Célestin MASSON1856 - 1894
- Status : Prêtre
- Identifier : 1564
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1883 - 1894
Biography
[1564]. MASSON, Célestin-Félix, naquit à Laussonne (Haute-Loire) le 3 mars 1856. Il fit ses études classiques au petit séminaire de la Chartreuse, et entra laïque au Séminaire des M.-E. le 9 septembre 1879. Prêtre le 22 septembre 1883, il partit le 7 novembre suivant pour le Yun-nan. Son premier poste fut San-chan d'où il travailla dans la ville de Tchen-hiong ; puis, il fut chargé des districts de Ko-koui et de Tchao-tong, mais n'y resta que quelques mois.
On lui confia ensuite le poste de Tai-pin-tchang dans la préfecture de Tsou-hiong ; il y éleva une école, et, dans une chrétienté voisine, à Ta-tien, il construisit une chapelle. Le missionnaire de Ma-chang, son voisin, ayant été atteint de la fièvre typhoïde, Masson s'empressa d'aller le soigner et contracta la maladie. Deux jours après son retour à Tai-pin-tchang, il s'alita, et le 23 juillet 1894 il succombait. Très charitable, il vivait pauvrement pour multiplier ses aumônes.
Obituary
M. MASSON
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU YUN-NAN
Né le 16 mars 1856.
Parti le 7 novembre 1883.
Mort le 23 juillet 1894.
Célestin-Félix Masson naquit le 16 mars 1856, à Laussonne,canton du Monastier, diocèse du Puy. Ses parents, simples cultivateurs, avaient acquis une modeste aisance grâce à leur travail et à leur piété. Célestin était le troisième enfant d’une nombreuse famille. De bonne heure, il fut envoyé au pensionnat du Monastier où, sous la direction des Frères, il posa les bases de cette piété franche et solide qui fut la marque distinctive de toute sa vie. C’est dans ce pieux asile qu’il se sentit appelé au ministère apostolique. Un bon missionnaire, vieilli sous le soleil d’Afrique, avait jeté dans son âme les pre¬miers germes de cette vocation, et un pèlerinage au tombeau de l’apôtre du Velay, saint François Régis, ne fit que les développer. « A partir de cette époque, disait-il plus tard, j’étais décidé à étudier pour me préparer au « sacerdoce et à faire davantage encore, s’il plaisait à Dieu. » Le futur missionnaire avait alors 14 ans.
On comprendra sans peine les alarmes du père aux premières ou¬vertures de son fils sur son dessein d’entrer au séminaire. Chargé d’une nombreuse famille, le père comptait sur le secours de ses fils aînés pour l’aider à élever les plus jeunes, et le moment était venu où Célestin allait se trouver capable de travailler. Néanmoins, cet homme, à l’âme droite en voyant la piété angélique et la douceur admirable de son fils ne pouvait pas se défendre de la pensée que Dieu avait des vues sur lui.
De son côté, le pasteur de la paroisse avait remarqué cet élu du Très-Haut. Aussi, après quelques explications entre ce bon prêtre et le père de l’enfant, le départ pour le séminaire fut-il décidé : M. Masson lui-même alla y conduire son fils.
Élève de huitième à 14 ans, Célestin fut appelé le « géant », sur¬nom que lui donnèrent ses camarades, à cause de son âge relative¬ment avancé et de sa haute taille ; mais ce surnom, il le justifia à tout point de vue. Il dépassa, en effet, tous ses condisciples par sa piété, sa régularité et son application au travail. Il était seulement en seconde, et, déjà, on l’appelait le « bon Père Masson ». Les dé¬tails nous manquent sur cette partie de son adolescence ; mais si l’adage « tel séminariste, tel prêtre » dit vrai, nous sommes fondés à croire que le jeune Célestin fut constamment un modèle.
Durant les vacances qu’il passait chaque année dans sa famille, il montrait toujours la même piété filiale envers ses parents, et ses frères et sœurs recevaient de lui mille marques d’affection. Les succès dans les études et le séjour à la ville n’avaient altéré en rien sa simplicité ; la justesse de son esprit et la sensibilité de son cœur lui avaient fait éviter cet écueil. Il aimait à raconter comment, après avoir assisté à la messe et satisfait à ses devoirs de séminariste, il allait trouver ses frères dans la montagne pour vaquer avec eux aux tra-vaux de la moisson. « En prenant part à ces rudes labeurs de la vie champêtre, ce n’était pas tant, « racontait-il, pour satisfaire un goût naturel que pour me préparer aux fatigues de l’apostolat ; « car il faut l’avouer, ma peau fine et mes mains blanches en voyaient de rudes quand je « voulais rivaliser avec mes frères, vrais types de monta¬gnards et d’Auvergnats ; mais « l’épiderme se durcissait bientôt au con¬tact des instruments de travail, et, pour être le plus « faible, je n’étais pas le moins ardent. »
Cependant le jeune séminariste avait achevé ses humanités : l’heure était venue de répondre à l’appel de la Providence. Avec l’assentiment de son directeur, il sollicita son admission aux Missions-Étrangères, et revint passer quelques jours auprès des siens pour les préparer à la séparation. Quelque temps après, il partait pour le Séminaire de Paris. Il y fit l’édification de ses confrères par sa piété, son ardeur pour l’étude, et se distingua par son habileté dans les travaux manuels. Quatre ans plus tard, il recevait sa destination pour le Yun-nan ; mais avant de s’embarquer il voulut revoir les siens. C’est alors que son père fut enlevé à l’affection de toute la famille. Le nou¬veau prêtre lui ferma les yeux. Cette rude épreuve était bien faite pour rendre plus cruelle la suprême séparation ; M. Masson refoula au fond de son âme toute sa douleur et s’employa à consoler sa mère désolée, qui se voyait ravir en même temps un époux tendrement aimé et un fils qui était sa joie ici-bas.
Le 7 novembre 1883, la petite troupe des missionnaires destinés à la Chine, prenait la mer à Marseille. La Mission vers laquelle se diri¬geait M. Masson venait d’être le théâtre d’une persécution, et M. Ter¬rasse était tombé sous les coups des païens. Cette nouvelle, loin de refroidir le zèle du jeune apôtre, ne fit que l’enflammer; mais pour lui, comme pour le plus grand nombre, Dieu se contentera du martyre non moins pénible d’une vie toute de sacrifice et d’abnégation.
Le Yun-nan, si l’on excepte quelques rares plateaux, n’est qu’un énorme massif de montagnes. Aussi notre vénéré vicaire apostolique ne fut-il pas embarrassé pour placer l’enfant de l’Auvergne, élevé au pied du mont Vezin. Son premier poste fut San-chan, station fondée par M. Chicard, dans un site des plus pittoresques, et qui promettait une riche moisson. Bientôt son zèle s’y trouva à l’étroit ; il passa les montagnes et commença à évangéliser Tchen-hiong, ville principale de la contrée. Déjà le jeune apôtre comptait quelques prosélytes dans la ville ; il avait même invité un prédicateur à travailler avec lui à la conversion des païens, quand un ordre de Sa Grandeur l’appela à la tête du district de Ko-kouy. Là, comme à San-chan et, plus tard, à Tchao-tong, où il ne demeura que quelques mois, il sut se concilier l’estime de tous : c’est, au Yun-nan, le meilleur témoignage du devoir accompli. Étant donné le caractère chinois, les louanges des chrétiens pour M. Masson nous indiqueront la mesure de leur affection à son égard. Tous conviennent de sa gaieté, de son entrain et de sa douceur sans pareille. — « Le Père ne savait pas se fâcher », disent-ils. Plu¬sieurs fois, il est vrai, sur le point de punir de grands coupables, il prit, dans le silence de sa chambre, la ferme résolution de se montrer inflexible ; mais devant l’air morfondu et contrit que le Chinois est si habile à prendre, toute la colère du juge tombait pour faire place à sa douceur naturelle. « On ne prend « pas les mouches avec du vinaigre, disait-il pour s’excuser ; ces pauvres gens ont tant besoin « d’être ménagés ! »
De Tchao-tong M. Masson fut envoyé à Tay-pin-tchang. Dans cette contrée accidentée, les montagnes succèdent aux montagnes : çà et là quelques rares vallons, habités par une population encore à l’état sauvage, que le Chinois civilisé traite en ilote. C’est au milieu de ces peuplades que le missionnaire allait exercer son zèle. Là haut, perchée sur le sommet des monts, une paillotte, d’un aspect assez misérable, mais dont les murs blanchis à la chaux dénotaient la demeure d’un personnage de distinction, constituait toute sa résidence. La première impression fut pénible. « Quand je vis mon héritage pour la première fois, disait.il, « je sentis les larmes me monter aux yeux. Que j’étais simple ! Je m’y suis trouvé vraiment « bien, et la défaillance du pre¬mrer jour doit être attribuée plutôt aux sueurs que j’avais « répandues pour arriver à ce paradis terrestre qu’à une espérance déçue. »
Le Père allait enfin pouvoir donner libre cours à son infatigable activité. Pour aller d’une extrémité de son district à l’autre, il n’y avait pas moins de six jours de marche, et par des chemins étroits et escarpés, plutôt faits pour les chèvres de la montagne que pour des êtres humains. Avec une bonne monture, les voyages n’auraient pas manqué de charme ; mais le Père n’en voulait pas, et, pendant toute une année, il fit ses visites à pied. Ce n’est qu’en 1890, lors d’un voyage à Ta-ly, que ses confrères, désireux de conserver au Yun~nan un auxiliaire si précieux, le décidèrent à acheter un cheval. Au bout de quelque temps, la pauvre bête n’avait plus que la peau et les os... Son maître avait trouvé le moyen de la nourrir pendant trois jours avec une simple mesure de grain ! Au reste, il faut lui rendre justice, il n’abusait pas de sa monture ; lorsqu’il était pressé, et c’était le plus souvent, il allait à pied.
La vie, dans de telles conditions, semble assez rude par elle-même pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y ajouter de nouvelles mortifica¬tions. Néanmoins cette nature généreuse sentait le besoin de faire plus encore. Tous les jours, debout à trois heures et demie du matin, M. Masson se préparait par la méditation et la lecture spirituelle au saint sacrifice de la messe, qu’il célébrait à cinq heures, afin de donner à ses chrétiens le loisir d’y assister avant d’aller à leurs travaux. Une journée si bien commencée ne pouvait être qu’une suite d’œuvres fructueuses. Tout son temps était partagé entre l’étude, la prépara¬tion de ses sermons, le saint ministère, les visites à travers les mon¬tagnes, là où il y avait une douleur à consoler, un malade à exhorter. Du repos, il n’en prenait que ce qui était nécessaire pour faire ses deux modestes repas, à huit heures du matin et à trois heures du soir. Et quels repas ! Préparés par lui-même, ils se composaient à peu près invariablement de pain détrempé dans un peu de bouillon. En revanche, jamais pauvre ne se vit refuser l’aumône à la porte du cha¬ritable pasteur ; il donnait, donnait toujours, et plus d’une fois, pour faire nettoyer son unique vêtement, il dut avoir recours à la garde-robe d’un confrère. Il était heureux de ressembler ainsi plus parfaite¬ment au divin Maître et aux apôtres, ses disciples et nos modèles.
L’argent que les pauvres ne recevaient pas était employé en bonnes œuvres. C’est ainsi que le Père dota sa résidence de Tay-pin-tchang d’une école à la construction de laquelle il travailla lui-même pour exciter ses ouvriers. Ailleurs, à Ta-tien, il entreprit de bâtir une chapelle. On lui représenta l’inutilité d’une construction aussi vaste, dans un poste où les chrétiens étaient très peu nombreux : « Ne soyons pas avares à l’égard du bon Dieu, répondit-« il. Il veut être logé largement ; faisons bien les choses. » Moins de deux ans après, l’église « était achevée. Il ne devait pas en jouir longtemps.
A cinq lieues de Tay-pin-tchang se trouve le district de Ma-chang. Une épidémie de fièvre typhoïde y sévissait alors avec violence, et le missionnaire chargé du poste était gravement atteint. M. Masson apprit cette nouvelle au retour de ses visites à travers la montagne. Aussitôt, oubliant ses propres fatigues, il part et vient s’asseoir au chevet du malade.
Quinze jours durant, il répandit la consolation et la paix dans l’âme de son ami. Dieu daigna exaucer ses prières et récompenser son dévouement ; le malade qui, de l’avis des médecins, n’avait plus que quelques jours à vivre, entra bientôt en convalescence ; mais ces veilles prolongées, ces inquiétudes de chaque jour, les fatigues qu’il dut supporter pour donner ses soins à plus de quarante chrétiens atteints de l’épidémie, tant à Ma-chang qu’aux environs, ruinèrent la santé de M. Masson, et lorsqu’il revint à Tay-pin-tchang il appor¬tait en lui le germe du fléau qui devait l’enlever.
Deux jours après, en effet, il s’alitait.
Tout d’abord il ne crut pas à la gravité de son mal. « C’est une simple indisposition, disait-il. » Néanmoins la maladie faisait des progrès alarmants. Dénué de tout secours, loin de tout médecin, il écrivit le 19 juillet, au confrère qu’il venait de soigner : « Je suis frappé ; sera-ce « grave ? Je ne le sais. En tout cas je vous invite à me rendre les soins que je vous ai donnés. « Je sais que vous êtes encore bien faible, il est vrai, et que vous ne pourrez de sitôt venir me « voir à pied. Ne pourriez-vous pas au moins trouver une chaise ? N’allez pas croire pourtant « que je craigne la mort. Certes non ! J’échangerais volontiers le Sy-tao contre le ciel ; mais il « faut être si léger pour voler tout d’un trait là-haut et ne pas aller se purifier un peu en « Purgatoire ! A demain, n’est-ce pas ? Et si vous le pouvez, amenez un médecin ; sa présence « ne sera pas inutile. »
Dès le lendemain, son confrère alarmé arriva, porté en civière et accompagné d’un médecin. Celui-ci ne put qu’avouer son impuissance.
Le cher malade ne fut pas le moins du monde affecté de cette déclaration. Il ne craignait pas la mort. Il avait demandé à Dieu qu’un prêtre pût se transporter auprès de lui : le prêtre était là ; le reste lui importait peu. Dès lors, son unique préoccupation fut de se préparer à mourir. Il reçut les derniers sacrements avec joie. « Je n’aurais jamais cru qu’il fût si doux de « mourir », disait-il. Pas une plainte, pas un murmure ne s’échappa de ses lèvres, et pour remercier ceux qui lui prodiguaient leurs soins, il avait toujours un sourire ou un mot aimable. Ses regards demeuraient fixés sur son crucifix, témoin de tous ses travaux, et son visage avait une touchante expression de confiance et d’amour.
Le 23 juillet au matin, des signes avant-coureurs nous avertirent que la mort n’était pas éloignée. Le malade cependant conservait toute sa lucidité d’esprit. En le voyant parcourir ses livres, ceux qui l’entouraient ne croyaient pas à l’imminence du péril. Sur ces entre-faites, arrivèrent de Ma-chang, deux courriers m’annonçant qu’un prêtre indigène était à l’agonie. Il fallait partir immédiatement. Le coup était terrible. Malgré tout, il n’y avait pas à hésiter et, le cœur brisé, je fis mes adieux à mon cher confrère qui ne devait plus me revoir en ce monde.
« Vous m’abandonnez, me dit-il — Oui, lui répondis-je, Dieu vous demande ce dernier sacrifice. Puisque votre âme est prête, ne croyez-vous pas qu’il soit de mon devoir d’aller où l’on m’appelle ? — Sans doute, me dit-il, et si vous ne pouvez être là pour me donner une dernière absolution, que la sainte volonté de Dieu soit faite. » Il était alors huit heures du matin. A quatre heures de l’après-midi, avant mon retour, notre bien-aimé confrère rendait le dernier soupir. Suivant son expression, son âme avait échangé le Yun-nan pour le ciel. Sa vie, ici-bas, avait été humble et cachée ; il était allé, plein de confiance, entendre prononcer sa sentence de la bouche du divin Rémunérateur. Euge, serve bone et fidelis, intra in gaudium Domini tui.
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References
[1564] MASSON Célestin (1856-1894)
Notes bio-bibliographiques. - Sem. rel. Le Puy, 1894-95, p. 710.
Notice nécrologique. - C.-R., 1894, p. 372.