Jean LE GARREC1871 - 1912
- Status : Prêtre
- Identifier : 2124
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1894 - 1912
Biography
[2124]. LE GARREC, Jean-Marie, né à Glomel (Côtes-du-Nord) le 6 avril 1871, entré laïque au Séminaire des M.-E. le 4 décembre 1891, ordonné prêtre le 1er juillet 1894, partit le 29 août suivant pour le Yun-nan. Il géra d'abord la procure de la mission à Mong-tse, et, en 1895, fut chargé du district de Ko-koui, avec résidence à Ta-ouan-tse comprenant cinq stations distantes de quatre à cinq jours de marche. Par son savoir-faire, il s'y acquit la considération même des mandarins païens.
En 1899, il passa dans le district de Tchao-tang où existent deux orphelinats. L'année suivante, lors des troubles excités par les Boxeurs, il fut, comme un certain nombre de missionnaires du Yun-nan, obligé de quitter le pays ; il demeura plusieurs mois à Hong-kong. A son retour, il négocia l'achat de propriétés communales avoisinant sa résidence à Tchao-tong, construisit un oratoire, et fonda plusieurs stations chrétiennes. Ensuite, il remplit pendant quelque temps les fonctions de procureur à Yun-nan fou et à Mong-tse. Malade, il revint en France, et mourut à Toulouse (Haute-Garonne), le 23 février 1912.
Obituary
M. LE GARREC
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU YUN-NAN
Né le 6 avril 1871
Parti le 29 août 1894
Mort le 23 février 1912
Jean-Marie Le Garrec était né à Glomel (Saint-Brieuc, Côtes-du-Nord). Après d’excellen-tes études de littérature, il arrivait aux Mis¬sions-Étrangères, le 4 décembre 1891.
Aspirant-missionnaire, il partagea son temps entre l’étude des sciences sacrées et la prière. Doué d’une grande facilité de travail et d’une excellente mémoire, il faisait ses délices des questions les plus épineuses de la Philosophie et de la Théologie ; et déjà, dans les joutes récréatives entre confrères, il brillait par la clarté des idées et la sûreté du jugement. L’aménité de son caractère rendait sa compagnie charmante, et la finesse de son esprit lui faisait toujours trouver la note gaie en conversation.
« C’était un Breton de vieille race, vigoureux et vaillant. Mais la mélancolie des landes solitaires et sauvages de son pays n’avait point atteint son âme. On eût dit, au contraire, qu’un rayon de soleil du Midi avait éclairé son berceau et fortifié sa vie. Sa parole était vive, hardie, joyeuse, pittoresque et toujours prête à la riposte. »
Ordonné prêtre en 1894, il reçut sa destination pour le Yun-Nan, et vit avec bonheur s’ouvrir l’âpre et large carrière, où il brûlait de dépenser sa vie pour gagner des âmes à Jésus-Christ. Le travail abondait. Aussi, à peine arrivé, M. Le Garrec fut-il envoyé, en compagnie d’un prêtre chinois, à Mong-Tse, pour y tenir la nouvelle procure que l’ouverture de la route du Tonkin avait rendue indispensable.
Le pays ne comptait aucun chrétien à poste fixe, et le jeune Missionnaire n’avait guère, comme paroissiens, que quelques Européens. Il sut vivre avec eux en excellents rapports et s’attirer les bonnes grâces de tous ; plusieurs, après nombre d’années, se faisaient encore un plaisir de lui écrire.
Son séjour à Mong-Tse fut, du reste, de courte durée. Le Supérieur du Collège ayant été nommé coadjuteur, le titulaire du vaste district de Ko-Koui fut appelé à le remplacer. M. Le Garrec fut désigné pour occuper ce dernier poste, situé à l’extrémité opposée de la Mission.
Parti joyeux, il arrivait après 24 jours de marche, au castel moyenâ¬geux de Ta-Ouan-Tse Ko-Koui, où l’on reconnaît sans peine l’œuvre du Chevalier-apôtre, le zélé P. Chicard.
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Le district qui lui est confié — le plus considérable de la Mission pour le nombre des chrétiens — est en même temps d’une administration très pénible, avec ses cinq stations, distantes de 4 à 5 jours de marche, à travers une région des plus difficiles. Il fait, en effet, partie de ce que nous appelons le Bas-Yun-Nan, cette contrée sauvage, abrupte et presque inhabitable, à cause de ses brouillards continuels et de ses pluies journalières. Tout autour de la résidence, s’étend une agglomération de montagnes imposantes, s’étageant les unes sur les autres : pas une plaine, pour reposer la vue ; partout, des pics qui se perdent dans les nuées ; toujours, de sombres gorges ; partout, des torrents débordés ou des sentiers impraticables, au bord de précipices sans fond.
L’habitant de ce pays se rapproche beaucoup, pour le caractère, des gens du Su-Tchuen, fin matois, ardent au gain, orgueilleux et grand ami de la chicane. Celui de Ko-Koui, en particulier, que l’on surnomme « l’élite des batailleurs », est réputé comme méchant, querelleur, et sa vengeance est toujours terrible. Il faut parvenir à le dominer, soit par la force physique, soit par l’ascendant moral. Alors, mais alors seulement, il devient doux comme un enfant.
M. Le Garrec apportait à ces rudes montagnards une invincible énergie, une grande prudence et des trésors de patience. Aussi, malgré les préventions du peuple et la haine des sociétés secrètes, si puis¬santes en ce pays, réussit-il à se faire accepter de la population et à lui faire du bien. Dès le principe, il aima beaucoup les âmes confiées à ses soins. « Ne pas les aimer, disait-il, serait une marque de non-vocation ; impossible, en effet, de leur faire aucun bien, si on ne les affectionne pas.
Bien convaincu que le Chinois a de l’étranger une défiance instinctive, il travailla à détruire cette barrière, en s’adaptant autant que possible aux mœurs et usages du pays, se faisant tout à tous pour conquérir les âmes. Il s’acquit ainsi une confiance universelle, et une haute considération auprès des mandarins eux-mêmes.
Pendant quelques années, il fut donc la sentinelle vigilante de la Tour du guet, se dépensant avec bonheur au salut de ses 1.200 chré¬tiens, à la visite de ses diverses stations et au soin de ses cinq ou six écoles.
Non content de cultiver le champ confié à ses soins, il brûlait du désir de l’étendre. Le Père Chicard avait rêvé de porter l’Evangile aux tribus indigènes, Lolos ou Miao-Tse, retranchées au milieu des montagnes ; son cœur d’apôtre avait dressé les plans de cette campagne sainte, que la mort vint trop tôt interrompre. M. Le Garrec résolut de continuer son œuvre ; sans écouter le cri unanime de tout bon Chinois, dont l’âme déborde de mépris pour ces tribus sauvages et barbares, il noua avec les chefs indigènes du pays des relations amicales, destinées à frayer la route à la bonne Nouvelle.
Le temps lui manqua pour mettre à exécution ses projets. En effet, le district de Tchao-Tong étant devenu vacant, il fut appelé à en prendre la direction au milieu de 1899. Assez rapproché de Ko-Koui, le nouveau poste diffère notablement du premier : également pourvu de 4 ou 5 annexes, il renferme un nombre moins considérable de chrétiens ; par contre la Sainte-Enfance y fait des merveilles. Ses orphelinats de garçons et de filles sont sans cesse remplis ; et les baptiseurs et baptiseuses cueillent, chaque année, une abondante moisson d’âmes.
M. Le Garrec se consacra de tout son cœur à ses nouvelles ouailles et apporta tous ses soins à soutenir et développer les œuvres déjà existantes. Mais 1900 arriva bientôt, amoncelant des nuages pleins de menaces sur la tête des ouvriers apostoliques ; la tourmente en jeta plusieurs hors de leurs Missions, et M. Le Garrec dut se réfugier quelque temps à Hong-Kong.
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Après dix mois d’exil, quand parvinrent les premières nouvelles de la paix signée à Pékin, il se hâta de rejoindre son poste, et fut heureux de constater que non seulement la persécution n’avait amené aucune défection parmi ses chrétiens, mais qu’au contraire elle avait encore ravivé leur attachement à la religion. Cette persécution, d’ailleurs, trompant les desseins du diable, avait accru notre influence aux yeux des mandarins, et nous valait un regain de considération de la part du peuple.
Bien des postes, pourtant, dans le Bas-Yun-Nan, avaient été pillés, saccagés, expropriés, et de toutes parts incombait aux missionnaires la lourde charge de faire rendre au moins un semblant de réparation. En ces circonstances, M. Le Garrec fut un secours précieux ; connais-sant à fond les finesses du caractère chinois, il avait appris l’art difficile d’en triompher, et il employa tout le crédit dont il jouissait auprès des mandarins pour faire valoir la cause de la religion.
Le succès couronna ses efforts ; il profita même des circonstances pour se faire vendre par les notables de la ville, ses amis, quelques propriétés communales avoisinant notre fort petite résidence ; et il put ainsi enrichir son district d’une belle et grande église et agrandir la résidence. De plus, pour gagner davantage encore les sympathies des mandarins et des notables, il ouvrit une école de français et de sciences européennes, dont le professeur fut payé par le Préfet lui-même.
A cette époque, on lui adjoignit un prêtre chinois comme vicaire. Aidé de ce précieux auxiliaire, il devint plus que jamais un chercheur d’âmes que l’inconnu n’effrayait pas, promenant partout la lumière pour les attirer à la foi et ainsi s’ouvrirent de nouvelles stations dans la plaine comme dans la montagne.
Une grande activité fait ressentir plus vivement au cœur le besoin de se recueillir pour réparer ses forces, et chercher, dans l’union à Dieu, l’énergie que l’on doit dépenser au dehors. C’est à cette source féconde que M. Le Garrec aimait à puiser ; ses livres étaient de bons amis dont il se passait avec peine, et son âme d’artiste éprouvait le besoin de confier à la musique l’expression de ses sentiments. Aussi, au milieu des soucis de son vaste district et du tumulte des affaires, trouvait-il le temps d’approfondir la philosophie et la théologie, de dévorer les œuvres des orateurs sacrés, dont il aimait ensuite à débiter les passages les plus remarquables. Et lorsque le ministère avait absorbé toute sa journée, facilement, trop facilement peut-être, il prenait sur son sommeil pour se livrer à ces chères occupations.
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Toutefois, ce surmenage, le régime tout chinois qu’il avait adopté, minaient peu à peu sa robuste constitution ; peu habitué aux ménagements, il ne prit pas garde aux premiers malaises et continua son ministère sans paraître remarquer l’affaiblissement de ses forces. Aussi, presque subitement, alors que personne ne le prévoyait, fut-il réduit à l’impuissance ; les maux d’estomac, les maux d’yeux et la goutte l’empêchèrent, dorénavant, de travailler sérieusement.
A la fin de 1906, alors qu’on lui conseillait de retourner à Hong-Kong ou même en France, il consentit seulement à se rendre au Su-Tchuen. Quelques mois passés à l’hôpital de Tchong-Kin, quelques autres à l’hôpital de Soui-Fou, amenèrent une légère amélioration, qui lui permit, au prix des plus grands efforts, de faire, durant une année, l’administration du poste de Ta-Li.
En 1908, Mgr de Gorostarzu, espérant que le régime européen lui serait plus favorable, le nomma procureur et chargé d’affaires à la capitale, puis, pour tenter un changement d’air, à Mong-Tse, où il avait débuté en arrivant au Yun-Nan. Ce fut en vain : M. Le Garrec était déjà trop affaibli ; il dut enfin le reconnaître et, en 1910, il demanda lui-même à être envoyé au Sanatorium de Béthanie. Quelques mois de traitement n’amenèrent aucun résultat appréciable ; le docteur, impuissant, conseilla un retour en France, où le cher malade arrivait en juin 1911.
A la fin de l’année, il ne se faisait aucune illusion sur sa fin prochaine : « Je vais mourir, écrivait-il ; je vous fais mes adieux. J’offre de grand cœur le sacrifice de ma vie à Dieu pour notre Société et pour notre chère Mission, à qui, peut-être, par ma faute, je n’ai pas rendu tous les services que j’aurais pu rendre. Je vous prie de me pardonner les peines que je pourrais vous avoir faites. Et je vous demande de prier et de faire prier les chrétiens pour ma pauvre âme. »
Quelques mois après, nous apprenions son décès. Notre Confrère avait été rappelé à Dieu le 23 février 1912, pendant qu’il suivait à Toulouse, un traitement rendu nécessaire par l’aggravation de la maladie dont il souffrait.
La mort révèle d’ordinaire les sentiments qu’inspirait le défunt. Le temps semblait avoir manqué, partout, à M. Le Garrec pour laisser dans ses districts des traces bien profondes de son passage ; néanmoins, nous avons pu constater que les sympathies de tous lui étaient acquises.
A Tchao-Tong, en particulier, dès l’annonce de cette mort, mandarins et païens s’empressèrent d’aller dire leurs condoléances au Missionnaire du lieu, tandis que les chrétiens, pendant neuf jours, récitaient pour lui à l’église les prières des morts et faisaient célébrer de nombreuses messes.
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References
[2124] LE GARREC Jean (1871-1912)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1905, p. 83 ; 1906, p. 108 ; 1907, pp. 135, 139 ; 1908, p. 141. - Sem. rel. Saint-Brieuc, 1899, pp. 251, 267 ; 1912, p. 132.
Notice nécrologique. - C.-R., 1912, p. 414.