Charles MUTZ1859 - 1898
- Status : Prêtre
- Identifier : 1662
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Japan
- Mission area :
- 1885 - 1898 (Osaka)
Biography
[1662] MUTZ, Charles, originaire de Guntzweiler (Meurthe), naquit le 27 janvier 1859. Il entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 12 septembre 1882, reçut le sacerdoce le 27 septembre 1885, et partit le 4 novembre suivant pour le Japon méridional. Il débuta à Okayama ; quelques mois plus tard, il s'établit à Tamashima et réussit à convertir plusieurs protestants de Kasaoka. Il résida ensuite à Fukuyama, d'où il continua d'administrer les six chrétientés du district d'Okayama.
Il fit partie du Japon central lors de la création, en 1888, de ce vicariat apostolique qui devint en 1891 le diocèse d'Osaka. Chef du district de Kasaoka, il y fonda la chrétienté de Fukudashinden. En 1896, il fut chargé du district de Yamaguchi. Très fatigué au mois de mars 1897, il devint auxiliaire du missionnaire de Kioto et le seconda à peine six mois. Il se rendit à Osaka pour y passer ses derniers jours. Quand il sentit la mort approcher, il voulut recevoir l'Extrême-onction solennellement à l'église. Il mourut à Osaka le 3 septembre 1898 ; son corps fut transporté à Kobé et inhumé dans le cimetière de cette ville.
Obituary
M. MUTZ
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE D’OSAKA
Né le 27 janvier 1859
Parti le 4 décembre 1885
Mort le 3 septembre 1898
Né à Guntzviller, au diocèse de Metz, le 27 janvier 1859, M. Charles Mutz entra tonsuré au séminaire de Paris, le 12 septembre 1882. Ordonné prêtre le 27 septembre 1885, il partit le 4 décembre de la même année pour le Japon méridional qui comprenait alors la mission actuelle d’Osaka dans laquelle notre regretté confrère a toujours exercé le saint ministère.
C’est à Okayama qu’il fut envoyé dès les premiers jours de janvier 1886, et c’est dans ce district qu’il a passé la plus grande partie de sa vie de missionnaire. Dès le début, il s’appliqua avec ardeur à l’étude de la langue japonaise et eut la bonne fortune d’avoir pour maître un lettré nouvellement converti. Ses progrès rapides le mirent à même de confesser et de prêcher au bout de quelques mois. Mgr Cousin, sur sa demande, l’autorisa à se fixer à Tamashima avec son lettré devenu son catéchiste. .
Dès lors, les exercices de piété pour lesquels il conserva toujours la régularité d’un fervent séminariste, l’étude, la visite des chrétiens et des païens, avec plusieurs conférences religieuses par semaine, occupent tout son temps. La vie matérielle n’est rien pour lui, et il pratique à la lettre la recommandation de Notre-Seigneur : Mandu¬cate quœ apponuntur vobis. Il se contente d’une très maigre nourriture japonaise que parfois même il oublie de prendre. Un jour, il tombe d’inanition après s’être égaré sur le chemin de Yamano, et se voit réduit à demander un peu de riz à des bûcherons qu’il rencontre sur sa route. Dans une autre circonstance, il arrive au sommet de la mon¬tagne de Yamano trop tard pour prendre son repas du soir avant minuit. Or, il avait déjeuné le matin à dix heures, et ne put rompre le jeûne que le lendemain à onze heures, après avoir fait l’administration de la chrétienté. Un autre jour, et c’était au plus fort de l’été, le domestique néglige de servir l’eau sur la table ; le Père prend son repas, sans paraître même s’apercevoir de cet oubli.
La modestie de son maintien, l’extrême pauvreté de son ameublement et de ses habits, tout en lui respirait l’esprit de mortification et l’entier détachement des choses de ce monde. Aussi son extérieur modeste et recueilli lui avait valu le titre de saint homme ; les païens eux-mêmes le désignaient sous ce nom et ne pouvaient s’empê¬cher de le respecter. A Kasaoka, où M. Mutz travaillait de toutes ses forces à combattre les protestants établis depuis longtemps dans la ville, le ministre américain faisait en ces termes, devant ses adeptes, l’éloge public du missionnaire : « Ne dites aucune injure à ce prêtre catholique ; c’est un saint que nous ne pouvons pas imiter, mais que nous devons tous vénérer. » La recommandation fut écoutée plus doci¬lement que ne le désirait sans doute le révérend, car plusieurs protes¬tants vinrent étudier la doctrine catholique et se convertirent.
M. Mutz était très réservé dans ses conversations, il parlait très peu, parce qu’il craignait d’attirer l’attention sur lui-même. Sa devise aurait pu être en toute vérité : Ama nesciri et pro nihilo reputari. Malgré cette réserve qui frappait en lui au premier abord, il gagnait vite l’estime et l’affection de ceux qui l’approchaient. C’est qu’il se dépensait tout entier pour le prochain. Autant il était mortifié et attentif à se refuser à lui-même ce qui n’était pas strictement néces¬saire, autant il était bon et prévenant pour les autres. Ni dépenses, ni fatigues, ni ennuis n’entraient en ligne de compte quand il s’agissait de secourir le prochain ou de travailler à gagner les âmes à Dieu.
Après trois années de résidence à Tamashima, il s’établit à Fuku¬yama. De là, il continua à faire l’administration régulière des six chrétientés du district d’Okayama, qu’il avait jusqu’alors évangélisées. ll les visitait au moins une fois par mois, et faisait en outre de nombreuses conférences aux païens. Ces conférences, toujours très substantielles et faites en bon japonais, étaient ordinairement suivies par un auditoire nombreux et sympathique. Si quelquefois elles n’avaient pas de succès apparent, elles contribuaient du moins à faire connaître et honorer notre sainte religion.
Toujours fidèle aux rendez-vous, M. Mutz n’était arrêté ni par la pluie, ni par la neige. Un jour, un riche propriétaire de Fukuda-Shinden l’invite à venir donner une conférence dans sa maison. Le jour est immédiatement fixé. Le païen, désireux de comparer les religions étrangères, invite également le pope russe et le ministre protestant. Au jour et à l’heure fixés, on vit arriver M. Mutz, accompagné de son catéchiste ; mais le pope et le révérend ne parurent point. Ce simple fait toucha le païen, qui peu après devint catholique, entraînant à sa suite plusieurs amis et connaissances. Ainsi fut fondée la chrétienté de Fukuda-Shinden.
Les villes de Tamashima, Kasaoka et Fukuyama où il avait successivement résidé furent l’objet de ses soins particuliers. Dès qu’il y eut un certain nombre de néophytes à Kasaoka, il alla y dire la messe chaque dimanche, malgré la distance de cinq lieues qui sépare cette ville de Tamashima. Il ne se départit de cette habitude que lorsque sa santé ne lui permit plus de la conserver. Le jour de Noël, il célé¬brait la messe dans chacune de ces trois principales stations. Les autres chrétientés recevaient sa visite tous les mois. Les chrétiens accouraient alors comme à une fête, et le missionnaire éprouvait une grande consolation à voir leur fidélité à s’approcher des sacrements.
C’est dans un de ces voyages à Fukuda-Shinden qu’il contracta la maladie de poitrine qui devait le conduire au tombeau cinq ans plus tard. Il fut pris d’un refroidissement auquel il n’attacha aucune impor¬tance. Trois années durant, il continua le même ministère sans se donner aucun soin. Doué d’une constitution robuste, il ne s’était en¬core jamais vu aux prises avec la maladie ; aussi ne tenait-il pas compte de la toux, de la fièvre, des crachements de sang. Il cachait soigneusement son mal, et si parfois on s’en apercevait, il l’attribuait aux intempéries de la saison ou à quelque autre cause. Cependant, comme son état de fatigue persistait, Mgr d’Osaka se vit obligé de lui imposer des ménagements et certains adoucissements à son régime habituel. Il se soumit, mais uniquement par obéissance.
La dernière année du ministère de M. Mutz se passe à Yamaguchi, ville célèbre dans les annales de l’Église du Japon par les souvenirs de saint François Xavier. Dans ce nouveau poste, la santé de notre regretté confrère devient de plus en plus précaire. A la toux et à la fièvre s’ajoutent des rhumatismes. Malgré ses souffrances, il continue régulièrement son travail de tous les jours. En octobre 1896, il prêche à Osaka la retraite annuelle des religieuses comme s’il n’avait aucun mal. Ce devait être son dernier ministère. En effet, par obéissance, il dut consulter le docteur européen de Kôbé. Celui-ci déclara notre cher malade atteint de phtisie pulmonaire et la guérison impossible. M. Mutz dut partir pour le sanatorium de Hong-kong, afin de se reposer et d’enrayer le mal, si c’était possible. Ce sacrifice est le plus pénible qui lui ait été imposé dans sa vie de mission. La volonté de Dieu s’était manifestée par la voix de son supérieur, il obéit avec la simplicité d’un enfant. Il partit le 3 novembre, sans inquiétude pour l’avenir, mais désolé d’être condamné au repos, sans raison suffisante, pensait-il.
A Hong-kong, il ne pense qu’à sa chère mission d’Osaka et aux moyens d’y rentrer le plus tôt possible. Dans ce but, il accepte tous les soins utiles au rétablissement de sa santé. Mais le changement de climat et les bons soins reçus au sanatorium sont impuissants à procurer la guérison. C’est un motif pour lui de retourner promptement au Japon pour y reprendre son travail. Après quelques mois de séjour au sanatorium, il obtint la permission désirée et rentra à Osaka en mars 1897.
Malgré son vif désir de reprendre la vie apostolique dans l’intérieur du pays, il est obligé d’accepter, au moins provisoirement, un poste de repos à Kyoto, auprès de M. Aurientis. Là, comme ailleurs, il dépense pour la gloire de Dieu et le bien des âmes les forces qui lui restent. Jusqu’à la fin, il donne libre cours à son zèle, enten¬dant les confessions, prêchant, faisant le catéchisme aux enfants. Pendant quelques mois, il est ainsi un sujet d’édification pour la chré-tienté. Au mois d’octobre, il essaie un nouveau traitement à l’hôpital récemment fondé à Osaka par M. Marie. Cependant il ne cesse de demander la faveur d’être envoyé seul dans un poste, où comme au¬trefois il espère pouvoir travailler. « Assez longtemps je me suis reposé, disait-il, et puisque les remèdes ne produisent aucun effet, il faut me remettre au travail, je m’en trouverai mieux. »
Il se faisait encore illusion, et sa plus grande souffrance était de se voir réduit peu à peu à une complète inaction. Mais l’inexorable phtisie suivait son cours. Au commencement du mois de mai 1898, la toux devint si violente et la fièvre si intense que les médecins jugè¬rent le danger prochain. M. Mutz allait et venait comme d’habitude sans soupçonner la gravité du mal. M. Marie crut le moment venu de le prévenir. Le cher malade le remercia affectueusement et manifesta aussitôt le désir de recevoir, le jour même, les derniers sacrements. Désormais il ne songea plus qu’à se préparer à la mort. Il continua avec son calme habituel à se confesser, à célébrer la sainte messe, à réciter le bréviaire, à remplir ses journées d’exercices de piété et de pieuses méditations. Rien ne fut changé dans sa manière de faire, excepté que depuis ce jour il ne demanda plus à reprendre du ministère.
Le 5 mai, dans l’après-midi, il reçut le sacrement des mourants avec une solennité toute particulière. Le malade se rendit lui-même à l’église et s’assit sur un fauteuil devant l’autel. Monseigneur, qui pouvait à peine maîtriser son émotion, lui administra l’extrême-onction, assisté de tous les missionnaires présents à Osaka, et entouré de nombreux chrétiens. Le mal sembla diminuer, et le malade disait joyeusement qu’il jouissait des fruits de l’extrême-onction : Alleviabit eum Dominus. Mais il ne disait pas ce qu’il avait souffert, ce qu’il souffrait encore. Du reste, il a toujours dissimulé ses souffrances, et jamais la moindre plainte n’est sortie de sa bouche.
Malgré la fatigue occasionnée par la toux et la fièvre qui le tour¬mentaient toutes les nuits, il célébrait la messe, chaque matin, avant six heures. Entièrement résigné à la sainte volonté de Dieu, il se dis¬posait ainsi à aller jouir du bonheur du ciel. Toutefois l’appel du sou¬verain Maître se faisant attendre au delà de ses prévisions, il se laissa aller peu à peu à l’espoir qu’il pourrait encore travailler ici-bas à son service. Mais, au milieu de l’été, l’oppression devint plus grande ; il attribua cette aggravation aux chaleurs de la saison, et pour trouver un peu de fraîcheur et de soulagement, il vint s’installer à l’évêché dans les premiers jours du mois d’août.
Son état de faiblesse a beau augmenter, il ne veut être à charge à personne : il accepte les services qu’on lui rend, mais ne demande jamais rien. Deux ou trois fois seulement il omettra la récitation du bréviaire, mais il aura le bonheur de célébrer la messe jusqu’au der-nier jour. Monseigneur lui propose de la dire dans sa chambre pour diminuer la fatigue ; il refuse cette permission. Il est toujours fort quand il s’agit d’aller à l’église ; et à le voir célébrer la sainte messe, on ne l’aurait point cru malade. On veut le veiller pendant la nuit : il s’y oppose, disant que pour le repos de son corps et le bien de son âme la solitude lui est infiniment plus salutaire. On lui exprime alors la crainte qu’il ne meure seul, sans être assisté de personne, mais cette considération ne le touche pas : « Si je meurs subitement, dit-il, quel service pourrait-on me rendre ? Soyez sans inquiétude. » En effet, il était bien préparé pour le grand passage.
Le jeudi 1er septembre, au soir, il parut plus abattu et plus souf¬frant que d’ordinaire ; on jugea prudent de lui donner l’indulgence plénière in articulo mortis, qu’il n’avait pas encore reçue, et on le veilla toute cette nuit qu’on croyait devoir être la dernière. On fut bien étonné, le matin, de le voir célébrer la messe à l’heure habi¬tuelle.
La journée du vendredi fut assez calme, mais le malade ne prit que très peu de nourriture et vit clairement que son heure était proche. Aussi le samedi matin, dès trois heures et demie, il se dispose à célé¬brer une fois encore la sainte messe : « Allons ! vite, disait-il, pendant que j’en ai la force. » Et il se rend à la sacristie d’un pas assez ferme, suivi d’un prêtre indigène, le P. Nagata, et du catéchiste. Mais arrivé à la sacristie, ses forces le trahissent : « Impossible de célébrer la messe aujourd’hui, dit-il au prêtre japonais ; je n’en puis plus. Donnez-moi la sainte communion. » Et il s’étend sur le parquet. Quelques instants après, le P. Nagata lui administre le saint Viatique.
Après avoir fini son action de grâces, M. Mutz veut regagner sa chambre, mais il ne peut plus se mouvoir ; on doit l’emporter. Vers cinq heures, il se sent plus mal et demande qu’on récite les prières des agonisants auxquelles il répond lui-même. La récitation terminée, il fait des oraisons jaculatoires, répétant tout haut certaines paroles des psaumes qui lui étaient familières. Soudain sa figure s’illumine d’un rayon de bonheur : « Le ciel ! oh ! que c’est beau ! s’écrie-t-il, que nous y serons heureux ! » Et il attend le dernier moment avec le calme imperturbable qu’il avait montré dans toutes les circonstances de sa vie. Quelques minutes avant huit heures, il est pris d’une fai¬blesse et demande à se confesser une dernière fois. Peu après, l’agonie commence, douce et consolante. Monseigneur est là avec plusieurs missionnaires et quelques frères de Marie. Sa Grandeur encourage notre confrère par de bonnes paroles ; le moribond répète les invo¬cations pieuses qui lui sont suggérées. A neuf heures précises, il rend paisiblement son âme à Dieu après avoir reçu de Monseigneur une dernière absolution. Fiant novissima mea hujus similia !
Le corps revêtu des ornements sacerdotaux fut exposé sur un lit de parade, et le lendemain dimanche, à neuf heures, Monseigneur prési¬dait lui-même les funérailles au milieu d’une nombreuse assistance de fidèles.
Le lundi, 5 septembre, le corps fut transporté à Kôbé. Monseigneur officia pontificalement et conduisit notre cher défunt à sa dernière demeure, accompagné de tous les missionnaires qui avaient pu venir de leurs districts, et d’une nombreuse assistance d’Européens et de Japonais.
A. LUNEAU,
Provicaire apostolique.
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References
[1662] MUTZ Charles (1859-1898)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1888, p. 56 ; 1890, p. 57 ; 1891, p. 56 ; 1892, p. 66 ; 1893, p. 86 ; 1894, p. 92 ; 1895, p. 98 ; 1896, p. 85. - Le Lorrain, 1898, Sa mort, nos des 18 oct. et 16 nov.
Notice nécrologique. - C.-R., 1898, p. 340.