Henri PIANET1852 - 1915
- Status : Prêtre
- Identifier : 1530
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Biography
Jules, Henri, Victor PIANET naquit le 25 août 1852, à Domblans, diocèse de St. Claude, département du Jura. Son père était instituteur. Jules-Henri devint orphelin de bonne heure. Recueilli par une bienfaitrice, il fut admis à la maitrise de Chartres, et acheva ses humanités au petit séminaire de Saint-Chéron, puis parcourut le cycle des études écclésiastiques au grand séminaire de Chartres. Incardiné à ce diocèse, il fut ordonné prêtre le 10 juin 1876, et nommé desservant dans une modeste et indifférente paroisse de la Beauce. En 1878, son évêque le rappela comme professeur au petit séminaire de Saint Chéron.
En 1879; l'entrée d'un ami au séminaire des Missions Etrangères fut pour M.Pianet une révélation de sa vocation. Le 17 septembre 1881, il se présenta, à son tour à la porte de ce même séminaire. Il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Cambodge qu'il partit rejoindre le 2 août 1882.
A son arrivée en mission, Mgr.Cordier l'envoya à Banam, chez M.Combes, chef de ce district, pour y étudier la langue viêtnamienne, et faire sa formation missionnaire. En août 1883, il baptisa à An-Nhon, les 70 premiers catéchumènes. En septembre 1883, M. Pianet fut mis à la tête de la chrétienté de Vinh-Loi (Xoai-Doi), fondée par M. Combes vers 1880, puis vers la fin de cette même année, il eût la charge de tout ce district. En 1884, il fonda la chrétienté de Loeuk-dek. L'insurrection de janvier 1885, le massacre de M.Guyomard, à Soai-Riêng, le 30 janvier 1885, l'incendie de la chrétienté de Kompong-Trabec l'obligèrent à se replier à Banam, où il organisa la défense de cette chrétienté. Les rebelles, écrit-il, nous croyant mieux armés que nous ne l'étions, disparurent bientôt, après avoir brûlé une vingtaine de maisons vides, situées en dehors de nos retranchements. Les païens, de leur côté, jugeant l'occasion favorable pour assouvir leur haine contre notre sainte religion, détruisirent mes quatre chrétientés du grand fleuve". Le calme revenu, M. Pianet regagna Vinh-Loi, releva les ruines de ce poste et des centres chrétiens voisins. et développa la chrétienté d'An-Nhon.
En 1886, M.Pianet prit la direction du district de Banam qu'il conserva une trentaine d'années. Aussitôt, il posa les assises d'une nouvelle église qu'il dédia à "la Vierge qui doit enfanter" de N.D. de Chartres, car il avait intéressé de nombreux prêtres et fidèles de ce diocèse de France à cette construction. Devenu ainsi l'architecte attitré de la mission, il construisit les églises de Sadec, de Soctrang, de Cantho, de Battambang, de Phnompenh et de Xom-Biên.
.En 1890, ce district formé de neuf chrétientés comptait 2.766 chrétiens. Il créa des centres chrétiens à Ba-Ngu, à Can-Chap vers 1889-90; vers 1896 il fonda deux petites stations sur les rives du petit fleuve Song-Bé, se proposant d'y amener le trop-plein de Banam et les confia à un prêtre viêtnamien. En 1900, il fonda une chrétienté à Ksach-sar. Malgré une santé délicate, il entreprit en barque et à pied, plusieurs voyages d'exploration dans la province de Prey-Veng, dont il dressa une carte très détaillée.
Dès son arrivée à BaNam, M. Pianet avait souvent fait appel à quelques chrétiens de bonne volonté et bien instruits pour former les catéchumènes. A la fin de 1904, Mgr. Bouchut lui demanda de fonder l'école des catéchistes de la mission. Celle-ci, bâtie à côté de l'église, s'ouvrit à Banam, en 1906, avec une quinzaine d'élèves. En 1908, Mgr. Bouchut notait dans son compte-rendu: "M. Pianet continue à être content du travail et du bon esprit de l'école de catéchistes. Dans quelques semaines, douze élèves quitteront Banam pour aller enseigner dans les paroisses. Ce seront les prémices de l'école. Quel sera leur succès? Le cher M. Pianet a toutes les anxiétés de la paternité. Pour ma part, j'augure bien de l'enseignement qu'ils ont reçu."
Tout heureux d'être leur "instituteur", M. Pianet apporta tous ses soins à la formation spirituelle, morale et intellectuelle de ses élèves. Doué de grands talents pédagogiques, il sut adapter et leur faire goûter son enseignement, et il s'attacha leur confiance. Il établit, dans ses grandes lignes, un règlement pour son école, puis en 1914, fit imprimer un "Directoire des Catéchistes-Institueurs" Il composa aussi une "Histoire de la Mission du Cambodge 1552-1852".
Jusqu'en 1912, avec l'aide d'un jeune missionnaire et d'un prêtre viêtnamien, M. Pianet, malgré ses infirmités, mena de front la direction de son district, et celle de l'école des catéchistes Depuis 1892, seize jeunes missionnaires furent envoyés chez lui pour l'étude de la langue viêtnamienne, et faire leur formation apostolique.
M. Pianet eût à souffrir, pendant une certaine période, de l'hostilité et de la conduite indigne de certains fonctionnaires français à son égard et envers ses néophytes. Mais il sût affermir dans la foi ses chrétiens au milieu de nombreuses tracasseries. Il donna le meilleur de lui-même à l'oeuvre des Catéchistes-Instituteurs.
Le vendredi 15 janvier 1915, à l'issue de la retraite annuelle des catéchistes, M. Pianet, déjà fatigué, demanda à recevoir le sacrement des malades Le matin, assis sur son pliant, il reçut la visite de MM.Bernard et Ménnetrier; il donna ensuite les destinations aux catéchistes qui allaient partir en paroisse, et écrivit quelques courtes lettres aux missionnaires qui allaient les accueillir. En début d'après midi, il s'allongea sur son lit. A la tombée de la nuit, il reçut, pleinement conscient, les derniers sacrements en présence de ses élèves et des catéchistes. A 9 h. du soir, il expira, sans agonie, assisté par MM. Bernard et Mennetrier.
Une salle de l'école fut transformé en chapelle ardente. Ses obsèques eurent lieu à Banam le lundi 18 janvier 1915; M.Herrgott, provicaire de la mission, les présida. Les restes mortels de M. Pianet furent déposés dans le caveau préparé par lui, au centre de l'église de Banam qu'il avait dédiée à la "Virgini Pariturae.
Novembre 1996
Obituary
M. PIANET
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU CAMBODGE
Né le 25 août 1852
Parti le 2 août 1882
Mort le 15 janvier 1915
Henri-Jules Pianet naquit à Domblans (Saint-Claude, Jura), le 25 août 1852. Si l’on veut rechercher, dès son âge, l’origine des apti¬tudes intellectuelles et des qualités morales qui devaient le faire remar¬quer au cours de son apostolat de près de 33 années, on la trouvera tout d’abord dans la vertu même de ses parents. Son père, M. Jean-Louis Pianet, était instituteur, et joignait à un remarquable talent pour l’instruction de la jeunesse la passion de faire le bien, qui était chez lui comme un besoin de nature. Sa mère, ancienne sous-maîtresse dans un pensionnat de Dijon, appartenait elle-même à une famille foncièrement chrétienne.
Orphelin dès l’enfance, Henri fit de bonne heure 1’apprentissage de la souffrance, qui devait être le cachet spécial de sa vie apostolique. Nature délicate, innocente, affectueuse, naïve même ; Henri, encore tout jeune homme, se montrait déjà consciencieux, presque timide ; non qu’il manquât de courage, mais, comme ceux qui ont beaucoup souffert, par crainte de ne pas faire assez bien et de causer quelque souci aux autres. Recueilli par une bienfaitrice généreuse et dévouée, Henri fut admis, grâce à elle, à la maîtrise de Chartres, où il vécut en paix plusieurs années, à l’ombre du vieux sanctuaire de Notre-Dame, pour lequel il eut toute sa vie un culte de prédilection. C’est là que se développa dans son cœur cette dévotion toute filiale à Marie, dont il fit preuye jusqu’à sa mort. De la maîtrise, il alla achever ses humanités au petit séminaire de Saint-Chéron, qui comptait parmi ses anciens élèves le cardinal Pie, évêque de Poitiers. « Là, dit un de ses anciens maîtres, il se fit estimer et aimer « de tous ; et, chose plus difficile, il réussit, sans porter ombrage. »
Ordonné prêtre en 1876, il fut d’abord placé comme desservant dans une modeste paroisse de la Beauce, où la foi avait beaucoup diminué et où la pratique religieuse était devenue très rare. Le jeune prêtre souffrit beaucoup de l’indifférence presque complète de ses paroissiens qui le laissaient trop souvent seul aussi bien à l’église qu’au presbytère. L’évêque de Chartres connaissant ses aptitudes pour l’enseignement, le rappela, en 1878 comme professeur au petit séminaire de Saint-Chéron, où toujours appliqué à bien faire, à rendre service et à ne pas tenir de place, il fut tout à la fois un bon confrère pour les professeurs et un maître édifiant pour les élèves.
Sur ces entrefaites, l’entrée d’un ami au Séminaire des Missions¬-Etrangères, en 1879, fut pour M. Pianet comme une révélation de sa vraie vocation. Jusque-là, il ne paraissait pas songer aux missions et il n’en avait parlé à personne ; mais, à partir de ce jour, sa résolution fut prise et, deux ans après, il entrait à son tour à la rue du Bac, d’où, le 2 août 1882, il partait pour le Cambodge. Ceux qui l’ont entendu, le jour où il reçut. sa destination, n’ont pas oublié la façon naïve dont il exprimait sa surprise et sa joie. « Au Cambodge ! Oui, Monsieur, au Cambodge ! » Et il ne se lassait pas de répéter : « Je vais au cam¬bodge ! » A propos de choses en elles-mêmes très simples, il avait sou¬vent l’air de faire une découverte ; mais, cette fois, il venait de faire la plus belle découverte de sa vie. Il avait trouvé « sa voie », celle qu’il devait suivie jusqu’à la fin, et avec quelle fidélité !
A son arrivée en mission, il fut placé à Ba-Nam, près de M. Combes, pour y étudier la langue annamite. En septembre 1883, il était déjà à Vinh Loi, essayant de voler de ses propres ailes ; mais il ne fut chargé officiellement du soin de ce district qu’à la fin de la même année. On devine aisément avec quelle ardeur et quel zèle il s’occupa dès lors de ses chrétiens. Ses marches et ses chevauchées apostoliques ne cessaient point : il était infatigable. Faisant allusion à sa santé, qui était encore bonne à cette époque, il disait plus tard : « C’était le bon temps ; je ne craignais rien. »
L’insurrection, qui eut lieu en janvier 1885, vint troubler son bonheur jusque-là sans mélange. Des bandes de rebelles parcouraient le pays, pillant et ravageant tout sur leur passage, mais s’attaquant principalement aux villages chrétiens. Après le massacre de M. Guyomard à Soai Rieng et l’incendie de la chrétienté de Kompong Trabec, M. Pianet crut bon de se replier sur Ba-Nam où il organisa la résistance : « En quelques heures, écrivait-il, un « camp retranché était improvisé à l’entrée du village et, le lendemain, nous étions attaqués « par une bande de 300 Cambodgiens. Nous avions pour nous défendre 25 fusils avec « quelques canons de vieux modèle, qui, en réalité, ne pouvaient nous servir à grand’chose, « car il n’y avait qu’une charge de poudre pour chaque pièce. Mais ce furent les apparences « qui, après Dieu, nous sau¬vèrent. Les rebelles, nous croyant mieux armés que nous ne « l’étions, disparurent bientôt, après avoir brûlé une vingtaine de maisons vides, situées en « dehors de nos retranchements. Les païens, de leur côté, jugeant l’occasion favorable pour « assouvir leur haine contre notre sainte religion, détruisirent mes quatre chrétientés du grand « fleuve. »
Dès que le calme fut rétabli, M. Pianet retourne à Vinh Loi, releva les ruines de ce poste et des postes voisins, et obtint de nombreuses conversions. Il contribua aussi beaucoup à développer la chrétienté d’An¬ Nhon. En 1886, il prenait la direction du district de Ba-Nam qu’il devait conserver près de 30 ans. Le champ était vaste, et le missionnaire pou¬vait y donner libre cours à l’ardeur de son zèle, mais les épreuves allaient commencer pour lui. Une maladie assez mal définie, qui ne lui laissait de repos qu’à de rares intervalles, s’était déclarée pendant son séjour à An-Nhon, où il habitait une paillote humide. Toutefois, les souffrances physiques qu’elle lui occasionna dans la suite à Ba-Nam, lui parurent beaucoup moins pénibles que les amertumes qu’il éprouva du fait de l’hostilité et de la conduite indigne de certains fonctionnaires français à son égard et à l’égard de ses néophytes. Mais les avanies qu’il eut à subir dans ces douloureuses conjonctures n’arrêtèrent pas le zèle de notre courageux confrère ; il n’en fut pas même intimidé. La chrétienté de Ba-¬Nam prit un nouvel essor sous sa vigoureuse impulsion ; l’étude de la doctrine y était en honneur et le degré supérieur d’instruction qui résulta de cette étude approfondie, contribua puissamment à affermir les néophytes dans la foi, au milieu des persécutions et des tracasseries dont ils furent trop souvent l’objet,
M. Pianet restait toujours de cœur « clerc de Notre-Dame de Char¬tres ». En 1888, il posait à Ba-Nam les premières assises d’une belle église qu’il Lui dédia et à la construction de laquelle il intéressa les nombreux prêtres, amis et bienfaiteurs qu’il connaissait en France, sur¬tout à Chartres. L’élégante harmonie de l’ensemble et le fini des détails de cet édifice de style gothique révélèrent à tout le monde le talent d’ar¬chitecte du curé de Ba-Nam, sa sûreté de coup d’œil et son goût impec¬cable d’artiste, que tant de confrères, même des missions voisines, mirent ensuite à contribution. Le vif désir qu’avait M. Pianet de promou¬voir la gloire du vrai Dieu, dans un pays païen comme le Cambodge où pullulent les pagodes dorées, et son empressement à rendre service à tous firent de lui comme l’architecte attitré de la mission. En effet, nous lui devons, pour ne citer que les principales, les églises de Sadec, de Soctrang, de Cantho, en Cochinchine ; celles de Battambang, de Phnom-penh et de Xom-bien, au Cambodge.
L’église de Notre-Dame de Chartres était à peine achevée à Ba-Nam, qu’un mouvement de conversions se dessinait à nouveau dans le dis¬trict : « Vous souvient-il, écrit M. Pianet à un « ami de France, qu’au début de l’entreprise, je priai « la Vierge qui doit enfanter » de donner « ici de nombreux frères à son fils premier-né ? Or, dans le dernier compte rendu, j’ai pu « inscrire 189 baptêmes de païens... L’action de Notre-Dame de Chartres est donc évidente. » Quelques années après, il organisait, sur les bords d’un fleuve de l’intérieur deux petites sta¬tions, où il se proposait d’amener le trop-plein de Ba-Nam ; et, en 1900, il jetait les fondations d’une troisième, au pied de la montagne de Baphnôm.
M. Pianet qui, à plusieurs reprises, avait été condamné par les médecins, travaillait, on le voit, avec un courage et une persévérance au-des¬sus de tout éloge. Pendant les quelques mois de répit que lui laissait sa madadie, il osa même entreprendre, en barque et à pied, plusieurs voyages d’exploration dans la province de Prey Veng, dont il dressa une carte très détaillée, qui fut gardée longtemps, et pour cause, à la Résidence de France. Un jeune missionnaire, qui l’accompagnait au cours d’une de ses expéditions dans le Haut Song-be, raconte ce qui suit : « Nous devions partir en barque vers 6 heures du matin, mais le Père ayant passé une fort « mauvaise nuit, je pensais voir le voyage remis aux calendes grecques. Quel ne fut pas mon « étonnement de l’entendre donner l’ordre du départ pour 10 heures. Un peu après midi, « lorsque nous venions de dépasser le marché de Bamé, le Père descendit à terre, une feuille « de papier et un crayon à la main, afin de noter avec plus d’exactitude les détails « topographiques du pays que nous traversions. Il fit de même les jours suivants, ne remontant « en barque que pour faire ses exercices de piété avec la régularité d’un séminariste, prendre « ses repas, et passer la nuit. En moins d’une semaine, il fit ainsi près de 150 kilomètres à pied « et visita toutes les stations chrétiennes qui se rencontraient sur sa route, depuis Ba-Nam « jusqu’à Peam-Phka-Merech.
Les seize jeunes missionnaires qui, depuis 1892, furent envoyés apprendre la langue à Ba-Nam et y faire leurs premières armes, pourraient raconter des faits qui, pour être d’un autre genre, prouveraient de quelle énergie était doué ce missionnaire, presque toujours souffrant mais toujours préoccupé du salut des âmes. Aussi Dieu seul sait l’heureuse influence qu’exercèrent sur les nouveaux confrères, venus des quatre coins de la France, les exemples et les vertus de ce vétéran de l’apostolat, qu’un autre vétéran appelait à juste titre « le missionnaire des épreuves et de la souffrance ». Que de fois, plus tard, au cours des étapes de leur vie en district, vie de contradictions et de luttes, les missionnaires, formés à Ba-Nam, vinrent chercher près de leur vieil ami le repos, les encouragements, les conseils, dont ils avaient besoin !
A la fin de 1904, M. Pianet fut choisi par Mgr Bouchut pour fonder l’école des catéchistes de la mission. Le choix ne pouvait être plus heureux, puisqu’il cadrait à la fois avec le goût très prononcé de notre confrère pour l’éducation de la jeunesse, et son goût pour les constructions. En peu de temps, M. Pianet fit élever le bâtiment solide et élégant qu’on aperçoit du fleuve, près de la flèche gothique qui semble le couvrir de son ombre. C’est là que vinrent s’abriter d’abord une quinzaine, puis, l’année suivante , une trentaine d’élèves, qui faisaient la joie de leur maître si aimant et si dévoué. Tout était à installer d’abord, à organiser ensuite, dans l’œuvre à son début. Notre confrère fit preuve alors de cette intelligence, de cette bonté d’âme et de cette volonté de fer qui étaient ses qualités maîtresses. Il triompha de difficultés qui, pour d’autres, eussent été insurmontables. Après avoir prié et consulté, il traça le règlement de l’école dans ses grandes lignes. Plus tard, après la période des essais, ce règlement fut complété par le « Directoire des Catéchistes-Instituteurs », imprimé seulement en 1914. En parcourant avec attention ce manuel, on se fait une idée des soins minutieux apportés par M. Pianet à la formation de ses chers élèves, dont il s’estimait heureux d’être l’instituteur : « Vous admirez, écrivait-il, avec humilité à un de ses confrères, « qu’au crépuscule de ma vie je me résigne, à 4.000 lieues de mon pays, aux fonctions de « pédagogue. Oh ! si vous saviez combien je suis reconnaisant à Monseigneur de m’avoir « donné cette place, et combien aussi je suis reconnaissant à mes élèves de vouloir bien « recevoir mes leçons… ! » Instituteur, il avait le talent de s’attacher ses élèves, et celui, plus rare encore, de leur faire goûter ses leçons, parfois très didactiques, par la façon dont il savait les agrémenter. Il parvenait ainsi à donner une réelle culture aux intelligences, même les plus frustes, et obtenait des résultats très satisfaisants, puisque, dès 1908, Mgr Bouchut écrivait : « M. Pianet continue à être satisfait du travail et du bon esprit de son école. Dans quelques « semaines, douze élèves quitteront Ba-Nam pour aller enseigner dans les paroisses. Ce sont « les prémices de l’école des catéchistes. Réussiront-ils ? Le cher M. Pianet a toutes les « anxiétés de la paternité ; mais, pour moi, j’augure bien de l’enseignement qu’ils ont reçu. »
Jusqu’en 1912 notre confrère, malgré une infirmité qui lui rendait la marche difficile, malgré sa vieille maladie, mena toujours de front la direction de son vaste district et celle de son école de catéchistes. Son ardeur au travail avait tenu le corps, tout exténué qu’il fût, au service de l’esprit dont la vigueur n’était pas diminuée, lorsque, la veille de la Pentecôte, on le trouva , de grand matin, étendu sans connaissance près de sa fenêtre qu’il avait ouverte. On l’administra en toute hâte ; mais au bout de quelques heures, il revint à lui et recouvra l’usage de la parole. A dater de ce jour, ses forces déclinèrent à vue d’œil . Il obtint la permission de célébrer la sainte messe dans une chambre voisine de la sienne. Les missionnaires qui venaient le voir, étaient tout surpris de le trouver assis sur un petit pliant près de son lit, et faisant la classe comme à l’ordinaire. Dans les moments d’extrême fatigue, il la faisait faire par un autre, écoutant et reprenant au besoin celui qui le remplaçait. Le bruit et le tapage des élèves aux heures de récréation ne l’incommodaient nullement, tandis que le silence et la solitude l’effrayaient et redoublaient ses angoisses. Ses souffrances physiques et morales devaient être intolérables à certains moments, si l’on en juge par cet extrait d’une lettre adressée à un ami intime. « Il me semble que je suis tout meurtri des coups que je reçois de « jour comme de nuit ; j’ai beau crier vers Dieu, quelquefois tout haut, quand je suis sûr que « Lui seul m’entend, Il ne cesse de me poursuivre sans me laisser de répit. Vous du moins, qui « êtes mon ami, priez pour moi. Peut-être que si beaucoup d’âmes en grâce avec Dieu « s’intéressaient en ma faveur, Il consentirait à abréger ma pénitence. » Tels étaient les sentiments de cette âme que Dieu faisait passer par le creuset de la souffrance, pour la purifier et la disposer à paraître devant Lui. Comme il arrive souvent, même après une longue maladie, la mort devait venir plus tôt qu’on ne l’attendait.
On était au vendredi 15 janvier 1915, à l’issue de la retraite annuelle des catéchistes. M. Pianet avait fait la sainte communion de grand matin et demandé qu’on lui administrât l’extrême-onction dans la jour¬née. A 8 heures et demie, M. Bernard et M. Mennetrier vinrent le voir. Le cher malade, assis sur son pliant, causa peu et difficilement, la tête inclinée sur sa poitrine. Ils se retirèrent tous deux vers 9 heures, à l’ar¬rivée des catéchistes qui allaient recevoir leurs destinations. A cette occa¬sion, M. Pianet écrivit quelques lettres très brèves aux missionnaires près desquels les catéchistes étaient envoyés. A midi, il ne mangea pas, chose qui fut remarquée comme un symptôme extraordinaire ; mais rien ne faisait encore prévoir un brusque dénouement. Il se coucha alors sur son lit pour ne plus se relever, ne changeant presque pas de position et restant ainsi dans un état de prostration complète. A la tombée de la nuit, on crut prudent de lui administrer les derniers sacrements, qu’il reçut avec toute sa con-naissance, en présence de ses élèves et de ses caté¬chistes émus jusqu’aux larmes. A 9 heures du soir, il expirait sans ago¬nie, assisté jusqu’à la fin par MM. Bernard et Mennetrier. Le corps, revêtu des ornements sacerdotaux, fut transporté dans une des salles de l’école, transformée en chapelle ardente, où les chrétiens récitèrent sans interruption les prières des morts pendant toute la nuit et une partie des deux jours suivants.
Les obsèques eurent lieu le lundi. Elles furent présidées, en l’absence de Mgr Bouchut, par M. Herrgott, provicaire de la mission, entouré de dix missionnaires et prêtres indigènes. Les autorités provinciales assis¬taient à la cérémonie avec une foule de chrétiens accourus de tous les points du district et des districts voisins. M. le Résident de France à Prey Veng fit l’éloge funèbre du défunt, qu’il qualifia de « grand Fran¬çais » : hommage de réparation, un peu tardif, à l’adresse de celui qui travailla si longtemps au Cambodge pour la cause sacrée de la religion et de la patrie. Les restes mortels de notre cher et vénéré confrère furent déposés dans le caveau qu’il s’était préparé au centre de l’église dédiée par lui à Notre-Dame de Sous-Terre, Virgini pariturœ. C’est bien le lieu de repos qui convenait à l’ancien clerc de Notre-Dame de Chartres, qui l’avait tant aimée et à laquelle il avait consacré sa vie tout entière !
Sit memoria illius in benedictione.
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References
[1530] PIANET Henri (1852-1915)
Bibliographie :
Directoire des Catéchistes-Instituteurs, 1914
J. Pianet Histoire de la Mission du Cambodge 1552-1852, Hong-Kong 1929
PIANET Jules
(1852-1915)
[1530] PIANET Jules, Henri, Victor.
Références biographiques
AME 1913 p. 259sq. 1915-16 p. 31. CR 1882 p. 103. 1885 p. 101. 1887 p. 156. 1888 p. 147. 148. 1890 p. 143. 1895 p. 234. 1896 p. 238. 1900 p. 173. 1903 p. 208. 1905 p. 190. 1906 p. 185. 1907 p. 221. 222. 1908 p. 202. 203. 1910 p. 202. 354. 1911 p. 185. 1915 p. 113. 227. 1923 p. 126. 212. 1927 p. 184. 1932 p. 394. 409. 1933 p. 181. 1935 p. 327. 334. BME 1932 p. 794. Articles : 1928 p. 592. 656. 718. 1929 p. 14. 78. 142. 224. 328. 395. 453. 517. 581.
Mémorial PIANET Jules, Henri, Victor page 2
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