Jean PERRIN1914 - 2005
- Status : Prêtre
- Identifier : 3644
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Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1946 - 1951 (Saigon)
Biography
[3644] PERRIN Jean est né le 9 avril 1914 à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Ordonné prêtre le 8 avril 1939, il est professeur à la rue du Bac avant de partir le 14 septembre 1946 pour la mission de Saigon (Vietnam).
Dès son arrivée en mission, il étudie le vietnamien à l’évêché de Saigon et chez les Filles de la charité à Thu Duc, puis il est curé de Dalat, aumônier des lycées (1947-1948) et professeur de philosophie au grand séminaire de Saigon (1948-1951).
Il est alors rappelé en France pour être professeur de théologie à la rue du Bac, puis il est successivement chapelain à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre (1960-1962), vicaire à la paroisse Saint-Pierre de Neuilly (1962-1971), membre de l'équipe sacerdotale de Saint-Cloud (1971-1978), membre de l’équipe de la paroisse de Toussaint à Rennes (1978-1982), aumônier de la clinique Saint-Vincent à Rennes (1982-1989). Il se retire ensuite à Rennes, tout en faisant office de confesseur à la basilique Saint-Sauveur.
Il meurt le 17 novembre 2005 à Rennes.
Obituary
Le Père Jean PERRIN - 1914 - 2005
Breton né de bretons, Jean Paul Marie PERRIN a vu le jour le 09 avril 1914 à Rennes, au 14 de la rue Lesage, fils de Hyacinthe Marie Albert, architecte, décédé le 10 octobre 1965, et de Marguerite Marie Henriette GASCOIN, décédée le 10 janvier 1980, fidèles de la paroisse Notre Dame, lesquels s’étaient mariés en l’église saint Vénérant de Laval le 8 décembre 1908. Ils auront neuf enfants, 5 garçons et 4 filles.
Pourquoi Jean Paul Marie fut-il ondoyé dès le lendemain, 10 avril, à la maison, et ne fut-il suppléé à cet ondoiement que le 25 avril 1917 à l’église Notre Dame de Rennes ? Serait-ce une question de santé, puis pour des raisons inhérentes à la guerre ? La question demeure sans réponse : lui-même n’a pas eu l’occasion de nous le préciser.
Jean accomplit son cycle d’études primaires à l’école Saint Vincent de Paul de Rennes, et c’est dans la chapelle de cette école qu’il fut confirmé le 15 juin 1924, par Son Eminence le Cardinal Chârost, archevêque de Rennes.
Entré à l’Institution Saint Martin de Rennes le 1er octobre 1925, il y passe avec succès, en 1933, les baccalauréats de philosophie et de mathématiques élémentaires.
Se sentant mystérieusement appelé au sacerdoce missionnaire dès avant l’âge de raison, il s’en ouvre d’abord et progressivement à ses parents, et son père envoie une demande au supérieur des MEP. Puis, le supérieur de Saint Martin, mis au courant, intervient lui aussi et rédige une lettre datée du 14 juillet 1933 adressé au même supérieur. Il dit de lui : «Ce jeune homme a suivi régulièrement le cours complet des études classiques et sa conduite a toujours été très bonne, sa piété sincère, l’application au travail toujours soutenue et couronnée de succès. Rien donc, ni dans sa naissance, ni dans ses mœurs, ne s’oppose à son entrée dans la Société des Missions Etrangères ».
Le même jour, Jean adresse lui-même sa demande d’admission en ces termes : « Je viens vous confirmer moi-même la demande que vous a fait mon père il y a quelques jours d’être admis au Séminaire des Missions Etrangères de Bièvres pour la prochaine rentrée de septembre. Mon désir le plus sincère est de prendre part à l’évangélisation des peuples d’Extrême Orient qui ignorent encore le Christ et de suivre l’exemple des valeureux missionnaires qui travaillent à cette grande œuvre. Je joins à la présente demande d’admission la lettre testimoniale qui j’ai sollicité de monsieur le supérieur de l’Institution Saint Martin de Rennes où j’ai fait mes études. Vous pourriez obtenir de plus amples renseignements sur ma famille en vous adressant à monsieur l’abbé Bailley, curé doyen de Notre Dame de Rennes, dont nous sommes les paroissiens. En attendant de devenir, comme je l’espère, votre missionnaire, veuillez agréer Monseigneur l’assurance de mon profond respect.
Ces bons témoignages plaidant en sa faveur, il entre, laïc, aux MEP le 15 septembre 1933, et y commence ses études en vue du sacerdoce. Le 22 décembre de l’année suivante, il est admis dans la Société. Il passe avec succès le baccalauréat de philosophie scolastique à l’Institut catholique de Paris en 1935. Puis, il accomplit son service militaire à Rennes. Le 13 octobre 1936, le père Brionne, du grand séminaire de Rennes, attestait que de mai 35 à octobre 36, pendant son séjour sous les drapeaux, il avait fréquenté régulièrement son séminaire et qu’il s’était montré bon séminariste.
Dégagé de ses obligations républicaines, il est envoyé à Rome où il étudiera pendant trois années.
Dans son bulletin annuel au séminaire pontifical français de Rome pour l’année 36-37, on peut lire : Est en 1ère année de théologie, minoré : il a obtenu entre 6 et 10 dans toutes les disciplines. Séminariste exemplaire, appliqué, dévoué dans ses fonctions de cérémoniaire.
L’année suivante dans le même bulletin :
Est en 2ème année de théologie, sous diacre. Santé et caractère : bons ; esprit ecclésiastique, piété, régularité, application et travail : bons. Résultats aux examens, que ce soit au séminaire ou à l’université : 8 et 9 dans toutes les matières, y compris en grec et hébreu bibliques.
Il est très appliqué à tous ses devoirs, et donne en tout le bon exemple.
Et dans le bulletin pour l’année 38-39, ce n’est plus seulement bien et bon mais c’est partout très bien et très bon. Dans le rapport de son curé, il a aussi tout bon.
Le 6 juin 1938, il adresse de Rome au supérieur des MEP sa demande du diaconat qu’il désire recevoir à Paris en septembre. Sous diacre le 13 juin, sa demande est acceptée et son vœu est réalisé le 24 septembre suivant.
De Rome, le 27 février 1939, il fait au supérieur général sa demande d’accès à l’ordination presbytérale qui doit avoir lieu à Saint Jean de Latran, le Samedi Saint suivant, « conscient, lui écrit-il, des responsabilités et des obligations de la prêtrise et sentant aussi toute sa faiblesse pour recevoir dignement cet ordre qui lui donnera part au Sacerdoce éternel du Christ ». Sa demande agréée, il est ordonné prêtre le 8 avril 1939 dans cette basilique majeure, en présence de ses parents, venus tout exprès. Le lendemain, la Wehrmacht entrait au Danemark ; poursuivant son avance, dans peu de semaines elle mettra la France à genoux. De ce fait, le départ du missionnaire en Asie est différé.
Après une licence de théologie à l’Institut catholique de Paris préparée pendant l’année 40-41 - donc en France occupée -, il est nommé professeur de philosophie au séminaire de la rue du Bac, en juillet 1941, et prend ses fonctions le 15 septembre, le jour même de son agrégation définitive à la Société. Il y enseignera cinq années, jusqu’au 30 juin 1946.
Pendant ce temps – sans doute pour occuper ses loisirs et comme en se jouant -, il prépare et passe en 1944-45, à la Sorbonne, une licence de lettres et aussi une de philosophie, en lien avec la Catho.
Les relations maritimes avec l’Asie rendues possibles avec la fin de la guerre, et ayant reçu sa destination pour le Vietnam, il part pour Saigon le 16 septembre 1946.
Après un séjour à l’évêché, il est envoyé à Thu Duc, où il étudie le vietnamien chez les Sœurs de Saint Vincent de Paul, de février à septembre 47, avant de devenir curé de Dalat et aumônier du lycée Yersin d’ août 47 à septembre 48. Puis, jusqu’en janvier 51, il enseigne la philosophie au grand séminaire de Saigon, avant de retourner de nouveau à Dalat quelques mois, jusqu’en mai.
Dans le Bulletin de 1949 rapportant l’hospitalisation du père Delagnes de Saigon et la délicate intervention chirurgicale qu’il y subit, le chroniqueur ajoute :
« Les pères Lesouef et Perrin ont eu aussi leurs opérations pendant les dernières vacances mais leur ‘billard’ se trouva sur les routes du Sud Vietnam ou bien involontairement, croyez-le, ils furent mêlés à des actions militaires engagées par les Viêts contre l’escorte de leur convoi ; ils s’en tirèrent très honorablement mais non sans une petite émotion ».
Rappelé en France en 1951 pour y exercer les fonctions de directeur et de professeur au Séminaire, il arrive à Paris le 15 mai. A la rentrée de septembre, il succède au père Bernard Witwer nommé à Bièvres et professera la philosophie et la théologie dogmatique à la rue du Bac jusqu’en juin 1960, remplacé alors par le père Dedeban.
Peu à peu, il décèle, avec une décade d’avance, qu’un nouvel esprit se fait jour au séminaire parmi les aspirants. Ils y discutent et contestent non seulement le règlement, mais même les cours et jusqu’à la théologie du sacerdoce. Il en souffre car il en a une très haute idée.
Le 6 mai 56, c’est à lui qu’est demandée l’allocution d’usage lors de la cérémonie de départ de 9 partants.
Le 31 août 1958, il célèbre les noces d’or de ses parents. Dans une homélie de haut vol, il les félicite entre autre de ce que, à l’encontre de beaucoup d’autres couples qui passent « sans transition de la lune de miel à la lune rousse », eux avaient fait honneur au sacrement de mariage et avaient su créé une atmosphère familiale dans laquelle, ses frères et sœurs et lui s’était épanouis tout en s’imprégnant d’esprit évangélique. « J’ai découvert dans ma vie familiale la première image et la première expérience de ce que pouvait être, bien qu’infiniment plus parfaite, la paternité divine » nous confiera-t-il en célébrant ses 75 ans.
Ce même jour, le cardinal Roques, leur évêque de Rennes, voulant honorer le mérite de son père au service du diocèse pour les nombreux travaux qu’il y a accomplis, avait demandé et obtenu de Rome qu’il soit élevé à la dignité de chevalier de l’ordre de Saint Sylvestre, ce qui fut fait, et le pape Pie XII leur envoyait sa bénédiction par le télégramme suivant : De Rome. Occasion noces or Hyacinthe Perrin, Marguerite Gascoin, sa sainteté félicitant paternellement méritants jubilaires leur envoie de tout coeur, ainsi qu’à nombreux enfants et petits enfants, gage abondante effusion grâces divines sur toute famille, bénédiction apostolique implorée. Signé : Mgr Dell’Acqua.
En 1960, il publie une recension de l’ouvrage du Père Guennou sur la couturière mystique de Paris, Claudine Lemoine.
« Comme la ‘Belle au Bois dormant’ réveillée sous le coup d’une baguette magique, écrit-il, une pauvre couturière de Paris, morte obscurément il y a trois siècles, réapparaît aujourd’hui sur la scène de l’histoire. Les contes de fées ont disparu à notre époque, mais nos romans futuristes continuent d’exprimer l’éternel besoin de l’homme de dépasser le donné et d’accéder au transcendant.
Le « chevalier servant » de cette belle mystique est le R.P. Guennou, archiviste des Missions Etrangères, et son coup magique, la découverte inopinée, parmi des papiers qui ont appartenu autrefois à Mgr de Lionne, d’une copie des écrits de cette couturière oubliée.
L’étude de son journal, accompagnée de larges citations se lit comme un roman d’amour mais le lecteur y trouve beaucoup plus qu’un roman car il s’agit d’une histoire vécue et l’amour qui en fait la trame est le plus brûlant qui soit, celui par lequel Dieu consume une vie et l’attire à Lui. Quand on referme le livre après l’avoir dévoré d’un bout à l’autre, on se sent écrasé par la puissance de la grâce et, saisi d’étonnement, on ne peut s’empêcher de s’interroger : que sera donc la vie future à laquelle l’homme est appelé, si l’union avec Dieu peut être aussi intime dès ici-bas et accomplir de tels prodiges ».
Et de louer le talent d’historien et de théologien mystique du père Guennou. Dans une étude comparative, dit-il, Jean « met la couturière en parallèle avec les plus grands mystiques espagnols, italiens et français ».
Il rappelle enfin que le trait le plus caractéristique de Claudine est son total engagement dans une vie de travail manuel. « J’ai toujours tenu à singulière faveur et pour une grâce particulière que Dieu m’a fait de laquelle je le remercie très souvent, a-t-elle écrit, de m’avoir mise dans un état de vie et dans des occupations pauvres et humbles comme de coudre, filer, raccommoder, la plupart du temps de vieilles hardes ».
Le père souhaite que « ce témoignage providentiellement révélé à notre temps reçoive un accueil favorable de ceux de nos contemporains avides d’authenticité ».
Pour conclure son article, par ce voeu : « A ce souhait, qu’il nous soit permis d’en ajouter un autre : dans plusieurs passages de La couturière mystique de Paris, l’auteur aime à éclairer Claudine Moine par la lumière d’un autre spirituel, malheureusement trop inconnu et qui n’est autre que l’un des principaux fondateurs des ME, Mgr Laneau, ‘qui, nous dit-il, nous réserve bien des surprises’. Puisse notre confrère faire revivre aussi ce grand missionnaire par la publication de ses écrits qui sommeillent encore aux archives des ME dans l’oubli qu’a connu sa contemporaine, ‘la Belle au bois dormant’ et révéler un jour au public la doctrine spirituelle de l’évêque mystique de la Cour et des prisons de Juthia ».
A noter, à la rentrée de septembre 1960, la réunion à Bièvres des deux séminaires, ce qui demanda des aménagements au séminaire de Bel Air. Le père Roger Favier du Noyer, ancien élève du père Perrin dans les années quarante et, depuis son expulsion de Chine en 1952, professeur de dogme à la rue du Bac, a été nommé supérieur de cette nouvelle communauté avec, comme vice supérieur, le père Paul Le Gal, déjà professeur à Bièvres depuis 1954, après sa détention à Vinh. Les rapports du père Perrin avec le nouveau supérieur étaient bons mais sans plus – peut-être une question d’atomes crochus, ce qui ne s’explique pas rationnellement – mais ce n’est pas la raison première de la décision du père Perrin de se retirer du séminaire.
En effet, dès le 20 mai 1958, ayant consulté Monseigneur Garonne au cours d’une retraite, il demande à Monseigneur Lemaire d’être relevé de ses fonctions de professeur au séminaire de la rue du Bac, prétextant que depuis 1933 il a toujours été dans un séminaire, soit comme élève, soit, par obéissance, comme professeur, que la préparation de ses cours lui cause désormais des maux de tête et des vertiges et que, dans ces conditions, il a du mal à tenir sa classe et à intéresser ses élèves.
Le 9 juin 1960, après deux autres interventions, c’est chose faite. Mgr le libère et « l’assure qu’une décision sera prise ultérieurement pour lui assigner un emploi en France ou en Mission ». En effet, l’Assemblée générale approche et c’est le nouveau supérieur, le père Maurice Quéguiner, qui lui annoncera, le 1er septembre 1960, qu’il est nommé chapelain à la Basilique du Sacré Coeur de Montmartre, ministère qu’il assurera jusque le 5 janvier 1962.
Le 22 janvier 1959, par lettre, il tance vertement le directeur de la Croix pour l’orientation politique et doctrinale de ce journal dans lequel certains rédacteurs « prenaient position en faveur de la collectivisation de l’agriculture et l’instauration des communes populaires en Chine » et d’autres rédacteurs « qui reprochaient à l’Eglise d’avoir mis sous le boisseau celui qu’ils présentaient alors comme le plus grand penseur de l’époque, le père Teilhard de Chardin ».
Toutes ces interventions sont très documentées et d’une grande réflexion évangélique, au point que, de Hong Kong, le père Léon Trivière lui-même le félicitera chaleureusement pour cette intervention.
Nommé par le cardinal de Paris, vicaire auxiliaire à la paroisse Saint Pierre à Neuilly sur Seine, laquelle fit d’abord partie du diocèse de Paris puis de celui de Nanterre, il y restera 9 années, jusqu’au 1er septembre 1971.
En mars 1964, Monseigneur Lesouef lui demande de venir au Cambodge pour enseigner la philo aux séminaristes en même temps qu’aux élèves des Frères des écoles chrétiennes et des Sœurs de la Providence. Car le seul professeur de philosophie de la ville enseigne au Lycée français et « c’est un existentialiste athée qui fait beaucoup de mal ». Mais, souffrant d’une arthrose douloureuse de la colonne vertébrale qui l’oblige à porter un corset orthopédique, le docteur Sureau, consulté, le lui déconseille. De plus, lui répond-il, « après de nombreuses années passées dans l’enseignement, je me sens incapable de continuer ce genre de ministère pour lequel je me suis toujours senti inadapté ».
Cela me fait penser à cet évêque qui au moment de partir en retraite disait : « Je n’aurais pas dû accepter l’épiscopat » ! Mystère que celui de l’obéissance, parfois de la vanité du carriérisme mais aussi de la bonne utilisation des compétences, dans l’Eglise ! Mais elle doit faire avec les bonnes volontés dont elle dispose. Ecclésia supplet !
Cette même année, recommandé par ses confrères de Saint Pierre de Neuilly, l’évêché d’Ajaccio lui offre la direction du collège libre de Pino, au cap Corse. « Le site est admirable, le climat excellent ; ce collège libre est le seul de la Corse, lui est-il dit. Jusqu’à ce jour, ce collège était dirigé par les Franciscains qui en avaient fait un collège séraphique : ils espéraient en tirer des vocations pour leur ordre : déçus de ce côté, ils se sont retirés ». Pour des motifs connus de lui seul, Jean Perrin décline cette offre.
Le 6 juillet 1971, il est nommé par Monseigneur Delarue, dans l’équipe sacerdotale de Saint Cloud, toujours au diocèse de Nanterre, avec tous les pouvoirs de vicaire auxiliaire pour toutes les paroisses du doyenné dont il sera choisi comme délégué au Conseil presbytéral. Il y travaillera jusqu’en septembre 1978, plus précisément responsable de la Chapelle de Saint Joseph artisan. « A votre arrivée à Saint Jo, on ne vous aimait pas, lui a écrit une paroissienne, navrée avec beaucoup d’autres, de son départ, mais vous vous êtes battu contre vents et marées et vous avez su vous faire aimer, car vous avez fait du beau travail ici ». C’est qu’en effet, il a une grande estime pour le laïcat et une grande confiance en ses possibilités et c’est pourquoi il est aussi exigeant avec eux qu’il le fut pour les aspirants au sacerdoce, pouvant désormais s’appuyer sur les décrets de Vatican II.
Les années passent. Peut-être aussi la nostalgie du pays le presse à demander au Cardinal Gouyon s’il veut bien l’accepter dans son diocèse, et à Rennes même si possible, où il a de la famille, en particulier sa vieille Maman de 94 ans et aussi de nombreux proches. Bienveillant, le Cardinal le nomme à la paroisse Toussaints le 19 septembre 1978. Il retourne alors dans sa ville natale et le diocèse de son enfance, auquel il était incardiné depuis le 25 janvier 1973. Il entre dans l’équipe sacerdotale de six prêtres de cette paroisse de Toussaints et y restera jusque le 15 octobre 1982.
Ensuite de quoi, toujours vaillant, mais à 68 ans quand même, il accepte l’aumônerie de la Clinique Saint Vincent à Rennes tout en demeurant, seul chez lui cette fois, au 18, rue de Brest, dans un appartement de la tour Les Horizons dont un de ses frères fut l’architecte, et ce jusqu’en octobre 1989.
Le 15 avril 1989, en la chapelle du Grand séminaire de Rennes, entouré de la Diaspora du grand ouest dont il est le relais, il célèbre ses 75 ans d’âge ainsi que ses noces d’or sacerdotales. C’est pour lui, pour une fois, l’occasion de nous faire une longue réflexion sur sa vocation sacerdotale et missionnaire.
Dans son homélie, il revient sur sa vie - récit passionnant - et nous apprend entre autre qu’il avait quatre ans et demi lorsque, de nuit, couché, il s’est posé la question de son avenir et qu’il se déclara à lui-même : « Je serai missionnaire. La question était tranchée mais sachant que la réalisation serait, à longue échéance, difficile et dépendait avant tout du Seigneur à qui appartient l’avenir, je prenais au même instant la résolution farouche de garder comme un secret entre Dieu seul et moi ma décision d’être prêtre missionnaire ».
Il nous a livré des réflexions bouleversantes sur l’épreuve fondamentale de la vie du prêtre qui, dit-il, « ne se situe absolument pas dans le célibat, la solitude, l’habitat, le climat, l’environnement indifférent voire hostile, etc. La véritable épreuve n’est pas plus ou moins aléatoire au sacerdoce : elle lui est essentielle et elle est inséparable de la mission reçue et c’est que c’est une mission impossible ».
Et nous pensons évidemment à la réflexion de Paul : « Qui est à la hauteur d’un tel ministère » ?
Le 8 avril 1994, toujours au même endroit, dans une belle homélie, il rend grâce au Seigneur, pour ses 80 ans d’âge et ses 55 ans de sacerdoce, pour les bons parents qui lui ont donné la vie et ont su entretenir une merveilleuse vie de famille, dans laquelle, avec ses frères et sœurs, il a grandi et s’est épanoui ; pour la santé enviable qui fut la sienne ; pour la multitude de ceux et celles auxquels il est redevable de ce qu’il est, au civil comme au religieux, et auxquels il se sent lié pour l’éternité et, enfin, il s’interroge longuement sur le poids de sa vie.
Il rend grâce bien sûr pour l’appel dont il a bénéficié et pour la foi qui a donné un sens à sa vie consciente et personnelle.
Il rappelle qu’il a toujours habité dans les hauteurs : au 4ème à la rue du Bac d’où il avait une vue plongeante « sur une véritable forêt qui s’étendait de notre parc jusqu’à la colline de Chaillot et au Trocadéro ». A Montmartre, « où sa chambre était à la hauteur de la coupole de la Basilique d’où il voyait tout Paris et une partie de sa banlieue ». A Saint Cloud, « où il dominait la vallée de la Seine, le Bois de Boulogne, jusqu’au delà de l’Arc de Triomphe». Et enfin au 13ème étage des Horizons à Rennes. Cela lui a fait prendre de la hauteur et « minimiser les petits ruisseaux quotidiens à enjamber».
Ensuite, en bon professeur, il s’étend longuement sur la Parole de Dieu, l’Eucharistie, la Personne du Christ et l’Eglise. Bref, une profession de foi qui est bien celle de l’Eglise de toujours, englobant l’esprit de Vatican II. Et de terminer : « ‘Seigneur entre tes mains je remets mon esprit’. Chaque soir, c’est la prière dans le chant des complies. Dieu seul l’accomplira au soir qu’il choisira, pour un nouveau matin à mes yeux éblouis de lumière et de gloire. Dieu seul l’accomplira ».
Alors s’aggravent pour lui les tribulations physiques. Victime d’une erreur de diagnostic médical, - une phlébite prise pour une sciatique – il est hospitalisé d’urgence le 24 septembre 1995 au soir, à l’Hôtel Dieu de Rennes. « Double phlébite, cardiopathie et embolie pulmonaire, de quoi tuer son homme » reconnaît-il. Mais, très bien soigné, cinq semaines plus tard il rentre chez lui, muni d’un pacemaker.
Le vicaire général, ému de sa solitude dans l’appartement qu’il occupait dans la grande tour Les Horizons, lui propose de venir dans la communauté de Ker Anna. Située dans le même quartier, rue Saint Louis, à deux pas de la cathédrale cette maison accueille une quinzaine d’hommes d’Eglise, chanoines et prêtres, retraités ou encore en activité. Il accepte : il s’y plaira bien. Mais il déplorera souvent que les prêtres avec lesquels il vit ne s’intéressent pas à la mission. Il y terminera sa vie dans un vaste deux pièces agréable au rez de chaussée.
Il ne reste pas inactif pour autant. Il assure le ministère de la Réconciliation à la Basilique Saint Sauveur. Simplement, il a passé le dernier été très difficilement et sa marche est plus hésitante.
En mars 1997, il publiait, au Seuil, une œuvre mystique intitulée Epithalame, du frère Jean de Saint Samson O.C., sur laquelle il avait peiné comme un bénédictin pour en faire une transcription en langage contemporain, lisible et compréhensible, avec présentation littéraire et doctrinale.
Le 09 avril 1999, pour l’anniversaire de ses 85 ans, il célébrait ses noces de diamant, toujours à Rennes dans la chapelle de la Maison diocésaine, et toujours entouré de la diaspora de l’Ouest. Il fera remarquer, entre autre, qu’il est né et qu’il a été ordonné à la veille de l’ouverture des hostilités des deux grandes guerres : le 9 avril 1914 et le 8 avril 1939.
Il rappelait que ses convictions profondes ne s’étaient pas démenties et il se tournait alors vers l’avenir en nous parlant de l’espérance car « j’ai toujours crû et je crois toujours, et de plus en plus, à la vie éternelle », assurait-il.
Belle et chaude méditation à base de théologie biblique. « Je sais en qui j’ai cru... Je ne sais pas si le Seigneur est content de moi – Il aura certainement bien des choses à me dire - mais moi je suis content de lui, ça je peux vous le dire et je le lui dis... Je suis sûr que l’espérance ne trompe pas… ».
Il insiste sur la joie que donne la fidélité au Seigneur et la grâce inestimable qu’est l’incroyable intimité qu’il nous offre.
En 2001, son état général se dégrade. « En ce qui concerne la qualité du tissu intérieur de ses artères, si on y touche quelque part, tout est foutu », dit la médecine. Pour ce qui est de l’audition, elle est désormais sélective : les aigus disparaissent, ne restent que les graves qui provoquent des bourdonnements. Ce qui ne l’empêche pas de réfléchir sur les derniers ouvrages parus et lus et de travailler encore et toujours sur les Œuvres du très excellent contemplatif et vénérable Frère Jean de Saint Samson.
En décembre 2001, il entre à l’hôpital de Rennes et y reste 18 jours. « J’y avais déjà fait un séjour en mai-juin dernier pour la même raison, écrit-il début janvier 2002 : ablation de deux cancers : un au front et l’autre au cou. La première fois, une anesthésie locale avait suffi ; cette fois-ci j’ai eu droit à la générale et j’ai rendez-vous au Centre anti-cancéreux avec un radiothérapeute. Il s’agira sans doute d’un traitement aux rayons qui durera un mois ». On lui avait retiré les ganglions du cou, au côté droit. Il en restait un profond sillon. Mais ça ne le gênait pas outre mesure sauf qu’il avait la bouche un peu déformée et qu’il n’avait plus de glande salivaire de ce côté.
En février 2002, à l’occasion d’une visite, je constate que sa diction n’est plus assurée et qu’il il a des pertes de mémoire. Toutefois, il se tient encore au courant des dernières publications et donne son avis sur leur qualité et leur orthodoxie. Il donne aussi son point de vue sur la prochaine session Sar-Mep :
« Le n° de Noël 2002 de l’Hirondelle était illustré d’un beau tirage en couleur d’une Vierge sommeillant avec son Enfant dormant paisiblement sur ses genoux. J’ai reçu en même temps la Lettre de Sar-Mep adressée aux confrères de plus de 65 ans avec l’annonce d’une session sur le thème : Comment garder la foi missionnaire dans un âge avancé. Est-ce que je contribue à la Mission ?
« J’ai fait un rapprochement – peut-être osé – avec l’image de la Vierge qui sommeille en veillant sur son Enfant Jésus, lequel dort d’un sommeil profond, tout en portant tous deux le poids du mystère de l’Incarnation et du salut du monde. Par les temps troublés que nous vivons, cela donne à réfléchir et apporte peut-être un éclairage spécial à la question de Sar-Mep. Les missionnaires de retour à la maison dorment-ils ? L’image du sommeil de la Vierge à l’Enfant endormi est-elle missionnaire ?
Cette question n’a rien de provoquant mais se veut plutôt stimulante pour analyser les multiples aspects de la question posée et que je trouve très intéressante, avec tous les niveaux d’engagements missionnaires qu’elle peut éclairer. De tout temps, la Société MEP a eu un contingent plus ou moins important de missionnaires ‘ de retour à la maison’. Les archives de la rue du Bac témoignent des activités de beaucoup d’entre eux dans le sens de la mission…jusqu’à fonder d’autres Sociétés missionnaires.
Reste la question fondamentale : quels critères d’appréciation de la qualité missionnaire de toute une vie ? N’est-ce pas le secret de Dieu ? Tout au plus pourra-t-on relever certains faits sans pouvoir juger de leur signification et de leur efficacité missionnaire. Ce discernement vaut la peine d’être posé pour lui-même ».
Il se passionne toujours pour l’Epithalame de Jean de Saint Samson et la fatigue ne l’empêchera pas, le 25 septembre de l’année 2003, de me parler sans faiblir, pendant trois heures d’affilée, des Oeuvres spirituelles et mystiques de ce frère, O.C., aveugle dès l’âge de trois ans, devenu frère lai chez les Carmes, au 17ème siècle, qui a vécu à Dol 6 ans et, à Rennes, 24 ans.
« Il a été le grand réformateur du Carmel en France, peu après que ses contemporains, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix aient initié cette réforme en Espagne. Grand mystique comme eux, il a laissé un grand nombre d’écrits dictés à sa secrétaire, 4.000 feuillets recto verso, dont la plupart n’ont pas encore été publiés dans des textes critiques et accessibles. Ils moisissent aux Archives départementales d’Ille et Vilaine, rue Jules Ferry ».
Il peinait comme un bénédictin pour mettre en français contemporain son Epithalame duquel il dit :
« C’est une confession, une profession de foi extraordinaire, autobiographique où il essaye de dire ce qu’il vit à la façon de l’auteur du Cantique des Cantiques, à titre d’épouse de l’Epoux divin dans une union mystique de personne à personne, plus intime que l’union nuptiale dont l’image sert de base analogique. C’est l’histoire d’un amour fou, d’une passion contenue et en même temps exaltée de façon indicible ».
Pour en donner une idée voici la conclusion de la présentation dont il a accompagné le texte de cet chant d’amour de Dieu :
« Quelle épouse dans un couple humain a jamais exprimé un amour aussi passionné, aussi pleinement rassasié et rempli des excès de votre exubérance ? Ce qui, peut être, frappe le plus le lecteur de ce chant nuptial, c’est l’extraordinaire jubilation qui vibre tout au long de ce récit. Telle une épouse passionnée d’amour, il laisse éclater à chaque page de son chant la joie indicible et la jouissance émerveillée de son âme en présence de l’Epoux divin qui lui a fait découvrir que, de son côté, il n’est pas seulement quelque peu enivré mais divinement affolé de sa beauté ».
Et, après avoir constaté que tout le monde n’était pas mystique – et, confesse-t-il humblement, lui d’abord – il ajoute :
« Il semble, d’ailleurs, que le mot mystique soit fortement dévalué dans notre langage moderne. Même dans l’Eglise, aujourd’hui, les mystiques passeraient facilement pour quelque peu suspects. Cependant, si on comprend bien de quoi il s’agit, je n’hésite pas à dire que, si, selon la foi que l’on professe, le salut par Jésus Christ est l’union au Père par l’Esprit Saint, l’espérance du salut dont nous vivons dès ici-bas, sans être déjà cette union mystique dans sa plénitude, est du même ordre ; et il y a continuité, à travers le passage pascal de la mort, entre la connaissance sous le voile de la foi et le face à face dans la lumière de la gloire ».
Lors de mes visites, en, 2004 et 2005, je constate que, dans la conversation, toujours riche et variée quand même, il y a des oublis, des répétitions, quelques erreurs. Mais bon ! Il a 91 ans!
A cette époque, une assistante sociale de l’évêché, chargée de la santé des prêtres, évoque un transfert possible à ‘Montigny’. Il s’agit d’une maison de retraite un peu à l’écart de la ville. C’est vrai qu’il est encore autonome en tout et ne pose pas de problème. Mais Ker Anna n’est pas médicalisée. Cette maison ‘ Montigny’ l’est. Toutefois, le supérieur est bien conscient que l’on ne déplace pas les personnes âgées sans courir de risque sauf si ce sont elles qui le demandent. Comme il marche encore seul, lentement certes mais sans aide autre qu’une canne, ce transfert est différé.
Le Jeudi 29 septembre 2005, avec le père René Lamoureux nous le visitons. Il nous emmène déjeuner sur la place voisine. Il marche alors très péniblement et très lentement avec une canne. Il n’a pas mangé tout ce qu’il avait commandé. L’appétit n’était plus au rendez vous.
J’ai interrogé une infirmière. Il a passé un été très difficile mais il va un peu mieux. Sa doctoresse, venue juste avant que nous allions déjeuner, s’est montrée réservée sur le pronostic. René Lamoureux l’a trouvé très vieilli. Il parle avec difficulté. Il ne travaille plus sur Jean de Saint Samson, ce qui n’est pas un bon signe. Sa marche est plus qu’hésitante quoiqu’il ait tenu quand même à nous conduire au restaurant. Il a un appareil auditif mais il n’en est pas satisfait. L’asthme le tient. Il ne fait plus que quelques courtes marches. La mémoire donne des signes sérieux de fatigue.
Nous ne nous reverrons plus sur cette terre. De cette dernière visite que nous lui avons faite, j’ai retenu cette confession de foi : « Tout est grâce, nous dit saint Paul. Et Augustin d’ajouter : Etiam peccata. Je crois que cette double vision des choses que nous donne la foi, avec le stimulant de l’espérance, permet d’envisager l’avenir avec confiance ».
C’est dans cette confiance qu’il a quitté ce monde qui passe le jeudi 17 novembre 2005, dans l’après midi, à l’hôpital de Pontchaillou, à Rennes, dans sa 92ème année. Son corps fut ramené à Ker Anna.
Ses obsèques ont été célébrées le lundi 21 novembre 2005, en la fête de la Présentation de Marie au Temple, dans l’église Notre Dame, à Rennes, où il avait reçu le complément du baptême en 1917. Elles furent présidées par l’évêque du lieu, Mgr François Saint Macary.
Le père Antoine de Monjour, deuxième assistant, représentait la Société. Il brossa rapidement la vie du père et donna l’homélie à partir de I Cor.15, 1-5.11 et de Jn 6, 37-40, expliquant comment des asiatiques, confucianistes et bouddhistes convertis, avaient reçu la bonne nouvelle de Jésus ressuscité.
« En pensant au père Jean Perrin qui a consacré sa vie à la Mission en enseignant la philosophie et la th