Joseph GAILLARD1874 - 1921
- Status : Prêtre
- Identifier : 2253
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1896 - 1921 (Hung Hoa)
Biography
[2253] Joseph, Marie, Paul GAILLARD naquit dans une famille aisée, et profondément chrétienne, le 4 février 1874, à Marvejols, département de la Lozère, diocèse de Mende.;Il était l'ainé de cinq enfants et avait à peine six ans lorsqu'il perdit sa mère. sa plus jeune sœur entra dans la congrégation des Dames de Saint Maur. Son père, homme de droiture et de foi profonde, dirigeait une maison de commerce.
Il fut d'abord élève externe au Collège ecclésiastique de Marvejols, puis on l'envoya au petit séminaire de Mende où il fut un brillant élève. Pendant les vacances, le père l'emmenait avec lui, lors des tournées électorales où la Religion était attaquée; tous les deux s'enrôlaient comme brancardiers à Lourdes, ils firent ensemble un pèlerinage à Rome, alors que Joseph venait de terminer sa rhétorique. En 1890, .il entra au Grand Séminaire de Mende, dirigé par M.de Ligonnès, futur évêque de Rodez,.y passa deux ans, et y reçut la tonsure le 11 juin 1892.
Le 12 septembre 1892, il arriva au séminaire des Missions Etrangères. Minoré le 15 octobre 1893, sous-diacre le 29 février 1896, diacre le 28 juin 1896, il fut ordonné prêtre le 27 septembre 1896, et reçut sa destination pour le nouveau Vicariat Apostolique du Haut-Tonkin (Hung-Hoa) qu'il partit rejoindre le 4 novembre 1896, à bord du Saghalien.
Arrivé à Hung-Hoa, le 20 décembre 1896, il passa environ un an et demi à l'êvéché pour apprendre la langue viêtnamienne. Avec ardeur, il se livra à cette étude. En Juin 1898, Mgr. Ramond l'envoya à Yên-Bay remplacer M.Girod, fondateur de ce poste, obligé de rentrer en France pour refaire sa santé. M.Gaillard y exerça la charge d'aumônier militaire et s'occupa avec zèle des cinq chrétientés qui entouraient ce poste.
Dans le cours de l'année 1899, M. Girod étant de retour, M.Gaillard fut alors affecté au vaste district de Yen-Tap, dirigé par M.Chatellier. En 1901, Mgr. Ramond rappela à Hung-Hoa M.Gaillard, et en fit son procureur. Dans ce poste de confiance, ce dernier déploya toutes les qualités d'intelligence et de sens pratique des affaires hérités de son père. Econome des deniers de la mission, il puisait fréquemment dans ses ressources personnelles pour soulager une infortune. Il fut en même temps curé de la cathédrale de Hung-Hoa. En 1905, à l'occasion des noces d'argent de prêtrise de Mgr. Ramond, il organisa une impressionnante procession de la Fête-Dieu, à Hung-Hoa, présidée par le vicaire apostolique entouré de nombreux prêtres.
En 1907, Mgr. Ramond confia à M.Gaillard l'important district de Hoang-Xa. Vers 1914, ce dernier fonda à cinq ou six kms de Hung-Hoa, sur la rive gauche de la Rivière Noire, la chrétienté de Xuan-Duong. Vers 1916, à l'occasion d'une tournée de vaccination, il remarqua au village de Mechom, situé dans son district, une hauteur appelée colline de l'église". Après enquête, il apprit qu'il y avait eu là une chrétienté détruite lors des persécutions, et dont les chrétiens avaient été exilés. Depuis lors, le village n'avait cessé de dépérir. Bientôt quatre familles demandèrent à entrer en catéchuménat. M.Gaillard leur donna un catéchiste et leur construisit une petite chapelle en bambous.
Homme zélé, au coeur compatissant, finement gai, plein de délicatesse, rude travailleur, il savait faire oublier les premiers mouvements de sa nature un peu vive.
Pendant l'été de 1918, souffrant beaucoup d'une tumeur à la nuque, M.Gaillard alla consulter le docteur à Viêt-Tri. Celui-ci diagnostiqua un anthrax diffus, grave et très avancé, qu'il cautérisa. Malgré les soins des Soeurs de St. Paul de Chartres, à Son-Tây, M.Gaillard ne se remit jamais bien. En juin 1920, il fut pris de diarrhée, et le 16 août suivant il se rendit à Son-Tay; le médecin constata l'inflammation de l'appareil digestif. Malgré un séjour à Hong-Kong, en Septembre 1920, aucune amélioration ne se produisit, et Mgr. Ramond, arrivé à Hong-Kong, le 8 février 1921, lui demanda de rentrer à France le plus tôt possible.
Après une traversée pénible, il fut hospitalisé dès son arrivée à Marseille. Il séjourna quelques temps à Montpellier. A Marvejols, il célébra dans l'intimité ses noces d'argent sacerdotales, puis alla se faire soigner à Paris. Le 14 novembre 1921, il arriva au sanatorium de Montbeton, où il s'éteignit le 20 décembre 1921, à 3 heures de l'après-midi. Il venait de demander à être seul pour dormir !..
Obituary
M. GAILLARD
MISSIONNAIRE DU HAUT-TONKIN
M. GAILLARD (Joseph, Marie, Paul), né à Marvejols (Mende, Lozère), le 4 février 1874. Entré tonsuré au Séminaire des Missions-Étrangères, le 12 septembre 1892. Prêtre, le 27 septembre 1896. Parti pour le Haut-Tonkin, le 4 novembre 1896. Mort au Sanatorium de Montbeton, le 20 décembre 1921.
M. Joseph Gaillard naquit le 4 février 1874, à Marvejols, d’une famille aisée et profondément chrétienne, disent les notes de bonne source où nous puisons ces renseignements ; il remplaçait un aîné du même nom qui n’avait fait que paraître ici-bas. Baptisé le lendemain de sa naissance, il reçut devant Dieu les noms de Joseph-Marie-Paul. Il fut bientôt accompagné dans la vie par une jeune sœur, suivie à son tour de trois autres nouveaux-nés, dont la dernière coûta la vie à sa mère. Joseph l’aîné des cinq orphelins, avait à peine six ans quand Dieu le priva de l’appui maternel… Trois ans après son veuvage prématuré, M. Gaillard donnait à ses enfants une seconde mère, et Dieu, qui savait l’intention droite et toute surnaturelle du père de famille en contractant cette union, sut donner à la nouvelle épouse un vrai cœur de mère pour les orphelins qui devenaient ses enfants d’adoption ; et ceux-ci l’appelèrent toujours « maman » non pas seulement du bout des lèvres, mais avec toute la tendresse de leur jeune cœur. » Ce fut donc une « vraie mère » qui fit germer la piété la plus tendre dans le cœur du petit Joseph, et ouvrit sa jeune intelligence aux premières lueurs de la foi ; mais dans la famille chrétienne, c’est surtout le père qui, par son exemple, seconde et parfait l’œuvre maternelle et communique à l’enfant la force et la solidité de ses propres convictions.
Le Père Gaillard était un de ces Lozériens, forts de leur droiture, jaloux de leurs traditions et toujours debout pour la défense de leur foi ; il escortait dans les réunions électorales les défenseurs de la Religion qui faisaient appel à son influence et à son concours ; ses ennemis politiques lui avaient donné un tire qu’ils voulaient être injurieux, mais qu’il acceptait avec fierté : ils l’appelaient « le tertiaire Gaillard ».
A la maison du « tertiaire Gaillard », voici comment était entendue la pratique de la vie chrétienne : « Lorsque les voyages que nécessitait la direction de sa maison commerciale ne le tenaient pas éloigné, lui-même faisait réciter souvent le catéchisme aux enfants. A table, on commençait le repas par la lecture du saint du jour, et tous les soirs prière et chapelet étaient récités en commun. L’obéissance et le respect étaient vertus courantes. Au reste, à l’occasion, selon les conseils des Livres Saints, le châtiment était la conséquence naturelle de la faute. » Un jour, étant élève externe au collège ecclésiastique de Marvejols, le petit Joseph, qui avait à peine huit ans, fut retenu au collège, et la bonne qui lui apporta le dîner lui annonça que le père viendrait lui porter le dessert ; l’histoire ne dit pas si l’appétit du jeune écolier fut influencé par l’attente de ce dessert ou plutôt par un avant-goût de son amertume. Le papa arriva bientôt en effet, et le dessert parut sous la forme d’un martinet disciplinaire, vigoureusement administré en pleine cour de récréation, et au milieu des petits camarades dont la plupart avaient été complices de la faute. Quel avait été donc le motif d’un châtiment si sévère ? Un prunier, de la sous-préfecture, étendait sur la cour du collège une branche chargée de fruits ; les prunes mûres à point avaient exercé sur la convoitise des petits gourmands une attraction irrésistible et ils avaient aidé le sous-préfet à faire la cueillette. La crainte des récriminations d’un fonctionnaire sans doute peu amène donnèrent au délit des proportions imprévues et les professeurs s’étaient adressés aux parents pour appuyer la répression. Le « tertiaire Gaillard » répondit ainsi que nous l’avons dît à l’appel des Maîtres, il ne goûtait pas le méthodes modernes d’éducation et s’en tenait au vieil adage qui fait les hommes forts et forts et les préserve de la neurasthénie : « Qui bene amat bene castigat. » Plus tard, devenu grand séminariste, l’abbé Gaillard dut trouver dans le souvenir des prunes de la sous-préfecture de Marvejols, un « verbi gratia » au principe théologique : « La gravité de l’offense augmente avec la qualité de l’offensé. »
Cette incartade, restée célèbre en ville, n’empêcha pas le petit Joseph d’être bien noté, puisque c’est à neuf ans, qu’il fut admis à faire sa première Communion, chose extraordinaire pour l’époque, en 1883. De ce jour, la piété de l’enfant, favorisée par l’ambiance de la famille, ne fit que s’accroître, et bientôt il fut envoyé au petit séminaire de Mende.
Là, il fut un brillant élève qui à chaque fin d’année scolaire emportait d’assaut prix et accessits. L’énergie de son caractère eut l’occasion de se manifester dans un fait douloureux dont il fut d’abord l’innocente victime. Un élève avait osé se servir de la signature très bien imitée d’un professeur, dans le but sans doute de se procurer un « Sésame ouvre-loi » pour quelque faveur indue ; c’était une espièglerie sans doute, mais une espièglerie grave qui méritait une répression sévère. Après bien des recherches et des tâtonnements, on crut découvrir dans : l’examen comparé de la calligraphie de Joseph la preuve de sa culpabilité. Celui-ci, bien que connaissant le vrai coupable, se laissa mettre aux arrêts pendant quinze jours ; aux menaces de renvoi, pâle mais inébranlable, il se contenta de répondre : « je ne suis pas coupable. » Son père fut appelé à Mende : on peut juger de la douleur de cet homme, pour qui, la rigide honnêteté lui faisant grossir les tâches, l’acte commis n’avait qu’un nom : « un faux », et dont le fils lui était présenté comme « un faussaire ». Les supplications du père implorant un aveu ne purent ébranler le courage du fils, fort de son innocence. « Je vous assure, papa, que je ne suis point coupable », répétait-il d’une voix blanche mais sûre. Enfin, au bout de deux semaines de ces tourments immérités, le vrai coupable alla de lui-même avouer sa faute. Ah ! ce jour-là, avec quelle fierté le Père Gaillard dut se reconnaître dans son fils !
Cependant le petit Joseph était devenu un jeune adolescent adonné avec ardeur et avec grand succès à l’étude des belles lettres ; il avait conquis l’estime de tous, maîtres et élèves. Pendant les vacances, le père l’emmenait avec lui dans les tournées électorales où la Religion avait besoin de défenseurs ; il le conduisait à Lourdes, au moment des grands pèlerinages, où père et fils s’enrôlaient comme brancardiers. A la fin de la rhétorique, ils entreprirent tous deux le pèlerinage de Rome, et le désir du vaillant chrétien, appuyé par les prières sollicitées par lui dans les diverses communautés religieuses que les affaires lui donnaient occasion de visiter, fut exaucé : Joseph entra au grand séminaire de Mende.
Mais l’appel de Dieu dépassait les limites du rêve paternel : « Offeres eum in holocaustum » ; c’est un sacrifice complet qu’Il demande et au père et au fils ; Joseph sera prêtre mais loin de la patrie et loin de la famille et il pense déjà ce qu’il écrira plus tard à sa plus jeune sœur, devenue « l’humble servante de Jésus », dans la congrégation des Dames de Saint-Maur :
A nous deux la croix toute nue,
Ma Sœur, c’est notre seul joyau.
Deux ans après son entrée au grand séminaire de Mende, l’abbé Joseph Gaillard demandait à son père la permission de partir pour les Missions Etrangères. Le coup fut rude à accepter en famille ; le Père atterré courut à Mende montrer son immense chagrin à ce fils bien aimé, sur lequel il comptait pour lui fermer un jour les yeux. Mais il ne voulait pas se faire l’antagoniste de Dieu ; pleinement rassuré sur la vocation certaine de son enfant par le Supérieur du Grand Séminaire, M. de Ligonnès, aujourd’hui évêque de Rodez, le père de famille s’inclina et accepta la croix.
Notre confrère, M. Joseph Gaillard, entra au Séminaire des Missions-Étrangères, le 12 septembre 1922. La première partie trop résumée de cette histoire d’une vocation, n’est pas la moins importante ; elle montre l’action de Dieu, secondée par celle de la famille, dans la formation d’une âme d’élite : la vocation est un don gratuit de Dieu, mais très souvent elle est une récompense… Au grand séminaire, ce travail de la grâce est plus secret et moins apparent ; il se consomme dans l’intimité des cœurs, et par l’accomplissement simple et régulier du devoir indiqué par la règle. De l’aspirant missionnaire, pendant son année de caserne, nous ne voulons retenir qu’un ou deux traits qui donnent une note caractéristique à sa piété tendre, délicate, faite de confiance et d’amour filial et pour la manifestation de laquelle aucun détail n’est jugé futile. Pendant son service militaire, il eut l’idée originale de mettre de côté tous les sous de son prêt, dans l’intention de faire couler avec ce bronze une petite statue de la Sainte Vierge ; mais l’artiste ayant demandé un prix trop élevé il dut y renoncer, et il offrit toute cette monnaie en actions de grâces au Sacré-Cœur de Montmartre. Il était un dévot à saint Antoine de Padoue : un jour il avait été puni de quatre jours de salle de police ; ceux qui ont passé au régiment savent combien il est difficile, même aux plus prudents, de se garer de ces sortes d’averses si fréquentes et le plus souvent imprévues. La punition n’en était pas moins pour le pauvre séminariste soldat aussi désagréable qu’imméritée : en même temps qu’une réclamation discrète était adressée au capitaine, il faisait vœu à saint Antoine d’une aumône assez ronde.. Cependant l’heure arriva où le caporal de semaine vint le prendre pour le conduire au logis redouté ; déjà la porte était ouverte, lorsque la grosse voix du capitaine, de loin, se dit entendre : « Gaillard !.. C’était la délivrance. Et voilà comment, grâce à saint Antoine, de la salle de police il ne vit jamais que la porte, « tanquam leo rugiens » ! Ce fut sans doute ce même officier qui au moment du départ de la classe, vint lui serrer la main et lui dire devant tous : « Monsieur l’Abbé, nos deux vocations peuvent faire que nous nous rencontrions, un jour, sur une terre lointaine. Si cela se produit croyez bien que ce sera pour moi un réel bonheur. »
Le jour même de son ordination au Sacerdoce, le 27 septembre 1896, M. Gaillard reçut sa destination pour la Mission du Haut-Tonkin. Il revint à Marvejols se donner aux siens pendant quinze jours pour les derniers adieux. La séparation fut amère et les larmes coulèrent en abondance, mais la Foi dominant la douleur, du fond du cœur, le père et la seconde mère du missionnaire remerciaient Dieu de l’honneur qu’Il avait fait à leur foyer en s’y choisissant un apôtre.
Notre confrère s’embarqua sur le Saghalien le 4 novembre 1896, et le quatrième dimanche de l’Avent, il célébrait pour la première fois la messe, sur la terre du Haut-Tonkin, dans la modeste chapelle du village où le Bienheureux Cornay avait été autrefois arrêté. Le lendemain 20 décembre, doublant allègrement la dernière étape, il arrivait à Hung-Hoa, et se donnait corps et âme à son évêque, Mgr Ramond.
Durant la première année passée à l’évêché, il se livra à l’étude de la langue avec une ardeur égale au désir de rendre son ministère fécond ; l’étude était d’ailleurs un besoin pour son intelligence toujours en éveil ; elle sera dans la suite un délassement pour lui, et une diversion aux soucis et aux tristesses dont est parsemée la vie du missionnaire.
En juin 1898, il fut envoyé à Yen-bay, poste militaire important, où militaires et civils, européens et indigènes, outre les religieuses européennes qui y ont un établissement, sollicitent le dévouement du missionnaire. Le séjour à Yen-bay ne dura guère plus d’un an, jusqu’au retour de France de M. Girod, le fondateur du poste. C’est alors que s’ouvrit devant M. Gaillard le vrai champ d’action rêvé par tout jeune missionnaire à son arrivée en mission : la brousse ! Le district de Yen-tap dirigé par un missionnaire de grande expérience, M. Chatellier, était assez vaste et assez fertile pour occuper deux bons ouvriers ; il avait été la résidence du Bienheureux Néron. A cause de ses sites pittoresques, les missionnaires l’ont appelé « la Suisse » ; il rappelait donc à M. Gaillard ses montagnes du Gévaudan. Il le parcourut en tous sens, à pied et à cheval, oubliant, dans la joie des résultats obtenus, la fatigue des recherches de brebis nouvelles ou perdues, des baptêmes administrés, de longues journées passées au confessionnal.
Ce bonheur du missionnaire qui a trouvé son élément devait être bientôt interrompu. Les qualités de notre confrère avaient eu l’occasion de se faire apprécier : en 1901, Mgr Ramond le rappela à Hung-hoa pour le nommer procureur de la Mission. La procure est le centre où se constitue la réserve de ce qu’on est convenu d’appeler « le nerf de la guerre » ; elle est aussi un abri où les missionnaires viennent chercher un appui, un soulagement à leurs peines et un remède à leurs fatigues. Dans ce poste de confiance, M. Gaillard déploya toutes les qualités d’intelligence et le sens pratique des affaires qu’il avait hérités du chef autoritaire et consciencieux qu’était son père ; économe avisé des deniers dont il avait la garde, il puisait fréquemment, pour soulager une infortune, dans les ressources personnelles dont la famille le tenait largement pourvu ; et cela, joint à une gaîté fine, de bon aloi, et aux délicatesses de son cœur compatissant, faisait oublier toujours les mouvements de sa nature un peu vive : on l’aimait et on l’estimait.
Cependant, la nostalgie des horizons plus étendus était trop visible ; en 1907, Monseigneur permit au zèle captif de son procureur d’ouvrir de nouveau les ailes ; il lui confia le district important de Hoang-xa. Nous aimerions à analyser les travaux qu’il y accomplit jusqu’à sa dernière maladie, à dénombrer les baptêmes administrés, décrire les résultats obtenus ; malheureusement, les confrères qui l’ont connu, rudes travailleurs eux-mêmes, peu experts dans l’art de donner du relief aux mérites, concrètent leurs éloges dans la simple nomenclature des vertus que révèlent les détails de cette vie trop courte.
Ces vertus, nous les avons déjà vues à l’œuvre à Yen-tap et à Hung-hoa. « Pendant toute sa carrière apostolique, il resta fidèle à ses exercices spirituels de chaque jour. Il s’était enrôlé de bonne heure dans « l’Association des Prêtres Adorateurs et avait décidé plusieurs confrères à l’imiter ; jamais il ne manqua l’heure d’adoration hebdomadaire. »
Il était arrivé à un âge où, favorisé par l’expérience acquise, le missionnaire donne toute sa mesure. C’est alors que la mort le choisit comme un fruit déjà mûr et d’agréable offrande. En été 1918, souffrant beaucoup d’une mauvaise tumeur à la nuque, il dut, accompagné de M. Quioc, aller consulter le docteur à Viettri. Le diagnostic fut un anthrax diffus, grave et très avancé ; l’opération s’imposait immédiatement. N’ayant aucun aide lui, le docteur ne put endormir le malade, qui dut subir une longue cautérisation au thermo-cautère ; il la supporta très courageusement. De là, il se rendit à Sontay, où les sœurs de Saint-Paul de Chartres lui prodiguèrent leurs soins ; la guérison fut longue et la douleur persista, violente, une dizaine de jours, car l’anthrax opéré un peu tard, était très profond. Depuis, M. Gaillard ne se remit jamais bien. En juin 1920, il fut pris de diarrhée, assez bénigne au début ; malgré les soins et les précautions prises, elle devint chronique. N’en comprenant pas la gravité, notre confrère voulut rester à son poste jusqu’à la fête de l’Assomption ; il put encore confesser à cette occasion un grand nombre de pénitents. Mais il était à bout de forces. Dès le lendemain, il partit pour Sontay se confier de nouveau aux soins éclairés du docteur et des sœurs de Saint-Paul. Le médecin constata l’inflammation de tout l’appareil digestif et après avoir en vain essayé tous les remèdes, il conseilla le retour en France. Mais M. Gaillard aimait trop sa Mission et, fidèle aux sacrifices définitifs qu’il avait faits pour elle, il ne consentit qu’à se rendre à Hongkong. Il y arriva en octobre ; le médecin confirma le diagnostic de Sontay, en décorant la maladie du nom de « sproüe » ; il conseilla lui aussi le retour en France, mais seulement après les froids de l’hiver. D’ailleurs, M. Gaillard voulait attendre le retour de son évêque, en ce moment à Rome, avant de prendre cette détermination et afin de lui donner le mérite de l’obéissance. Dès son arrivée à Hong-kong, le 8 février 1921, Mgr Ramond pressa le retour en France où la guérison paraissait encore possible. M. Gaillard accepta dès lors le sacrifice et pris ses dispositions pour partir par le premier bateau. C’est alors qu’il apprit la mort de son vieux père, juste au moment où la pensée de le revoir prochainement en France adoucissait l’amertume de son éloignement du Tonkin. C’est cette douleur sans doute, plus aiguë que ses douleurs physiques qui lui fit écrire ces fortes paroles : « Les souffrances sont des actes d’amour plus forts que le bon Jésus nous arrache. »
La traversée fut pénible. De Marseille, il écrivait à un de ses confrères, à la date du 9 mai : « Je suis encore, quoique arrivé depuis quinze jours, citoyen de Marseille et hôte des Bonnes Sœurs de Saint-Maur, Sœurs de ma sœur, qui d’elles-mêmes sont venues me cueillir en voiture au quai et débarrasser le bon Père Masseron (1) du « cataplasme » que je suis. Malgré médecins et soins empressés, maternels, je ne suis pas encore vaillant et vous en aurez la preuve dans ce fait que je n’ai pas fait encore mon pèlerinage à la Bonne Mère de la Garde… Je compte m’embarquer pour Montpellier le lundi de la Pentecôte ; ce sera ma deuxième étape avant d’affronter le climat de la Lozère où il fait encore froid, paraît-il, et où je suis quand même pressé d’arriver pour consoler ma pauvre sœur devenue veuve depuis Pâques dernières. Pour comble de malheur, mon autre sœur, Supérieure à Bergame, vient d’être rappelée d’office à Paris pour soigner sa santé de nouveau gravement compromise. Vous voyez de combien d’épreuves successives et simultanées Je bon Jésus m’abreuve depuis mon retour de mission. Je n’ai pourtant pas fait des pieds et des mains pour ce voyage, au contraire ! Mais je dois dire « Fiat » à tout et espérer qu’en raison de ces misères, le bon Dieu me rendra peut-être la santé. »
(1) Procureur des Missions Etrangères à Marseille.
Il séjourna quelque temps à Montpellier et consulta les docteurs. A Marvejols, il célébra, dans l’intimité avec ses deux sœurs et dans le pieux souvenir des chers disparus de la famille, ses noces d’argent sacerdotales. Il vint à Paris et se livra à l’hôpital Saint-Joseph aux soins de médecins habiles. Enfin, le 14 novembre il arrivait au Sanatorium de Montbeton totalement épuisé et sans espoir de guérison, tel le soldat blessé à mort cherche un coin tranquille pour mourir.
« Le lendemain de son arrivée, écrit M. Sibers, le cœur s’en allait ; il reçut les derniers sacrements. Nous réussîmes à le remonter un peu, mais le mal était trop avancé ; l’espoir de guérir ne lui revint jamais… Durant sa maladie il garda une grande hauteur de vues surnaturelles. Il ne cessa pas un seul jour d’être exposé à rendre le dernier soupir. » Il se tenait donc prêt à répondre au dernier appel du Divin Maître. Le 20 décembre, à 3 heures de l’après-midi, il venait de demander à être seul pour dormir ; il ne se réveilla plus… Obdormivit in Domino. Le 20 décembre ! il y avait 25 ans, le 20 décembre 1896 qu’il était arrivé pour la première fois à l’évêché de Hong-hoa.
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References
[2253] GAILLARD Joseph (1874-1921)
Références biographiques
AME 1903 p. 378. 1922 p. 80. 1925 p. 120. CR 1903 p. 306. 1907 p. 186. 399. 1908 p. 168. 1909 p. 158. 1910 p. 164. 1911 p. 161. 1914 p. 90. 1916 p. 126. 1922 p. 108. 1925 p. 176. 177. 1939 p. 253. BME 1925 p. 317. 379. 1949 p. 531. EC1 N° 83.