Jean MIRONNEAU1898 - 1990
- Status : Prêtre
- Identifier : 3251
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Identity
Birth
Death
Biography
[3251] Jean, André MIRONNEAU naquit le 24 juillet 1898, à Vannes, département du Morbihan, diocèse de Vannes. Il fut baptisé à la paroisse St. Pierre de cette ville. Il était le quatrième d'une famille de huit enfants. Son père, officier d'active, était sujet aux diverses mutations liées à cette carrière et en 1906, il fut envoyé à Angers. C'est là que Jean-André fit ses études primaires, puis il entra à l'externat Saint Maurille" où il obtint sont baccalauréat à seize ans et demi. Admis au grand séminaire d'Angers, en 1915, il y étudia la philosophie et la théologie, pendant dix-huit mois, et y reçut la tonsure.
Mobilisé en avril 1917, il fut affecté, en mai 1918, au 80ème R.I. auquel il restera attaché jusqu'à sa démobilisation. Après l'armistice de 1918, il fut envoyé à Narbonne où il séjourna jusqu'en mars 1920. Depuis cette ville, le 20 mars 1920, il fit sa demande d'admission au Séminaire de Missions Etrangères où il entra le 13 septembre 1920; il y poursuivit sa formation écclésiastique; ordonné prêtre le 26 mai 1923, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Tonkin Martime (Phat-Diêm) qu'il partit rejoindre le 1er octobre 1923. Il s'embarqua à Marseille le 5 octobre 1923, à bord du paquebot "Angkor", en compagnie de neuf jeunes confrères.
Après quarante jours de navigation, M.Mironneau débarqua à Haiphong, passa quelques jours à Hanoï, puis gagna Phat-Diêm, où Mgr. Marcou le confia à un catéchiste instituteur pour l'étude de la langue viêtnamienne. Au début de 1925, il fut envoyé à Thanh-Hoa, chez M. Bourlet qui l'initia à l'apostolat auprès des non-chrétiens; en novembre 1925, Mgr. Marcou lui demanda de monter au Chau-Laos, dans la province de Sam-neua, qui administrativement dépendait alors du Viêtnam, puis fut rattachée au royaume de Luang-Prabang en 1933. Le 9 novembre 1925 M.Mironneau quitta Thanh-Hoa en direction de Muong-Xia, région montagneuse, au climat malsain, peuplée de "Thai Rouges" évangélisés par MM.Canilhac et Varengue, où il. arriva le 16 novembre 1925. Le 20 juin 1926, ce dernier atteint d'un accès de fièvre bilieuse, appela M. Mironneau à Muong-Xia; le 24 juin 1926, celui-ci l'évacua péniblement en radeau, vers l'hôpital de Thanh-Hoa, distant de 200 kms.
M.Varengue étant décédé le 3 juillet 1926, M. Mironneau le remplaça à Ban-Ten, en janvier 1927, et il fut chargé des districts de Muong-Xoi et Muong Pun. En 1928, il commença la construction d'une église, d'une maison et d'une école à Muong-Xoi , et rebâtit la maison de Muong-Xia, incendiée le 20 novembre 1926. En juin 1930, il fut fait "chevalier de l'Ordre des cent millions d'éléphants et du parasol blanc".En 1931, il eût la joie d'achever l'église de Ban-Ten, et d'inaugurer l'école de Muong-Xôi.En 1932, il construisit le poste de Muong-Pun.
En 1933, M.Mironneau s'occupait de 1 200 chrétiens environ, dispersés dans une trentaine de hameaux très éloignés les uns des autres.
En 1934, il est chargé du vaste district de Muong-Xôi, comprenant presque toute la province de Sam-nua au Laos, vécut une année d'épreuves : son vicaire viêtnamien terrassé par la fièvre a dû quitter son poste, quatre catéchistes sont tombés gravement malades, deux sont morts, deux ont été évacués, les domestiques ont été éprouvés, M.Canilhac venue présider à des baptêmes est tombé de cheval.., plus de 54 décès parmi ses néophytes; mais deux nouveaux villages se sont faits chrétiens, ce qui porte à 24 le nombre de ses chrétientés, et à près de 2.000 le nombre de ses chrétiens.
Vers la fin de 1934, il reçut délégation officielle d'opérer le recensement administratif dans la sous-préfecture de Muong-Xôi. Cela lui donna occasion de circuler par monts et par vaux, et souvent d'être le premier européen à pénétrer dans cette multitude de villages. Du 26 février 1935 au 25 mars 1935, avant de partir en congé régulier, en France où il arriva le 17 mai 1935, il voulut faire connaissance avec Vientiane, Luang-Prabang où le prince héritier lui accorda la faveur d'une audience, et les autres missions du Laos..
Reparti pour sa mission le 6 mars 1936, il revint dans son immense district, après une visite à la mission de Kontum. Il prepare l'érection d'une église au chef lieu provincial, à deux jours de sa résidence habituelle: elle fut inaugurée le jour de Pâques 1937, et en 1937 signale un important mouvement de sympathie pour l'évangile chez les Thay-Nua. Dans la sous-préfecture de Xiêng-kho qui comprend plus de la moitié de la population de toute la province de Sam-Nua, les habitants de Xô-Phao ont sollicité sa visite. M. Mironneau pense à la création d'une préfecture apostolique dans le royaume de Luang-Prabang. Ce projet sera réalisé en 1958: Par décret du 14 février 1958, N°636/59, le cardinal Fumasoni-Biondi préfet de la Propagande, détacha de Thanh-Hoa le Samnua et le rattacha à Vientiane.
En 1939, il fut peiné de constater que un certain nombre de villages l'ont abandonné. De plus les chrétiens émigrent à cause des incessantes corvées nécessitées par l'ouverture d'une route de Sam-Nua à Hôi-Xuân.
Le 11 mars 1945, M.Mironneau, avec un groupe de 30 français environ, sur ordre des autorités civiles, quittait son district et le 16 commençait la grande retraite par Dien-Bien-Phu, Phongsaly, Muong-Lié, Szeu-Mao. Durant 58 jours, on marcha jusqu'à la frontière du Yunnan, Le 7 mai 1945, il arriva à l'Evêché de Kunming où il resta jusqu'en mai 1946. Il devint aumônier militaire s'occupant avec M.Vacher lui aussi replié à Kunming, des militaires français repliés dans cette ville. Il rentra alors à Hanoï le 1er mai 1946,il partit pour Savannakhet et Vientiane,d'où il se proposait de revenir à Samnua par la piste de Xieng-Khouang.. Mais on le lui déconseilla fortement. Après avoir attendu pendant un mois une occasion pour se rendre directement à Sam-Nua, il se décida à quitter Vientiane pour rejoindre Hanoï par Saigon. A Hanoï il dût attendre septembre 1946 pour atterir à Dien-Bien-Phu et rejoindre Sam-Nua après onze jours de piste.
De fin 1946 à mars 1947, la province de Samnua jouissant d'une paix relative M. Mironneau reprit la visite des chrétientés, de Muong-Xoi, Muong-Phun et les diverses activités missionnaires; en mars 1947, M. Mironneau accueillit l'unique séminariste de Samnua, M.Joseph Tien et M. Ngo-Dinh-Nhu frère du président Diêm et aida ce dernier à regagner Saigon; tous deux avaient fui Hanoï,.L'hiver 47-48 fut une période calme, mais dès juillet 1948, les troupes se replièrent sur Samnua.L'année 1948, fut relartivement calme.
La situation devenant difficile, M. Mironneau se décida à aller chercher du secours pécuniaire en France; il gagna Dien-Bien-Phu, puis Hanoï et Saigon et s'embarqua pour la France où il arriva le 29 juillet 1947, et resta jusqu' au 26 mars 1948. Après six mois d'arrêt forcé à Hanoï, en septembre 1948, M. Mironneau rentrant de congé a atterri sur le petit aérodrome de Sam-Nua le 4 octobre 1948.
L'année 1948 fut relativement bonne, au point de vue apostolique et la vie est très chère. Toutes les chrétientés à une près ont été visitées et administrées. Dans la zone viêtminh, les six paroisses de Hoi-Xuân, Muong-xia, Muong-mot, Muong-Nhan, Muong-Chu, Muong-Khiêt sont privées de pasteurs depuis 1946. Au Chau-Laos, MM Mironneau et Donjon parcourent les chrétientés où il est possible de stationner, sans excès d'imprudence.
Vers septembre 1949, Mgr. Drapier, délégué apostolique nomma M.Mironneau comme supérieur du Chau-Laos.Vers Juin 1952, la Sacrée Congrégation de la Propagande nomma M.Mironneau administrateur apostolique du Sam-nua, nomination jugée nécessaire vue l'impossibilité de Mgr.de Cooman de diriger cette partie de la mission. En Juin 1950, M;Mironneau est bloqué près des fortins qui défendent Samnua; le 19 septembre 1950, M. Mironneau est toujours bloqué à San-Nua. Il travaille à la composition de dictionnaires en langue laotienne.Dans toute la région, il devient impossible de s'éloigner de quelques kms des points fortifiés.
La situation reste fort troublée . Pendant l'hiver 1951-52, le pays thai au nord de la province de Samnua est conquis par les Viêt. En décembre 1952, l'offensive viêt se déclenche. Le 16 décembre 1952,MM.Mironneau et Donjon quittent en convoi la ville de Sam Nua "quatrième départ depuis 1945"; i;ls se dirigent vers Siêng-Khouang. .Ils célébrèrent la messe de minuit au camp militaire de Kang-Khay puis partirent en avions pour le Tonkin. .M.Mironneau quitta définitivement le Chau-Laos, le 25 décembre 1952.MM. Mironneau et Donjon ont dû sur l'ordre de l'autorité militaire évacuer la région de Samnua et se sont repliés temporairement à Hanoi. En mai 1953, M. Mironneau devient aumônier bénévole des hôpitaux de Haiphong où il succède à M. Kerbaol., et de Hanoï.pendant deux ans, puis un an à l'hôpital Grall de Saigon.
M.G Raballand , supérieur de la région Sud Indochine depuis 1952, et qui réside à Saigon, rue Nguyên-Du, fit connaissance de M. Mironneau; Nommé Vicaire Apostolique de Pnom-Penh, en mars 1956, et sacré par Mgr. Lemaire le 1er mai 1956.Mgr. Raballand amena M. Mironneau à Pnom-Penh et lui confia la paroisse de la Cathédrale dont il devint curé en juillet 1956. Ses paroissiens sont les membres de la mission militaire de la mission culturelle française, une élite en quelques sorte où M.Mironneau est à l'aise. Il a des relations privilégiées avec les familles de militaires. Les célébrations liturgiques sont appréciées. Il rentra en France du 25 juin 1960 au 31 janvier 1967, et du 1 mai 1970 au 10.août 1970. Mais au fil des années sa santé se dégrade. Il a de l'arthrose à la hanche et au genoux gauche.
En 1968, il se retire à l'évêché de Pnom-Penh. Il lit beaucoup et commence la rédaction de ses mémoires sur le Chau-Laos. En mars 1970, la guerre s'étend au Cambodge, et son évêque lui conseille de rentrer en France, et prend l'a vion le 1er mai 1970. Quelques jours avant, il avait été fait chevalier de la Légion d'Honneur.
Il passe un certain temps en famille, puis remplace l'aumônier chez des religieuses à Dieppe pendant deux mois, finalement le 10 Août 1970, il arrive à la maison d'accueil de Lauris, où il retrouve M.Donjon. Il reprend la rédaction de ses souvenirs. Au bout de trois ans environ, son travail aboutira à un gros volume de plus de 700 pages ronéotées: "C'était cela l'Indochine" !. Il écrit aussi ses "Souvenirs d'un missionnaire d'Indochine" journal personnel très détaillé sur son apostolat au Chau-Laos.
Le 26 mai 1983, il fêta son jubilé de diamant dans la chapelle de Lauris.
Il passa les cinq dernières années de sa vie dans sa chambre, lisant ou faisant semblant, incapable de soutenir son attention.Il s'ennuie terriblement, et peu à peu perd la mémoire. On lui apporte ses repas dans sa chambre, il faut le faire manger. Le 6 mai 1990, au matin, la soeur lui monte son petit déjeuner et le trouve au lit endormi pour toujours.
Ses obsèques se déroulèrent dans la chapelle de la maison de Lauris; Mgr. Ramouisse présida la messe concélébrée. Il repose dans le caveau des Missions Etrangères à Lauris.
Obituary
Le Père Jean MIRONNEAU
1923 - 1990
MIRONNEAU Jean, André
Né le 24 juillet 1898 à Vannes, diocèse de Vannes (Morbihan)
Entré tonsuré au séminaire des Missions Étrangères le 13 septembre 1920
Ordonné prêtre le 26 mai 1923
Parti pour la Mission du Tonkin Maritime le 1er octobre 1923
Passé au Vicariat apostolique de Thanh-hoa en 1932
Passé au Vicariat apostolique de Phnompenh en 1956
Décédé à Lauris le 6 mai 1990
Jean Mironneau naquit le 24 juillet 1898 à Vannes (Morbihan), où il fut baptisé à la paroisse Saint-Pierre. Il était le quatrième d’une famille de huit enfants. Son père, officier d’active, était sujet aux affectations et mutations inhérentes à la carrière. Ce fut ainsi qu’en 1906 il fut envoyé à Angers où il établit sa famille pour de nombreuses années. Jean Mironneau y fit ses études primaires. Puis ses parents, d’une foi profonde et solide, tenant à ce que leur enfant développât et approfondît les convictions religieuses qu’ils lui avaient inculquées, le firent entrer au collège catholique de la ville, « l’Externat Saint-Maurille ».
Durant ses humanités, Jean disait à ses camarades qu’il voulait être missionnaire. Aussi, à la fin de ses études, fit-il logiquement une demande pour entrer au grand séminaire d’Angers, encouragé d’ailleurs par ses professeurs prêtres de Saint-Maurille. N’avait-il pas obtenu le baccalauréat à seize ans et demi ! Il fut donc admis au séminaire sans difficulté. Il y étudia la philosophie, puis la théologie pendant près de deux ans.
Il en sortit tonsuré. Il en sortit, au sens littéral du mot, car c’était la guerre, et, âgé de dix-neuf ans, Jean fut mobilisé en avril 1917. Il fit « ses classes » à Angers et, en mai 1918, fut affecté au 80e R.I., auquel il restera attaché jusqu’à sa démobilisation. Il passa les derniers mois de la guerre dans les tranchées et participa à plusieurs coups de main. C’est dire son courage et son dévouement à la patrie. Il restera toujours assez militariste, mais sans doute moins « audacieux » par la suite.
Après l’armistice, il fut envoyé en garnison à Narbonne, où il séjourna jusqu’en mars 1920. De même que durant la guerre, au dire de ses aumôniers successifs, il se conduisit en « séminariste modèle », et pas seulement dans son comportement religieux, car il était également très apprécié pour sa gentillesse et pour son tact envers ses camarades. Sa libération des obligations militaires se rapprochant, il pensait à son avenir immédiat. Il n’avait pas l’intention de retourner au grand séminaire d’Angers, il voulait réaliser son idéal missionnaire. Aussi le 20 mars 1920, de Narbonne, fit-il sa demande d’entrée aux Missions Étrangères, demande appuyée par les témoignages de nombreux prêtres qui l’avaient connu, tant au collège qu’à l’armée.
Retenons seulement les propos du supérieur du grand séminaire d’Angers, qui qualifie bien les aptitudes du postulant : « Pendant ses années d’études à l’externat Saint-Maurille et les dix-huit mois qu’il a passés au grand séminaire, M. Jean Mironneau a donné constamment pleine satisfaction à ses maîtres. Il a la foi d’un Breton, un caractère énergique, une intelligence au-dessus de la moyenne. Il est aimable, joyeux, de très bonne santé. En un mot, il me paraît doué de toutes les qualités requises pour en faire un bon missionnaire... »
L’abbé Jean Mironneau arriva donc au séminaire de la rue du Bac le 13 septembre 1920. Il y poursuivit ses études de théologie, franchissant sans encombre les différentes étapes du sacerdoce. Il fut ordonné prêtre le 26 mai 1923, et le soir il reçut du supérieur général sa destination pour le Vicariat apostolique du Tonkin maritime (Phat-Diem, au Nord-Vietnam actuel).
Le 5 octobre 1923, Jean Mironneau s’embarqua à Marseille sur le paquebot « Angkor », en compagnie de neuf jeunes confrères. Quarante jours de navigation furent nécessaires pour le conduire à Haïphong, et après quelques jours passés à l’évêché d’Hanoï. il parcourut en train la dernière étape qui lui permit enfin d’atteindre sa « Mission » de Phat-Diem. Le vicariat apostolique était alors dirigé par Mgr Marcou, assisté de Mgr de Cooman.
Avant tout ministère, un missionnaire doit étudier la langue, ce que Jean Mironneau fit sous la conduite d’un catéchiste-instituteur. Au terme du quatrième mois d’efforts, Mgr Marcou l’invita à prononcer son premier sermon en vietnamien, le succès fut mitigé. Son moniteur rapporta les réflexions des auditeurs : « Pourquoi Monseigneur a-t-il demandé de nous faire entendre un sermon en français aujourd’hui ? » Pour lui permettre d’acquérir davantage de pratique, l’évêque l’emmena dans ses tournées pastorales.
Au début de 1925, Jean Mironneau fut muté à la mission de Thanh-Hoa, qui constituait une autre partie du Vicariat apostolique. Là le P. Bourlet l’initia à l’apostolat auprès des non-chrétiens. Mais en novembre de la même année, Mgr Marcou lui demanda de monter au Chau-Laos, vaste région de forêts et de montagnes séparant le Vietnam du Laos, et peuplée de Thaï Rouges. C’est un pays au climat très pénible. La province de Samneua était comprise dans cette région. Dépendant alors administrativement du Vietnam, cette province sera rattachée au royaume de Luang Phrabang en 1933. Seuls les PP. Canilhac (le « supérieur ») et Varengue étaient chargés de l’évangélisation de ce territoire.
En février 1927, le P. Mironneau entra dans la province de Samneua. Il était appelé à remplacer à Ban-Then le P. Varengue qui venait de décéder prématurément. Désormais les importants districts de Meuong Sôi et de Meuong Phoun seront le champ de son apostolat, et il aura de très nombreux villages à visiter.
Il était aidé dans son ministère par un prêtre vietnamien, qui restait généralement au centre. Le P. Mironneau, lui, accompagné d’un catéchiste, enfourchait son petit cheval et parcourait les sentiers étroits et escarpés de la grande forêt pour atteindre les villages éloignés. Il vivait ainsi sur les pistes ou dans les villages près de onze mois par an. Arrivé à destination, s’il y avait dans le village quelques catholiques, il logeait chez l’un d’eux, sinon il demandait l’hospitalité et le couvert au chef du village. Les longues soirées (car la nuit tombe en moyenne vers 18 h 30) permettaient des palabres interminables. On parlait de la vie au village, le Père donnait des nouvelles du pays ou de l’étranger, ou bien il abordait un sujet religieux, la vie et la prédication de Jésus... Le bouquet de la soirée était le plus souvent la traditionnelle jarre de bière de riz à laquelle toutes les personnes présentes doivent goûter, et qui occasionne un concours pour départager les meilleurs buveurs.
Si le village visité comportait un groupe de chrétiens, le Père les conviait à se rassembler le soir pour continuer leur formation religieuse, ce qui était surtout le ressort du catéchiste qui leur faisait répéter catéchisme et prières. Le Père conférait les sacrements : baptêmes, confessions en vue de l’Eucharistie du lendemain. Pour eux, la réunion se terminait par la récitation commune de la prière du soir.
Jean Mironneau avait le contact facile, il aimait bien « causer », et sa conversation n’était pas morose. Mais il s’efforça d’améliorer encore ses relations avec les gens qu’il visitait et de les distraire. Au retour d’un congé en France, il rapporta un petit appareil « Pathé-Baby », et il allait faire du cinéma en brousse. Plus besoin de battre le rappel pour convoquer les villageois ! Il passait quelques films documentaires, religieux ou non, mais surtout des « Charlots » qui amusent tout le monde. L’appareil recevait le courant électrique et fonctionnait grâce à une magnéto actionnée à la main. Il y avait parfois des « ratées », mais peu importait, le succès était assuré. De même lorsque, la veille de Noël par exemple, il faisait tirer des feux d’artifice.
Quand un village manifestait un intérêt certain pour la religion et qu’il demandait à se convertir, le Père y laissait un catéchiste qui, en même temps qu’il instruisait les catéchumènes, ouvrait parfois une petite école de brousse. Mais il n’y avait pas toujours suffisamment de personnel disponible, et tel village devait alors patienter. Il existait, dans le Vicariat apostolique de Thanh-Hoa, détaché de celui de Phat-Diem en 1932, deux écoles de catéchistes, une pour les élèves vietnamiens, et l’autre pour les Thaïs, mais les candidats n’étaient pas assez nombreux, aussi Mgr de Cooman ne pouvait-il satisfaire toutes les demandes. Malgré ce manque de catéchistes, le missionnaire zélé qu’était le P. Mironneau, put faire de très nombreux baptêmes au Chau-Laos.
Au fur à mesure que le nombre des chrétiens augmentait et que de petites communautés se formaient, le Père avait à cœur de leur fournir des lieux de culte. Il se faisait donc bâtisseur dans des conditions très difficiles : manque de matériaux sur place, d’ouvriers qualifiés à proximité, arbres et bambous à couper dans la forêt et à tirer jusqu’au chantier. Cela n’arrêta pas Jean Mironneau qui parvint à édifier presbytères et églises à Meuong Phoun et à Samneua, ainsi que des résidences-chapelles dans les petits postes. Il n’était pas peu fier de ses constructions à Samneua, chef-lieu de la province. En 1928, il eut la joie d’y accueillir un jeune confrère, Vincent Donjon, affecté lui aussi au Chau-Laos.
Jean Mironneau a mené une vie rude et pénible au Chau-Laos, mais il a pu « missionner » en paix de 1923 à 1945. Le 9 mars 1945, ce fut le coup de force des Japonais qui envahirent entièrement l’Indochine, y compris le Laos. Le Père décida de ne pas les attendre. Avec un groupe de Français (familles de militaires et de fonctionnaires, trente personnes environ), il quitta précipitamment Samneua en direction de la Chine. Après avoir traversé forêts et montagnes, il pénétra au Yunnan, province de Chine, et trouva refuge à l’évêché de Kunming. chez son ancien condisciple et ami d’Angers, Mgr Derouineau. Les autres membres du groupe furent pris en charge par le consulat de France de la ville. À l’arrivée des Japonais, Vincent Donjon, lui, gagna la forêt où il demeura caché une année durant.
La tourmente passée, Jean Mironneau rentra à Samneua en septembre 1946 et y travailla de nouveau jusqu’au 25 décembre 1952, date à laquelle il dut quitté définitivement le Chau-Laos.
De mai 1953 à juin 1956, on le vit en tenue militaire : aumônier bénévole d’abord dans les hôpitaux militaires de Haïphong et de Hanoï où il resta deux ans, puis à l’hôpital Grall de Saïgon pendant une année. Le P. G. Raballand, qui résidait à Saïgon en qualité de supérieur régional pour le Vietnam, le Laos et le Cambodge, fit la connaissance de Jean Mironneau, et lorsqu’il fut nommé Vicaire apostolique du Cambodge, il lui demanda de le suivre à Phnompenh, ce que celui-ci accepta volontiers.
Quand Jean Mironneau arriva à Phnompenh, la cathédrale n’avait que la moitié de la longueur projetée, mais elle était ouverte au culte. Mgr Raballand l’acheva en quelques années.
Jean Mironneau en devint le curé titulaire en juillet 1956 et le resta pendant douze ans. Ses paroissiens étaient les habitants de Phnompenh de langue française, principalement les membres de la Mission militaire française et de la Mission culturelle (professeurs au lycée Descartes, proche de la cathédrale, ou enseignants affectés à des établissements cambodgiens), et leurs familles. Une élite en quelque sorte au milieu de laquelle Jean Mironneau se trouva rapidement à l’aise. Il eut des relations privilégiées avec les familles de militaires qui, il est vrai, composaient la majorité de sa chorale et du groupe de dames catéchistes. Rien d’étonnant par conséquent qu’il aimât à revêtir sa tenue d’aumônier militaire chaque midi pour aller prendre son repas au mess.
Les célébrations à la cathédrale étaient bien appréciées, et les fidèles de la messe dominicale relativement nombreux. Mais l’affluence était, bien sûr, pour les principales fêtes liturgiques, et aussi à l’occasion de la profession de foi des enfants, qui se déroulait en grande solennité. Ce jour-là, l’évêque présidait la messe concélébrée, car il conférait le sacrement de confirmation aux enfants.
En certaines circonstances, Pâques, ordinations ou autres, les chrétiens cambodgiens de l’église de Prea Méada venaient avec leur chorale participer à l’animation des offices de la cathédrale.
Au fil des années, la santé de Jean Mironneau se dégradait. Il souffrait, en particulier, d’arthrose de la hanche et du genou gauche, et la marche lui devenant de plus en plus pénible, il faisait tous ses déplacements en cyclo-pousse. Ayant alors fait valoir son droit à la retraite, il fut déchargé de la paroisse-cathédrale par Mgr Ramousse, qui avait succédé à Mgr Raballand depuis 1963.
En 1968, pour ses soixante-dix ans, il se retira à l’évêché et entama une retraite bien méritée. Il occupait une chambre qu’il ne quittait guère, sauf pour quelques sorties à la Mission militaire ou en ville. Il lisait beaucoup et il commença à rédiger ses mémoires du Chau-Laos. Il accueillait avec joie les confrères de la ville qui passaient le visiter, et ceux des provinces qui étaient les hôtes de quelques jours de l’évêché. Il avait ce qu’il fallait pour leur remonter le moral. Mais souvent aussi il évoquait devant eux les coups durs possibles et leur donnait ce conseil, fruit de son expérience ancienne : « Vous savez, il faut toujours avoir sa petite musette prête pour un départ inopiné ». En fait, quand en mars 1970 la guerre d’Indochine s’étendit au Cambodge, ce ne fut pas lui qui demanda à quitter le pays, mais bien son évêque qui lui conseilla de rentrer en France. Il n’opposa aucune objection et ne fut pas mécontent de prendre l’avion pour Paris le 1er mai 1970. Quelques jours avant son départ, il avait eu la joie d’être fait chevalier de la Légion d’honneur.
En France, il alla revoir sa parenté, deux sœurs à Vannes, une autre religieuse à Angers, et ses neveux et nièces. Puis, il remplaça, pour deux mois environ, l’aumônier chez des religieuses à Dieppe. Finalement, le 10 août, il arriva à la maison d’accueil de Lauris. Il retrouva là entre autres confrères, le compagnon d’apostolat qu’il avait lui-même accueilli au Chau-Laos en 1928, Vincent Donjon.
Il reprit alors la rédaction, interrompue depuis Phnompenh, de ses souvenirs de Mission. Au bout de trois ans, son travail aboutit à un gros volume, un « pavé », de plus de sept cents pages ronéotypées, intitulé « C’était cela l’Indochine ». Il y décrit la situation du pays et la vie des missionnaires dans le contexte de la colonisation, puis de la guerre contre les Vietminh.
Il ne s’arrêta pas là, il écrivit encore ses « Souvenirs d’un missionnaire d’Indochine », qui sont le journal personnel, très détaillé, de son apostolat au Chau-Laos.
Le 26 mai 1983, le Père fêta son jubilé de diamant, soixante ans de sacerdoce, dans la chapelle de Lauris. Étant très diminué physiquement, il concélébra la messe d’action de grâces assis au premier banc.
Durant les cinq dernières années de sa vie, il ne quitta plus sa chambre du premier étage. Il passait joute la journée à son bureau, il lisait ou faisait semblant de lire, récitait son chapelet, mais il ne pouvait soutenir son attention. Même sa pipe s’éteignait chaque minute, alors il l’abandonna définitivement. À la longue, il s’ennuya terriblement, et s’il avait encore quelque réminiscence du Chau-Laos ou de Vannes, il perdait la mémoire immédiate. Ne se souvenant pas qu’un confrère s’était entretenu avec lui plus d’une heure, cinq minutes plus tard il se plaignait auprès du visiteur suivant que personne ne venait le voir et qu’il était seul dans cette grande maison.
On lui apportait ses repas dans sa chambre, et bientôt il fallut le faire manger. Il avait encore bon appétit. On pouvait donc imaginer que Jean Mironneau, jamais malade, ferait un centenaire. Or le 6 mai 1990 au matin, la sœur qui était montée lui porter son petit déjeuner, le trouva endormi pour toujours. Il avait quatre-vingt-douze ans.
Le 9 mai à dix heures, la communauté de Lauris au complet, était rassemblée dans la chapelle de la maison pour les obsèques du P. Jean Mironneau. Était présent également son ancien évêque de Phnompenh, Mgr Ramousse, venu spécialement pour la circonstance et qui présida la messe concélébrée. On remarqua l’absence de membres de sa famille, trop éloignés ou empêchés.
Au début de la célébration, Mgr Ramousse fit un bref historique de la vie apostolique du défunt, principalement de ses années vécues au Cambodge. Il rappela le caractère enjoué et la finesse d’esprit de notre confrère ; avec une bonne pointe d’humour, il rapporta quelques unes de ses facéties ; mais surtout il souligna le dévouement et le zèle missionnaire de Jean Mironneau.
Après l’absoute donnée près du cercueil dans le parloir de la maison, ce fut la conduite au cimetière de Lauris. Jean Mironneau y attend la résurrection dans le caveau des Missions Étrangères.
R. COUËRON
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References
[3251] MIRONNEAU Jean (1898-1990)
Références bibliographiques
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Mémorial MIRONNEAU Jean, André page 4
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