Gabriel GIRAUD1902 - 1977
- Status : Prêtre
- Identifier : 3383
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1929 - 1939 (Hanoi)
- 1946 - 1960 (Hanoi)
Biography
[3383] GIRAUD Gabriel est né le 30 octobre 1902 à Saint-Coulomb (Ille-et-Vilaine) dans une famille très chrétienne, il est le benjamin de quatre garçons.
Après l'école primaire à Saint-Coulomb, il poursuit ses études au collège de Saint-Malo, de la cinquième à la seconde inclusivement (1916-1919). Désireux de devenir prêtre, mais n'ayant pas fait de latin, il entre en 1920 à l'école apostolique de Saint-Lô (Manche) et y passe trois ans.
Le 7 septembre 1923, il est admis au séminaire de Bièvres. Ordonné prêtre le 29 juin 1929, il part le 8 septembre suivant pour la mission de Hanoi (Vietnam).
Vietnam (1929-1939)
Arrivé à Hanoi vers la mi-octobre 1929, il est envoyé à Ke So pour y étudier de la langue. Quelques mois plus tard, il va se perfectionner à Thuong Lâm, où il reste jusqu'en 1932.
Il est alors nommé au poste difficile de Dôn Van, dans les montagnes, chez les Muongs. Il a fort à faire pour organiser le district, où l'église et le presbytère ne sont que des paillottes entourées de broussailles, avec une simple piste pour monter au village. Mais rapidement, le poste change du tout au tout : bientôt une véritable route carrossable dessert un presbytère à étage et une église construits en briques.
Fatigué et quelque peu désemparé par une opposition qui se manifeste contre la religion chrétienne, le P. Giraud quitte Dôn Van en mars 1939. Il arrive en France le 7 juin 1939, pensant y rester quelques mois seulement.
France (1939-1946)
Après une cure à Vichy, le P. Giraud descend à Toulon en vue de regagner l'Indochine pour répondre à son ordre de mobilisation ; mais une grave crise de paludisme le maintient au port et lui vaut une mise en congé pour un an. Il revient alors à Saint-Coulomb, où il remplace l'instituteur à l'école paroissiale jusqu'à l'été 1940. Il enseigne ensuite au collège de Saint-Malo jusqu’à la fin de la guerre. En juillet-août 1944, il subit le siège et l'incendie de la ville de Saint Malo, et il reprend ses cours en septembre 1945.
En fin d'année 1945, avisé d'une possibilité d'embarquement pour le Vietnam, il accourt à Paris, mais c'est une fausse alerte. Il revient à Saint-Coulomb et fait office de chapelain dans un château des environs. Enfin, après le décès de sa mère, il peut repartir pour le Vietnam et il embarque à Marseille le 17 juillet 1946.
Vietnam (1946-1960)
Au mois d'août 1946, il arrive à Hanoi, où la guerre l'a devancé. Tous les missionnaires sont regroupés dans la ville, incertains de leur sort. Le P. Giraud est cependant affecté à la paroisse des Martyrs, où il accomplit jusqu'en 1953 un fructueux ministère dans un climat très difficile de guérilla avec les Vietminh. A partir de 1949, il s'occupe en outre de la librairie Sainte-Thérèse, dont il devient le directeur en 1952. Il sera ensuite remplacé par un prêtre vietnamien, après la remise par Rome, en 1950, de la mission de Hanoi aux mains du clergé local.
Les accords de Genève de juillet 1954 et le retrait de la France du Tonkin rendent la situation des missionnaires très précaire. Le P. Giraud peut encore exercer les fonctions d'aide-procureur du 1er avril 1954 au 11 mars 1960, date à laquelle il est expulsé par le gouvernement communiste.
France (1960-1977)
De retour en France le 23 mars 1960, il s'arrête plusieurs mois à la maison de Voreppe pour se reposer, puis, après un court passage en Bretagne et à Paris, il accepte le poste d'aumônier au sanatorium de Mardor, en Saône-et-Loire.
Sa santé l'oblige au bout de huit mois à prendre un poste moins lourd chez les franciscaines missionnaires de Marie à Lourdes. Il y reste trois ans.
En 1964, la mort de son frère le ramène au collège de Saint-Malo, où il passe l'hiver 1964-1965. De nouveau disponible, il prend la charge de chapelain des clarisses à Voreppe (4 octobre 1965 - 1974).
En 1964, devenu pratiquement aveugle, il est obligé de se retirer du ministère et il revient dans son pays, où il est admis au foyer-logement de Cancale.
Le matin du 17 août 1977, il est hospitalisé et succombe le soir même à un infarctus. Ses obsèques ont lieu le 20 août à Saint-Coulomb, sa paroisse natale. Il repose au cimetière du village, dans le caveau de sa famille.
Obituary
Père Gabriel GIRAUD
Missionnaire de Hanoï
1902 - 1977
Né le 30 octobre 1902 à St-Coulomb (Rennes - Ille-et-Vilaine).
Entré aux Missions Etrangères le 7 septembre 1923.
Ordonné prêtre le 29 juin 1929.
Parti pour Hanoï le 8 septembre 1929.
En Mission de 1929 à 1939.
En France (guerre) de 1939 - 1946.
En Mission de 1946 à 1960.
Expulsé de Hanoï en avril 1960.
En France : Divers ministères : 1960 - 1977.
Décédé à Cancale le 17 août 1977.
Inhumé à St-Coulomb le 20 août 1977.
Enfance et jeunesse
Gabriel GIRAUD naquit le 30 octobre 1902 à St-Coulomb, près de St-Malo, au diocèse de Rennes, dans une famille profondément chrétienne qui devait compter 4 garçons. Il était le benjamin. A l’âge de 18 mois, il contracta une méningite, maladie particulièrement grave à cette époque où l’on ne disposait pas de tous les remèdes actuels. Le médecin traitant le considérait comme perdu. Cependant, le soir, jouant le tout pour le tout, il lui administra « un remède de cheval » au dire de sa mère. Toute la famille aussi priait la Vierge Marie avec ferveur pour la guérison du petit Gabriel. Et le miracle se produisit. Le lendemain, le médecin revint. Il hésitait à entrer quand.... il entendit un enfant pleurer dans la maison. Il entra alors et constata que le petit Gabriel était hors de danger. Du coup, les voisins donnèrent à Gabriel le surnom de « Trompe-la-mort ». Il semble pourtant qu’il lui resta quelques séquelles de cette maladie pendant un certain temps : à 2 ans, il n’avait encore articulé aucune parole. Brusquement, le 15 août, il se mit à parler. Mais il ne marchait toujours pas. Il fallut attendre encore un an et c’est le 15 août suivant qu’il se mit à marcher et du premier coup avec assurance. Parents et amis, tous étaient émerveillés ! Depuis lors, il ne se ressentit plus de sa maladie.
Après ses études primaires à St-Coulomb, il fut envoyé au collège de St-Malo, dans la section « sciences-langues ». Entré en 5e, il y continua ses études jusqu’à la seconde inclusivement. C’est au cours de cette année-là qu’il ressentit le désir de devenir prêtre. Comme il n’avait pas fait de latin, il entra, avec l’accord de son directeur de conscience, à l’école apostolique de St-Lô en 1920 où il séjourna 3 années. Il rencontra là des « postulants » des Missions Etrangères, entre autres ceux qui devaient devenir plus tard Mgr Cassaigne et le P. Burger. C’est alors que vint aussi à Gabriel Giraud le vif désir de devenir missionnaire.
Aux Missions Etrangères
Sa demande d’admission fut agréée et le 7 septembre 1923, il entrait à Bièvres pour y commencer ses études qu’il poursuivit normalement, coupées seulement par quelques mois de service militaire dans « l’auxiliaire ». Ainsi il ne perdit pas de temps pour ses études et put rentrer au séminaire de la rue du Bac au début de l’année scolaire 1926-1927, et ainsi poursuivre normalement ses études. Ordonné prêtre le 29 juin 1929, il reçut sa destination, le soir même, pour la mission de Hanoï (Nord Viêt-Nam). Après un mois de vacances en famille et ses préparatifs achevés, il quitta Paris avec ses compagnons le 8 septembre pour s’embarquer à Marseille quelques jours plus tard, sur le « Courrier d’Indochine » qui devait les conduire jusqu’à Haïphong : voyage ordinaire avec les escales habituelles.
En Mission
Laissons la plume au P. Caillon qui a bien connu le P. Giraud pendant tout le temps qu’il a passé en mission. « Débarqué à Haïphong, le P. Giraud arriva le jour même à Hanoï vers la mi-octobre 1929. En cette période de l’année, Mgr Gendreau était selon la coutume en tournée pastorale pour la visite de son diocèse. Le nouveau Père lui fut présenté sans retard. Invité à prendre part aux agapes fraternelles qui réunissaient beaucoup de monde, prêtres et laïcs, il connut de la bouche de Monseigneur le nom vietnamien qui serait désormais son nom pour les chrétiens du diocèse. Il serait désormais le Père « My », mot qui évoque la beauté ou l’élégance.
Le premier devoir du missionnaire est de s’initier à la langue et aux us et coutumes du pays qui sera désormais le sien. A cet effet, le Père Giraud fut envoyé à Ke So, vieille chrétienté qui, aux temps héroïques de la persécution sanglante qui dura plusieurs siècles au Tonkin, fut le centre de la mission. En cas d’alerte, il n’y avait que le fleuve à franchir pour trouver la sécurité de la montagne. Là se trouvait le grand séminaire. Là aussi avait été construite la première cathédrale avec la participation de tous les chrétiens du diocèse. C’est dans le cadre de la « communauté » que le P. Giraud reçut ses premières leçons de langue sous la direction d’un catéchiste auquel il était confié. Au bout de quelques mois arriva le jour où il devait donner son premier sermon. C’est toujours un moment solennel pour tout jeune missionnaire et il est très rare que le jeune orateur ne commette pas quelques bévues. Le Père Giraud, comme il le racontait lui-même, n’échappa pas à ce piège des « tons » vietnamiens ! Il fit son premier sermon au couvent des Amantes de la Croix, auditoire sympathique s’il en fût. C’était pour le dimanche du Bon Pasteur. Au lieu de dire : Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, il dit : Le bon Pasteur tire des coups de feu sur ses brebis (ban au lieu de ban). D’où fou rire dans l’auditoire. Mais ce petit accident ne découragea pas le P. Giraud. Il continua courageusement son étude de la langue et quelques mois plus tard fut envoyé à Thuong Lâm, district de nouveaux chrétiens confié au P. Hébrard, un chevalier sans peur, pour s’initier à la pastorale missionnaire tout en continuant l’étude de la langue. Avec le Père Hébrard, le P. Giraud ne pouvait être à meilleure école.
La montagne
Ce district fondé quelque 20 ans plus tôt par le P. Lepage, un Breton, qui avait besoin d’espace et avait reçu le charisme de convertisseur, était considéré comme difficile à conduire. Dernier village avant la montagne, il en était séparé par une vaste plaine de latérite dénudée dans l’ensemble, mais aussi plantée de thé et de manioc dans les meilleurs coins, plaine qui s’étend du fleuve à la montagne et donne accès à la Porte du Roi, site grandiose largement ouvert qui permet la communication avec les vallées qui se glissent entre des collines en général peu élevées mais qui annoncent le chaos des hauts sommets...
Les Vietnamiens des villages voisins sont bien obligés d’entrer dans cette région pour y chercher leur bois de chauffage et aussi pour leurs menus échanges avec les habitants de cette région pauvre, mais ils redoutent de s’y aventurer car cette région est malsaine et les fièvres terrassent même les plus robustes. Ils ne s’y attardent pas pendant la nuit pour éviter le pire.
La montagne, en cet endroit, est le fief des MUONGS, une race minoritaire proche des Vietnamiens, résistant mieux aux fièvres, mais moins évoluée. Jusqu’à ces derniers temps, ils étaient organisés selon le type féodal avec une classe de « seigneurs » héréditaires exerçant son autorité sur le menu peuple. Fuyant la persécution qui les avait éloignés du delta, des Pères Jésuites avaient, au 17e siècle, gagné au christianisme les habitants d’une vallée lointaine qui ont persévéré dans la foi jusqu’à ce jour et ont essaimé vers le sud, mais n’on jamais fait de prosélytisme pour gagner à la foi leurs frères des vallées voisines. Il a fallu attendre 1920 pour qu’un mouvement de conversion s’y produise et prenne de l’extension au point d’occuper 4 missionnaires : ce que les chefs Muong virent avec grand déplaisir. Il y eut même des réactions très vives : tentative d’empoisonnement, incendies de chapelles ; un néophyte fut même enterré vivant ! Et tout cela se passait au moment où le P. Giraud vint à Thuong Lâm, chez le P. Hébrard.
Il était vivement intéressé par l’œuvre que les missionnaires accomplissaient dans la montagne et c’est avec joie qu’il reçut sa destination au poste de Dôn Vân quand le temps fut venu, en 1932.
Les MUONG ont leur langue à eux, mais ils comprennent le vietnamien, seule langue en usage pour tout ce qui concerne le commerce et la religion. Le Père Giraud pouvait donc se mettre tout de suite au travail. Il rejoignit son poste, emmenant avec lui quelques jeunes gens de Thuong Lâm, heureux de vivre quelques jours dans un site inconnu d’eux. Le Père Marty, fondateur du poste, était là pour accueillir le P. Giraud à son arrivée. Les deux Pères prirent ensemble leur repas de midi, puis le Père Giraud vit le P. Marty réunir ses bagages et prendre congé : « Vous êtes là, dit-il, alors je vais m’installer plus loin dans la montagne, à Dong Goi. A bientôt ! » Et le premier soir le P. Giraud se trouva seul. Bien sûr qu’il en eut de la peine. Mais confiant dans le Seigneur, il se rendit à l’église pour prier, prêt à accomplir sa tâche.
Tout était nouveau pour lui. Il ne pouvait guère compter sur les chrétiens des villages, gens qui vivent repliés sur eux-mêmes et manquant d’initiative. Les jeunes gens de Thuong Lâm, qui, l’avaient suivi..., pour voir, l’un furent d’un grand secours et l’un d’eux demanda à rester à son service : réponse de la Providence à la prière du missionnaire.
Il y avait beaucoup à faire : assurer le riz quotidien, prendre contact avec les chrétientés, organiser le district, guider les néophytes, les soutenir, débusquer les superstitions tenaces, instruire les enfants, s’adapter à la mentalité du pays et amener ces gens à « vouloir ». Ce qui était déjà le centre paroissial était bien sommairement aménagé ! Une modeste paillotte servait d’église ; à quelques pas, une seconde paillotte au sol de terre battue était le presbytère. Autour, un espace dégagé au coupe-coupe et limité par la brousse, grandes herbes et broussailles : tel était au début l’aspect de la colline de Dôn Vân. Quelque part, sur les flancs de la colline était blotti le village, fort de 50 feux, caché dans la brousse, de même que le sentier qui montait de la plaine. Pour le coup, le P. Giraud était vraiment dans la brousse !
Et il fut heureux. Il s’en remit à Dieu et à la Vierge Marie qui veille sur ses enfants. Il était à pied d’œuvre et le travail qu’on lui demandait était un travail de pionnier.
Le P. Giraud était très pieux, toujours fidèle à ses exercices de piété. La messe était vraiment pour lui l’Action du jour et chaque jour il était fidèle à réciter son rosaire pour exprimer sa grande dévotion à la Vierge Marie et sa confiance envers elle. Il faisait partie du Tiers Ordre du Carmel ; il en portait le scapulaire et il le mettait même bien en vue sur son habit vietnamien.
Le P. Giraud était tout à son travail. Il aimait la liturgie, le chant et la musique. Sa prédication, tant le dimanche qu’au cours de ses tournées, était toute simple. Pour prêcher il avait l’habitude de s’asseoir au milieu des gens et alors le dialogue s’engageait. Même simplicité pour le catéchisme. Il donnait volontiers aux enfants en guise de récompense une pincée de tabac pour la pipe, en usage même pour les petits, et les enfants tiraient quelques bouffées au moment de la récréation. – De plus il veillait à ce que les enfants fréquentent régulièrement l’école : ce qui n’était pas toujours facile à obtenir avec ces « sauvageons ! » Il découvrit un instrument de musique local, le dan bau, un genre de biniou dont se servaient quelques jeunes gens ; à son tour il l’utilisa pour animer des réunions le soir.
Dans le même temps la colline de Dôn Vân devenait accueillante. Les pourtours de l’église furent dégagés et les constructions commencèrent : le presbytère d’abord, essentiel pour la santé du missionnaire : construction en briques, toiture en tuiles, avec une chambre à l’étage : précieux étage qui mettait à l’abri, partiellement du moins, des émanations malsaines venant du sol. Puis ce fut le tour de l’église. Le Père Giraud la voulait commode et suffisante pour le district. Mais trouver un bon ouvrier n’est pas si facile dans ces régions malsaines. Le P. Giraud se procura les matériaux néces¬saires, se fit aider pour faire les plans, puis se mit à construire. Bientôt on put voir du pied de la colline le nouvel édifice bien dégagé. A l’intérieur, il y avait ceci de curieux : afin de ménager la place tout en assurant le confort des fidèles, il fit faire des bancs haut de 15 centimètres, solidement reliés ensemble par des tringles de bois. Ces bancs furent très appréciés par les usagers qui d’ordinaire s’assoient sur leurs talons. Après l’église, l’école et enfin il ouvrit une route pour dégager le village et permettre aux automobiles d’arriver presque jusque chez lui. Il lui fallut du tact et beaucoup de palabres pour arriver à ses fins. Toute cette organisation du poste lui coûta beaucoup, beaucoup de peine... et de soucis. L’école terminée et la route ouverte, le P. Giraud était chez lui et pouvait désormais rayonner. Cela ne serait pourtant pas !
L’isolement ne vaut rien, c’est sûr, mais le P. Giraud qui était seul n’était pas isolé. Chaque quinzaine, les confrères se rencontraient chez l’un d’entre eux : on priait ensemble, on faisait de la musique et l’on racontait les histoires du jour... Chaque année on se retrouvait pour la retraite annuelle soit à Ke So, soit à Hanoï et, la retraite finie, on prolongeait quelque peu son séjour. En été, il y avait le mois de vacances à la station d’altitude de Mau Son (dans les environs de Lang-Son). Les confrères s’y rendaient pour un mois de repos par groupes suivant un plan bien organisé. Le P. Giraud comme les autres bénéficiait de tous ces moments de détente. Cependant il arriva un moment où ce ne fut plus suffisant. Sa santé s’était gravement détériorée. De plus il avait des ennuis d’un autre ordre : rien n’allait plus à Dôn Vân. Les chrétiens du village devenaient moins fervents ; l’enthousiasme du début était tombé. D’autres chrétientés se montraient irrégulières, instables : un jour, par exemple, un de ses chrétiens qui jusque-là n’avait donné aucun souci vint le voir ; il avait en main un petit cadeau et il dit au Père avec un sourire : « Père, je demande à me reposer de la religion ; elle me gêne pour trouver mon bol de riz ». Le Père Giraud, très sensible et qui aimait ses chrétiens en était tout désemparé. – L’ambiance générale aussi changeait dans les vallées : des inconnus, prospecteurs d’or ou simples vagabonds, circulaient de plus en plus nombreux dans le pays. Ils colportaient des bruits étranges, incontrôlables qui furent bientôt une cause de malaise persistant. Les montagnards avaient peur. La grande crise qui allait éclater quelques années plus tard s’annonçait déjà dans cette région. Dans ces circonstances, le P. Giraud décida de s’éloigner pendant quelque temps pour refaire sa santé compromise. En mars 1939, il partit en congé pour la France, se proposant de revenir à l’automne. Les événements en Europe en décidèrent autrement....
En France
Le Père Giraud faisait une cure à Vichy quand éclata la guerre, au mois de septembre 1939. En principe, la consigne était que les « Indochinois » en congé devaient regagner l’Indochine pour être éventuellement mobilisés sur place. Arrivé à Toulon, le P. Giraud fit une grave crise de paludisme et le médecin militaire le mit en congé pour un an. Il revint donc au pays natal. Comme chacun sait, les événements se précipitèrent. Ce fut la défaite, l’invasion, l’occupation allemande. Le P. Giraud, de son retour de Toulon jusqu’à l’été 1940, prêta son concours à l’école paroissiale de St-Coulomb dont les deux instituteurs étaient mobilisés. Pendant les grandes vacances il alla offrir ses services à son ancien collège de St-Malo qui manquait de personnel. Il fut accepté avec empressement et commença ses fonctions au mois de septembre 1940. Il devait y rester jusqu’à la fin de la guerre. En 1944, débarquement des alliés en Normandie, et pro¬gression des troupes. Bientôt ce fut le siège de St-Malo, la cité corsaire : 11 jours d’enfer pendant lesquels la vieille ville « intra muros » fut complètement détruite par les bombardements et les incendies. Le collège, situé en dehors de cette zone, fut en grande partie protégé ; il n’y eut aucun blessé. Une fois la ville occupée par les Américains, le P. Giraud resté au collège pendant les bombardements put regagner St-Coulomb où il retrouva sa famille saine et sauve. Dans la région, la vie reprit peu à peu et la rentrée scolaire eut lieu normalement au collège de St-Malo au mois de septembre 1945.
Dans les derniers mois de 1945, le P. Giraud fut avisé qu’il y avait pour lui un espoir de pouvoir retourner au Viêt-Nam par un bateau américain. Il quitta donc le collège de St-Malo, revint à Paris et... attendit vainement. Au bout d’un certain temps, il regagna St-Coulomb. C’est à cette époque qu’il fut chapelain pendant quelques mois dans un château des environs. C’est aussi à cette époque que mourut sa mère. Comme son frère était infirme et âgé, il le fit entrer chez les Petites Sœurs des Pauvres à St-Servant pour y terminer ses jours dans la paix. Tout étant ainsi réglé, le P. Giraud pouvait repartir au Vietnam. De fait il trouva une place sur un bateau au mois d’août 1946.
De nouveau à Hanoï
Reprenons les Notes du P. Caillon : « A Hanoï, personne ne l’attendait. La guerre japonaise, suivie de l’occupation chinoise et, plus encore, la révolte vietminh et la proclamation de l’indépendance avaient beaucoup changé les esprits et compromis la sécurité. Le long isolement dans lequel avait vécu l’Indochine (1941-1945) n’avait pas permis aux responsables de France d’apprécier à leur juste mesure les changements survenus. Les missionnaires avaient dû se replier sur Hanoï.... et ils attendaient. De même attendaient ceux qui avaient pu rester dans leur poste. Peut-être pourraient-ils reprendre leurs activités un jour...?? Ils s’occupaient tous au mieux. Aussi en voyant le P. Giraud revenir, plusieurs s’étonnaient-ils de ce retour. L’évêque lui-même ne montrait guère d’enthousiasme, si bien que le Père Giraud ne savait qu’en penser. Dans ces circonstances, un confrère l’invita à venir chez lui pour l’aider dans son ministère dans la ville de Hanoï. Monseigneur donna son approbation et le P. Giraud vint habiter Je presbytère de la paroisse des Martyrs où il demeura jusqu’en 1949. Il s’occupa de la chorale, fit le catéchisme et un ministère très utile auprès des familles. L’atmosphère devenait de plus en plus lourde dans la ville où la cohabitation des troupes françaises revenues et des troupes viêtminh très excitées s’avérait laborieuse. Les patrouilles mixtes étaient souvent attaquées à la grenade ; la population, à l’instigation des Viêtminh mettait les rues « en touches de piano » en creusant des fossés et le 19 décembre 1946, ce fut la guerre ouverte.… génératrice de la plus grande misère. Le Père Giraud se fit alors avec courage la Providence de nombreuses familles chrétiennes inquiétées par les soldats. Il allait chez les uns et les autres, empêchant des exactions et réconfortant les affligés. Il se fit ainsi de nombreux amis : ce qui facilita son ministère, les années suivantes, quand il fut appelé à remplacer le curé parti en congé.
Un travail nouveau allait lui être confié en 1949. La librairie de la mission très éprouvée par la perte de son directeur, le P. Fournier, étranglé chez lui en 1945 et aussi par la difficulté de renouveler ses stocks, fonctionnait au ralenti. Le responsable, écrasé de travail en raison de ses multiples occupations, manifesta le désir d’avoir quelqu’un pour le seconder. Le P. Giraud fut très heureux de prendre ce service. Il s’intéressa surtout à l’artisanat local et aux objets de piété toujours très demandés, car l’édition se réduisait à peu de chose. On le voyait chaque jour à son bureau ou surveillant les étalages, à son retour de la messe qu’il allait célébrer chaque jour à la clinique St-Paul.
Depuis 1950, la Société des Missions Etrangères n’avait plus la direction de la Mission de Hanoï car le St-Siège l’avait confiée au clergé vietnamien. Mais sur l’invitation de Rome, les missionnaires restèrent sur place, heureux de travailler en communion avec le nouvel évêque et son clergé. Le Père Giraud continua donc son service à la librairie jusqu’au jour où la direction de la maison fut confiée à un prêtre vietnamien comme le demandait le nouvel état de choses. Il devenait clair que la France allait bientôt quitter le pays, question qui fut réglée par les accords de Genève, en juillet 1954. Les missionnaires étrangers seraient-ils tolérés par le nouveau régime ? Pas longtemps sans doute.... Selon les directives reçues, les missionnaires qui n’avaient pas charge d’âmes étaient invités à partir. C’était le cas du P. Giraud ; mais il voulait rester car il s’était engagé à ne plus rentrer en France lors de son retour en 1946. Il vint alors trouver un confrère et lui demanda s’il n’y aurait pas pour lui une occupation. « Il faudra bien un économe pour tenir notre maison » lui répondit ce confrère.... et du coup le P. Giraud resta.
C’était un témoignage de fidélité à sa vocation. Il fut l’économe de la maison et sa présence fut très appréciée. Il fut un lien entre les confrères ; il s’ingéniait à rendre service, à assurer le ravitaillement par des achats à la Maison de France ; il organisait les jeux de société, préparant notamment les « mots croisés » que nous faisions ensemble tous les jours ; une fois qu’ils étaient terminés il nous en donnait le corrigé. Toujours de bonne humeur, il contribua à maintenir le moral du petit groupe de missionnaires restés à Hanoï. Pendant plusieurs mois, il s’occupa à faire le relevé des baptêmes d’Européens et assimilés dans les registres paroissiaux de la ville de Hanoï, mit tout cela sur des fiches qui furent transmises au service de l’Aumônerie militaire à Paris et qui à tous moments nous rendent service actuellement pour délivrer des certificats de baptême.
A l’arrivée des communistes à Hanoï, les missionnaires restants se demandaient combien de temps on allait les supporter. L’attente dura 5 ans. Quand en novembre 1959 le premier d’entre eux fut expulsé, les autres se dirent que leur tour n’allait pas tarder à venir : ce qui se fit de mois en mois. Le Père Giraud resta le dernier ; il fut expulsé en avril 1960. Mais avant de quitter la maison, il eut tout le temps de liquider tout le mobilier au profit des pauvres d’alentour à la barbe des Vietminh qui ne réagirent pas : il fit tant et si bien que lorsqu’ils occupèrent la maison quelques heures après son départ, ils la trouvèrent vide : Il parait qu’ils n’en furent pas très satisfaits.... ».
En France
Une fois arrivé en France, le P. Giraud passa les visites médicales que nécessitait son état et alla se reposer quelques mois à la maison d’accueil de Voreppe avant de partir en Bretagne pour revoir ses parents et amis. Après quelques semaines en Bretagne, le P. Giraud revint à Paris et accepta le poste d’aumônier au Sanatorium de Mardor en Saône-et-Loire. Mais il avait présumé de ses forces et au bout de 8 mois il fut obligé de donner sa démission. Un poste moins lourd se présentait alors à Lourdes chez les Franciscaines Missionnaires de Marie. Le Père Giraud partit donc pour Lourdes où il séjourna 3 ans.
En 1964 mourut son frère. Par le fait même, des affaires de famille à régler rappelèrent le P. Giraud à St-Coulomb. Il quitta donc Lourdes et revint au collège de Saint-Malo pendant l’hiver 1964-1965. C’est pendant ce laps de temps qu’il régla ses affaires de famille. Cela fait, il se trouva de nouveau disponible pour prendre la charge de Chapelain des Clarisses de Voreppe, en remplacement du P. Charrel récemment décédé. Arrivé à Voreppe le 4 octobre 1965, il put assurer ses fonctions jusqu’en 1974. Il était alors pratiquement aveugle et incapable d’assurer son ministère. Il quitta donc Voreppe, vivement regretté par les religieuses Clarisses.
Il se proposait alors de se retirer dans la maison familiale qu’il possédait à St-Coulomb. Il espérait pouvoir trouver une gouvernante qui l’assis¬terait. En fait c’était une douce illusion. Il se retira donc au Foyer-Logement de Cancale, petite ville voisine, pour y terminer ses jours, entouré des soins attentifs et dévoués des responsables et du personnel de cet établissement.
Le 14 août 1977, il se sentit fatigué... Il fut hospitalisé le 17 au matin et dans la soirée il succomba à un infarctus. Selon ses dernières volontés son corps fut ramené à St-Coulomb dans sa maison natale en attendant les obsèques qui eurent lieu le samedi 20, en l’église paroissiale. Le Père Giraud repose maintenant au cimetière du pays natal dans le caveau de famille, comme il l’avait souhaité.
La messe des obsèques fut présidée par Mgr Riopel, ancien évêque auxiliaire de Rennes et ami du P. Giraud, entouré de 6 prêtres dont 4 des Missions Etrangères. Plusieurs prêtres des paroisses voisines ainsi que Mgr Pinault y assistaient.
Comme le souligna le P. Caillon dans son homélie, le P. Giraud a été fidèle à sa vocation à travers tous les événements de sa vie. Les circonstances l’ont éloigné de sa mission de Hanoï, mais il y restait très attaché et il entretenait des relations suivies avec l’Archevêque de Hanoï, le Cardinal Trinh nhu Khuê. Ce dernier venu en France en juillet 1976 tint absolument à rendre visite au P. Giraud dans sa retraite au Foyer de Cancale. Ce fut pour le P. Giraud une des plus grandes joies de sa vie. Cet attachement à la mission de Hanoï se manifesta encore de la façon suivante : le P. Giraud fit faire une statue de N.-D. de Hanoï ; c’est une réplique de celle qui se trouve devant la cathédrale de Hanoï. Il voulait l’envoyer à Hanoï mais les circonstances l’en empêchèrent. La garde de cette statue est confiée aux religieuses Clarisses de Voreppe : ce qui constitue un lien spirituel précieux, une sorte de « jumelage » entre ce monastère et le diocèse de Hanoï.
Fidélité à sa vocation et simplicité, telles sont les deux principales leçons que nous laisse le P. Giraud.
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References
GIRAUD Gabriel
Références biographiques
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Notice nécrologique
Mémorial 1977 p. 74.