Aimable LEFRANÇOIS1862 - 1906
- Status : Prêtre
- Identifier : 1785
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- India
- Mission area :
- 1888 - 1906 (Coimbatore)
Biography
[1785]. LEFRANÇOIS, Aimable, naquit le 8 juillet 1862, dans le département du Calvados, à Vassy, le pays natal d'un missionnaire martyrisé en Corée, P.-P. Maubant. Il entra minoré au Séminaire des M.-E. le 5 novembre 1885. Prêtre le 25 février 1888, il partit pour le Coïmbatour le 4 avril suivant. Il débuta au collège de Wellington, puis passa à Codiveli ; en 1889, on lui confia le district de Matour, et il y resta une quinzaine d'années. Les chrétiens y étaient en général apathiques et ignorants ; il apporta des soins assidus à leur instruction religieuse, et réussit, grâce à son caractère vigoureux et à des moyens parfois originaux, à leur inspirer quelque zèle.
En 1895, il fut chargé de l'orphelinat du Pallum (appelé aussi Sinnapallam), et Mgr Bardou lui adjoignit un vicaire pour l'administration de son district. Quand il n'eut plus à s'occuper de l'orphelinat transféré à Coimbatore, il travailla activement dans les petites chrétientés, et éleva une église à Nayambadi (Eglise, grav., Hist. miss. Inde, v, p. ci). En 1904, étant tombé malade, il fut chargé du poste salubre et facile de Potanour. Il mourut à Coimbatore le 26 février 1906.
Obituary
M. LEFRANÇOIS
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU COÏMBATOUR
Né le 8 juillet 1862
Parti le 4 avril 1888
Mort le 26 février 1906
M. Aimable Lefrançois naquit à Vassy (Bayeux, Calvados) le 8 juillet 1862. Entré minoré au séminaire de Paris, le 5 novembre 1885, il partit pour le Coimbatore le 4 avril 1888.
Il arriva dans sa mission au commencement du mois de mai. Mgr Bardou, en voyant la solide recrue qu’on lui envoyait, ne put s’empêcher de dire : « En voilà un qui nous enterrera tous ! » Le jeune missionnaire a fourni, il est vrai, une belle carrière de dix-huit ans d’apostolat ; mais ce n’est pas tout ce qu’on aurait pu attendre de sa robuste santé.
Placé d’abord au collège de Wellington, M. Lefrançois n’y resta que quelques mois et fut dirigé, ensuite, sur Kodiveri. C’est là qu’il devait se former au ministère apostolique, sous la direction ferme et sage de M. Pageault, homme d’une expérience consommée dans les choses de l’Inde. En peu de temps, le nouveau missionnaire devint capable de prendre une part active dans l’administration du district. Tout heureux de pouvoir aider son vénérable curé, il ne ménagea pas sa peine. Fallait-il visiter une station éloignée, aller à 15 ou 20 milles, assister un moribond, le vicaire réclamait toujours pour lui le travail.
Un jour, on l’informe qu’un chrétien se meurt dans un village voisin. M. Lefrançois part aussitôt. Il arrive sur les bords du Bhavany, rivière profonde, grossie encore par des pluies récentes. Le batelier n’est pas à son poste pour transborder les voyageurs. Craignant de ne pas arriver à temps auprès de son malade, s’il ne se hâte, notre confrère se jette résolument à la nage, malgré tout ce que peuvent lui dire les chrétiens qui l’accompagnent et qui tremblent en présence du danger auquel il s’expose. Le courant l’emporte beaucoup plus loin qu’il ne s’y attendait, mais, intrépide nageur, il finit par aborder heureusement sur l’autre rive. M. Pageault, qui avait eu vent de l’imprudence commise par son vicaire, le réprimanda fortement au retour, et lui fit promettre de renoncer à de semblables prouesses.
M. Lefrançois ne resta pas très longtemps à Kodiveri. Mgr Bardou le jugeant apte à voler de ses propres ailes, lui confia le district de Matoor. Il accepta avec enthousiasme. Le pays dont on le chargeait était immense : 50 milles de long sur autant de large. Il allait pouvoir, enfin, se lancer dans la carrière et dépenser l’exubérance d’activité qu’il sentait en lui. Quelles chevauchées il se promettait à travers ces belles montagnes, qu’il avait contemplées si souvent de Kodiveri ! Cependant, si pittoresque qu’il fût, le district de Matoor était mal noté, car la malaria y règne en maîtresse et, tôt ou tard, chacun doit lui payer tribut. Chose plus grave, la chrétienté était en pleine révolution quand elle fut confiée à M. Lefrançois.
La majorité des chrétiens de Matoor appartient à la caste turbulente des Padeatchis. Or, ils se trouvaient divisés en deux factions : il s’agissait, pour eux, de savoir s’ils pouvaient ou non communiquer avec un certain Saveri-Muttu, qu’un parti puissant prétendait n’être qu’un intrus. Saveri-Muttu, homme habile, avait su gagner à sa cause de nombreux partisans qui, en tout et partout, affectaient de le reconnaître comme un vrai et authentique Padeatchi, au grand scandale du parti opposé. Si la question était restée dans le domaine de la spéculation, il n’y aurait eu que peu de mal ; mais, hélas ! de la théorie, on en était venu, peu à peu, aux injures et aux coups. De là, des haines et des représailles à n’en plus finir. Le prédécesseur de M. Lefrançois, en voulant s’occuper de l’affaire, n’avait réussi qu’à s’attirer l’inimitié des deux partis.
La situation était donc fort délicate, et Mgr Bardou crut devoir adjoindre, provisoirement, au nouveau titulaire, le vénérable M. Lemarchand, dans l’espoir que la prudence et la patience bien connues de ce dernier finiraient par triompher de l’entêtement des Padeatchis.
M. Lemarchand jugea à propos de prendre les devants, pour se bien rendre compte de l’état des esprits et laissant son compagnon à l’orplelinat de Sinnapallam, il se rendit seul à Matoor.
On n’était pas sans savoir qu’il arrivait en qualité de délégué de l’évêque ; aussi fut-on pour lui plein de prévenances et lui fit-on un accueil triomphal. Chaque parti, dans un but intéressé, protestait de sa plus entière soumission et se montrait extérieurement disposé à toutes les concessions. Trompé par des démonstrations qu’il croyait sincères, M. Lemarchand fit signer la paix et avertit son jeune confrère qu’il n’avait plus qu’à venir jouir du fruit de négociations, si heureusement et si rapidement terminées.
Le 24 novembre 1889, M. Lefrançois faisait son entrée à Matoor. Les Padeatchis, quoique prévenus de son arrivée, ne trouvèrent pas un pétard à brûler en son honneur, et les tambours, qui avaient battu si fort à l’arrivée de M. Lemarchand, restèrent muets ce jour-là. Tout cela était de fort mauvais augure. Bientôt, en effet, les disputes recommencèrent de plus belle. M. Lefrançois comprit que la paix qui avait été conclue n’était qu’une paix boiteuse et très précaire. Instruit par les essais infructueux de ses prédécesseurs, il se dit, avec raison, que le mieux était de laisser les belligérants épuiser leur ardeur combative. La paix serait possible lorsque, de part et d’autre, on serait bien fatigué de la guerre.
Il garda donc une neutralité absolue entre les deux camps. On essaya, plus d’une fois, de l’en faire sortir, mais inutilement. Quand on venait soumettre à son tribunal quelque injustice à redresser, quelque différend à régler, il renvoyait invariablement les plaideurs dos à dos, estimant, à bon droit, qu’au fond de tout cela il y avait la grosse question Saveri-Muttu, à laquelle il ne pouvait toucher sans s’exposer aux plus fâcheuses conséquences.
Cette tactique lui réussit. Peu à peu, des signes de lassitude se manifestèrent. Les meneurs (n’y en a-t-il pas toujours dans toutes ces querelles ?) se virent moins écoutés, moins suivis. On les accusait de ne prolonger les hostilités que pour satisfaire leurs rancunes personelles. Bref, la détente s’accentua de plus en plus, et enfin la paix fut conclue, une paix sérieuse cette fois, à la satisfaction générale. Le missionnaire se voyait enfin débarrassé de l’obstacle qui paralysait son zèle.
Nous ne suivrons pas M. Lefrançois dans le détail des quatorze ou quinze années qu’il a passées à Matoor. Il s’acquittait de l’administration de ses chrétientés avec un zèle infatigable, cherchant, par tous les moyens, à faire pénétrer de plus en plus la vie chrétienne et à développer l’instruction parmi ses ouailles. Sa façon de procéder était, parfois, avouons-le, originale, mais il arrivait à son but ; c’était le principal. Avec lui, il n’était pas aisé d’excuser sa paresse ou sa négligence. Malgré les avis donnés par lui, à maintes reprises, sur la matière, il voyait avec peine que plusieurs de ses parossiens s’obstinaient à arriver en retard à la messe, le dimanche. Réprimandés, ils répondaient que le son du tam-tam (qui tenait lieu de cloche) n’arrivait pas à leurs oreilles. M. Lefrançois voulut leur enlever ce dernier prétexte. Il possédait un magnifique cor de chasse. Il s’en servit, désormais, pour « sonner la messe ». Pouvait-on encore alléguer qu’on n’entendait pas ? Et pourtant, soit mauvaise volonté, soit nonchalance, il y eut encore des retardataires. Notre industrieux Normand ne se tint pas pour battu. Les dimanches suivants, après que la dernière sonnerie du cor de chasse avait lancé aux échos des montagnes environnantes ses notes bruyantes, on le vit se diriger, non pas vers l’église, mais vers le village, pour y faire une rapide tournée d’inspection. Son apparition imprévue et le son de sa grosse voix achevèrent de décider les volontés paresseuses et, bientôt, tout le monde fut d’une régularité exemplaire.
Le district de Matoor avait la réputation méritée d’être l’un des plus arriérés de la mission, au point de vue de l’instruction religieuse. A force d’énergie et d’insistance, M. Lefrançois réussit à stimuler ses chrétiens, et à remettre en honneur l’étude des prières et du catéchisme. Il se montrait particulièrement difficile avec les enfants, et ce n’était qu’après une préparation sérieuse qu’il les admettait à la première communion. Pour les y disposer, il n’épargnait pas sa peine. Matin et soir, il réunissait son petit monde pour lui parler des grands mystères de la religion, s’efforçant de les mettre à la portée de ces intelligences peu éveillées, au moyen de comparaisons tirées de la vie ordinaire. On l’écoutait avec intérêt, surtout lorsqu’il expliquait les belles gravures de son catéchisme en images. Et puis, il savait récompenser les studieux et, aussi, punir les paresseux et les distraits.
L’administration des postes de son district prenait à M. Lefrançois une grande partie de l’année : homme de devoir avant tout, il ne s’absentait pendant tout ce temps que pour aller se confesser au confrère le plus voisin. Par contre, pendant ce qu’on pourrait appeler la morte saison, il accordait parfois quelque petite satisfaction à son humeur chevaleresque. Levé de grand matin, il sellait son fidèle « Charlot », et allait au grand galop surprendre, à l’autre bout de la mission, quelque confrère qui, naturellement, était aussi étonné qu’heureux de recevoir sa visite.
Ainsi s’écoulait la vie de notre confrère : point d’actions d’éclat, mais un dévouement inlassable pour ses chrétiens, auxquels il était très attaché : « J’ai eu bien du mal à Matoor, « disait-il un jour, mais quand il faudra quitter mon district, j’en éprouverai une grande « peine. » En 1893, Mgr Bardou trouvant que la paroisse était trop considérable pour un seul missionnaire, en détacha les chrétientés de Nagloor, Michelpalayam et Ouratchikottei, dont il forma un nouveau district. M. Lefrançois fut le premier à applaudir à cette mesure. En effet, chaque année, par suite de l’éloignement, plusieurs malades lui échappaient. Ce n’est pas qu’on fût négligent pour l’avertir en cas de danger ; mais le courrier ne pouvait lui apporter la nouvelle qu’après douze heures de marche forcée. Vite CharIot était sellé, et partait rapide comme une flèche. Malgré cela, le missionnaire, arrivait souvent trop tard. La division de sa paroisse fut donc un soulagement pour notre confrère, d’autant plus qu’il commençait à ressentir les atteintes de la malaria.
Deux ans plus tard, l’évêque de Coimbatore n’ayant personne à qui confier l’orphelinat de Sinnapallam, que M. Blanchard, malade, était obligé de quitter, en chargea M. Lefrançois, et lui donna un vicaire pour l’aider dans l’administration de son district. Il s’affectionna à ses pauvres orphelins, dont il sut se faire aimer. Si l’un d’eux tombait malade, il le soignait avec l’affection d’une mère, n’hésitant pas à aller lui-même chercher à l’hôpital voisin les remèdes qu’il ne trouvait pas dans sa petite pharmacie. Il n’avait accepté la charge que par obéissance, et pourtant, quand l’insalubrité de l’endroit obligea plus tard à transférer l’orphelinat à Coimbatore, ce fut pour lui un vrai crève-cœur d’avoir à se séparer de ses chers enfants.
Une fois déchargé de l’orphelinat, M. Lefrançois songea à réaliser un projet formé depuis longtemps, celui de doter d’une église convenable sa chrétienté de Nayambadi. L’édifice fut construit en quatre ans, et avec quelles peines ! Ne pouvant attirer dans ce pays fiévreux aucun ouvrier exercé, le missionnaire dut lui-même former à l’art de bâtir quelques chrétiens de bonne volonté.
Cependant les fatigues occasionnées par la construction de son église et, surtout, la redoutable malaria, avaient miné la robuste constitution du missionnaire. En 1904, Mgr Roy fit une nouvelle division du district, espérant que M. Lefrançois, moins chargé, pourrait prendre un repos relatif et refaire sa santé. Il n’en fut rien, et bientôt notre confrère prenait la route de Bangalore, où il passa trois mois à l’hôpital. A son retour, l’évêque voulut le placer dans un district plus salubre. M. Lefrançois, attaché au district de Matoor, où il avait tant souffert et tant travaillé, supplia Mgr Roy de lui laisser tenter un nouvel essai. Sa Grandeur, jugeant un changement nécessaire, ne voulut pas y consentir et plaça le malade à Podanour.
Podanour, petit village situé aux environs de Coimbatore, est une importante station de chemin de fer. Bon nombre d’Européens et East-Indiens, employés de la Compagnie du Madras-Railway, y ont leur résidence. Ce n’était plus tout à fait la brousse comme sur les rives du Kavery ; aussi n’est-ce pas sans quelque appréhension que M. Lefrançois vint s’y installer. Il lui faudrait abandonner sa liberté d’allures, se mettre un peu plus à l’étiquette, reprendre l’étude de l’anglais qu’il ne savait que très imparfaitement, et ce n’est pas chose aisée, après dix-sept ans de mission, d’entreprendre l’étude d’une nouvelle langue. Il s’y appliqua résolument, sinon par goût, du moins par devoir.
Il ne tarda pas à conquérir l’estime et même l’amitié des « gentlemen » de la station. On aimait, on recherchait sa compagnie ; il savait si bien mettre de bonne humeur par ses bons mots et ses reparties spirituelles ! De là, pour lui, une influence dont il tirait parti, le cas échéant, pour aider ses chrétiens.
M. Lefrançois était donc fait à sa nouvelle situation ; le doux climat de Podanour lui avait rendu une partie de ses forces, et la malaria ne revenait plus qu’à de rares intervalles. On le croyait destiné à travailler encore de longues années, lorsqu’en février 1906, au retour d’une visite à un confrère voisin, il fut pris d’un violent accès de fièvre. On put bientôt se convaincre qu’il s’agissait d’une attaque de petite vérole, car des boutons nombreux et énormes ne tardèrent pas à apparaître. Notre confrère, qu’on s’était hâté de transporter à Coimbatore, était devenu méconnaissable.
Le samedi 24 février, le docteur déclara que le cas était extrêmement grave. Mgr Roy se chargea d’avertir le malade et de lui proposer les derniers sacrements. M. Lefrançois, qui ne croyait nullement au danger, voulut d’abord plaisanter : « Vous êtes bien pressé, « Monseigneur, de me délivrer mon passeport. Je me sens encore vigoureux. Je ne m’en irai « pas dans l’autre monde, avant d’avoir célébré avec vous votre jubilé épiscopal. » Sa Grandeur insista et le cher malade, comprenant enfin la gravité de son état, dit alors : « Eh « bien ! à la volonté de Dieu. » Il avait encore sa lucidité d’esprit, et il répondit à toutes les prières liturgiques d’une voix forte qui ne trahissait aucune émotion. Il était temps, car, peu après, il perdait connaissance, et le lendemain, à 1 heure du matin, il rendait son âme à ieu.
De nombreux chrétiens accompagnèrent sa dépouille mortelle jusqu’à sa dernière demeure. Nombreux furent les protestants européens et east-indiens, qui vinrent de Podanour assister à ses obsèques et donner au cher défunt un dernier témoignage de leur estime.
Caractère original mais très sérieux, M. Lefrançois a été un homme de devoir, et sa carrière apostolique peut se résumer par cette courte appréciation : Il a bien travaillé. C’est le meilleur éloge que puisse mériter un prêtre et un missionnaire.
~~~~~~~
References
[1785] LEFRANÇOIS Aimable (1862-1906)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1890, p. 199 ; 1894, p. 296 ; 1896, p. 323 ; 1898, p. 257 ; 1901, p. 260 ; 1902, p. 279.
Notice nécrologique. - C.-R., 1906, p. 314 ; 1908, p. 300.