Julien CHOTARD1853 - 1897
- Status : Prêtre
- Identifier : 2024
Identity
Birth
Death
Biography
[2024] CHOTARD, Julien-Marie, né à Bouvron (Loire-Inférieure) le 1er octobre 1853, fut dabord soldat, puis dentiste à Paris. Désireux de se consacrer aux missions, il fit quelques études de latin, entra laïque au Séminaire des M.-E. le 8 septembre 1888, fut ordonné prêtre le 3 juillet 1892, et partit le 12 octobre suivant pour le sanatorium de Béthanie à Hong-kong, en qualité dassistant du supérieur.
En 1893, il fut agrégé à la mission du Tonkin occidental, resta un an à Ke-non et à Le-xa, et remplaça à Nam-dinh un missionnaire malade. Lors de la création du Haut-Tonkin en 1895, il fut affecté à ce vicariat, et devint aumônier à lambulance militaire de Tuyen-quang. Il éleva une église dans ce poste ; à peine leut-il achevée, quil mourut le 3 novembre 1897.
Obituary
[2024] CHOTARD Julien (1853-1897)
Notice nécrologique
• Né le 1er octobre 1853
• Parté le 12 octobre 1892
• Mort le 3 novembre 1897
La mission du Haut.-Tonkin, écrit Mgr Ramond, a fait, le 3 novembre 1897, une perte bien douloureuse en la personne de M. Chotard. Quel deuil pour une mission qui commence, et où le besoin d’ouvriers zélés et dévoués se fait si vivement sentir ! Espérons que le sacrifice de cette vie si rapidement usée au service des âmes sera pour nous une source de bénédictions.
M. Julien-Marie Chotard naquit à Bouvron, en 1853, dans le diocèse de Nantes qui a donné tant de saints prêtres aux Missions-Étrangères. Malgré ses 43 ans bien sonnés, ce confrère ne comptait que 5 années de prêtrise. Sa vocation avait été tardive. Dieu n’appelle pas tous ses ouvriers à la même heure ni par les mêmes moyens. Celui-ci fut conduit à l’apostolat assez tard et par une voie bien détournée. M. Robert, son compatriote, va nous le dire en racontant sa vie.
« Vers l’âge de 36 ans, après plusieurs années de service militaire et quelques études de latin, faites auprès d’un bon curé de Bretagne, Julien Chotard se trouvait à Paris où il exerçait le métier de dentiste.
Ayant fait connaissance avec des aspirants des Missions-Étrangères, dans des conditions tout à fait providentielles, il se sentit appelé à la vocation apostolique. Après les réflexions et les luttes qui accompagnent toujours les résolutions de ce genre, il déposa le davier et fut admis au Séminaire de la rue du Bac.
Dès son entrée dans ce monde si nouveau pour lui, notre confrère gagna la sympathie de ses maîtres et de ses condisciples. On remarqua bien vite en lui, avec beaucoup de piété, un rare esprit d’ordre et d’économie, et une attention toute particulière aux petits détails de la vie pratique. Ces précieuses qualités lui firent confier, durant les vacances, certaine charge dont il s’acquitta toujours avec les soins les plus minutieux et une étonnante perfection. Aussi, ses condisciples disaient-ils de lui : « M. Chotard, avec trois carottes et deux navets, peut faire un excellent pot-au-feu à la communauté tout entière. »
Faire beaucoup avec peu : c’est une science merveilleuse dont quelques rares privilégiés possèdent seuls le secret. Ceux qui l’ont découvert, sont faits pour des rôles particuliers. Voilà pourquoi, au lendemain de son ordination sacerdotale, M. Chotard partait pour le sanatorium de Béthanie, à Hong-kong. Tout semblait indiquer qu’il était destiné à passer là sa vie au service des missionnaires de la Société, qui ont besoin de refaire leur santé. Par malheur, Hong-kong est une espèce de Tour de Babel où il faut, en plus de la langue anglaise, parler et comprendre plusieurs dialectes chinois. L’ardent missionnaire s’attela courageusement à quelques-uns de ces derniers, mais ne put réussir à les posséder convenablement. Cette impossibilité ne doit pas paraître extraordinaire. Notre confrère avait déjà plus de 40 ans ; il avait vécu presque toujours loin des livres : double raison qui devait le rendre inférieur à une tâche si laborieuse.
Vers 1895, il fut incorporé à la Mission du Tonkin occidental. Sans doute il y avait encore là une difficulté de langue ; mais l’annamite est moins revêche que le chinois. Après une année passée à Ké-non et à Lé-xa, M. Chotard possédait suffisamment la langue pour exercer avec fruit les différentes fonctions de l’apostolat. Appelé à remplacer quelque temps un confrère malade, il fit, à Nam-dinh, un séjour insignifiant par la durée, très important par les résultats obtenus et par le souvenir qu’on y gardera longtemps encore de sa piété exemplaire et de son zèle à toute épreuve. A ce moment, l’ambulance militaire de Tuyen-quang réclamait la présence d’un missionnaire. Mgr Gendreau répondit à la demande qui lui était faite, par l’envoi de M. Chotard. C’est là que notre confrère s’est réellement montré ce qu’il était : un caractère entreprenant, un homme de foi, un homme de Dieu. C’est là aussi qu’il a supporté de nouvelles épreuves, parfois bien pénibles à un cœur comme le sien ; c’est là qu’il a consommé son sacrifice.
Il se fit d’abord tout à tous, à l’exemple du grand apôtre, et à force de bonté et de patience, gagna tous les cœurs. Grâce à cette sympathie des premiers jours, qui ne fit que s’accroître avec le temps, le Père Chotard put toujours compter sur les officiers. Soutenu par leur bon esprit et leur bienveillant concours il entreprit la construction d’une église.
Bâtir une église est toujours une grosse affaire, même en France. A combien plus forte raison est-ce difficile en mission !.. A combien plus forte raison était-ce difficile à Tuyen-quang, où les ressources sont nulles, la main-d’œuvre et les matériaux de construction, sauf le bois peut-être, à un prix très élevé. Afin de diminuer les dépenses et de hâter la besogne, l’infatigable Père travaillait lui-même de ses mains, s’attelait aux énormes madriers et leur faisait gravir la colline. — Le résultat le plus immédiat de ce labeur sans trêve ni merci fut la dysenterie qui ne le quitta plus. Ce mal ne put toutefois vaincre son courage, ni enrayer le mouvement donné. La fièvre se mit de la partie et un séjour à l’hôpital devint nécessaire. Là, l’une et l’autre semblèrent lâcher prise ; tout danger disparut momentanément ; la construction de l’église fut reprise, et le gros de l’œuvre achevé. — A mesure que s’élevait la maison de Dieu, la santé du Père, de plus en plus délabrée, s’affaissait à vue d’œil et semblait menacée d’une ruine imminente et totale. Alors, Mgr Ramond lui enjoignait d’aller se reposer quelque temps à Hung-hoa. A cet ordre formel notre confrère répondit en demandant à différer quelques jours, afin de terminer son autel et promit de descendre le vendredi, 5 novembre. Hélas ! le 3 il était mort !
Cette application au travail manuel chez notre confrère ne doit étonner personne, puisqu’un Missionnaire des temps anciens, le grand saint Paul, qu’il nous est permis de chercher à imiter, gagnait, disent les Saintes Lettres, sa vie à fabriquer des tentes. Du reste, et ce point est très digne de remarque, M. Chotard, malgré ses occupations pressantes, non seulement n’omettait jamais le moindre exercice de piété, mais n’en remettait jamais un seul à plus tard.
Toujours levé à 4 heures du matin, il donnait à la méditation le temps réglementaire, célébrait la sainte messe, faisait l’action de grâces et récitait les petites heures de l’office, tout comme s’il avait été encore au séminaire des Missions. Suivait un modeste déjeuner ou mieux un petit frustulum ; de là il se rendait au travail.
Le soleil levant le trouvait sur le chantier ou sur les échafaudages, attendant impatiemment l’arrivée de ses maçons. A 10 h. ½ ou 11 heures, suivant la saison, il congédiait ses aides et se rendait au marché pour faire ses provisions. De retour chez lui, il préparait d’un seul coup les deux repas de la journée, prenait le premier et réservait le second pour le soir. Il complétait alors l’ordre de ses exercices spirituels, récitait vêpres et complies et grimpait de nouveau aux palanques. Malgré ses occupations absorbantes, M. Chotard trouvait le moyen de gagner des âmes à Jésus-Christ. Païens et chrétiens avaient égal accès auprès de lui. Il écoutait le récit de leurs misères, les consolait, les encourageait, donnait à l’envi médecines du corps et remèdes de l’âme. Combien de païens n’a-t-il pas convertis à la vraie religion par ses soins dévoués et sa charité compatissante ! Combien de chrétiens, tièdes et froids, n’a-t-il pas ramenés au bien par le spectacle qu’il leur donnait des plus belles vertus !
Au moment où la journée de travail finissait pour tout le monde, notre cher confrère continuait comme de plus belle l’exercice de son zèle. Il quittait sa colline, gagnait l’ambulance, où, plusieurs fois déjà, pendant la journée, il était allé faire aux mourants l’aumône d’une extrême-onction ou d’une dernière bonne parole ; il revisitait ses malades, essayait encore, par un mot aimable ou une petite prévenance inattendue, de toucher des cœurs jusque-là restés insensibles. Puis il regagnait son logis, continuait son bréviaire, prenait son repas, préparé du matin et terminait sa journée par quelque lecture pieuse et de ferventes prières.
La journée si bien remplie de M. Chotard a été peut-être le point original de sa vie ; mais l’originalité du travail, de l’application et du bon emploi du temps, est encore une de celles qu’il est bon de faire remarquer, ne fut-ce que pour l’exemple. Une autre particularité dans la vie du cher Père, c’est qu’il n’a jamais voulu déranger personne pour son propre service ; il avait pour serviteur un petit enfant de chœur, et c’est tout. Lui-même préparait son repas et le servait, même quand il avait des commensaux. C’était sagesse. Avec son culte pour la perfection des détails et ses besoins d’économie, il n’aurait pu s’accommoder du service d’autrui. En effet, au Tonkin, on ne procède guère que par à peu près et on ne calcule pas, quand il s’agit de l’intérêt d’un autre. Un cuisinier fait de la soupe ou à peu près ; un blanchisseur vous rend du linge qui a vu l’eau ou à peu près ; des maçons vous font un mur qui est droit ou à peu près ; ainsi pour le reste. Dans ces conditions, si on s’intéresse à quelque chose, et qu’on ait tant soit peu l’habitude de l’économie, une surveillance active est de rigueur, et souvent le plus simple est de mettre soi-même la main à la pâte. Notre confrère l’y mettait non à demi, mais pleinement et avec toute l’énergie dont il était capable ; car lorsqu’il voulait quelque chose, il la voulait comme on veut au pays de Bretagne. Cette vigueur de volonté, il la portait partout, même dans son désir de rendre service. Malheur à la dent qu’il soupçonnait infidèle à son rôle et instrument de douleur dans la bouche d’un ami. Reprenant alors son antique davier, il mettait une telle insistance pour l’extraire, qu’un jour j’eus de la peine à sauver une de mes molaires, trop rare survivante de précédents arrachages.
Hélas qui aurait pensé à ce moment de joyeuse et franche gaieté que la tombe allait s’ouvrir et se refermer sur ce cher ami. Un peu de réflexion aurait cependant pu faire redouter ce dénouement. Les travaux excessifs auxquels il s’était livré avec une ardeur incroyable, sous un soleil ardent, et la dysenterie qui s’en était suivie, avaient miné ses forces. Son énergie ne lui laissait entrevoir aucun danger, et à toutes les recommandations de prendre du repos il faisait cette seule réponse : « J’ai été un peu fatigué comme tout le monde ici ; maintenant je vais très bien. Il ne faut pas songer à quitter mon poste avant l’achèvement de mon église. » C’est ce que disait sa dernière lettre écrite le 18 octobre dernier. A deux reprises, il avait vu le terrible choléra faire de nombreuses victimes parmi les soldats. Nuit et jour à leur chevet, il leur prodiguait tous les soins de son ministère. Plus de 140 malades ont reçu ainsi les derniers sacrements, et 80 tirailleurs Annamites la grâce du baptême.
Malgré sa fatigue extrême, le jour de la Toussaint, il célébrait encore la sainte messe ; le lendemain, jour des Morts, il montait pour la dernière fois au saint autel. C’est le 3 novembre, au soir, qu’il rendait sa belle âme à Dieu, s’éteignant comme une flamme qui n’a plus d’aliment, victime de son activité et de son zèle, donnant l’exemple du soldat qui meurt sur la brèche au poste du combat.
Tous les habitants de Tuyen-quang furent vivement émus de cette mort si inopinée, et voulurent témoigner leur affectueuse sympathie et leur vive gratitude envers celui qu’ils appelaient leur Père par leurs nombreuses couronnes et leur assistance à ses funérailles. Par les soins du colonel Martin, un cercueil en plomb reçut le corps de notre regretté confrère, après qu’il eut été exposé trente-six heures dans la chapelle de l’ambulance. Au matin du 6 novembre, Tuyen-quang tout entier assistait à la messe que célébrait M. Pichaud, et lorsque toutes les cérémonies furent accomplies, la dépouille mortelle du vénéré défunt fut portée, sur les épaules des soldats et des chrétiens auxquels il avait fait tant de bien, au haut de la colline qui domine la ville, dans cette église qu’il avait construite au prix de son repos, de sa santé et de sa vie. »
Heureux ami ! votre amour pour Dieu et pour les âmes ont abrégé votre course dans cette vallée de larmes. Arrivé au port pendant que nombre de vos aînés luttent encore contre la tempête, souvenez-vous, auprès du bon Maître qui, je n’en doute pas, vous a déjà donné un palais pour l’éternité, à vous qui lui avez élevé un sanctuaire pour le temps, souvenez-vous de ceux qui vous ont aimé et obtenez-leur votre culte de la règle et votre activité qui n’a connu que le repos du ciel.
Da famulis tuis, Deus, refrigerii sedem, quietis beatitudinem, et luminis claritatem.
References
[2024] CHOTARD Julien (1853-1897)
Notes bio-bibliographiques. C.-R., 1896, p. 189 ; 1897, p. 151 ; 1906, p. 151. M. C., xxviii, 1896, p. 207 ; xxx, 1898, p. 65. P. M. M., 1896-97, p. 48 ; 1898-99, p. 155.
Notice nécrologique. C.-R., 1897, p. 376.