Joseph LÉAUTÉ1880 - 1934
- Status : Prêtre
- Identifier : 2762
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1904 - 1934
Biography
[2762] LÉAUTÉ Joseph est né le 29 octobre 1880 à Montbert (Loire-Atl.), admis au Sé-minaire des M.-E. en 1901, ordonné prêtre le 27 septembre 1903, partit le 11 novembre suivant pour le Kouangtong. Il fut d’abord envoyé à Hoihow (Hainan), puis, en 1925, fut chargé du poste de Lofao. En 1930, il fut chargé du poste de Lim-kong, mais sa santé fragile l’obligea bientôt à regagner la France. Il mourut, à son arrivée à Marseille, le 23 octobre 1934.
Obituary
M. LÉAUTÉ
MISSIONNAIRE DE PAKHOI
M. LÉAUTÉ (Joseph-Paul-Marie), né le 29 octobre 1880 à Geneston (Nantes, Loire-Inférieure). Entré tonsuré au Séminaire des Missions-Étrangères en 1901. Prêtre le 27 septembre 1903. Parti pour Kouang-Tong le 11 novembre 1903. Mort à Marseille le 23 octobre 1934.
Joseph-Paul Léauté naquit le 29 octobre 1880 à Montbert, paroisse de Geneston, du diocèse de Nantes. Il était le troisième enfant d’une famille qui devait en compter dix. Son frère aîné prêtre lui aussi, est actuellement aumônier de l’Hospice Général de Nantes et une de ses sœurs est depuis 1906, missionnaire aux îles Salomon.
Leur père, humble commerçant à une époque où les gains ne correspondaient pas toujours aux efforts fournis, devait pour alimenter son commerce et élever sa nombreuse famille, parcourir 4 ou 5 fois par semaine les 20 kilomètres qui séparaient Geneston de Nantes. Son admirable épouse, Léontine Martin, suffisait à tout, faisait son ménage, servait les clients et commandait tout son petit monde, trouvant à peine le temps de s’asseoir pour prendre ses repas. Elle-même appartenait à une famille de 12 enfants : l’un de ses frères, Mgr Martin, mort Vicaire apostolique des îles Marquises ; un autre, de santé délicate dut au bout de 5 années de vicariat, donner sa démission, mais, animé d’un zèle dévorant, il consacre toutes les forces que lui laissaient ses infirmités, à susciter des vocations sacerdotales. Sur ses 6 neveux prêtres, 5 lui durent d’être dirigés vers le sanctuaire.
A l’âge de 6 ans, notre futur missionnaire avait déjà trois sœurs après lui. Aussi sa bonne grand’mère, femme également admirable, eut pitié de sa fille et prit chez elle Joseph et l’aîné, préparant de haute main par ses exemples, ses exhortations et ses rappels aux sérieux, la voie du travail plus délicat du discernement de la vocation qui allait devenir l’œuvre de l’oncle infirme, l’abbé Eugène Martin. Il serait peut-être téméraire d’affirmer que notre jeune Joseph, nature espiègle et frondeuse, mais franche et sans malice, supporta toujours avec patience les admonestations et le petit règlement de la bonne grand’mère ; il est certain cependant que le souvenir de celle-ci et celui du premier professeur de latin laissèrent au fond de son cœur un sentiment de profond sérieux qui le retint toujours sur la pente facile de l’indiscipline.
C’est sous l’empire des douces mais graves leçons de ces deux premiers maîtres, que Joseph, à l’âge de 12 ans, quitta le toit familial pour commencer ses études. Au mois d’octobre 1892, nous le trouvons à Chauvé, paroisse du pays de Retz, où le curé, aidé de 4 ou 5 prêtres, dirigeait un petit collège presbytéral comme il y en eut dans la plupart des diocèses de France après la révolution. La discipline y était presque familiale. Dans les premiers mois de cette vie nouvelle, tout alla pour le mieux et Joseph se classa parmi les meilleurs élèves, mais le manque de discipline lui fit bientôt négliger ses livres, et porta un grand préjudice aux compositions et aux notes qui s’en suivirent. A Chauvé, où il resta jusqu’en quatrième inclusivement, comme au petit séminaire des Couëts, Joseph connut les punitions et les heures de piquet au pied d’un arbre de la cour. On parle encore d’une de ces factions où notre terrible élève, ayant mystérieusement disparu dans les branches de l’arbre, répondit au surveillant inquiet : « Je fais mon piquet dans mon arbre. J’y suis plus isolé et moins exposé à la tentation de causer. » Au petit séminaire de Couëts, où il entrait au moment où son frère venait de quitter, ce n’était plus le collège familial de Chauvé, mais un grand établissement avec ses 250 élèves et une discipline plus sévère. D’un tempérament turbulent et incapable de résister au premier mouvement de son humeur vagabonde, Joseph se plia difficilement aux exigences du règlement. Il s’y montra, non par malice, mais par enfantillage et légèreté, plus indiscipliné que jamais. Aussi punitions et heures de piquet pleuvaient sur cet élève qui se faisait gloire de jouer à ses professeurs des tours un peu risqués. Le séminaire avait alors à sa tête un homme quelque peu maladif et rigide, ne comprenant guère la plaisanterie. Joseph devait en faire un jour la triste expérience. On jouait dans la cour et la balle, lancée par un élève maladroit, passa par-dessus la grille et tomba dans le jardin potager. Joseph fut désigné ou se proposa lui-même pour aller la chercher. Hélas, ce fut pour son malheur. Les allées, étaient bordées de superbes fraises bien rouges, mûres à point. Quelle aubaine ! Des fraises dans un collège, cela ne paraît pas toujours sur la table des élèves. On n’en mange pas souvent ici, pensa Joseph, c’est le moment d’en profiter. Vaincu d’avance, il succomba à la terrible tentation, goûta, regoûta du fruit défendu jusqu’au moment où il entendit la voix du Supérieur. On ne dit pas les heures de piquet que dut faire notre gourmand pour expier son forfait, mais à la fin du mois, la pauvre maman lut sur le bulletin mensuel le post-scriptum suivant de l’intransigeant Supérieur : « Madame, prenez garde, votre fils a déjà l’instinct du vol. Cet instinct pourrait se développer plus tard ». Hâtons-nous d’ajouter que malgré ses nombreuses fredaines, maîtres et élèves admiraient sa franchise, son caractère enjoué et se trouvaient désarmés devant son air de candide innocence. Cependant le souvenir des pieux exemples vus dans sa famille si profondément chrétienne, les relations de l’oncle missionnaire aux îles Marquises, les leçons de la sainte grand’mère et du doux abbé Martin, son premier professeur, le suivirent au séminaire de philosophie où il entra le 1er octobre 1900. Cette année fut féconde, couronné par la tonsure qu’il reçut des mains de Mgr Rouard et par sa décision d’entrer au Séminaire des Missions-Étrangères, décision annoncée à ses parents le jour même de l’ordination sacerdotale de son frère aîné.
A Paris, les souvenirs et les exemples de nombreux martyrs fournirent de puissants sujets de méditation à l’élève turbulent de Chauvé et des Couëts. Il laisse à ses confrères la meilleure impression de l’aspirant gai, aimé de tous pour la joie qu’il répandait autour de lui. Ordonné prêtre le 27 septembre 1903 par Mgr Chatron, évêque d’Osaka, il devait, après avoir revu une dernière fois les siens et son cher Geneston, s’embarquer au mois d’octobre suivant pour la Mission du Kwang-Tong, où l’envoyaient ses Supérieurs.
Les renseignements sur les premières années de Mission de notre confrère nous manquent. Nous aimons toutefois à nous le représenter lors de son arrivée à Canton l’air conquérant, satisfait de mettre le pied sur le terrain de son apostolat et flairant quelques bonnes farces à jouer, non pas aux Chinois qu’il savait rusés et qu’il aimait trop, mais au diable qu’il venait combattre. Mgr Mérel, nantais lui aussi, dut goûter la franche gaieté de son jeune compatriote, sourire à sa juvénile ardeur. Il l’envoya s’initier aux beautés de la langue de Confucius sous la direction de M. Clauzet. Combien de temps resta-t-il auprès de cet excellent mentor dont il garda toujours le meilleur souvenir ? Nous l’ignorons. Plus tard, nous le retrouvons dans sa ville murée de Tchang-shing, rêvant mélancoliquement sur la vérité du « Multi sunt vocati, pauci vero electi ». Là encore ses faits et gestes nous échappent, mais nous savons que sa franche gaieté il fut l’hôte désiré, indispensable de toutes les réunions des confrères de la région.
M Léauté, dispensé du service militaire malgré des apparences d’une bonne santé, apporta-t-il de France les germes de quelques infirmité ? Nous serions portés à le croire ; car dès son arrivée en mission, il apparut qu’il n’était pas fait pour de longues et pénibles courses à cheval à travers la brousse chinoise. Dès 1912, si nos souvenirs sont exacts, une pénible maladie des reins, dont il souffrait depuis longtemps, l’obligea à rentrer en France. Son arrivée à Geneston, courbé en deux par la maladie, appuyé sur sa canne comme un vieillard, produisit une émotion que sa famille n’a pas oubliée encore. Une station à Vittel et surtout de longs mois passés auprès des siens et dans sa paroisse qu’il aimait et où il était aimé, lui rendirent cependant les forces suffisantes qui lui permirent d’envisager un nouveau départ. Plus impressionnant, plus pénible, ce second départ le trouve vaillant, et ce n’est qu’à son frère prêtre seul l’accompagnant à la gare, qu’il laissa voir toute son émotion.
Il rapporta en Chine cette gaieté de bon aloi si goûtée de ses confrères ; mais plus que jamais il dut renoncer aux longues chevauchées, aux larges horizons, pour cantonner toute son activité dans des postes au rayon plus restreint. Plus tard il vint planter sa tente à Hoihow dans l’île de Haïnan. S’il dut dire adieu aux réunions animées de missionnaires nombreux, il ne s’en consacra que plus complètement à son petit troupeau, se faisant le catéchiste empressé des orphelines élevées par les Sœurs de Saint Paul de Chartres et devenant l’hôte apprécié de nos Consuls et des rares européens qui habitaient ce port.
Dieu devait encore lui demander le sacrifice de ce poste aimé. Une nouvelle division de territoire, qui faisait passer entre les mains des Pères de Picpus toute l’île de Haïnan, allait pousser notre confrère à l’extrême ouest de la province sur les frontières du Tonkin. Ce nouveau poste étant réduit à la seule paroisse de vieux chrétiens, tous groupés autour de sa résidence, la vie spirituelle y était maintenue à haute tension par le florissant couvent des Sœurs indigènes de la Charité, par un orphelinat très fréquenté et par un hospice de vieillards, œuvres qui allaient absorber toute l’activité de M. Léauté. Les années passaient ; seules restaient aggravées par le temps et peut-être aussi par certains écarts de régime, les vieilles infirmités auxquelles venaient s’en ajouter d’autres. En 1931, une consultation médicale révéla chez notre confrère une tension artérielle trop anormale. Sur le conseil du docteur français de Moncay, il dut se résigner à rentrer une seconde fois en France. Seize mois passés au milieu des siens lui firent oublier un peu ses malaises et quand la voix de ses Supérieurs lui fit comprendre qu’il convenait peut-être de songer à un nouvel embarquement, sans hésitation il reprit crânement le chemin de la Chine. A sa famille qui aurait voulu le garder encore, il répétait : « Mes Supérieurs me jugent capable de travailler encore, puisqu’ils ne me disent « pas de rester. Je partirai donc, car missionnaire, je veux mourir missionnaire au milieu de « mes chinois. J’ai deux patries : la Chine et Geneston ; la Chine pour Dieu, Geneston pour « moi, mais la Chine d’abord ».
Hélas, il revint bien avec tout son courage, sans doute, mais aussi avec toutes ses infirmités. Un voyage pénible de 50 jours, sur un bateau qui jouait de malheurs et qui lui valut comme à ses compagnons de route quelques fortes émotions ne contribua pas peu à lui faire perdre tout le bénéfice de ses longs mois de congé. Durant son absence, Lofao, le poste de ses rêves, avait dû être pourvu d’un nouveau titulaire. Le Vicaire Apostolique; S. Exc. Mgr Pénicaud, bien renseigné sur l’état de la santé et sur les aptitudes de ce cher Confrère, lui donna un poste de tout repos dans un vaste district dont le chef-lieu lui était laissé, tandis que la périphérie était administrée par un jeune missionnaire robuste et vaillant. Malgré l’aimable société de M. Boulay qui venait se reposer auprès de lui de ses longues marches dans les alentours, M. Léauté dont la santé devenait de jour en jour plus défectueuse, ne put s’habituer à ce nouveau genre de vie. Il eut cependant la consolation de présider à la construction d’une église dont le besoin se faisait sentir depuis longtemps. Conseillé par M. Rossillon, architecte de la Mission et son ami de toujours, il sut faire le meilleur emploi des fonds si péniblement amassés par un de ses prédécesseurs dans ce poste. Chargé par son évêque de procéder à la bénédiction de la nouvelle église Sainte-Anne, il couronna par cette importante délégation, ses 31 années de mission.
Peu de temps après, il dut se rendre au Sanatorium de la Société à Hongkong, où il séjourna plusieurs mois sans qu’aucune amélioration vint se faire ressentir dans son état général. Conseillé par des confrères autorisés, approuvé par son Vicaire Apostolique, son départ pour la France fut décidé. M. Léauté revint à sa résidence pour y régler ses affaires, et c’est d’un cœur très ému, qu’il quitta ses confrères du secteur de Kwang-tcheou-wan pour regagner Hongkong où il devait s’embarquer le 12 septembre. Nos vœux accompagnèrent le malade durant ce long voyage que nous savions lui être très pénible ; et c’est au moment où nous le croyions déjà au milieu des siens, le 24 octobre, qu’un télégramme nous apporta la triste nouvelle de son décès.
Que s’était-il passé ? Une lettre de M. Bonhomme de la Procure de Marseille, son compatriote et ami fidèle nous le dit : « Débarqué très fatigué à Marseille le 9 octobre au matin, M. Léauté était conduit au docteur dans la soirée du même jour. Celui-ci ayant constaté chez notre confrère une proportion excessive d’urée, traita le malade en conséquence et pratiqua une petite opération qui devait le soulager. Dès lors, et jusqu’au samedi 20, si les journées furent relativement calmes, les nuits furent très agitées et il fallut veiller le malade. Le dimanche 21, après une nuit plus agitée et plus pénible encore, M. Robert, 1er Assistant du Supérieur Général, de passage à la Procure, lui administra le Sacrement d’Extrême-Onction en présence de plusieurs confrères. Le malade prévenu de son état, avait fait généreusement le sacrifice de sa vie. Le lendemain lundi, après une nuit très mauvaise, il eut la joie de voir auprès de lui deux de ses frères : l’abbé et un autre de Geneston. Il les reconnut, esquissa un sourire, voulut prononcer les noms de parents, d’amis et envoyer le dernier adieu à sa chère paroisse, mais ses dernières paroles furent devinées plutôt qu’entendues. Il entra dans le coma qui dura toute la journée et la nuit du lendemain. Le 23 octobre, jour anniversaire de sa naissance, à 11 heures 5, notre très aimé confrère rendit à Dieu son âme sanctifiée par la souffrance et par les sacrifices.
La dépouille fut ramenée par ses deux frères à Geneston qu’il n’avait pu revoir et qui lui fit des funérailles imposantes. Une cinquantaine de prêtres et toute la population de la paroisse avaient voulu par leur présence témoigner la place que M. Léauté occupait dans leur estime et dans leur affection. Et maintenant, notre regretté confrère repose dans le cimetière paroissial, près de son oncle et parrain, l’abbé Eugène Martin qui lui avait donné les premières leçons de latin.
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