Paul CRÉTIN1892 - 1978
- Status : Prêtre
- Identifier : 3228
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Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1922 - 1933 (Qui Nhon)
- 1933 - 1968 (Kontum)
Biography
[3228] Paul, Lucien, Marie CRETIN naquit le 18 Décembre 1892, à SAINT LUMINE-de-COUTAIS, diocèse de NANTES, département de la LOIRE ATLANTIQUE. La famille comptait huit enfants dont quatre se consacrèrent au Seigneur. Après ses études primaires dans sa paroisse, Paul entra , en 1905, au Petit Séminaire de Notre Dame des COUETS;en 1906 et 1907, il passa au Collège d'ANCENIS; de1908 à 1911,il fut élève au Petit Séminaire de Bel Air à NANTES où il termina ses études secondaires. En 1911, il se dirigea vers le Grand Séminaire de Bel-Air à NANTES puis, fut soldat de 1913 à 1919. Fait prisonnier, pendant la guerre de 14, il fit trois tentatives d'évasion....Et la dernière fut la bonne !..
Le 16 Août 1919, il demanda son admission au Séminaire des Missions Etrangères ; admis le 26 Août, il y entra laïque le 27 Septembre 1919. Il reçut la tonsure le 11 Mars 1921, les ordres mineurs, le lendemain 12 Mars 1921 ; Diacre le 11 mars 1922, il fut ordonné prêtre le 29 Juin de cette même année, et reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique de la COCHINCHINE ORIENTALE (Quinhon), qu'il partit rejoindre le 2 Octobre 1922.
A son arrivée en mission,M.CRETIN fut envoyé à GO-DAI près de GO-THI pour s'initier à la langue viêtnamienne. Il y resta jusqu'au mois de Juillet 1923. A la demande de M.KEMLIN, Mgr. le destina à KONTUM, qu'il rejoignit en charrette à boeufs.
Envoyé à Kon-Xolang,un des tous premiers villages convertis par les défricheurs",il y étudia le bahnar et y séjourna du mois de Juillet 1923 jusqu'au mois d'Avril 1924. Il partit alors pour Dak-Kona,en pays SEDANG. Il s'initia à la langue de ce groupe ethnique, travaillant sous la direction de M. HUTINET, installé dans le gros village de Kon-Horing.
En Août 1924,voletant de ses propres ailes, il s'en alla , en avant garde, au village de Kon-Hoyao, aux limites de la Mission. Il prit la suite de M.BONAL qui avait vécu là durant plusieurs années. Pendant presque 10 ans M.CRETIN, homme de grande foi, sema dans les larmes,mais non en vain..
En 1934, chargé de défricher tout le secteur en pays Sedang, il s'installa à DAK-MOT, qui devint le centre d'une belle chrétienté de 2.à 3000 âmes.Il construisit un presbytère sur pilotis, des dépendances, et une église, un vrai bijou, témoin de l'originalité de l'architecte.Il organisa son district, construisant une petite chapelle dans chaque village et dans le même temps,M. RENAUD, nouveau missionnaire arrivé en 1934, créait le district de DAK-CHO. Plus tard, naitront encore plus au Nord, les districts de KON-HONONG avec M.VIGUIER et celui de Dak-Kola avec M. DUJON.
En 1941, fatigué, M.CRETIN fut rappelé à KONTUM et nommé professeur au Petit Séminaire. Il y enseigna pendant quatre ans. En mars 1945, apprenant que les Japonais arrêtaient tout le monde, après le coup de force du 9 Mars, il quitta KONTUM seul, une sacoche sur le dos. Après avoir fait 20 -25 kms, il se rendit compte que son escapade était sans issue, et il revint sur ses pas . Fin mars 1945, tous les missionnaires furent concentrés au Petit séminaire de Kontum, puis dirigés vers QUINHON, et ensuite envoyés tous à NHATRANG. jusqu'en Juin-Juillet 1946.
A son retour à KONTUM, M. CRETIN fut nommé au Grand Séminaire ; après un congé en France,du 18 Août 1949 au 5 mai 1950, il reprit son poste au Grand Séminaire jusqu'à la fermeture de ce dernier, dans le courant de l'année 1951. M.CRETIN retourna alors chez les SEDANGS, dans le district de DAK-CHO et y resta jusqu' en 1953. A cette date, il fut chargé de la Procure de la Mission à KONTUM, jusqu'au mois de Novembre 1956.
Il fut alors envoyé dans le petit district de Dak-Kang, issu du district de KON-HORING, et situé à 7-8 kms de ce gros village. Il avait alors soixante quatre ans,et sa santé laissait à désirer. Sans se décourager, Il se dévoua tout entier au service des cinq ou six villages de ce district où le travail missionnaire et les gens n'étaient pas faciles !. Puis, du 23 Septembre 1965 au 02 Février 1966.Il prit un congé en France
Il revint à KONTUM s'occupant principalement des nombreux réfugiés Sedangs que l'insécurité et la guerre y avaient amenés. En 1968, la situation politique et militaire se dégradant de plus en plus, fatigué, malade et attristé par les évènements il demanda un congé, et rentra en France le 21 Avril 1968.
Grand marcheur, gros travailleur, consciencieux, marqué d'un grain d'originalité, âme candide dans un corps de broussard infatigable,son esprit curieux était toujours en éveil. Deux objets ne l'ont jamais quitté : un petit carnet où il notait ce qu'il avait à faire et les idées qui lui venaient à l'esprit, et dans sa poche un petit couteau qui lui rendait tant de services !..
Celui qui ne connaissait pas Mr. CRETIN pouvait être étonné par ses sautes d'humeur dûes à la fatigue, à la malaria, aux soucis ; elles faisaient rire les confrères : "Dieu ne nous aide pas ! Dieu est contre nous ! Le montagnard,il n'y a rien à en tirer" disait il, puis, ainsi défoulé, il repartait vers ses catéchumènes !..
Il eût le souci d'aider ses successeurs à apprendre la langue. Pendant toute sa vie, il s'acharna à chercher des mots, à prendre des notes. Il rédigea un lexique interessant en trois ou quatre langues : Viêtnamien, Bahnar,: Sedang, Rongao..Cette vie dure dans des circonstances difficiles lui a donné beaucoup d'originalité dans son travail et dans ses jugements.
Après un petit séjour en famille, M.CRETIN se retira à LAURIS, le 2 Juillet 1968. Il y demeura plus de quatre ans et au mois d'Août 1972, il demanda à aller à MONTBETON. Il y passa six ans Un an avant sa mort, il commença à dépérir lentement. Le docteur diagnostiqua un cancer ; les forces l'abandonnèrent peu à peu. Les derniers jours furent pénibles, car il souffrait d'une soif intense.Après une longue agonie, il s'éteignit paisiblement le 17 Août 1978. Son corps repose près de celui d'autres confrères de KONTUM, dans le cimetière de MONTBETON.
Obituary
Le Père Paul CRÉTIN
Missionnaire de Quinhon-Kontum
1892 - 1978
Né le 18 décembre 1892 à Saint-Lumine-de-Coutais, diocèse de Nantes (Loire-Atlantique)
Grand séminaire de Nantes de 1911 à 1914
Mobilisé de 1914 à 1919
Entré aux Missions Etrangères le 27 septembre 1919
Prêtre le 29 juin 1922
Parti pour la Mission de Quinhon le 2 octobre 1922
Affecté à la mission de Kontum en 1933
En mission de 1922 à 1968
Rentré en France en 1968
Décédé à Montbeton le 17 août 1978
Enfance et jeunesse
Paul CRÉTIN naquit le 18 décembre 1892 à Saint-Lumine-de-Coutais, en Loire-Atlantique, dans le diocèse de Nantes. La famille comptait huit enfants dont quatre devaient se consacrer au Seigneur. Après ses études primaires dans sa paroisse, Paul Crétin entra au collège d’Ancenis d’abord, puis au petit séminaire des Couets pour ses études secondaires. Comme il désirait se consacrer au Seigneur, il se dirigea tout naturellement vers le grand séminaire de Nantes une fois ses études classiques terminées. C’était en 1911. C’est là qu’il fut touché par la mobilisation de 1914. Fait prisonnier, la vie des camps ne l’enchantait pas spécialement. Aussi ne pensait-il qu’à en sortir. Il échoua dans deux tentatives d’évasion, mais la troisième réussit. Malheureusement nous n’avons de détails ni sur la date, ni sur les circonstances de cet exploit ! En tout cas, dans sa lettre de demande d’admission aux Missions Etrangères, lettre datée du 16 août 1919, il se dit sur le point d’être démobilisé. Selon l’habitude, des renseignements furent demandés au supérieur du grand séminaire de Nantes. Ce dernier écrivait le 20 août : « Le mot qui caractériserait le mieux M. Crétin serait, je crois, de “bon ordinaire”. Sous le rapport intellectuel, il était à peu près vers le milieu de son cours. Il en était de même pour la piété, la régularité et le travail. Je le crois un peu têtu et indépendant de caractère... Somme toute, je crois que vous pouvez l’admettre au nombre de vos aspirants avec l’espérance fondée de le voir un jour prêtre et missionnaire goûté des fidèles et utile aux âmes. »
De fait Paul Crétin fut admis le 26 août 1919 et le 27 septembre, sans doute après sa démobilisation, il entrait aux Missions Etrangères pour y poursuivre ses études et sa préparation au sacerdoce. Ordonné prêtre le 29 juin 1922, il reçut sa destination pour la mission de Quinhon, au Centre Viêt-Nam. Le 22 octobre, il s’embarquait pour rejoindre cette mission. A cette époque, le Vicariat apostolique de Quinhon était extrêmement vaste, car en plus des provinces côtières, il comprenait aussi, sur les Hauts Plateaux, tout ce que constitue actuellement les diocèses de Kontum et Banmêthuôt. Ce n’est qu’en 1932 que fut érigée la mission de Kontum par division du Vicariat apostolique de Quinhon.
A son arrivée en mission, le jeune P. Crétin fut envoyé à Go-Thi comme tous les jeunes missionnaires de Quinhon pour s’initier à la langue vietnamienne. Il y resta jusqu’au mois de juillet 1923. Pendant ces quelques mois, il acquit une connaissance élémentaire de la langue. C’est alors qu’il fut destiné à l’apostolat sur les Hauts Plateaux. Cette région des Hauts Plateaux, tout en appartenant au Vicariat apostolique de Quinhon, formait cependant une région à part avec un Supérieur délégué de l’Evêque. Le Supérieur de l’époque, le P. Kemlin, lançait appel sur appel au Vicaire apostolique pour qu’il lui envoie du renfort car les santés des missionnaires travaillant dans cette région se détérioraient. Sans doute, la malaria dévorait un peu moins les missionnaires que dans les années 1900, mais tout de même il fallait du « sang neuf » dans cette partie de la mission.
Pendant la dernière guerre du Viêt-Nam, les Américains ont construit une belle route de Quinhon à Kontum. Mais en 1923 on ne circulait encore qu’à cheval, en charrette à bœufs ou à dos d’éléphant pour se rendre de la côte sur les plateaux. Le P. Crétin voyagea donc en charrette à bœufs ; ce n’était probablement pas fait pour lui déplaire. Grand admirateur de la nature, il avait ainsi tout le temps pour admirer les magnifiques paysages de la montagne à la végétation luxuriante peuplée d’oiseaux innombrables, de paons aux queues miroitantes et de singes astucieux. Du haut du col d’Ankhé il put admirer derrière lui les 50 km de plaine émaillée de nombreux villages et jeter un dernier coup d’œil vers la mer visible dans le lointain du soleil levant. A partir de là, il entrait dans un autre « monde » : il dut rencontrer pour la première fois des hommes peu rassurants, à moitié nus, armés de serpes, de lances et d’arbalètes, des hommes à la peau cuivrée, aux longs cheveux tombant sur les épaules et qu’on appelait alors (sans aucune espèce de mépris d’ailleurs) les « Sauvages » : beaux hommes, fiers, libres, ne se livrant pas facilement, mais très attachés et dévoués lorsqu’ils ont accepté quelqu’un.
Au pas lent des bœufs, le P. Crétin cheminait vers Kontum. La région de Kontum présente une mosaïque de tribus montagnardes différentes par leurs coutumes et leurs dialectes. Et ce dernier point n’est pas le moindre des problèmes pour les missionnaires ! Le centre de la Mission est installé à Kontum, petite ville ou mieux gros village situé à l’intersection des tribus Bahnar, Rungao et Jörai. Au début ce sont les Bahnars qui se sont convertis les plus nombreux ; c’est chez eux qu’avaient commencé à « missionner » les premiers apôtres envoyés par le Bienheureux Cuénot. C’est dans cet idiome qu’a été rédigé le premier dictionnaire par le P. Dourisboure (un chef-d’œuvre pour l’époque). C’est également à Kontum que réside le Supérieur de la mission, que fonctionne l’école des catéchistes et ce sera donc en dialecte bahnar que seront rédigés tous les livres de religion : catéchisme, histoire sainte, livres de chant (car ils aiment chanter) et plus tard la Bible.
Pour ces diverses raisons, tout nouveau missionnaire arrivant sur les Plateaux devait apprendre un minimum de langue bahnar pour avoir accès à tous les livres de doctrine. Le P. Crétin fut donc envoyé au village de Kon-Xolang, un des tout premiers villages convertis par les « défricheurs ». Il restera là du mois de juillet 1923 jusqu’au mois d’avril 1924. C’est alors qu’il fut envoyé en pays Sedang où il devait passer presque toute sa vie missionnaire. Son premier travail fut de s’initier au dialecte parlé par cette tribu. Il se mit au travail sous la direction d’un convertisseur chevronné et dynamique, le P. Hutinet, dans le gros village de Kon Horing. Au bout de trois mois, il pouvait « voleter » de ses propres ailes. A la demande du P. Supérieur, il partit donc, en avant-garde, à la limite même de la mission, au village de Kon-Hoyao. Il prenait la suite du P. Bonal qui avait vécu là plusieurs années en attendant le jour de la grâce et dans la crainte incessante d’une attaque des Sedangs païens qui n’avaient pas encore fait la différence entre le missionnaire venant apporter la Bonne Nouvelle et le colonisateur venant apporter des entraves à leurs habitudes de liberté sans contrainte. Pendant presque dix ans, le P. Crétin, homme de grande foi, va semer dans les larmes jusqu’au jour où l’Esprit-Saint se laissera toucher par la patience héroïque des PP. Bonal et Crétin et se mettra à souffler en tempête. A partir de ce moment-là, les conversions se suivent à un rythme accéléré. En 1934, le P. Crétin va s’installer à Dak-Mot qui devient le centre d’une belle chrétienté de 2 à 3.000 âmes, pendant que le P. Renaud, nouveau missionnaire arrivé en 1934, créera, avec les villages plus au nord, le district de Dak-Cho. Plus tard, l’Esprit ne ralentira pas son action puisque se créeront encore plus au nord le district de Kon Honong avec le P. Viguier et celui de Dak Kola avec le P. Dujon. Après les semailles dans les larmes, c’était la récolte dans la joie !
« Mais tant va la cruche à l’eau... » Fatigué par les innombrables kilomètres à pied sous la pluie ou le soleil, par la dysenterie récoltée probablement auprès d’un traître ruisselet de la montagne, le P. Crétin fut appelé au petit séminaire où il professa pendant quatre ans.
Pour éclairer la suite de cette biographie du P. Crétin, il est nécessaire de rappeler ici quelques événements survenus en Indochine. En septembre 1940, les Japonais qui luttaient en Chine attaquèrent l’Indochine. Cette attaque aboutit à un accord d’après lequel les troupes japonaises étaient autorisées à stationner et circuler sur tout le territoire de l’Indochine. Tout alla cahin-caha jusqu’au mois de mars 1945. C’est alors que les Japonais, usant de traîtrise, attaquèrent sur l’ensemble du territoire, éliminant l’armée et l’administration française. Sur les Hauts Plateaux, les Japonais, craignant que les missionnaires n’aident de quelque façon les quelques dizaines d’officiers et sous-officiers de l’armée coloniale évanouis dans la brousse, les arrêtèrent et les déportèrent fin mars et avril 1945 à Nhatrang. Certains furent concentrés dans la ville ; d’autres furent logés dans le monastère des Pères Franciscains à deux ou trois kilomètres au nord de la ville. Les missionnaires et les religieuses de Kontum passèrent là plus d’un an et ne purent rentrer à Kontum qu’à la mi-juin 1946. Le P. Crétin était allergique au camp de concentration ; nous avons vu que pendant la guerre 1914-1818 il avait réussi à s’évader. En mars 1945, dès qu’il apprit que les Japonais arrêtaient tout le monde, il quitta Kontum seul, une sacoche sur le dos. Après avoir fait 20 ou 25 kilomètres, il se rendit compte que son escapade était sans issue et il revint sur ses pas pour se livrer aux occupants du moment...
Rentré à Kontum vers la mi-juin 1946, le P. Crétin fut envoyé dans le petit district de Dak-Kang, issu du district de Kon Horing et situé à sept ou huit kilomètres de ce gros village. C’est là qu’il termina sa vie de missionnaire « missionnant ». Il avait déjà soixante-quatre ans et sa santé laissait à désirer. Il va se dévouer cependant de tout son cœur et de toutes ses forces à ressusciter ces cinq ou six villages qui avaient beaucoup souffert d’une mauvaise administration prolongée. Le travail n’était pas facile... les gens non plus. Mais il ne se découragea pas. Sa persévérance et sa prière obtinrent de bons résultats.
Après 1965, il passa un certain temps à Kontum même où il rendit service auprès des réfugiés Sedangs qui se trouvaient dans la ville et dont personne ne pratiquait bien la langue. La ville de Kontum était en effet, bourrée de réfugiés qui avaient quitté leurs villages à cause de la guerre.
En 1968, la situation politique et militaire se dégradait de plus en plus. Les villages se repliaient peu à peu devant l’avance communiste. Le P. Crétin, fatigué et attristé aussi par les événements, demanda un congé bien mérité. Comme un confrère lui disait : « Vous reviendrez, Père Crétin, même si pour vous la brousse c’est fini ; vous pourrez rendre beaucoup de service auprès des réfugiés... » Il regarda le confrère en question et répondit : « Vous ne savez pas que j’ai soixante-quinze ans ? »... Il avait des ennuis de santé, certes : malaria, dysenterie, etc. Mais la « carcasse » était solide. Il ne l’avait pourtant pas ménagée, cette pauvre carcasse ! Elle avait beaucoup travaillé
Après avoir suivi le P. Crétin dans les divers postes qu’il a occupés de 1922 à 1968, la tentative de faire son portrait devient plus facile. On pourrait définir le P. Crétin comme le « serviteur fidèle et dévoué », totalement donné au service de la mission et des âmes à lui confiées, un homme consciencieux qui a essayé de bien faire tout ce qu’il a fait, avec tout son cœur. L’esprit toujours en éveil pour ne rien oublier. Deux objets ne l’ont jamais quitté : un petit carnet sur lequel il marquait ce qu’il avait à faire et les idées qui lui venaient à l’esprit. Il l’avait à côté de lui, même quand il disait son bréviaire. (C’était même à ce moment-là, paraît-il, qu’il avait le plus d’idées !) Et dans sa poche un autre objet : un petit couteau qu’il recommandait à tous les confrères. C’est formidable ce qu’un si petit instrument pouvait lui rendre de services !
Serviteur fidèle, il le fut dans sa vie de prêtre : très pieux sans ostentation, ayant gardé tous ses exercices spirituels du séminaire, mais avec un grain d’originalité ! Ame candide et prude, allant jusqu’à « habiller » certaines gravures de réclame qu’il craignait indécentes pour ceux qui les regarderaient : une âme d’enfant, une piété d’enfant dans le corps d’un broussard infatigable ! Il fut en effet un grand marcheur et un gros travailleur, mais toujours avec une certaine originalité. Que de kilomètres il a faits à bicyclette et surtout à pied avec dans une main une vieille trompe d’auto qu’il actionnait pour éloigner le tigre et dans l’autre son fameux petit couteau qu’il utilisait pour couper en deux les sangsues qui lui ont causé bien des ennuis et bien des plaies ! Que de paires d’espadrilles « Bata » (la chaussure idéale d’après lui pour circuler dans la brousse) a-t-il usées pour se rendre régulièrement dans les villages de toute cette contrée qui se convertissaient les uns après les autres ! Que de catéchismes, que d’instructions pour enseigner enfants et adultes ! Les « patients » trouvaient bien ses sermons un peu longs quelquefois et beaucoup faisaient un petit somme en attendant la fin. Cependant la saine doctrine faisait peu à peu son chemin dans ces âmes simples et bien disposées.
On l’avait chargé de défricher tout le secteur en pays Sedang et lorsque l’Esprit se mit à souffler, il fallut aller toujours plus loin ; dans chaque village, il était nécessaire de construire une petite chapelle. Mais sans tarder il fallut penser à organiser un centre avec église, presbytère et dépendances à Dak-Mot en 1934. Les constructions sur pilotis étaient solides mais marquées, elles aussi, de l’originalité de l’architecte ! La maison se trouva très sombre et la chapelle — un vrai bijou — ne pouvait contenir que la moitié de la population chrétienne du village ! Tout cela occasionnait beaucoup de fatigues au P. Crétin sans compter qu’il lui fallait encore subir les attaques du paludisme et de la dysenterie. Il avait bien ses moyens propres pour se soigner, mais ils n’étaient pas plus efficaces que les médicaments reconnus..., un peu moins même ! Cette fatigue était la cause de sautes d’humeur qui auraient scandalisé celui qui n’aurait pas connu le P. Crétin, mais qui au contraire faisaient sourire les confrères : « Dieu ne nous aide pas ! Dieu est contre nous disait-il. Le montagnard, il n’y a rien à en tirer, on perd son temps ; il faudrait tuer tout le monde ! » C’est ainsi qu’il se défoulait et une fois défoulé, il repartait vers ses catéchumènes...
Il a toujours eu un autre souci : aider ses successeurs à apprendre la langue. En ce dialecte Sedang il n’y avait rien d’écrit. Aussi pendant toute sa vie, le P. Crétin s’acharna à chercher des mots. Dans les villages où il passait, il interrogeait les enfants, les anciens : Comment appelez-vous cela ? Comment dites-vous cela ? Et il prenait des notes pour enrichir son vocabulaire. Sur ce point aussi il avait ses idées particulières. Mais en fin de compte il avait rédigé un lexique intéressant en trois ou quatre langues ou dialectes : vietnamien, banhar, sedang, rungao.
Serviteur fidèle et dévoué, travailleur infatigable qui ne donna jamais beaucoup de temps à la distraction ; pas toujours facile à vivre ! Une vie difficile dans des circonstances difficiles lui a donné beaucoup d’originalité dans son travail et dans ses jugements. Mais un saint homme de missionnaire certainement !
Comme nous l’avons dit plus haut, il prit un congé en 1968. Ce fut en fait un retour définitif étant donné son état de santé d’une part et d’autre part les circonstances politiques au Viêt-Nam. Il ne pouvait être question pour lui de retourner vers ses Sedangs ! Après un petit séjour en famille, il se retira à la Maison de retraite de Lauris où il ne put jamais s’habituer. Il y demeura cependant plus de quatre ans ! Au mois d’août 1972, il demanda à aller à Montbeton. Voici ce qu’écrit le P. Supérieur de Montbeton à son sujet : « Le P. Crétin a passé six ans parmi nous. Pendant ces six ans, il semble avoir beaucoup souffert surtout de la situation en l’Eglise de France. Les nouveautés (sauvages ou autres) le décourageaient. Environ un an avant sa mort, il a commencé à dépérir lentement. Au bout d’un certain temps, le docteur diagnostiqua un cancer. Les forces l’abandonnèrent peu à peu tandis qu’il perdait tout appétit. Se rendant compte de son état, il invita ses neveux à lui rendre une dernière visite au cours de laquelle il leur distribua des souvenirs et leur fit ses dernières recommandations. C’est avec un grand calme qu’il vit venir la mort et il l’accueillit, sinon avec enthousiasme, du moins avec une pleine résignation. Les derniers jours furent particulièrement pénibles car il souffrait d’une soif intense. Après une longue agonie, il s’éteignit paisiblement le 17 août 1978.
Une de ses dernières consolations fut de recevoir une lettre de Mgr Lôc, le nouvel évêque de Kontum. Il disait entre autres choses au P. Crétin que les Sedangs résistaient plus que les autres tribus à la propagande athée des communistes. Le P. Crétin s’en réjouit et dit alors : « Je remercie le Seigneur de me permettre de dire encore la messe. Je la dis chaque jour pour mes deux familles : celle de France et celle de Kontum. » Nul doute qu’il a offert les souffrances de sa longue maladie pour ses chers Sedangs.
Dans une autre lettre arrivée le 16 août 1978 et dont le P. Crétin à l’agonie ne put avoir connaissance, Mgr Lôc disait : « Quand je suis arrivé dans le diocèse en 1943, c’est le P. Crétin qui, de tous les missionnaires, m’a fait la plus forte impression ! »
Dans son testament rédigé en juin 1978, il écrivait : « Vous direz à ma famille que j’ai beaucoup pensé à eux à mes derniers moments. Qu’ils prient pour mon âme comme j’ ai prié pour eux tous les jours de ma vie. Je vous dis : A Dieu près duquel j’espère bientôt vous retrouver. »
Quelques jours avant sa mort, il répétait au P. Supérieur de Montbeton cette parole du saint Curé d’Ars : « Il est doux de mourir quand on a passé sa vie sur la croix ! »
Ce mot pourrait résumer toute la vie missionnaire du P. Crétin. Les brèves notes ci-dessus ne peuvent donner qu’un très léger aperçu de tout ce qu’il a enduré pour le salut des âmes et tout spécialement pour les Sedangs ! Nous avons confiance qu’il est « entré dans la paix, la joie et la lumière » du Seigneur tandis que son corps repose près de celui d’autres confrères de Kontum, dans le cimetière de Montbeton en attendant la résurrection !
References
[3228] CRÉTIN Paul (1892-1978)
Références biographiques
AME 1922 p. 235. 1933 p. 21. 1936 p. 43. 1939 p. 234. 1940 p. 79 sq. CR 1922 p. 161. 1923 p. 114. 1924 p. 90. 1927 p. 107. 1933 p. 186. 1934 p. 174. 1935 p. 168. 171. 1937 p. 171. 1938 p. 168. 1939 p. 152. 1947 p. 81. 1948 p. 103. 1951 p. 57. 1952 p. 46. 1954 p. 50. 1957 p. 49. 1962 p. 62. 1964 p. 38. 1965 p. 71. 72. 1966 p. 84. 1967 p. 65. 1969 p. 175. BME 1922 p. 496. 1923 p. 127. 1933 p. 552. 1934 p. 501. 585. photo p. 225. 1935 p. 817. 818. 1937 p. 141. 368. 665. photo p. 32. 1938 p. 481. 1940 p. 817. photo p. 258. 1941 p. 114. 116. 200. 1951 p. 700. 1953 p. 492. 1954 p. 791. 792. PDM 8P2. 12P4. 68P2. EPI 1962 p. 402. 1965 p. 400. MDA 1954 p. 122. R. MEP. N° 130 p. 2. N° 118 p. 29. EC1 N° 17. 472. 482. 762 NS. 4P118. 9P258. 275. 10P301. 20P176. 23P272. 43P201. 44P239. 49P46. 122/C3.
Notice nécrologique
MEM 1978 p. 73.
Janvier 1994