Jean GUÉGUEND1875 - 1925
- Status : Prêtre
- Identifier : 2547
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1900 - 1925 (Saigon)
Biography
[2547] GUÉGUEND Jean est né le 30 juin 1875 à Plestan (Côtes-d'Armor), admis au Séminaire des M.-E. en 1899, ordonné prêtre le 22 septembre 1900, partit pour la Cochinchine occidentale le 14 novembre suivant. Il fut envoyé à Cai-mong, chez M. Gernot, pour y étudier la langue vietnamienne, puis fut nommé curé de Tra-vinh où il passa quelques années. Il fut ensuite chargé d’aller fonder dans la région de Phanthiet les nouveaux postes de Cumi et de Lagi ; puis, en 1912, il fut nommé chef du district de Chava, où il construisit une nouvelle église. En 1924, se sentant épuisé, il se retira à Saïgon, où il mourut le 4 février 1925.
Obituary
M. GUÉGUEND
MISSIONNAIRE DE SAÏGON
M. GUÉGUEND (Jean-Marie-Joseph), né à Plestan (Saint-Brieuc, Côtes-du-Nord), le 30 juin 1875. Entré minoré au Séminaire des Missions-Étrangères le 3 janvier 1899. Prêtre le 22 septembre 1900. Parti pour la Cochinchine Occidentale, le 14 novembre 1900. Mort à Saïgon le 4 février 1925.
Le 4 février 1925, à la clinique du docteur Augier, à Saïgon, ache¬vait sa carrière apostolique, un missionnaire de Cochinchine, M. Jean-Marie-Joseph Guéguend. A l’entrée de sa vingt-cinquième année d’apostolat, en pleine force et en pleine valeur, a succombé ce vaillant.
Jean-Marie Guéguend naquit à Plestan, au diocèse de Saint-Brieuc, le 30 juin 1875, de parents profondément chrétiens. Quatre enfants firent la joie du foyer ; Jean-Marie fut le seul garçon. Au sein de la famille, dont les membres restèrent toujours étroitement unis, il puisa les premiers éléments de la foi profonde, de l’énergique droiture et du jugement solide que l’on retrouve partout dans sa vie de missionnaire.
De bonne heure il fréquenta l’école des Frères. Comme tous, les écoliers, il ne laissait pas d’être espiègle à ses heures et cela lui valut parfois de sentir combien peu légère était la main du bon Frère direc¬teur.
Entré au petit Séminaire de Plouguernevel, Jean-Marie se montra non un élève brillant mais studieux, se faisant déjà remarquer par son esprit méthodique et réfléchi. Plein d’entrain au jeu, il apportait à l’étude une ardeur égale. Ses humanités terminées, il passe au grand Séminaire de Saint-Brieuc ; mais bientôt, répondant à l’appel divin, son âme, éprise d’idéal et de sacrifice, forme le projet de se consacrer à Dieu dans l’apostolat sur des terres lointaines.
En 1899, admis au Séminaire des Missions-Étrangères, il quitte le pays natal en compagnie de deux autres séminaristes également de Saint-Brieuc. Mais de ces trois voyageurs, deux seulement parviennent à destination. Le troisième, manquant de courage, s’arrête en gare de Rennes et prend le chemin du retour.
Deux ans après, le 22 septembre 1900, M. Guéguend recevait la prêtrise des mains de Mgr Gendreau. Le soir même il était désigné pour la Mission de Saïgon.
Arrivé dans sa Mission, à la fin de cette même année, le jeune missionnaire est dirigé sur la chrétienté de Caimong pour apprendre l’annamite sous la paternelle direction de M. Gernot, le vénérable provicaire de la Mission. A cette étude quelque peu difficile et malaisée, il met une ardeur méthodique et tenace, et ce n’est pas sans succès. Dans la suite d’ailleurs, il n’oubliera jamais de se perfectionner, et l’on doit reconnaître qu’il posséda à un haut degré la langue annamite, et dans ses expressions si variées et dans ses subtilités les plus serrées.
Quelques années passées dans la chrétienté de Travinh lui permettent d’acquérir une plus grande expérience et des hommes et des choses ; puis Mgr Mossard l’envoie diriger la chrétienté de Cumy dans le Sud-Annam. Homme d’action, plein de force et de santé, il accepte avec joie ce poste éloigné. C’était un changement complet pour le jeune missionnaire n’ayant vu jusque-là que la plaine immense de¬ Cochinchine coupée d’arroyos et de canaux sans nombre. Il allait trouver la forêt profonde, avec ses périls et aussi ses attraits, avec de-ci de-là quelques parcelles de terre plus ou moins cultivées. Les gens eux-mêmes, plus rudes et plus sauvages, ne lui rappelleront que d’assez loin les Annamites du delta.
Promptement convaincu qu’un des facteurs les plus efficaces pour procurer la vie, l’extension et la prospérité d’une chrétienté est d’en améliorer, autant que possible, le côté matériel, sans négliger le côté spirituel, il se fait défricheur de brousse et agriculteur. Avec beaucoup de sens pratique, il améliore les terres sommairement cultivées, en livre d’autres à l’ensemencement, élève des barrages qui retiennent l’eau, devant, à l’occasion, suppléer à la disette de pluie toujours possible. Il conseille, encourage, stimule, gourmande. Tout cela n’est point inutile ; d’année en année la chrétienté de Cumy se transforme, les chrétiens plus assurés de l’avenir deviennent plus stables, les catéchumènes moins rares et la vie chrétienne plus intense.
Laissant alors Cumy aux soins vigilants du confrère que Mgr Mossard lui a adjoint, M. Guéguend se transporte à Lagi, à vingt-cinq kilomètres plus loin. Là, tout est à faire ; à peine trouve-t-on deux ou trois familles vivant dans de misérables paillotes à l’abri d’une touffe de bambous, et disparaissant au milieu des hautes herbes. Le tigre est le véritable roi de ces parages et chaque nuit et même le jour, il signale son passage par quelques déprédations.
Non sans quelque audace, le missionnaire s’attaque à toute cette brousse ; sous son énergique direction, des digues sont élevées, des canaux sont creusés ; il achète des buffles et transforme en rizières fécondes des terrains jusque-là incultes. La forêt elle-même, sous la hache du bûcheron, doit reculer ses limites. A cheval, à pied, dans la boue parfois jusqu’aux genoux, il est partout, dirige tout, donne à tous la confiance et le courage qui l’animent et qui ne lui manquèrent jamais, même dans les années malheureuses où la moisson espérée ne répondit pas à sa légitime attente. Ce coin de brousse devient en quelques années un centre de vie et d’activité. Chrétiens plus anciens, nouveaux baptisés, catéchumènes, atteignent le nombre de deux cents. Tous, avec la subsistance matérielle trouvent la nourriture nécessaire à l’âme, car le ministère sacerdotal de notre confrère ne fut jamais entravé par les multiples travaux du dehors. Personne plus que lui n’eut le zèle des âmes. Chaque jour il se faisait une obligation d’enseigner le catéchisme aux enfants ; ses instructions du dimanche préparées avec soin étaient simples, claires, pratiques, parfois un peu longues, mais toujours à la portée des auditeurs. Il ne parlait jamais pour ne rien dire ; il parlait pour être compris et il l’était.
Tout en dépensant son activité au développement de Lagi, le missionnaire ne laisse pas de mûrir en son esprit de nouveaux projets de conquêtes pacifiques. A diverses reprises, il a parcouru la forêt, exploré les vallées, cherchant l’endroit propice où étendre l’évangélisation. La plaine de Hiep Nghia retient surtout son attention ; il fondera là un nouveau poste qui sera une halte sur la route bien longue de Lagi à Phanthiet. Mais ce ne fut qu’un projet et les circonstances ne lui permirent pas de le réaliser.
A cette époque (1912), en effet, Mgr Mossard lui donne un autre champ d’action en l’appelant à la direction de la chrétienté et du district de Chava. Obéissant, il quitte Lagi et ses travaux en cours, le presbytère qu’il vient d’achever et la construction de la future église, dont les matériaux soigneusement amassés sont à pied d’œuvre. Ce ne fut pas sans un serrement de cœur ; son masque extérieur, il est vrai, ne laissa rien paraître, mais sa peine fut pourtant profonde, comme il le dira un jour dans un rare moment de confidence et d’expansion intime. Peines, ennuis, chagrins, souffrances, tout homme apostolique en ramasse le long de sa route, que cela vienne des événements, des choses ou des hommes ! M. Guéguend ne laissa rien transpirer au dehors de la douleur parfois intense qui, en diverses circonstances, lui brisa le cœur ; à ces heures d’amertume, Dieu fut son confident devant le tabernacle où il restait plus longuement.
A Chava, M. Guéguend succédait à M. Benoît dont le zèle un peu rude mais éclairé et tenace avait réussi à donner à ses ouailles, avec la formation chrétienne, un grand esprit de famille. Le missionnaire était vraiment le Père et touchant était le spectacle de la respectueuse et filiale affection que tous ses chrétiens lui témoignaient.
Le nouveau pasteur ne tarda point à gagner la confiance de ses nouveaux paroissiens. S’intéressant à leurs travaux, attentif à leurs besoins, compatissant à leurs peines, il se fit rapidement aimer, estimer et respecter de tous. Il montra aussi que, s’il savait comprendre l’âme du néophyte et patiemment l’amener à la foi, il s’entendait non moins bien à faire croître la vie religieuse dans le chrétien de vieille souche. Chava, sous sa direction, prit un nouvel essor ; cette chrétienté se range aujourd’hui parmi les meilleures, d’aucuns même disent qu’elle est la meilleure de la Mission.
Travaillant pour l’Eglise, M. Guéguend ne néglige pas de travailler pour les intérêts français. Il regardait la cause française comme intimement liée à la cause catholique. Les années de guerre lui permettent de servir les intérêts de son pays ; il en saisit avidement l’occasion. Aux chrétiens, il conseille de souscrire aux différents emprunts et, répondant au désir exprimé de l’administration, il prête un large concours pour amener les populations indigènes à contribuer aux souscriptions nationales. Respectueux de l’autorité, il prêche et recommande à ses fidèles le respect le plus absolu aux Supérieurs ecclésiastiques, mais aussi une soumission non moins loyale aux chefs du pouvoir civil. Les fauteurs de trouble et de désordre trouvent toujours en lui un ennemi acharné, irréductible.
Cela n’était ignoré de personne et contribua sans doute à lui faire une réputation d’homme autoritaire, d’une intransigeance excessive et d’une sévérité outrée. Ceux qui le connaissaient bien le jugeaient mieux. La grande confiance que lui accordèrent toujours ses Supérieurs, la particulière estime qui lui était témoignée dans les plus hautes sphères du Gouvernement de l’Indochine, suffisent pour réduire à néant ces allégations pour le moins téméraires.
L’activité du missionnaire croît avec les années et s’étend à tout le district. Il fonde de nouveaux postes, élève de nouvelles chapelles, construit des écoles, crée un orphelinat agricole. Le sort des orphelins fut la préoccupation de toute sa vie. Il lui était pénible de voir tant de ces malheureux enfants sortir, vers l’âge de quinze ou seize ans, des divers établissements de bienfaisance, sans avoir été formés à l’habitude du travail, sans avoir appris de métier, et ignorant ce qu’ils allaient devenir. Il en voyait trop aller grossir la corporation des boys et des coolies, qui peut compter quelques braves gens sans doute, mais qui compte surtout des paresseux et des nomades n’ayant point la stabilité voulue pour appartenir à une chrétienté. Ils échappent ainsi à l’influence du prêtre, ne tardent pas à abandonner toute pratique religieuse et se marient au petit bonheur.
A Lagi, il avait déjà tenté un essai d’orphelinat qui avait donné de bons résultats. Encouragé par ses Supérieurs, il fonde à Chava, en 1917, un orphelinat agricole. Les orphelins plus jeunes suivent l’école paroissiale et reçoivent l’instruction religieuse ; les plus âgés sont initiés aux travaux de la rizière. En temps utile, les moyens sont donnés à tous de fonder une famille stable et d’assurer leur avenir.
L’œuvre durable qui signalera pour toujours le séjour de M. Guéguend à Chava, c’est la nouvelle église. L’ancienne, fort vieille, ne suffisant plus à contenir les fidèles de jour en jour plus nombreux, il résolut d’en bâtir une neuve, digne de la grande et fervente paroisse de Chava. Le 6 janvier 1918, Mgr Mossard en bénissait la pose de la première pierre ; à Noël 1923, le Saint Sacrifice y fut célébré pour la première fois. Six années durant, ce fut le branle-bas général et quotidien des équipes d’ouvriers de tous genres. Sous l’impérieuse impulsion du Pasteur, les chrétiens travaillent avec entrain et fournissent un effort aussi laborieux que constant. Enfants, jeunes gens, jeunes filles, hommes, femmes et même vieillards contribuent, chacun dans l’occupation assignée, à la construction du monument qui doit devenir le temple de Dieu et la maison de tous, Dieu seul connaît la somme de fatigues et de soucis qui pesa alors sur les larges épaules du missionnaire. Mais le résultat de tant de peines fut une belle église gothique, à la flèche élégante qui, au dire de tous, est un chef-d’œuvre. La pureté du style, la simplicité du décor, l’harmonie des lignes, la justesse des proportions forment un ensemble parfait qui jette le visiteur dans l’admiration.
Ce grand œuvre fut le couronnement de l’apostolat du laborieux missionnaire. Depuis déjà un certain temps, il se sentait moins résistant à la fatigue. « Je vieillis, » disait-il en riant. Dans les premiers mois de l’année 1924, les forces déclinent visiblement. On lui conseille le repos, un retour au pays natal ; mais il lui en coûte de quitter ses chrétiens et ses occupations. Il essaye d’un séjour à Dalat au mois d’août et y reprend quelques forces. Au bout de six semaines, il est de retour au milieu de son troupeau. La maladie cependant ne veut plus lâcher celui que jusqu’alors elle n’avait pu atteindre. En décembre 1924, on le vit arriver à l’infirmerie du Séminaire, pâle, maigre, voûté. Méconnaissable et disant pour la première fois de sa vie : « Je n’en puis plus, je me rends. »
C’était trop tard. Deux mois de soins dévoués à la Clinique Augier ne purent arrêter la maladie et, le 4 février 1925, ce vaillant succombait d’épuisement, à l’aube de sa vingt-cinquième année de sacerdoce.
A ses funérailles célébrées dans la chapelle du Séminaire, se pressaient de nombreux confrères, quelques-uns accourus des postes les plus éloignés de la Mission, des personnalités civiles éminentes ; M. le Gouverneur Cognacq avait tenu à y assister en personne. Les chrétiens de Chava en deuil entouraient le cercueil. Des larmes silencieuses, des sanglots étouffés ajoutaient à la funèbre cérémonie une impression d’infinie tristesse étreignant tous les cœurs.
Retraçant les lignes écrites dans le Bulletin de mai 1925, il est vrai de dire que, humainement parlant, la mort de M. Guéguend est une grande perte.
Il était une tête, un conducteur d’hommes, un chef. Dur quand il le fallait, on l’aimait quand même et beaucoup, car son cœur de prêtre trouvait toujours la parole qui ramène et qui console. Admiré de tous pour ses qualités fortes, il faisait impression sur ceux qui l’approchaient, et son éloge était sur la bouche de tous. Il était permis d’entretenir l’espoir qu’il consacrerait lui-même le temple que son zèle avait élevé à Dieu, et que, dans ce même jour, ses confrères et les chrétiens, avec un seul cœur et un même élan, fêtant ses vingt-cinq années de sacerdoce, lui souhaiteraient le ad multos annos pour un long et fécond épiscopal. Dieu ne l’a pas voulu. Au lieu d’une bénédiction solennelle, c’est un service pour le repos de son âme qu’on a célébré le 10 mars dans l’église de Chava.
Notre confrère est mort à la tâche avec la consolation d’avoir travaillé beaucoup et bien ; son œuvre reste, son exemple aussi.
Daigne Dieu accorder à notre Société beaucoup d’aussi bons missionnaires.
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