Léon GIROD1854 - 1924
- Status : Prêtre
- Identifier : 1402
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1879 - 1886 (Hanoi)
- 1886 - 1924 (Hung Hoa)
Biography
Xavier, Léon GIROD naquit le 29 novembre 1854, à Poligny, diocèse de Saint-Claude, département du Jura.Il appartenait à une famille de cinq enfants. Ses études primaires terminées, ses parents l'envoyèrent au petit séminaire de Vaux, où il se montra brillant élève. Il se dirigea ensuite vers le grand séminaire de Lons-le-Saunier où il eût comme directeur spirituel M.Chève, auteur d'une Vie de M. P.-Fr Néron, prêtre de la Société des Missions Etrangères... décapité pour la foi au Tonkin". Il demanda à son dirigé d'en corriger les épreuves.
Après avoir reçu le diaconat le 6 janvier 1878, au séminaire diocésain, M.Girod entra au séminaire des Missions Etrangères le 1 février 1878. Ordonné prêtre le 21 septembre 1878, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Tonkin Occidental (Hanoï) qu'il partit rejoindre le 16 avril 1879.
Arrivé à Haiphong le 7 juin 1879, M. Girod gagna Hanoï en chaloupe, y parvint le 10 juin 1879, et trois jours après, était à Keso, centre de la Mission. Mgr. Puginier le garda auprès de lui pour l'étude de la langue viêtnamienne, et lui donna le nom de "Cô Bac", nom qu'avait porté St. P.Fr. Néron. En mai 1880, M.Girod fut envoyé à Kenon, chez M.Gélot pour l'aider à précher le jubilé; après quoi, il alla faire sa formation pastorale chez M.Cadro, qui avait cinquante cinq ans de mission et était chef du district de Kevinh. Evoquant plus tard, son stage chez M.Cadro, M. Girod écrira: "Alors, j'avais faim et soif ..de la justice, de la connaissance de la langue viêtnamienne, de l'esprit apostolique que je trouvais surabondamment,... et d'autres choses moins spirituelles que je ne trouvais pas du tout.." En mai 1881, il accompagna Mgr. Puginier en tournée de confirmation dans les dix paroisses de la province de Ninh-Binh. La visite pastorale terminée, M.Girod rentra à Kevinh où en 1882, il se trouva seul, M.Cadro gravement malade, ayant dû partir à Hong-Kong refaire sa santé.
. Après la prise de la citadelle de Nam-Dinh, le 27 mars 1883, M.Girod fut désigné pour administrer les paroisses de Nam-Dinh et remplir les fonctions d'aumônier de l'hôpital militaire. Il y arriva le 1 mai 1883 et occupa ce poste jusqu'en 1885. C'est là qu'il vécut en partie les toubles politiques, les persécutions, le massacre de M.Béchet et de chrétiens, l'attaque par deux fois de la Mission à Keso, les destructions de chrétientés par les Pavillons Noirs, évènements douloureux qui marquèrent ces années là. Au mois de juillet 1884, Mr. Puginier lui confia le district de But-Dong comprenant quatre paroisses, et le remplaça à Nam-Dinh par M. Bertaud. En octobre 1885, Mgr. Puginier l'appela à Hanoï pour remplacer M.Bertrand Idiart-Alhor, en tant qu'.aumônier de la prison et du grand hôpital militaire où étaient soignés plus de 700 malades
Mgr. Puginier ayant quelques inquiétudes au sujet des chrétientés de la Haute Région, décida d'y envoyer MM.Girod et Ambroise Robert. Le 6 août 1886, tous deux montèrent à Sontây chez M.Richard, puis ils fêtèrent l'assomption 1886, à BauNo, (Noluc) première paroisse de l'immense district de Xudoai, -le district Nord- où l'on estimait à 18.000 le nombre de chrétiens disséminés dans les provinces de Sontây, Hung-Hoa et Tuyên-Quang; quelques jours après, MM.Girod et A.Robert se rendirent à Ha-Tach et Ngoc-Thap pour y prêcher le jubilé. Là, ils apprirent l'enlèvement par les pirates du P.Tuyên, curé de Du-Bo, dont M.Girod obtint la libération le 17 mars 1887. Plus tard, il obtiendra aussi celle du P.Khanh, curé de Duc-Phong enlevé par des pirates. Les deux missionnaires visitèrent les chrétientés installées sur les bords du Fleuve Rouge, de la Rivière Noire, et la paroisse du Song-Chay. Toute la région avait cruellement souffert des incursions des Pavillons Jaunes, des Pavillons Noirs, et autres pirates qui infestaient le pays. Vers la fin de 1886, MM.Girod et Ambroise Robert rentrèrent à Keso pour la retraite annuelle.
En 1887, M. A.Robert ayant reçu une autre destination, M.Girod remonta seul dans la Haute Région. Il visita la chrétienté de Chieu-Ung, releva la chrétienté de Du-Bo. Dans ce pays troublé, M.Girod montra prudence, courage, confiance en Dieu. Mais sa présence et son influence indisposaient surtout les mandarins, et certain personnage administratif qui portèrent contre lui de graves accusations en vue de l'expulser, mais sans succès. En 1889, par trois fois, M.Girod faillit tomber entre les mains des rebelles. Le 23 mai 1891, alors qu'il faisait l'administration de la chrétienté de Hienquan, dans sa propre chambre, il reçut trois coups de feu à bout portant, mais seul son habit fut transpercé, son domestique fut assassiné sous ses yeux, deux catéchistes et six chrétiens furent tués. Un peu plus tard, le P. Khoan à Bau-No fut enlevé et décapité sur les bords de la Rivière Noire.
Son évêque demanda à M.Girod d'aller à Tuyên-Quang, pour y établir un poste de mission, mais sans succès; par un retard providentiel, le 30 avril 1892, il ne prit pas la chaloupe, échappant ainsi à un naufrage sur la Rivière Claire. En août 1893, la situation était devenu plus calme; Mgr.Gendreau accompagné de MM.Girod et Châtellier, pût faire la visite pastorale des chrétientés de Du-Bo et Yen-Tap situées sur les bords du Fleuve Rouge. Il demanda à M. Girod d'installer une résidence missionnaire à Yên-Bay, ville située à peu près à moitié route entre Hanoï et Lao-Kay. M.Lecornu; alors capitaine du génie, futur provicaire de la mission de Hanoï, en 1903, y bâtissait un poste militaire. M.Girod y édifia une chapelle dédiée à St. Michel; Puis, le 19 juin 1894, il monta à Lao-Kay pour quelques jours afin de se rendre compte des possibilités d'implantation missionnaire dans la région, puis rentra à Yên-Bay. En mars 1895, il installa M.Chotard à Tuyên-Quang.
Le 18 avril 1895, M. Ramond fut nommé évêque de Linoë et premier vicaire apostolique du Haut Tonkin, territoire détaché de la mission du Tonkin Occidental. Le siège de l'évêché fut fixé à Hung-Hoa. Le 8 septembre 1896, M.Girod laissant Yen-Bai entre les mains de M.Hue, prit la route de Lao-Kay. Eglise dédiée au Sacré-Coeur et résidence construites, contacts établis avec les divers groupes ethniques de la région, il rentra en France, et y séjourna de septembre 1897 à février 1899, pour refaire sa santé.
De retour dans sa mission, il fut désigné pour Yên-Bay. Il essaya, sans succès de fonder une station missionnaire dans la région de Nghia-Lo. Il revint pour quelques temps à Lao-Kay où il remplaça M.d'Abrigeon nommé à Ha-Giang, et où il acheva la construction de l'église dont il avait posé la première pierre avant de partir en France. Mais M.Girod avait découvert sur le Song-Chay, dans la préfecture de Yen-Binh, un endroit pour la fondation d'un centre missionnaire. Il en avait parlé à son évêque.
En décembre 1901, Mgr.Ramond acheta à un ancien sergent de tirailleurs, un terrain de 30 ha, en grande partie inculte, près du poste militaire de Phuyenbinh sur le Song Chay entre Yen-Bay et Tuyên-Quang, et le confia à M. Girod qui en fit une "concession de peuplement". Il y implanta une population venue du Delta tonkinois, mit en valeur les terres et y construisit, dès son arrivée, une résidence et une église convenables. Le 17 mars 1902, il écrivait:.." Phuyenbinh est un très joli pays où je suis en train de m'installer avec la bénédiction, mais pas les piastres, de Mgr.Ramond." Cette sous-préfecture de la province de Tuyên-Quang devint un centre administratif et commercial important.
Le 23 septembre 1903, M.Girod fêta ses noces d'argent sacerdotales, et à cette occasion, Mgr. Ramond bénit son église dédiée à St. Joseph. En 1907, il fut accusé par la presse anticléricale de vouloir supplanter l'autorité civile locale, en raison de certaines de ses interventions et activités. En 1907, il acheta une concession de 460 ha, à Lang-Kha, à cinq kms au dessus de Phuyenbinh et y installa des familles qu'il plaça sous la protection de N.D. de Lourdes. A Vat-Lam, il bâtit une église centrale, une résidence, et une école. Sept villages s'installèrent plus tard sur ce vaste domaine. L' église de Lang-Kha fut dédiée au Sacré-Coeur.
En décembre 1922, M.Girod reçut la visite de Mgr.Lécroart, Visiteur Apostolique en tournée au Tonkin. Monsieur le Résident Supérieur vint aussi se rendre compte sur place des résulats obtenus par le missionnaire.
Le 28 Juin 1924, M.Girod participa, avec son entrain habituel, à la fête de famille réunissant les missionnaires venus présenter leurs voeux de bonne fête à leur évêque, et leur fraternelle affection à M Vandaele pour ses noces d'argent sacerdotales. Il fut pris de malaises dans la nuit du 30 juin au premier juillet. Le docteur de Sontây appelé en consultation ne trouva rien d'inquiétant, et autorisa M.Girod à se rendre à la clinique St. Paul à Hanoï, où il arriva très fatigué le 7 juillet 1924. C'est là qu'il décéda, suite à une hémorragie cérébrale, le 9 juillet 1924 à 3h 20 du matin.
Ses funérailles, présidées par Mgr. Ramond, eurent lieu le 10 juillet 1924, en la cathédrale de Hanoï. M.Girod fut inhumé au cimetière de la Mission, auprès de M. Lecornu,son confrère et ami.
Obituary
M. GIROD
MISSIONNAIRE DU HAUT-TONKIN
M. GIROD (Xavier-Léon), né à Poligny (Saint-Claude-Jura), le 29 novembre 1854. Entré diacre au Séminaire des Missions-Étrangères le 1er février 1878. Prêtre le 21 septembre 1878. Parti pour le Tonkin Occidental le 16 avril 1879. Mort à Hanoï, le 9 juillet 1924.
Léon-Xavier Girod naquit à Poligny, diocèse de Saint-Claude ; ses parents étaient profondément chrétiens et cinq enfants furent la joie du foyer.
Dans cette belle famille, dont les membres restèrent toujours étroitement unis, François-Xavier puisa les premiers et plus beaux exemples de cette foi vive et de cette énergique droiture qui restèrent la note caractéristique de toute sa vie ; missionnaire, il conserva toujours un souvenir ému de sa première enfance et des enseignements de sa pieuse mère : les lettres régulièrement reçues et lues avec émotion lui montraient que, loin de l’affaiblir, la distance ne faisait qu’augmenter la sollicitude maternelle pour son enfant.
Quand vint le moment de songer aux études, les parents décidèrent d’envoyer Léon-Xavier au Petit Séminaire de Vaux. Il y fut un brillant élève et ses efforts pour dominer sa nature ardente et quelque peu aventureuse furent couronnés de succès ; ses camarades l’appelaient « le saint homme » et, malgré des provocations tentatrices et réitérées, ils ne le firent jamais parler en temps défendu. Il se rattrapait d’ailleurs en temps permis.
Du Petit Séminaire de Vaux où son jeune frère Stanislas était venu le rejoindre, Léon-Xavier, tempérament … « belliqueux », si j’ose dire, entra au Grand Séminaire de Lons-le-Saunier, tandis que le « pacifique » Stanislas devait plus tard entrer en Polytechnique pour en sortir artilleur.
Au Grand Séminaire, l’abbé Girod trouva auprès d’un saint prêtre, l’abbé Chère, la sage direction et les conseils éclairés dont son âme ardente et délicate avait besoin. A cette époque, l’abbé Chère mettait la dernière main à l’impression de sa « Vie de M. P.-Fr.Néron, prêtre de la Société des Missions-Étrangères… décapité pour la Foi au Tonkin » ; il confia à l’abbé Girod, son dirigé, la correction des épreuves … Un beau jour, son aide bénévole lui déclara qu’il demandait au martyr du Tonkin de lui obtenir la grâce de lui succéder un jour dans les postes qu’il avait arrosés de ses sueurs et de son sang.
Le directeur étudia cette vocation ; la mère accepta pieusement et généreusement le sacrifice de son enfant et celui-ci entra, étant déjà diacre, au Séminaire de la rue du Bac, le 1er février 1878. Le vénéré M. Lesserteur, ancien missionnaire du Tonkin, succéda à l’abbé Chère dans la direction de cette âme généreuse et lui communiqua tous les élans de son zèle ardent. Le missionnaire conservera toute sa vie une affection profonde pour ces deux premiers tuteurs de sa vocation et il les tiendra toujours au courant de ses travaux, de ses joies et de ses épreuves.
Le 16 avril 1879, douze jeunes missionnaires partaient pour l’Extrême-Orient ; deux d’entre eux étaient destinés à la Mission du Tonkin Occidental ; c’étaient MM. Girod et Rigouin.
Après une heureuse traversée, notre confrère arrivait à Hanoï le 10 juin suivant. Peu de jours après, il était à Keso, centre de la Mission, aux pieds de son évêque, Mgr Puginier. De ce premier accueil, il devait écrire plus tard : « Avec son franc-parler et sa paternelle bonté, Mgr Puginier n’eut pas de peine à s’emparer de mon esprit et de mon cœur ».
Mgr Puginier garda le nouveau missionnaire près de lui pour l’étude de la langue et lui donna, selon la coutume, un nom annamite ; ce fut celui qu’avait reçu le Bienheureux Néron lui-même : « Co Bac », c’est-à-dire le « Père Le Nord ». Au bout de quelques mois, déjà capable de faire les premiers pas dans la vie active de missionnaire, M. Girod fut envoyé au district voisin de Kenon pour aider M. Gélot, vieux missionnaire, à prêcher le jubilé (mai 1880). M. Gélot fut pour lui, selon son expression « le plus paternel et le plus aimable des mentors ». Il ne fit que passer à Kenon, car c’est à M. Cadro, vieillard toujours solide au poste, malgré ses soixante-dix-neuf ans d’âge et cinquante-cinq années de Mission, qu’était réservé le soin de former le nouveau missionnaire à la vie apostolique. Ils parcoururent ensemble tout le vaste district de Kevinh, donnant la mission dans toutes les chrétientés. En mai 1881, M. Girod accompagna Mgr Puginier de Ninh Binh ; ce fut pour lui l’occasion de voir, d’entendre et de retenir, choses qui sont comme les éléments de l’expérience.
Survinrent alors les événements politiques qui ouvrirent pour les Missions d’Annam et du Tonkin une ère si douloureuse. Le 2 avril 1882, arrivée du commandant Rivière à Hanoï avec trois cents hommes d’infanterie de marine : les mandarins biaisent ; la parole est donnée au canon et le 25 avril Hanoï est pris. Dès lors, dans le monde païen, les haines s’accumulent et grondent contre les missionnaires et leurs chrétiens. Pendant ce temps, M. Girod, qui a pris la direction du district en l’absence de M. Cadro malade à Hongkong, visite toutes ses paroisses ; c’est le coup d’œil vigilant du bon pasteur sur ses brebis, aux premiers grondements de l’orage. Après la prise de la citadelle de Nam Dinh, le 25 mars 1883, notre confrère fut désigné pour administrer les paroisses de Namdinh et remplir les fonctions d’aumônier de l’hôpital militaire. Il occupa ce poste jusqu’en 1885. C’est là qu’il apprit, on devine avec quelle angoisse, la mort du Commandant Rivière, le martyre du P. Béchet qui venait à sa rencontre à Namdinh, le guet-apens de Hué, les massacres des missionnaires d’Annam et du Laos et des milliers de chrétiens.
En 1885, Mgr Puginier appela M. Girod à Hanoï encore comme aumônier de l’hôpital militaire où étaient soignés plus de sept cents malades. Là comme partout, son dévouement n’eut pas de limites ; le travail ne manquait pas ; malades et blessés affluaient, venant des colonnes qui bataillaient vers Langson, Tuyenquang, etc.
Après un an passé à l’hôpital de Hanoï, il fut chargé de l’immense district de Xadoai qui forme aujourd’hui les trois quarts de la nouvelle Mission du Haut-Tonkin. Il s’était vu avec joie adjoindre un confrère dont il connaissait le zèle, la haute valeur et la vive piété. Tous deux, le 6 août 1886, montaient à Sontay pour de là se rendre à Noluc, première paroisse qu’ils devaient rencontrer dans leur nouveau district. Ils y arrivèrent pour fêter l’Assomption et demandèrent à la bonne Mère de protéger leurs travaux. Ils reçurent là la triste nouvelle de l’enlèvement par les pirates du curé de Dubo.
A Lons-le-Saunier, quand il demandait à Dieu la succession du Bienheureux Néron, notre confrère « avait mis, disait-il, le doigt et le cap sur Yentap ». Il n’y était pas encore, mais il était sur le chemin et s’en rapprochait peu à peu. Les deux missionnaires commencèrent la visite des chrétientés ; c’était le temps du jubilé et le travail ne manquait pas ; ils se partagèrent la besogne et se rencontraient de temps en temps, quand la distance et la sécurité des chemins le permettaient, car les bandes rebelles sillonnaient le pays Monseigneur leur avait recommandé la prudence et leur avait interdit l’accès des paroisses de Yentap et de Dubo où les prêtres indigènes pouvaient plus facilement circuler.
Pendant neuf ans, M. Girod parcourut, sans arrêt pourrait-on dire, ce vaste district, visitant les vieilles chrétientés, en créant de nouvelles, passant à l’occasion dans les postes militaires où plus d’une fois il trouva des malades en danger de mort, et où toujours son arrivée était une fête pour la petite garnison. Il eut plus d’un démêlé avec les rebelles dont la haine était attisée par l’influence qu’il avait sur les chrétiens et les obstacles qu’il opposait à leurs odieux exploits. Il leur avait arraché des mains le curé de Dubo, grâce à la bravoure des chrétiens de Chieu Ung qui surprirent leur bande. Le missionnaire avait pris pour lui la devise de son évêque : « Scio cui credidi » ; il veillait, tout en continuant ses courses, entre la Rivière Noire et la Rivière Claire, pour assurer aux chrétiens la réception des sacrements. Dans une de ces visites il faillit rester au nombre des victimes des pirates qui avaient mission de le tuer.
Pendant plusieurs années, la Haute Région fut le théâtre de luttes, de pillages et de massacres continuels ; il n’était pas de jour où la clarté de l’incendie ne rougît l’horizon. Comme le saint homme Job, le missionnaire apprenait à chaque instant quelque nouveau malheur : l’enlèvement d’un curé, le massacre d’un autre, le pillage ou l’incendie d’une cure ou d’une chrétienté. De temps en temps il revenait à Sontay « se radouber physiquement et moralement » disait-il.
Une fois cependant ce ravitaillement physique et moral de Sontay ne put suffire ; l’épreuve avait été trop dure. Le Père donnait la mission dans la chrétienté de Hienquan, 23 mai 1891 ; il venait de confesser, le soir, quand les pirates surgirent tout à coup, entourant l’église où l’on récitait les prières et la maison du Père ; des coups de fusil tuèrent six chrétiens et en blessèrent nombre d’autres ; chez le Père, les assassins tuèrent le domestique sous ses yeux, tirèrent sur M. Girod à bout portant sans l’atteindre, puis tuèrent deux catéchistes. M. Girod put se sauver. C’est alors qu’il éprouva un immense besoin de réconfort et de consolations ; il alla les chercher auprès de son évêque.
Un autre péril auquel il échappa nous dévoile la puissance mystérieuse qui veillait sur lui et le protégeait. Le 20 avril 1892, qu’on retienne cette date, M. Girod devait monter en chaloupe à Tuyenquang ; mais ayant à confesser quelques enfants retardataires de la chrétienté de Vandu il laissa partir la chaloupe, « le Laokay » qui devait l’emmener. Le soir venu, vers huit heures, cette même chaloupe, ayant touché un rocher, sombre dans un gouffre de la Rivière Claire et presque tous ceux qui sont à bord sont noyés … Pendant ce même temps, à Vandu, le missionnaire ayant fini son travail, lisait une lettre de sa pieuse mère lui disant que, le 20 avril ( ! ) anniversaire de son départ de France, elle communierait et prierait pour lui ! … Quelques jours après, à Tuyenquan, où il avait mission de fonder un nouveau poste, M. Girod apprit la mort de Mgr Puginier, son évêque, qu’il aimait comme un père Il eut la douleur de ne pouvoir se rendre aux obsèques.
La fondation du nouveau poste une fois en train, il laissa à M. Chotard le soin de parfaire l’œuvre et il reprit le chemin de la brousse. La création du poste militaire de Yen Bai dont le P. Lecornu, alors capitaine de génie, construisit le fort, amena M. Girod à établir là aussi un centre autour duquel il rayonnerait, tout en remplissant les fonctions d’aumônier volontaire. Il y construisit sa première église dédiée à saint Michel et, plus tard une maison convenable. Il fut aidé pour tous ces travaux par les officiers et les soldats dont il avait vite conquis le cœur.
Lorsque Yen Bai fut pourvu du nécessaire, notre confrère songea que Laokai, sur la frontière du Tonkin pouvait avoir une certaine importance au point de vue de l’évangélisation. Il fit le voyage et eut le bonheur de s’y trouver juste à point pour procurer les secours religieux à quelques malades gravement atteints. Là, comme partout, il n’eut que des amis et il pouvait bientôt compter sur le concours de tous.
Peu à peu le calme s’établissait dans la haute région où les bandes rebelles et pirates avaient fini par être traquées, anéanties ou amenées à se soumettre. C’est alors que fut décidée la division de la Mission du Tonkin Occidental et la création de la Mission du Haut-Tonkin dont le premier évêque est Mgr Ramond. Le projet de fondation du poste de Laokai ayant été approuvé par son nouvel évêque, M. Girod laissa à Yen Bai M. Hue, nouveau titulaire, et reprit la route de Laokai, le 8 septembre 1896, riche surtout et presque uniquement de recommandations et d’encouragements paternels. Il se mit aussitôt à l’œuvre ; il publia une brochure « Dix ans de Haut-Tonkin » pour se procurer quelques ressources, et Dieu aidant, ses nombreux amis aussi, il put construire une maison et surtout une jolie église, sa deuxième, dédiée au Sacré-Cœur.
Il aurait pu jouir enfin dans ce nouveau poste du calme et du repos bien mérités après une existence si mouvementée ; mais tant de courses, de fatigues et d’émotions avaient atteint gravement sa forte constitution ; un voyage en France fut jugé nécessaire ( 1898 ). Il eut le bonheur d’y retrouver sa bonne et vénérable mère et tous les membres de sa famille. Il y passa dix-huit mois et reprit la route du Tonkin.
Il fut désigné pour Yen Bai et y retourna avec plaisir ; il y jouit de la petite église qu’il avait bâtie et construisit une maison plus confortable. L’apôtre se mit à rêver de nouvelles conquêtes : Au marché de la ville venaient les montagnards des différentes tribus qui peuplent la lointaine région de Nghia Lo. Ne pourrait-on pas tenter de les gagner à l’Evangile ? Approuvé par son évêque, Mgr Ramond, il s’ouvrit de son projet au Colonel de Beylié, commandant du territoire, qui l’avait en haute estime ; celui-ci l’encouragea et lui donna le poste militaire de Tulê que l’on abandonnait. Mais l’administration fit échouer cette entreprise : l’union du Sabre et du Goupillon était trop redoutée à cette époque. ( Plus tard, les missionnaires s’installèrent à Nghia Lo ) Rebuté de ce côté, M. Girod se souvint que, dans la vallée du Song chai, il avait jadis planté quelques jalons pour la fondation possible de nouvelles chrétientés ; il y revint plusieurs fois, et ses prévisions de jadis devinrent un désir dont la réalisation pour n’être pas immédiate n’en fut pas moins voulue et préparée.
En décembre 1901, une occasion favorable s’offrir ; Mgr Ramond acheta un terrain près du poste militaire de Phuyenbinh et chargea M. Girod d’y établir une résidence, autour de laquelle se grouperaient des familles chrétiennes venant du Delta, où la population trop dense se trouve à l’étroit, et auxquelles viendraient s’adjoindre des catéchumènes et néophytes de la région. Tout était à faire ; partout ce n’était que la brousse ; le missionnaire se mit aussitôt à l’œuvre, y consacrant tout le temps que lui laissaient la direction de la paroisse de Songchai et la visite des chrétientés. Et bientôt, à côté d’une maison annamite commodément distribuée, s’élevait une église aujourd’hui trop petite pour les nombreux chrétiens qui sont groupés autour. Leur nombre grossissant, le missionnaire, encouragé par le succès se mit à la recherche d’autres terres ; il en trouva ; Monseigneur en autorisa l’acquisition et là, à cinq kilomètres au-dessus de Phuyenbinh, le même travail recommença avec le même succès. Les difficultés furent grandes, mais sa ténacité en vint à bout, et bientôt il élevait là encore en l’honneur de Notre-Dame de Lourdes une belle et grande église devenue déjà trop petite ; une autre église s’élevait encore quelques années plus tard, sous le vocable du Sacré-Cœur de Jésus. Cinq villages sont installés sur cette concession, qui réalisent bien le double but que se proposait notre confrère : la création d’un centre bien chrétien dans cette région toute païenne et le repeuplement de ces pays abandonnés, depuis les luttes entre les Pavillons Noirs et les Pavillons jaunes. L’administration s’intéressant à cet essai de repeuplement, le Résident Supérieur tint à venir se rendre compte par lui-même et encouragea le missionnaire à continuer une entreprise qui, en vingt ans, avait donné de si beaux résultats.
Mais quelques mois plus tard, Dieu accordait la retraite à son bon serviteur. Le 28 juin 1924, tous les confrères réunis à Hunghoa pour la fête de Mgr Ramond voyaient arriver leur cher doyen plus que jamais plein de santé et d’entrain ; grâce à lui, dont le cœur était toujours jeune, la réunion avait un regain de gaîté. Nous étions loin de nous douter que ses jours étaient comptés.
Le matin du 31, il appelait l’un de nous pour lui dire qu’étant indisposé, il ne célébrerait pas la messe. Nous croyions à une indisposition passagère ; cependant le malaise persistant, le docteur de Sontay fut prié de venir ; il ne trouva rien d’inquiétant. Il autorisa le Père, qui en avait fait la demande, à descendre à la clinique Saint-Paul, à Hanoï, pour bien se reposer et se remettre complètement.
Le lundi 7 juillet il entreprit le voyage, accompagné par deux confrères. Le trajet en chemin de fer fut pénible et le malade arriva à la clinique très fatigué. Vers neuf heures du soir, les deux confrères qui l’avaient accompagné furent appelés par les Sœurs Saint-Paul qui, pour être tranquillisées, désiraient voir le malade recevoir les derniers sacrements ; la persistance d’un hoquet les inquiétait.
Notre confrère accepta avec joie l’offre qui lui fut faite de se préparer pour son éventuel dernier voyage et peu après il recevait le Saint Viatique et l’Extrême-Onction, pieusement et entièrement soumis à la Volonté de Dieu. Le lendemain matin un mieux très sensible se manifesta ; le malade était souriant et le Sœurs, le docteur, les confrères de la Mission voyaient se dissiper toute inquiétude.
A deux heures de l’après-midi le téléphone appelait auprès du malade les deux confrères qui l’avaient accompagné à Hanoï. Une hémorragie célébrale venait de se produire et M. Girod était à l’agonie. Le docteur venu en hâte fit une saignée mais inutilement ; le mal était sans remède. Après une assez longue lutte de sa forte constitution contre les dernières étreintes de la mort, Léon-Xavier Girod rendait à Dieu sa belle âme, chargée des mérites de quarante-cinq ans d’un rude apostolat.
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References
[1402] GIROD Xavier (1854-1924)
Bibliographie :
Girod Léon-Xavier Dix ans de Haut-Tonkin (brochure)
GIROD Xavier
(1854-1924)
[1402] GIROD Xavier, Léon.
Références biographiques
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Mémorial GIROD Xavier, Léon page 4
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