Félicien MAILLARD1859 - 1887
- Status : Prêtre
- Identifier : 1583
Identity
Birth
Death
Biography
[1583]. MAILLARD, Jacques-Joseph-Félicien, né le 1er janvier 1859 à Sermange (Jura), fit ses études théologiques au séminaire de Lons-le-Saulnier, et, après avoir reçu le sous-diaconat, entra au Séminaire des M.-E. le 11 septembre 1882. Prêtre le 22 septembre 1883, il partit pour le Cambodge le 21 novembre suivant, et apprit la langue annamite à Phnom-penh. On l'envoya en 1884 évangéliser le district de Ta-am ; il commençait à augmenter le nombre de ses néophytes, lorsque la maladie arrêta ses travaux. Il s'éteignit au séminaire à Cu-lao Gieng, paroisse de Dau-nuoc, le 19 novembre 1887.
Obituary
M. MAILLARD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU CAMBODGE
Né le 1er janvier 1859.
Parti le 21 novembre 1883.
Mort le 19 novembre 1887
M. Félicien-Jacques-Joseph Maillard naquit à Sermange (Jura), le 1er janvier 1859. « Après avoir achevé ses études de théologie et reçu le sous-diaconat au Séminaire de Lons-Saulnier, M. l’abbé Maillard entra au Séminaire des Missions-Étrangères au mois de septembre 1882, en même temps que M. l’abbé Robez, également du diocèse de Saint-Claude. Peu de temps après (29 mars 1883), il eut la douleur de perdre presque subitement, son pieux et fidèle compagnon. Cons¬terné de ce coup, il se mit, comme il le disait, à travailler pour deux, demandant à Dieu « par l’intercession de son cher ami, encore un peu de temps de vie, afin d’acquérir quelques mérites pour le Ciel » ; à ce moment Mgr Ridel, le confesseur de la foi en Corée, arrivait au Séminaire des Missions-Étrangères, M. l’abbé Maillard lui fut donné comme secrétaire, et compagnon de voyage ; ce fut pour l’aspirant une diversion à sa douleur et une occasion d’apprendre auprès de ce vétéran des Missions ce qu’il faut de zèle et d’amour de Jésus-Christ pour aller à la conquête des âmes. Ordonné prêtre à Paris, le 24 septembre 1883, le jeune missionnaire partit au mois de novembre sui-vant pour le Cambodge.
« Arrivé vers la fin de l’année à Phnom-penh, il se mit à l’œuvre avec toute la générosité de sa nature ardente, s’appliqua à l’étude de la langue annamite, puis, s’en alla prêcher la foi dans un district de fondation récente, à Ta-am, dans le royaume de Siam. Là, il était tout à son œuvre et tout aux siens. Il s’en va planter sa tente, comme il le dit, au milieu d’une immense forêt, sur le bord d’un arroyo tortueux ; une hutte en planches, couverte en chaume, est bien vite dressée, et c’est la plus belle des maisons de la province. Il est heureux parce qu’il a une trentaine de familles chrétiennes, parce qu’il voit ce petit noyau grossir tous les jours : le 7 août 1885, il se réjouit en annonçant qu’il a maintenant cinquante familles chré-tiennes et qu’il prépare trente catéchumènes au sacrement de la régénération.
« Et cependant, déjà la maladie le minait sourdement : « Votre lettre, écrit-il, m’a trouvé « affaibli par une toux incessante et brisé par la fièvre ; je crois cependant apercevoir un petit « retour à la santé ; mais je pourrais bien être le jouet d’une de ces illusions si fréquentes chez « les malades, et appeler longtemps encore mes forces d’autrefois. » En effet, c’était une illusion ; au mois de septembre, il dut profiter de la crue des eaux pour descendre plus doucement à Saïgon, où il arriva le 16 septembre. Après avoir passé quelque temps à l’hôpital de cette ville, il fut envoyé au sanatorium de Hong-kong. » (Semaine Religieuse de Saint-Claude.)
Malgré les soins affectueux qui lui furent prodigués à Béthanie, le P. Maillard sentit ses forces diminuer de jour en jour. A la fin de 1886, il demanda à retourner dans sa mission. « J’ai fait, écrivait-il, comme les hirondelles qui, à l’approche des premiers froids, émigrent vers des climats plus doux. » Le climat de Cu-lao-gieng était à plus d’un titre bien doux au hon Père ; là il se trouvait au Séminaire, au milieu de ses confrères, de sa chère mission du Cambodge. « Inca¬pable de tout travail, dit-il, épuisé par la moindre fatigue, je continue à consumer ma vie, en attendant le jour où il plaira à Notre-Seigneur de m’appeler à Lui. »
« Quand on m’a fait connaître la gravité de ma maladie, cela m’a fait de la peine. Mourir si jeune quand on est venu de si loin pour travailler, c’est ennuyeux ! Et mes pauvres chrétiens qui n’ont per¬sonne au milieu de leurs forêts ! vous comprenez que c’est dur. Mais après tout, vivent le sacrifice et la volonté du bon Dieu ! J’ai mis près de huit jours pour me résigner. Aujourd’hui, c’est fait, et je suis aussi joyeux que jamais. »
« Au 15 août dernier, écrit le P. Grosgeorge, qui a assisté notre confrère jusqu’à sa mort, il voulut aller visiter l’orphelinat de Cu-¬lao-gieng, et remercier les sœurs des soins qu’elles lui prodiguaient. Quand nous étions tous réunis autour de lui, je lui dis: « Voyez, Père, je finirai « peut-être par gagner mon procès : Vous vouliez mourir le jour où la sainte Vierge est « montée au ciel, et vous allez mieux. — Oui, me répondit-il, je me suis réabonné jusqu’à la « Toussaint. Tout de même, c’est la dernière fois que je viens, ou plutôt que je suis porté ici. »
« Vers le 15 septembre, les averses journalières qui tombaient le fatiguèrent beaucoup. Des confrères qui étaient venus pour le voir et assister à l’ordination du 24 septembre, me firent part de leurs craintes et me dirent que, vivant continuellement avec lui, je ne me rendais pas compte du progrès de la maladie. J’allai donc le trouver et lui offris de recevoir les derniers sacrements. Il accepta avec re¬connaissance.
« Après l’ordination, tous les Pères et les élèves se réunirent, et notre cher malade reçut l’Extrême-Onction avec les plus grands sen¬timents de piété, répondant lui-même à toutes les prières.
« Le lendemain, il allait mieux : « Je ne sais, disait-il, si c’est l’effet du Sacrement, ou bien « la joie que je partage avec vous de voir vos premiers élèves devenir diacres ; quoi qu’il en « soit, je me trouve mieux. Cependant, ajoutait-il en montrant sa poitrine, je sens qu’il n’y a « plus rien là-dedans. »
« Quelques jours avant le mois de novembre, le mieux avait cessé ; néanmoins le jour de la Toussaint, tous les Professeurs du Séminaire se trouvant réunis dans sa chambre, je lui dis : « Père, votre abon¬nement cesse aujourd’hui, il faut en prendre un autre jusqu’à Noël. » — « Ah ! pour cela, non, dit-il vivement, si je vis encore, je crois que c’est grâce aux prières de « mes Parents ; maintenant, au jour le jour. » — « Quand je serai mort, vous écrirez tout de « suite à ma famille. Vous direz à mon Père que je suis mort dans la foi catholique, la foi qu’il « m’a enseignée..., que je suis mort comme on doit mourir. » — « Et puis ? » — « Et puis ?... « fit-il en me re¬gardant, c’est tout ce que mes parents désirent savoir ; ce sera leur unique « consolation, et ils la trouveront suffisante... Vous leur direz aussi que je meurs content, sans « aucun regret. Je n’ai pas fait grand’chose en mission ; c’est l’affaire du bon Dieu ; j’aurais « bien voulu travailler davantage et plus longtemps ; …. et puis je meurs en mission, c’est « déjà quelque chose ;... je ne regrette pas de m’être fait missionnaire, quand même j’aurais « pu vivre plus longtemps en France ;... la mort est plus douce pour un missionnaire. »
« Le 2 novembre, le P. Maillard eut une crise qui faillit nous l’enlever. A partir de ce jour, nous jugeâmes prudent de le veiller. Deux religieuses passaient une partie de la nuit, et les Pères du sé¬minaire et de la chrétienté se relevaient à tour de rôle pour le reste de la nuit.
« A partir du 10 novembre, non seulement les jours étaient plus calmes, mais les nuits le devinrent aussi, et il avait bon repos. Vers le 15, il me dit : « Les Pères et les Sœurs sont « fatigués ; faites coucher un élève dans ma mousticaire (sa mousticaire tenait presque toute « sa chambre), puis un autre dans ma seconde chambre, et c’est suffisant. » Je dus me rendre. J’avertis l’élève qui lui servait de domestique, depuis son arrivée à Cu-lao-gieng, de coucher dans la mousticaire du Père, comme il le faisait depuis qu’il était devenu en danger jusqu’au moment de la crise. Cet enfant, heureux de reprendre sa charge, et de « garder son bon Père, » arrive le soir, avec une grande baguette de bambou très légère, au bout de laquelle il avait assujetti un clou : « Père, il y a des jours où je dors si fort que vous êtes obligé de m’appeler « plusieurs fois, ça vous fatigue, ne m’appelez plus, prenez cette baguette de bam¬bou et « piquez-moi, c’est plus facile. » — Notre bon malade se mit à rire ; et à chaque visiteur il montrait la baguette de son Thien (nom de l’élève), expliquant l’usage que celui-ci voulait qu’il en fit.
« Le 18, il se confessa de nouveau. « Je meurs content, bien content, dit-il ; je ne voudrais « pas vivre si je devais encore commettre un seul péché... j’aime mieux mourir.., on ne sait « pas ce que c’est que le péché,... il faut être près de la mort. » Cette nuit, nous recommençâmes à le veiller.
« Le soir, j’allai comme de coutume, lui réciter la prière du soir avec la recommandation de l’âme et quelques autres prières qu’il aimait beaucoup, et qu’il avait soin de réclamer quand j’étais en retard, et qu’il croyait que j’avais oublié. Après la prière, le baise¬ment du crucifix et après avoir pris de l’eau bénite, il se plaignit de manquer d’air. Lorsque je sortis, la sœur me dit : « Je crois que l’agonie commence. » Ces paroles m’étonnaient beaucoup : je le voyais en pleine connaissance. Après quelques moments d’hésitation je prévins les confrères et les élèves, et sur la demande du cher malade, nous commençâmes les prières des agonisants. Après avoir récité les litanies, je ne continuai pas ; nous nous retirâmes, nous contentant d’aller, les uns après les autres, chacun à notre tour, voir notre pauvre confrère, afin de ne pas vicier l’air de sa chambre.
« Vers 10 h. ½ du soir, nouvelle crise avec sueur ; nous récitons encore une partie des prières des agonisants. Je lui dis : « Père, dites de cœur : Jésus, Marie, Joseph, je vous aime et « vous veux aimer éternellement de tout mon cœur , j’ai l’intention de gagner toutes les « indulgences plénières à l’article de la mort que je puis gagner : indulgences du Scapulaire, « de l’Angélus, des actes de foi, d’espérance et de charité, indulgences de toutes les « Associations pieuses dont je fais partie. » — Il me fit un signe affirmatif et baisa de nouveau son crucifix avec amour. Croyant qu’il allait mieux, nous allâmes nous reposer vers minuit, laissant la sœur supérieure, la sœur des malades, un confrère et deux élèves pour veiller ; je devais venir veiller à deux heures.
« A 1 h. et demie, j’entends la sœur des malades qui appelle : « Vite ! » — Notre confrère, après avoir bu un petit verre d’eau sucrée, avait perdu connaissance. On appela tous les Pères, je renouvelai l’absolution, continuai à l’exhorter de temps en temps au sacrifice de sa vie : il semblait dormir, tenant son crucifix en sa main, sur son cœur ; seulement la respiration était de plus en plus rare ; à 2 heures il n’y avait plus un souffle.
« Je fis sonner le réveil, les élèves vinrent tous réciter une prière auprès de son corps, puis se rendirent à la chapelle pour réciter en annamite les prières des morts, pendant qu’on habillait le corps, que nous descendîmes provisoirement dans une chambre du rez-de¬-chaussée.
« Le matin eut lieu le transfert du corps à la chapelle où, vêtu des ornements sacerdotaux, il resta exposé jusqu’au dimanche à midi.
« Le 21, après la messe solennelle d’enterrement chantée par le Père provicaire, nous déposions près de notre chapelle les restes de notre pieux confrère dont la mort acceptée avec tant de générosité a dû être si précieuse devant Dieu. »
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References
[1583] MAILLARD Félicien (1859-1887)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1885, p. 103 ; 1896, p. 235. - A. M.-E., 1913, p. 252. - Sem. rel. Saint-Claude, 1884, pp. 138, 573, 592.
Notice nécrologique. - C.-R., 1887, p. 282.
Biographie. - Le R. P. Maillard [par M. Gros-george]. - Imprimerie J. Mayet et Cie, 20, rue Saint-Désiré, Lons-le-Saulnier, 1888, in-8, pp. 16.