Raoul MAUGER1911 - 1989
- Status : Prêtre
- Identifier : 3585
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Birth
Death
Other informations
Biography
[3585] MAUGER Raoul est né le 12 octobre 1911 au Pirou (Manche).
Il entre aux MEP en 1930. Ordonné prêtre le 4 juillet 1937, il part le 14 septembre suivant pour Tatsienlu (Chine).
Après avoir étudié la langue à Szemakio, il est nommé curé de Tampa en 1940, puis il retourne à Szemakio, où il reste de 1942 à 1949.
De retour en France, il est curé de Brugeville et de Négreville dans la Manche)de 1950 à 1961.
Il part ensuite pour la mission de Hwalien, où il vit pendant treize ans chez les Taroko de Hung Yeh.
En 1976, il regagne la France et devient aumônier d’une maison de retraite à Saint-Pierre-l’Église. Il y reste onze ans, avant de se retirer à Lauris, où il meurt le 8 novembre 1989.
Obituary
Le Père Raoul MAUGER
1911 - 1989
MAUGER Raoul, Pierre, Jean
Né le 12 octobre 1911 à Pirou, diocèse de Coutances, Manche
Entré le 11 septembre 1930 au séminaire des Missions Étrangères
Ordonné prêtre le 4 juillet 1937
Parti le 14 septembre 1937 pour le Vicariat apostolique de Tatsienlu (Kanting)
Parti le 8 mai 1962 pour la Préfecture apostolique de Hwalien
Décédé le 8 novembre 1989 au sanatorium de Roc-Fresh près de Lauris
Raoul Mauger naquit le 12 octobre 1911, en face des îles anglo-normandes à Pirou, dans la Manche, d’une modeste famille qui, en 1918, partit s’établir à quelques kilomètres au sud, à Anneville-sur-Mer. Après quelques leçons de français et de latin reçues au presbytère de sa paroisse, Raoul Mauger entra à quatorze ans au collège des Petits Clercs du Bienheureux Thomas Hélye, à Biville, où il étudia pendant deux années, puis il passa trois ans au collège des études tardives de Saint-Lô. Là, il se fit remarquer par son intelligence, qui surpassait celle de ses condisciples, et par sa fantaisie dans la façon de parler, de s’habiller ainsi que de travailler. Ayant depuis longtemps déjà, selon ses propres termes, « le désir de se consacrer au salut des infidèles », il demanda et obtint son admission au séminaire des Missions Étrangères.
Il y entra le 11 septembre 1930. Le service militaire qu’il accomplit à Dieppe, d’octobre 1933 à octobre 1934, coupa son temps de séminaire pendant lequel les directeurs remarquèrent qu’il avait bon esprit, qu’il était sérieux et un peu plus original que la moyenne des « aspirants ». Il fut ordonné prêtre le 4 juillet 1937 et reçut le soir de ce même jour sa destination pour le Vicariat apostolique de Tatsienlu, la Mission du Tibet.
Il quitta la France le 14 septembre 1937 et arriva à Tatsienlu le 23 décembre suivant, après avoir traversé le Yunnan et une bonne partie du Sichuan.
Mgr Valentin, l’évêque de cette mission du Tibet, le garda à l’évêché où il dut étudier le chinois avec pour professeurs deux séminaristes chinois parlant latin. Quelques mois plus tard, il pouvait comprendre et dire quelques phrases, Mgr Valentin l’envoya s’initier au ministère à la cathédrale, puis en mai 1938, il le chargea du petit village de Szemakiaô, à sept kilomètres de Tatsienlu, « pour mettre en pratique les théories de la langue chinoise qu’il a étudiée quatre mois ».
Cela ne dura pas, car au mois de novembre 1939, moins de deux ans après son arrivée en mission, Raoul Mauger fut nommé vicaire de la cathédrale où les malheurs du temps qui multipliaient le nombre des délinquants, firent qu’on lui vola sa douillette ouatée, vêtement fort utile si l’on songe que Tatsienlu est situé à 2 750 m d’altitude. Il fut même curé de la cathédrale par intérim pendant un congé du curé en titre, le P. Louis Valour.
Un an plus tard, Mgr Valentin nomma Raoul Mauger chef du poste de Tanpa où, par suite d’une violente campagne antichrétienne, tous les enfants catholiques étaient obligés de suivre lés cours de l’école communale, l’école paroissiale étant vide tandis que les locaux de l’autre école ne suffisaient plus. Un jour, le P. Mauger eut la surprise de voir le directeur de cette école communale venir lui proposer de lui envoyer tous les élèves catholiques ainsi que d’autres élèves, à la condition que ces derniers suivissent les cours de maîtres laïcs deux heures par semaine, pendant que le missionnaire pourrait enseigner le catéchisme. Ce dernier accepta aussitôt.
En 1942 il revint à Szemakiaô où ne vivaient que quelques rares chrétiens et où il resta jusqu’à ce que, amaigri et fatigué, il dut revenir se soigner en France. Il arriva à Hong Kong le 5 août 1949 et s’embarqua immédiatement pour l’Europe. Tous les missionnaires de Chine allaient bientôt être expulsés par les communistes.
Raoul Mauger résida d’abord dans sa famille à Anneville d’où, pendant deux années, il rendit de multiples services pour remplacer les prêtres de la région : trois semaines à Créances, trois mois à Ancteville, etc. En 1952 l’évêque de Coutances le nomma administrateur de Brucheville et de Négreville, et il le resta neuf ans.
Sa santé s’étant améliorée, les supérieurs de la Société des Missions Étrangères lui proposèrent de retourner en Asie, et il reçut une affectation pour la Préfecture apostolique de Hwalien dans l’île de Taïwan. Il quitta Paris le 8 mai 1962, mais n’arriva à Taipei que le 9 décembre suivant, car, par suite d’un démêlé fort malencontreux avec la douane indienne, il se vit obligé de rester en Inde pendant de longs mois.
Raoul Mauger venait d’avoir cinquante et un ans quand, le 19 décembre 1962, il arriva à Hualien où il devait rester treize ans et cinq mois. C’était un ancien de la « Mission du Tibet », tout comme Ferdinand Pécoraro ; aussi, tout naturellement, Mgr Vérineux, alors administrateur de la Préfecture apostolique, le nomma-t-il vicaire de ce dernier dans la paroisse de Wan Jung (Morisaca), ensemble d’une vingtaine de petits villages montagnards de la tribu aborigène des Tarocos : onze églises ou chapelles rassemblaient la moitié de la population locale totale. Vu la disposition géographique tout en longueur de cette paroisse sur près de cent kilomètres, François Brunet, vicaire lui aussi du P. Pécoraro depuis 1958, était parti s’installer dans la partie nord, à Tung Men (Domong), et tout naturellement Raoul Mauger alla s’installer dans la partie sud, à Hung Yeh (Efunang). En 1965 l’évêque divisa cette immense paroisse en trois, Raoul Mauger devint donc le premier curé de la nouvelle paroisse taroco de Hung Yeh, et François Brunet celui de Tung Men. Ceci n’empêcha d’ailleurs pas les trois missionnaires de continuer à travailler ensemble dans cette même tribu des Tarocos.
En 1971, lorsque l’on comprit que Ferdinand Pécoraro, parti en congé en France, ne pourrait plus obtenir de visa de ré-entrée à Taïwan, l’évêque demanda à François Brunet de prendre en charge la paroisse de Wan Jung en plus de la sienne, et à Raoul Mauger de venir aider son confrère dans Cette paroisse du centre, en plus de son travail dans la paroisse du sud. La situation en était là quand Raoul Mauger, fatigué et malade – il avait alors soixante-quatre ans – décida de retourner définitivement en France.
Raoul Mauger, durant son séjour à Taïwan, vécut donc toujours dans des villages tarocos. Fine oreille et doué pour les langues, il avait appris le chinois et un dialecte tibétain, et il n’hésita pas à se lancer dans l’étude de la langue taroco. Ne pouvant avoir recours à l’aide de livres ou de dictionnaires, qui n’existaient pas, c’est par l’oreille qu’il lui fallut deviner une grammaire assez élaborée avec temps, modes et différentes formes de déclinaisons. La langue taroco est polysyllabique, contrairement aux langues chinoises à tons ; elle est assez gutturale avec prédominance marquée des consonnes sur les voyelles, ce qui en rend l’audition exacte difficile à saisir, et la prononciation correcte malaisée. Raoul Mauger, aidé de quelques notes rédigées par Ferdinand Pécoraro, se sortit fort honorablement de ces difficultés. Il entreprit même dans la suite des traductions d’épîtres et d’évangiles, puis de messes dominicales entières, traductions dont il faisait des copies pour les envoyer aux confrères intéressés. Quand on voyait son bureau, tellement encombré de toutes sortes d’objets, livres, papiers divers, ferrailles hétéroclites, fil de fer, vieux réveils, bouilloires électriques plus ou moins éventrées, sans compter des outils (rabot, scie, tournevis, etc.) on se demandait comment il trouvait temps et espace pour faire ses traductions. D’ailleurs, s’il n’avait pas eu le temps de préparer un texte écrit, il n’hésitait pas, au cours d’une cérémonie, à traduire une oraison ou un texte biblique ou liturgique, sans complexe ni timidité.
Raoul Mauger n’était pas un intellectuel, ni un homme de bureau. Excepté dans le cas où il avait décidé de faire de nouveaux bancs de bois pour son église ou de démonter une mécanique compliquée, on avait l’impression qu’il était toujours sur les routes. Il allait s’installer chez un confrère pour discuter, à moins qu’il n’allât passer quelques jours à la maison régionale de Hwalien. Il n’était jamais pressé et prenait les choses comme elles venaient, rien ou presque ne pouvant l’étonner. Si une discussion risquait de s’envenimer, il attendait patiemment que la tempête fût terminée, puis reprenait son histoire exactement à la phrase qui avait été interrompue, avec une innocence désarmante dont il n’avait pas conscience. Il avait une qualité assez rare : jamais il ne disait du mal de personne, et s’il se risquait à critiquer l’un ou l’autre, c’était avec tellement peu de vivacité que toute parole quelque peu acerbe en perdait sa rudesse. Le maximum de son ire ne dépassait que rarement le haussement d’épaule de celui qui se sait incompris.
Il n’est donc pas facile de décrire Raoul Mauger pendant son séjour à Taïwan. Avec ses confrères, il intervenait rarement dans les discussions. S’il était obligé de s’exprimer, on ne voyait pas toujours exactement quelle était son idée (« peut-être bien que oui, peut-être bien que non »), à moins qu’il n’eût une histoire à raconter, et il en avait beaucoup. Dans un groupe, il ne se mettait jamais en avant, ni physiquement ni psychologiquement, et demeurait toujours aussi discret que modeste dans son allure générale. Si on lui demandait un service, il répondait quelquefois à peine, au point qu’on ne pouvait savoir s’il avait compris ; mais c’était simplement qu’il prenait son temps pour essayer de faire mieux, à son idée, que ce que vous lui aviez demandé, et par là vous rendre un meilleur service. Il arrivait cependant qu’il oubliât tout, service à rendre et même messe à célébrer, si son esprit était occupé par un problème de réveil cassé ou d’amélioration d’un moteur de motocyclette.
En revanche, il était très conscient de la dignité de son sacerdoce et il avait très fortement le sentiment d’être un notable de l’Église parce qu’il était son représentant officiel. Que dans la rue quelque chrétien se mît à genoux devant lui et lui baisât les mains, il ne s’en offusquait pas et répondait au confrère étonné qui l’accompagnait : « Mais je suis prêtre, c’est normal. » Quand il présidait une célébration publique, il maniait tout naturellement l’art du « théâtre liturgique », et l’on sentait que c’était profond chez lui, que pour lui c’était « normal ».
En mai 1976 il revint donc en France à cause de ses yeux et de son cœur. Il dut alors abandonner tout espoir de retourner en Asie.
En février 1978 il fut nommé aumônier de la maison de retraite « L’Espérance » à Saint-Pierre-Église. Il y restera onze ans.
Malade, ayant été soigné quelques semaines au Centre hospitalier universitaire de Caen, il se retira en septembre 1989 à la maison de retraite de la Société des Missions Étrangères à Lauris. Il mourut le 8 novembre suivant dans un sanatorium proche de cette maison où on essayait de le soigner, et il fut enterré à Lauris.
Il exerça donc son apostolat en Asie (Kangting et Hwalien) et dans le diocèse de Coutances.
Raoul Mauger était peu sensible aux questions matérielles : vêtements, nourriture, logement, confort, finances, moyens de communication. Sa motocyclette, puis son automobile, devinrent célèbres : chacun se demandait comment elles pouvaient rouler. Mais il leur faisait rendre le maximum. Il était en effet très bricoleur, et depuis toujours. Au séminaire, il avait aménagé sa chambre de telle façon que tout y était mobile : lit, bureau, bibliothèque. Quand vous ouvriez la porte, le lit s’élevait, vous permettant de pénétrer en passant dessous. Ayant hérité du célèbre side-car de M. Bibolet, il essaya de le transformer en automobile, mais y renonça, car le side-car ne possédait pas de marche arrière. Il l’utilisa donc comme motocyclette, en y ajoutant quelques « gadgets » de son invention.
Il était très fidèle à ses amis, avec lesquels il communiquait plus facilement par téléphone que par écrit. Durant ses congés, il aimait visiter les membres de sa famille, spécialement sa sœur Célestine, sacristine très dévouée de l’église d’Anneville, et son frère Pierre, établi dans le midi de la France et père de dix-sept enfants, la plupart maintenant chefs de famille.
Plus attaché à l’essentiel qu’aux détails, il était bien un peu original. Mais il se montra toujours inébranlable dans sa foi, très édifiant, fidèle à ses exercices de piété, et préoccupé de porter l’Évangile jusqu’au bout du monde, sans se laisser arrêter par les difficultés que d’autres auraient trouvées insurmontables.
G. CADEL, François BRUNET
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