour de foire, et le curé fit répondre qu’il n’avait pas l’habitude de traverser le marché les jours de foire. Il ne vint pas et mon grand-père mourut ce jour-là sans sacrements. Monsieur le Curé, mieux vaut un quart d’heure trop tôt qu’une minute trop tard. »
Le péril de mort ne paraissant pas imminent, le prêtre ne modifia point son programme.
Le malade supportait ses souffrances sans aucune plainte. « Faites des invocations, faites des oraisons jaculatoires », dit-il à l’hôtesse dévouée qui l’assistait dans ces heures angoissantes. Et les pieuses invocations commencèrent. A la prière « que votre volonté soit faite », il répondit lentement, d’un ton ferme et d’une voix entrecoupée : « Mon Dieu… que votre volonté soit faite…aujourd’hui… et toujours. » Vers huit heures, des signes alarmants se manifestent, et le prêtre est appelé en toute hâte. Il administre l’Extrême-Onction, donne l’Indulgence plénière, et le malade expire pendant la récitation du Proficiscere, anima christiana… » Il était près de huit heures et demie.
Le lundi 25 avril, les obsèques furent pieusement célébrées dans l’église de Juan. Une courte allocution du chanoine Pomié retraça la carrière du modeste savant et du saint prêtre qui avait fait l’édification de la paroisse. Le lendemain, après une messe basse dite à l’église de Notre-Dame du Mont, le corps du défunt était déposé, suivant le désir qu’il en avait exprimé quelques jours avant sa mort, dans le caveau de famille du cimetière de Marseille, où reposent les restes de tant de nos confrères.
Avec le recul des années, l’œuvre de l’historien sera de plus en plus appréciée, mais dès aujourd’hui nous pouvons dire que la Société des Missions-Etrangères a perdu un de ses meilleurs ouvriers, une de ses gloires les plus pures, dans la personne d’Adrien Launay.
OUVRAGES PUBLIÉS PAR ADRIEN LAUNAY
1o Histoire générale
Histoire générale de la Société des Missions-Etrangères, 3 vol, in-8o, p IX-595, 594, 646. Paris. Téqui, 1894.
Documents historiques relatifs à la Société des Missions-Etrangères, 1 vol. gr. in-8o, pp. 585. Vannes. Impr. Lafolye, frères, s. d.
La Société des Missions-Etrangères, 1 vol. in-12, pp. 217. Vannes. Impr. Lafolye frères, 1916.
Le Séminaire des Missions-Etrangères pendant la Révolution. 1 vol. in-8o, pp. 109. Vannes. Lafolye, 1888.
La Salle des Martyrs du Séminaire des Missions-Etrangères. 1 vol. in-12, pp. 218. Paris. Téqui, 1900.
Lettres de Mgr Pallu, annotées par A. L. 2 vol. gr. in-8o, pp. 430, 430. Angoulême. Impr. Coquemard, 1904.
Mémorial de la Société des Missions-Etrangères :
1re partie : Etat de la Société ( 1658-1912). 1 vol. in-8o, pp. XIX-1015.
2e partie : Notices biographiques. 1 vol. in-8, pp, XXII-659.
Paris Séminaire des Missions-Etrangères. 1916, Vannes. Impr. Lafolye frères.
Nos missionnaires. Précédé d’une étude historique sur la Société des Missions-Etrangères. 1 vol. in-12, pp. 318. Paris. Reteaux-Bray, 1886.
Les Cinquante-Deux Serviteurs de Dieu, français, annamites, chinois, mis à mort pour la foi en Extrême-Orient de 1815 à 1856. 2 vol. in-8o, pp XII-354, 350. Paris. Téqui, 1893.
Les Trente-cinq vénérables Serviteurs de Dieu, français, annamites, chinois, mis à mort pour la foi en Extrême-Orient de 1815 à 1862. 1 vol. gr. in-8o, pp. XII-510. Paris, Lethielleux, 1907.
Missionnaires et Martyrs. 1 vol. in-8o, pp. 164. Lille. Taffin-Lefort, s. d.
Les Bienheureux de la Société des Missions-Etrangères et leurs compagnons. 1 vol. in-12, pp. XI-330. Paris. Téqui, 1900.
Au pays de Bouddha, biographies de missionnaires. 1 vol. in-8o, pp. 166. Lille. Taffin-Lefort, s. d.
Les Missions d’Extrême-Orient. 1 vol. in-8o, pp. 190. Tours. Mame, s. d.
Patriotes et martyrs en Chine et au Tonkin. 1 vol. in-8. Paris, Desclée, De Brouwer, s.d.
Collaboration à l’ouvrage publié sous la direction du P. Piolet : Les Missions catholiques françaises au XIXe siècle. 5 vol. in-4o. Paris. Armand Colin, 1905.
T.II. Chap. VII. Pondichéry, Maïssour, Coïmbatour, Kumbakonam. Chap. XII. La Birmanie. Chap. XIII. Siam et Laos. Chap. XIV. Presqu’île de Malacca. Chap. XV. L’Indochine française.
T. III. Chap. VII. Se-Tchouan, Kouy-Tcheou, Yun-nan, Kouang-si, Kouang-tong Chap. VIII. Le Thibet. Chap. IX. La Mandchourie. Chap. X. La Corée. Chap. XI. Le Japon.
2o Histoire particulière
JAPON.
Le Japon. 1 vol. in-8o, pp.201. Soc. S. Augustin, Desclée, De Brouwer, 1895.
CORÉE.
Les Missionnaires français en Corée. 1 vol. in-12, pp.250. Paris. Téqui, 1895.
La Corée et les missionnaires français. 1 vol gr. in-8o, pp. 568. Tours. Alfred Mame et fils, s. d.
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Lettres sur l’Inde, par Mgr Laouënan, publiées par A. L. 1 vol. in-8o, pp. XII-296. Paris. Victor Lecoffre, 1893.
3o Cartographie
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Missions catholiques dans l’Indo-Chine Francaise.
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Planisphère du Monde catholique.
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Octobre 1993
Mémorial LAUNAY Adrien page
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