Jean GRÉMAUD1860 - 1903
- Status : Prêtre
- Identifier : 1706
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1887 - 1903 (Chengdu)
Biography
[1706] GREMAUD, Jean-Vincent, né le 18 septembre 1860 à Riaz, canton de Fribourg (Suisse), fut le sixième missionnaire de la confédération helvétique qui entra dans la Société des M.-E. Elève du collège de Fribourg, aspirant du Séminaire des M.-E. le 11 septembre 1883, il reçut le sacerdoce le 26 septembre 1886, et partit le 3 novembre suivant pour le Se-tchoan occidental. Il débuta dans le vaste district de Yang-tao-ki et, cinq ans plus tard, passa dans celui de Su-lin.
En 1898, les païens dévastèrent plusieurs chrétientés de ce district et détruisirent trois oratoires ; le missionnaire les réédifia, et acquit une véritable influence dans la région. En 1902, il recueillit les chrétiens chassés de leurs villages par les Boxeurs, et quand ces derniers parurent, sa courageuse attitude décida les habitants de Su-lin à organiser une résistance sérieuse. En 1903, il contracta la fièvre typhoïde en assistant des malades, et mourut le 5 juin de la même année, dans la ville de Su-lin.
Obituary
M. GREMAUD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU SU-TCHUEN OCCIDENTAL
Né le 18 septembre 1860
Parti le 3 novembre 1886
Mort le 5 juin 1903
Jean Gremaud naquit le 18 septembre 1860 à Riaz (Lausanne, Suisse). Un oncle, M. le chanoine Gremaud, professeur d’histoire, plus tard recteur de 1’Université de Fribourg, le tint sur les fonts de baptême. Il faisait partie d’une famille nombreuse qui devait donner à l’Église plusieurs de ses membres. Deux de ses frères se consacrèrent au service des autels : l’un, son aîné, dans le clergé diocésain ; l’autre, plus jeune que Jean, chez les Capucins ; une de ses sœurs embrassa la vie religieuse. Notre confrère puisa au foyer paternel cette foi robuste, cette solide piété et cet amour des âmes qui jamais ne se démentirent en lui. Après de brillantes études au collège de Fribourg, se sentant poussé par un attrait irrésistible vers la vie apostolique, il s’en ouvrit à Mgr Mermillod, son évêque, qui le dirigea vers le sémi-naire des Missions-Étrangères. Entré laïque à la rue du Bac le 11 sep¬tembre 1883, il fut ordonné prêtre le 26 septembre 1886.
M. Gremaud arriva à Tchen-tou au commencement de 1887. Après quelques mois d’étude de la langue chinoise, il alla faire ses premières armes à Iang-tao-ki. Ce district était immense, et composé de chré¬tiens encore jeunes dans la foi. Il fallait les encourager, les instruire et les maintenir dans la voie droite. Telle fut la tâche du jeune mis¬sionnaire ; tâche bien ardue, dont il s’acquitta avec le zèle le plus louable.
M. Gremaud voulait aussi entamer l’élément païen, mais il ne recueillit que de rares conversions. Le Chinois est trop matérialiste ; il ne cherche que son intérêt ici-bas et n’a pas de souci de l’autre vie. Notre confrère dut le constater souvent. L’ère des persécutions sanglantes n’était pas encore ouverte pour son district, néanmoins le missionnaire et les chrétiens y étaient l’objet de tracasseries mesquines, et les païens commettaient fréquemment des injustices à leur égard. M. Gre¬maud avait à lutter pour la défense de ses ouailles, tout en apprenant la langue chinoise qu’il réussit à parler avec une très grande facilité.
Il était depuis cinq ans au Su-tchuen, quand la volonté de ses supé¬rieurs l’appela à Su-lin en remplacement de M. Gatin qui venait de mourir.
Su-lin est en rnêmne temps une ville populeuse et commerçante, et un lieu célèbre dans toute la province. D’innombrables pèlerins y viennent vénérer la vierge chinoise, Kouan-in, envers laquelle ils font preuve d’une dévotion naïve et touchante.
En face des temples pompeux, orgueil du paganisme à Su-lin, la petite église catholique consacrée à Notre-Dame de Lourdes ose à peine se montrer. Elle fut bâtie jadis par M. Coupat qui avait suscité dans la ville un mouvement considérable de conversions.Ce mouvement, hélas ! n’était qu’éphémère, et, quand M. Gremaud arriva à Su-lin, il n’en restait presque point de traces. Le district s’étendait le long du fleuve, sur une longueur de vingt à vingt-cinq lieues, et ne possédait que quatre ou cinq oratoires. Le nouveau titulaire sut bientôt s’attacher la population remuante dont il avait la charge. Une bonne partie de ses chrétiens gagnaient leur vie en transportant le sel ou le charbon sur le fleuve ; c’étaient les privilégiés du missionnaire. Dès que sa pré¬sence était signalée quelque part, ils accouraient auprès de lui pour lui offrir un présent, quand le commerce avait été prospère, et dans le cas contraire, pour lui demander des consolations et sa bénédiction.
M. Gremaud prenait souvent passage à bord de leurs barques ; on se disputait la faveur de le transporter d’une station à l’autre. Il devint bientôt très populaire ; les païens le connaissaient aussi bien que les chrétiens ; sa conversation enjouée et familière les attirait, et s’il n’obtint pas beaucoup de conversions, il se fit du moins beaucoup d’amis.
Notre confrère ne devait pas longtemps travailler en paix. En 1895 son district n’avait point souffert de la persécution, mais en 1898, il fut ravagé par une horrible tempête qui éclata au moment de notre retraite annuelle à Tchen-tou.
M. Gremaud, très inquiet au sujet de ses chrétiens, nous quitte en compagnie de son voisin de district, M. Grialou. Arrivés à la résidence de ce dernier, ils apprennent qu’un oratoire vient d’être détruit non loin de là. Cet oratoire se trouve précisément sur la route que doit suivre M. Gremaud pour arriver dans son district. N’importe, notre confrère veut partir, mais les chrétiens et le mandarin lui-même s’opposent à son départ et les deux missionnaires reprennent ensem¬ble le chemin de Tchen-tou. Quelques chrétiens seulement les accompagnent. Les voyageurs sont accueillis dans tous les villages par des cris de mort. M Grialou, déjà malade, supporte difficilement cette épreuve. M. Gremaud le soutient et l’encourage. Au bout de quatre jours, ils arrivent à Tchen-tou. Vingt jours après, M. Grialou ren¬dait le dernier soupir.
Sur ces entrefaites M. Gremaud apprit successivement la destruc¬tion de trois de ses oratoires et l’incendie des maisons de ses chré¬tiens. Seule, son église de Su-lin était encore debout, grâce au dévouement du mandarin militaire, dont il avait su se faire un ami et qui, l’année suivante, mourait régénéré par le baptême.
Il passa six longs mois à Tchen-tou, et lorsqu’il retourna dans son district, il n’y trouva guère que des ruines. Tout était à refaire par le pied. Le missionnaire se mit courageusement à l’œuvre ; en deux ans, ses trois oratoires furent relevés. Mais ce n’est plus le calme des premières années ; les troubles recommencent périodiquement et M. Gre¬maud est sans cesse occupé à protéger ses ouailles et à leur obtenir justice, sans se laisser jamais intimider ni tromper par la perfidie des mandarins. Il se lie d’amitié avec une foule de notables, et son influence grandit chaque jour. Plusieurs fois, ses supérieurs le délè¬guent pour terminer des différends dans les préfectures voisines et il s’en tire à la satisfaction de tous.
Cependant la santé de M. Gremaud, naguère si forte, ne peut résister à de pareilles fatigues, et son zèle se trouve paralysé tantôt par une scia¬tique, tantôt par la fièvre. Il se résigne à entreprendre un voyage pour consulter les médecins européens. On lui déclare qu’il est atteint d’hypertrophie du cœur, mais les hommes de l’art ne s’accordent pas sur le régime qu’il doit suivre. M. Gremaud revient à son poste, résolu à n’en suivre aucun, et se remet au travail avec la même ardeur ; mais les quelques épis qu’il glane çà et là sont loin de répondre au mal qu’il se donne.
En 1902, quand les boxeurs étendent leurs ravages dans toute la mission, les malheureux chrétiens qui ont pu échapper à la mort se dirigent en foule vers Su-lin. Ils sont sans pain et sans abri, presque sans vêtements. Hâves et décharnés, ils traînent après eux leurs vieil¬lards et leurs enfants. Les païens, le long du chemin, les maltraitent et les poursuivent de leurs malédictions.
M. Gremaud les accueille chez lui, leur procure un abri, leur donne à manger et leur prodigue les consolations dont ils ont un si grand besoin. Mais les boxeurs les ont suivis jusque dans leur dernier refuge et les mandarins veulent forcer notre confrère à quitter la ville avec tous ceux qu’il héberge. M. Gremaud et les missionnaires qu’il a reçus sous son toit refusent d’obéir; ils n’abandonneront pas leurs malheureux chrétiens ; au besoin ils mourront avec eux. Bientôt un revire¬ment s’opère dans l’esprit des païens de Su-lin. Hier ils appelaient les boxeurs pour exterminer les chrétiens ; aujourd’hui ils les redoutent parce que ces bandits s’attaquent tout aussi bien aux païens. On organise la défense, les remparts sont gardés par tous ceux qui peu¬vent porter une lance ou un fusil. La chrétienté de Su-lin est sauvée. Un peu plus tard les boxeurs sont dispersés par les troupes régulières.
Tant de labeurs et de fatigues avaient altéré la santé du mission¬naire ; pourtant au dehors il paraissait toujours vaillant.
Pendant les premiers mois de 1903, il lutte en vain contre le parti pris des mandarins qui refusent toute indemnité aux chrétiens ruinés par la persécution, et il se montre joyeux et confiant quand même. Bientôt le bras de Dieu s’appesantit sur le pays. Dès le mois de mars, la fièvre typhoïde s’ajoute à la famine et fait des milliers de victimes à Su-lin. Les chrétiens ne sont pas épargnés. M. Gremaud se multiplie pour administrer les sacrements aux malades.
Au retour d’une de ces courses de trois à quatre jours, il ressent lui-même les atteintes de la maladie. C’était le lendemain de l’Ascension ; M. Bottereau se trouvait auprès de lui. Il lutte pendant trois jours, mais il est bientôt terrassé. Malgré l’ardeur de la fièvre, il garde toute sa connaissance. Les médecins indigènes lui donnent des remèdes. M. Bottereau le soigne avec tout son dévouement et tout son cœur. On arrive ainsi à la Pentecôte ; hélas ! tout espoir du côté des hommes est perdu. Le cher malade demande sa guérison à Notre-Dame de Lourdes qui est vénérée dans son église. Trois jours durant, il refuse tout médicament et se contente de boire un peu d’eau de la grotte de Massabielle. Enfin, s’abandonnant à la volonté divine, il se prépare au suprême passage, demande l’extrême-onction, reçoit l’indul¬gence de la bonne mort et répond lui-même aux prières avec une piété qui arrache des larmes aux assistants.
Appelé par M. Bottereau, qui est tombé malade à son tour, j’accours près du mourant. M. Gremaud, malgré ses souffrances, manifeste une grande joie de me voir et soudain se trouve beaucoup mieux. Il croit qu’il est guéri. La nuit est assez bonne ; il peut dormir. Le lendemain matin, il demande à manger et je lui donne un peu de riz. Il me répète que la sainte Vierge l’a guéri ; il est tout à la joie.
Mais, vers le soir, une faiblesse subite succède à ce mieux factice et nous enlève nos dernières illusions. Le dénouement fatal est imminent. Le malade ne se rend pas compte du danger : « Ces derniers jours, me dit-il, j’avais fait le sacrifice de ma vie, j’étais résigné à tout ; aujourd’hui, je me sens guéri. » Sur mes instances, il se prépare à une dernière confession. Dès lors, il est tout au bon Dieu ; il répète les invocations qu’on lui suggère avec une docilité d’enfant et une piété touchante.
Cependant le mal fait de rapides progrès, le délire survient mais ne dure pas. A minuit M. Gremaud reçoit le saint viatique ; quelques instants après, le délire le reprend pour ne plus le quitter ; l’agonie commence, et, aux premières lueurs du jour naissant, le 5 juin 1903, il nous quitte pour un monde meilleur.
Pendant trois jours consécutifs les chrétiens de Su-lin ont prié et pleuré auprès du corps de leur pasteur, exposé dans l’église.
Le 8 juin, au matin, M. Greff et moi, nous l’avons conduit à sa dernière demeure. Les notables de la ville et beaucoup de païens s’étaient joints au cortège. Ils tenaient à rendre ce dernier hommage au missionnaire dont, depuis onze ans, ils avaient apprécié le grand caractère. M. Gremaud repose à côté de M. Gatin, son prédé¬cesseur à Su-lin, et de M. Chaigneau son ami, tous deux emportés comme lui, quelques années auparavant, par la fièvre typhoïde.
Puissions-nous terminer notre vie par une aussi sainte mort. Moriatur anima mea morte justorum.
UN MISSIONNAIRE DU SU-TCHUEN OCCIDENTAL.
References
[1706] GRÉMAUD Jean (1860-1903)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1897, p. 299 ; 1898, p. 366.
Notice nécrologique. - C.-R., 1903, p. 383.