Jean-Pierre DEMEURE1870 - 1928
- Status : Prêtre
- Identifier : 2236
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1896 - 1928 (Qui Nhon)
- 1905 - 1928 (Kontum)
Biography
[2236] Jean-Pierre DEMEURE vint au monde le 14 Mai 1870 à SAINT-CYR,diocèse de VIVIERS, département de l'ARDECHE. Jusqu'à l'âge de quinze ans, il partagea avec la famille les travaux de la campagne. Il commença ses études secondaires au Petit Séminaire de VERNOUX où il se montra élève studieux et réfléchi, doué pour la géométrie, captivé par le récit du martyre du Bienheureux PERBOYRE.
Le O1 Octobre 1892, laïque, il entra au Séminaire des Missions Etrangères. Tonsuré le 25 Septembre 1893, il reçut les ordres mineurs le 28 Octobre 1894 ; Sous-diacre le 21 Septembre 1895, Diacre le 29 Février 1896, Prêtre le 28 Juin 1896, il reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique de la COCHINCHINE ORIENTALE (QUINHON), qu'il partit rejoindre le 29 Juillet 1896.
Il apprit d'abord le viêtnamien à QUINHON, puis à PHUONG-PHI. Il fut ensuite nommé professeur au Petit Séminaire de LANG-S_NG, puis exerça le ministère dans le district de THAO-DA. Rappelé au Petit Séminaire en raison de ses aptitudes à l'enseignement, il ne parut pas homme d'autorité. Il était trop bon. Heureusement, la maison avait pour Supérieur un homme dont la présence seule suffisait pour maintenir l'ordre et la discipline : M. JEANNINGROS, futur Coadjuteur de Mgr.GRANGEON. Ces deux hommes se complétèrent l'un l'autre, et ils se lièrent d'une profonde et solide amitié .M.DEMEURE , entendu dans les choses pratiques, s'employa à l'entretien et à la réfection des bâtiments. il se fit briquetier et excella dans ce métier.
En 1905, un mouvement important de conversions en pays bahnar avait nécessité la création de nouveaux districts. M. DEMEURE s'offrit pour aller travailler chez ces populations des montagnes. Il s'occupa de la paroisse viêtnamienne de RO-HAI où il construisit un vaste presbytère qu'il n'occupa pas, car il organisa et dirigea la procure de DONG-PHO. C'était là le point extrême où arrivaient les barques viêtnamiennes dont les éléphants prenaient le chargement pour s'en aller le porter jusqu'à KONTUM, par des chemins quasi-impraticables. M.DEMEURE fut un procureur ingénieux,économe,patient et serviable,cultivant de bonnes relations avec les commerçants chinois, habile à tout réparer, sachant faire du neuf avec du vieux, menuisier à ses heures, tout en s'occupant de son four à briques. Vers 1913, la création de routes rendirent les transports plus faciles et plus rapides. La Procure de DONG-PHO n' ayant plus de raison d'être, M.DEMEURE rallia l'Ecole CUENOT, à KONTUM.
Quelques années après, une grave maladie de foie exigea son départ immédiat pour SAIGON. Il fut opéré le lendemain, se remit et s'en fut en convalescence, à HONG-KONG.
De nombreux immigrants viêtnamiens arrivaient sur les Plateaux. M.KEMLIN, Supérieur de la Mission, avait décidé la création d'une nouvelle chrétienté à PLEIKU. A son retour, M.DEMEURE se porta volontaire pour la fondation de ce nouveau poste. Pendant deux ans, il vécut dans une case peu confortable, et mena la vie frugale digne d'un Père du désert. Mais prévenu à l'avance, il se mettait en frais pour bien recevoir ses hôtes.
A PLEIKU, il connut les tracasseries d'un chef de poste, jaloux et agressif; de taille avantageuse considérant avec dédain ce chétif missionnaire venu s'installer dans son fief . Malgré ces ennuis, la chrétienté naissante prenait corps, chaque année se présentaient de nouveaux catéchumènes, et il bâtit une église provisoire.
A soixante kms à l'Est , il demanda à aller fonder la chrétienté de MANG-IANG; puis il s'en alla à AN-KH+, à 4O kms encore à l'Est, au centre du plateau qui domine de plus de 500 mètres, les plaines du BINH-DINH. Jadis, il existait là une chrétienté qui fut détruite lors de la persécution de 1885. Courageusement, M. DEMEURE releva cette chrétienté Un village voisin était sur le point de devenir chrétien, les 40 premiers catéchumènes devaient être baptisés à Noël 1928, quand une crise d'urémie arrêta net son labeur et ses projets.
Les chrétiens avertirent d'urgence le Provicaire de KONTUM, et Mgr. GRANGEON envoya M.LABIAUSSE à AN-KH+. On transporta M.DEMEURE à l'hôpital de QUINHON. Le Procureur de la Mission lui donna les derniers sacrements, et au milieu de la nuit du 20 Décembre 1928, il expira paisiblement. Il repose dans le cimetière des missionnaires à LANG-SONG.
Obituary
M. DEMEURE
MISSIONNAIRE DE QUINHON
M. DEMEURE (Jean-Pierre), né à Saint-Cyr (Viviers, Ardèche), le 14 mai 1870. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 1er octobre 1892. Prêtre le 28 juin 1896. Parti pour la Cochinchine Orientale le 29 juillet 1896. Mort à Quinhon le 20 décembre 1928.
Bienheureux les doux, bienheureux les pacifiques ! à eux est promise la terre de la céleste patrie, la bienheureuse éternité. Cette splendide récompense n’a-t-elle pas été accordée à ce doux, à ce pacifique, que fut notre cher et très regretté M. Demeure ? Le calme, la paix, la tranquillité d’âme furent son apanage ici-bas, le trait dominant de sa vie, trait qui tend de plus en plus à dispa¬raître de ce monde entraîné sinon à toutes les activités, du moins à toutes les dissipations.
Jean-Pierre Demeure naquit à Saint-Cyr, au diocèse de Viviers, le 14 mai 1870, de parents sincèrement chrétiens. Jusqu’à l’âge de quinze ans, il partage avec la famille les travaux de la campagne. Mais il entend, lui aussi, l’appel du Maître : « Veni, sequere me. » Et laissant ses champs, ses bois, ses troupeaux, il commence ses études au Petit Séminaire de Vernoux ; studieux et réfléchi, il montre un goût spécial pour les sciences positives, surtout pour la géométrie. C’est au Petit Séminaire que se précise sa vocation pour les Missions-Etrangères : le récit du martyre du bienheureux Perboyre le captive, il veut lui ressembler en quelque chose malgré les sacrifices, malgré surtout le sacrifice de sa famille. Il entre au Séminaire des Missions-Etrangères de Paris, et quatre ans après, ses études terminées, il reçoit le sacerdoce, et aussitôt après, sa detination pour la Mission de Cochinchine Orientale.
Il apprit d’abord l’annamite à Quinhon et à Phuong-phi ; il fut ensuite nommé professeur au Petit Séminaire de Lang-song, puis exerça le ministère dans le district de Thao-da. Rappelé au Petit Séminaire en raison de ses aptitudes à l’enseignement, il ne parut pas homme d’autorité, il était trop bon ! la maison avait, heureusement, pour Supérieur un homme dont la présence seule suffisait pour maintenir l’ordre et la discipline, M. Jeanningros, plus tard Coadjuteur de Mgr Grangeon, et qui mourut peu d’années d’après son sacre. Ces deux hommes se complétaient l’un l’autre ; ils se lièrent d’amitié, et cette amitié fut plus tard un vrai réconfort pour le pauvre Jean-Pierre au jour de ses épreuves. Entendu dans les choses pratiques, M. Demeure s’employa à l’entretien et à la réfection des bâtiments, il se fit briquetier, et ce fut là le début d’une industrie dans laquelle il excella et qui lui fut d’une vraie ressource dans les différents postes qu’il occupa. Son affection pour l’argile et pour la brique lui valurent, selon certains, ce « facies terreux » qui au conseil de révision de Quinhon en 1914 lui octroya un certificat de réforme !
En 1905, un mouvement très prononcé de conversions en pays banhar avait nécessité la création de nouveaux districts. Aussi, bien qu’avant déjà passé douze ans en Annam, M. Demeure s’offrit pour aller travailler chez les sauvages. Ce fut le seul missionnaire qui après avoir vécu longtemps en pays annamite, eut le désir de venir travailler en nos montagnes ; il y persévéra jusqu’à la mort. Il s’occupa de la paroisse annamite de Ro-hai où il construisit un vaste presbytère qu’il n’occupa pas, car les circonstances demandaient son retour momentané en Annam, pour organiser et diriger le service de la procure de Dong-pho. C’était là le point extrême où arrivaient les barques annamites, dont les éléphants prenaient le chargement pour s’en aller pesamment, lentement, à travers des chemins quasi impraticables, le porter jusqu’à Kontum le centre de la région banhar. M. Demeure est donc procureur : il adopte pour lui et pour autrui les principes d’une stricte économie, s’ingénie à réduire les frais de transborde-ment et de transport des denrées, refait les emballages trop lourds ou trop encombrants, des planches et des clous inutiles, se fabrique à bon compte un mobilier de procure, parcourt les boutiques des Chinois. Ses loisirs, il les employe à faire du neuf avec du vieux : il rafistole les vieilles serrures, les selles démolies, les arrosoirs percés, les lampes qui perdent leur pétrole, fabrique des chandeliers en bois, et cela sans négliger son fourneau à briques ; tout ce bricolage n’est pas chose vaine, il économise ainsi, rend service aux confrères : n’est-ce pas là le rôle d’un bon pro¬cureur ?
Vers 1913, la création de routes reliant l’Annam aux régions moys permit des moyens de transport plus faciles et plus rapides que les convois par barques et par éléphants. Dès lors la procure de Dong-pho n’avait plus de raison d’être, et M. Demeure, libéré de sa charge de procureur, rallia le centre de la Mission. banhar, au Collège Cuenot.
Quelques années après, une grave maladie de foie exigea son départ immédiat pour Saïgon : une opération eut lieu le lendemain même de son arrivée, qui nécessita l’ablation de deux côtes ; il pensa que c’était la fin, et ce fut avec une sereine tranquillité, qu’il envisagea la mort. Il guérit pourtant, et s’en fut à Hong-kong, climat meilleur que Saïgon, passer sa convalescence. Il nous revint à Kontum avec un renouveau de vie, des souliers neufs et une belle soutane de soie, chose inouïe chez un homme qui n’employait pour se vêtir que les étoffes les plus vulgaires. On fut dans l’émerveillement d’une pareille prodigalité ! le brave Jean-Pierre expliqua qu’ayant comme voisin d’hôpital un riche Annamite saïgonnais, ce dernier voyant le missionnaire vêtu d’habits jaunis, verdis, rapiécés de toutes parts, couvrant chichement ses maigres épaules, lui avait acheté tout ce petit trousseau, des chaussures, une valise, et même ajouté à ce bienfait substantiel une respectable provision de bonnes cigarettes.
Cependant la colonisation des pays moys marchait, et de nouvelles routes de pénétration amenaient de nombreux immigrants vers la haute région. En prévision de l’avenir, M. Kemlin, alors Supérieur local, avait décidé la création d’une nouvelle chrétienté au centre des plateaux jôrais, pays de peuplement, à Pleiku. Mais cette création présentait de telles difficultés, le personnel de la Mission était si restreint, les ressources si insuffisantes, que M. Kemlin ne savait à qui confier ce nouveau poste. Malgré sa santé si précaire, M. Demeure s’offrit pour la fondation.
Là, pendant deux ans, notre confrère n’eut comme chapelle et presbytère qu’une misérable case sauvage, comme plancher le sol humide, des murs de torchis. Sa vie était d’une frugalité digne d’un ancien Père du désert. Il vivait, dit un de ses caté¬chistes, aussi pauvrement que le plus pauvre de ses chrétiens. Jadis à Dong-pho, il agrémentait ses repas d’un maigre potage, d’une omelette de vers à soie, de poissons d’un âge assez avancé ; à Pleiku, il supprima tout ce luxe. Quelquefois, selon la saison, le maïs faisait tous les frais du repas, un autre jour on ne lui servait que des haricots, ou bien des patates, ou bien des pousses de bambou avec un peu de riz. Un confrère arrivait-il à l’improviste : « Quel dommage, disait-il, que vous ne soyez « pas venu la semaine dernière, vous auriez mangé des anguilles » ; ou bien : « Que c’est donc « regrettable, que vous tombez mal ! il y a quinze jours j’avais tué un sanglier, mais peut-être « bien qu’il en reste encore. » Et il décrochait du plafond une tranche de viande boucanée, qui avait la tendresse et la saveur d’un vieux morceau de cuir. Prévenu à l’avance, il se mettait en frais pour bien recevoir ses hôtes, car il était réellement charitable et hospitalier ; il est vrai que la cuisine n’était pas à la hauteur de sa bonne volonté ; un peu de vin annamite clôturait le repas, on apercevait même au fond de la bouteille quelqu’os de tigre : « Goûtez-y, disait-il à « l’hôte hésitant, c’est un fortifiant annamite... évidemment je n’y crois guère, mais c’est le « premier dignitaire de la chrétienté qui m’a offert cela... il faut bien l’utiliser. »
Qui pourra dire toutes les misères que notre pauvre confrère éprouva dans cette fondation de Pleiku ? un chef de poste, par exemple, considérait, du haut de sa taille avantageuse, avec un certain dédain ce chétif missionnaire venu pour s’installer dans son fief ; mais lorsqu’il vit l’Annamite le plus influent du lieu se convertir à notre sainte religion, il devint jaloux et agressif, et on ne peut énumérer le nombre d’ennuis qu’il suscita au pasteur et aux ouailles. Ces tracasseries ne cessèrent qu’avec le départ de cet homme qui s’en alla malade, et dut partir d’urgence pour la France.
La chrétienté naissante prenait corps petit à petit. M. Demeure avait déjà bâti une église provisoire, chaque année il enregistrait un certain nombre de catéchumènes, il aurait pu passer quelques heureux jours dans ce poste. Mais à soixante kilomètres à l’Est, sur la route d’Annam, le poste de Mang-iang était à créer, il le demanda, et là les souffrances et les misères continuèrent : en Mission on ne fonde rien sans cela. Pour lui, c’était comme une nécessité d’avoir à recommencer la série de ses ennuis et de ses privations, afin de pouvoir planter de nouveaux jalons. Après Mang-iang ce fut le tour d’An-Khê, à 40 kilomètres encore à l’Est, au centre du plateau qui domine de plus de 500 mètres les plaines du Binh-dinh. Jadis il existait là une chrétienté qui fut détruite lors de la persécution de 1885. Il se chargea de relever cette chrétienté, et se mit courageusement au travail, quand il tomba exténué, à bout de force et de vie.
Il venait d’éprouver une grande joie, celle d’avoir pu entamer un village complètement païen des environs, et il finissait d’en instruire les 40 premiers catéchumènes qu’il se proposait de baptiser solennellement le jour de Noël tout proche. Dieu en disposa autrement. Une crise d’urémie arrêta net le labeur de notre confrère : sans force et presque sans connaissance, il était étendu sur son pauvre lit de bambou écrasé. Les chrétiens avertirent d’urgence le Provicaire de Kontum, et Mgr Grangeon envoya de suite M. Labiausse à An-Khê. Par ses soins, le cher malade fut transporté à l’hôpital de Quinhon. Sa Grandeur et tous les confrères s’empressèrent de le visiter, mais il les reconnaissait à peine. Les derniers sacrements lui furent administrés par le Pro¬cureur de la Mission. C’est au milieu de la nuit du 20 décembre que notre cher M. Demeure expira paisiblement.
Humble soldat du Christ, il repose dans le cimetière des mis¬sionnaires à Lang-song en attendant le grand jour de la résurrection.
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References
[2236] DEMEURE Jean-Pierre (1870-1928)
Références biographiques
AME 1896 p. 579. 1929 p. 46. CR 1896 p. 331. 1898 p. 165. 1899 p. 191. 1914 p. 87. 1920 p. 52. 1928 p. 220. 1929 p. 273. BME 1929 p. 114. EC1 N° 167.