Pierre GRANDVUILLEMIN1915 - 2002
- Status : Prêtre
- Identifier : 3651
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1947 - 1951 (Guiyang [Kweiyang])
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1952 - 1970 (Malacca)
Biography
[3651] GRANDVUILLEMIN Pierre est né le 15 janvier 1915 à Dommartin (Doubs).
Ordonné prêtre aux MEP le 20 janvier 1941, il est affecté à la mission de Kweiyang (Chine), mais il ne peut rejoindre son poste qu’en 1947, après la guerre.
Dès son arrivée en mission, il étudie le chinois à Chen Ling, puis il est envoyé dans le poste de Ganchouen Tcheou (1949).
Expulsé de Chine en 1951, il reçoit une nouvelle affectation pour la mission de Malaisie-Singapour. Il est alors chargé de différentes paroisses en Malaisie : Teluk Anson (1952-1954), Balik Pulau (1955-1961) et Bukit Mertajam (1965-1970).
De retour en France, il est nommé vicaire à Villers-le-Lac, dans le diocèse de Besançon (1971-1976) curé de Rang (1976-1979), et prêtre auxiliaire à l'Isle-sur-le-Doubs dans le diocèse de Belfort-Montbéliard (1979-1996).
En 1997, il se retire à la maison d’accueil de Lauris, où il meurt le 22 juillet 2002. Il est inhumé au cimetière de cette commune.
Obituary
Le père Pierre Grandvuillemin
On aime lui rendre visite à Balik Pulau ou à Bukit Mertajam. Grand, mince, légèrement voûté, il nous accueille avec un sourire timide et bon. La poignée de main est chaleureuse, mais à la question « ça va ? », la réponse est, la plupart du temps, négative. De caractère plutôt pessimiste, il voit surtout les difficultés des situations et ne se sent pas à même d’y faire face ». Il s’étonne qu’on vienne à lui, qu’on ne l’ait pas oublié ; ça lui fait plaisir. Une bière bien fraîche, des durians à la saison, dans une salle à manger accueillante. On bavarde, il cause de ses déboires, on essaie des l’en distraire et de le faire rire. Il apprécie ce se retrouver entre confrères et ne manque pas de venir à Penang pour les réunions.
Né à Dommartin, dans le Doubs, diocèse de Besançon, il est le neuvième de onze enfants, cinq garçons et six filles. Les parents sont des cultivateurs très chrétiens.
Études primaires au village, puis petit séminaire de Maîche, de 1926 à 1932, et deux années de philosophie à Faverney. Il est admis aux Missions Étrangères en 1934 et y continue ses études jusqu’à soin ordination le 20 décembre 1941. Entre temps, il y a eu le service militaire et la guerre, mais nous n’avons pas de détails sur cette époque.
Le supérieur de Faverney écrit : « Sous des dehors simples, modestes, discrets, un peu timide, il cache une âme ferme qui ne manque pas d’entrain. J’espère qu’il sera un de ses ouvriers du Bon dieu qui se donnera tout entier à sa tâche, sans éclat d’aucune sorte, mais avec fidélité. Tempérament en formation. « On le dit excellent pour le jeu de balle au chasseur »
Il reçoit sa destination pour Kweiyang, Chine du Sud, le 15 avril 1942. Mais pas question de partir pour l’Asie et il sert comme vicaire à Mélincourt, Haute Saône, de mars 1942 à mars 1945.
Premiers pas en Asie, 1946-1951
Comme beaucoup de jeunes confrères, il doit être impatient de partir. Aussi, bien que destiné à la Chine, il s’embarque comme aumônier militaire pour le Vietnam, dès janvier 1946, et y sert jusqu’en juin 1947. « Étape non prévue qui l’avait beaucoup marqué » et dont il ne parlait guère. Il arrive à Kweiyang en août 1947 et rejoint les pères Brygier, Guigner, Garrel, Gloriod, Cuenot, qui sont à divers stages de leurs études de chinois, en compagnie d’autres jeunes de Lanlong and Chungking. À un moment, ils sont douze, d’où le nom d’École des maréchaux, en souvenir des douze maréchaux de l’Empire. Installés dans les locaux du probatoire, en pleine campagne, à une dizaine de kilomètres de la ville, le site leur offre toutes lres conditions désirables de silence, de tranquillité, de bon air. Ils sont près du sanctuaire de N.D. de Liesse. Mais il est à peu près impossible de maintenir dans ce désert le nombre de maîtres et répétiteurs suffisant. Tout le travail retombe sur les épaules des pères chinois professeurs d’école, et ils ne peuvent pas toujours faire face des deux côtés. En outre, le supérieur MEP, probablement le père Etcheverry, étant parti en congé, les douze se séparent et chaque groupe rentre chez soi. Ils restent à quatre, dont trois franc-comtois et entrecoupent leurs études du chinois avec des parties de t arot.
Mais la langue rentre mal dans la tête de Pierre. Il commence à ronger son frein, se trouvant un peu trop traité comme un petit élève. Aussi, au bout de six mois, l’évêque l’envoie en brousse auprès du père Boyer, à Tchenlin. C’est une petite ville fortifiée, qui a belle allure avec son mur d’enceinte, dans les montagnes du secteur d’Anshun, à une centaine de kilomètres au sud de Kweiyang.
Tous les déplacements se font à pied. Il n’y a ni électricité ni téléphone, et les chrétiens sont éparpillés dans la campagne, dans des petits postes à 10 ou 15 km les uns des autres. Les pères Juignier et Malin sont à Anshun, auprès du vieux père Lanco, mais les distances et les restrictions toujours plus sévères du régime communiste qui s’installe ne permettent que de rares visites entre confrères.
Pierre vient d’être nommé dans le petit poste de An Shuchow (appelé aussi Ganchouen Tcheou) en 1949, mais les nouveaux maîtres ne le laissent guère en paix. Pour avoir dit du mal de « nos grands frères les Russes », il est emmené au poste de police et se trouve conduit manu militari à la Mission, où il est consigné sous la responsabilité du père Malin.
Ramené à Kweiyang, il passe un temps en prison, en compagnie du père Juignier, puis trois ou quatre jours d’autobus les amènent à Chungking. Et pour Pierre, c’est le départ immédiat pour Hankéou et finalement Hongkong, où il arrive le 30 novembre 1951, expulsé après plusieurs semaines d’incarcération. Dès décembre, il est affecté à la Mission de Malacca, avec les pères Magnin, Mourgue et Brygier. Ils y arrivent au début de février 1952.
Les débuts en Malaisie : Teluk Anson, Balik Pulau, 1952-1961
Lui, il est envoyé dans le nord du diocèse, qui comprend encore Singapour et toute la Malaisie, pour s’occuper de la communauté chinoise de Telok Anson, petite ville au bord de la côte ouest (Telok Anson, du nom d’un résident anglais, a repris son ancien nom de Telok Intan, la Baie des Diamants). Le père Roland Brossard, un pays, y est chargé plus spécialement des paroissiens de culture indienne qui sont les plus nombreux. Il lui faut évidemment se consacrer à l’étude de l’anglais et, comme si ce n’était pas assez, se familiariser avec le dialecte hakka. Du courage et de l’estomac !
Il s’y met, tout en s’en disant incapable et il y réussit. Après un congé en France, début 1955, il va aider le père Chineau à Balik Pulau, la vieille paroisse sur la côte ouest de l’île de Penang, où le hakka est la langue essentiellement utilisée pour la vie pastorale et la vie de tous les jours. Des familles de paysans éparpillées dans les collines, travaillent dur, plutôt frustres de caractère. Il en deviendra bientôt le curé et y fait du bon travail jusqu’en mai 1963. Huit ans dans cette communauté demande certainement patience et fidélité. Les gens sont bien comme les durians qu’ils cultivent, hérissés de piquants ! Il faut du temps pour aller jusqu’au cœur, mais alors, on s’attache à eux.
Bukit Mertajam, 1965-1970
Après son retour de congé, le père Grandvuillemin traverse le détroit et, à quelque dix-huit kilomètres à l’est de Penang, le voilà curé de la vieille et fameuse paroisse de Bukit Mertajam (le Pied-de-la-Grande-Colline). Une communauté à 90% chinoise, où les dialectes teochew et hakka se mélangent, d’où nouvelles difficultés, et qui tous les ans célèbre, avec quelque 50.000 pèlerins, la fête de Sainte Anne. Une dévotion bien établie par un confrère breton ! De nombreux non-chrétiens y prennent part. « Est-ce toujours le culte en esprit et vérité don t parle Jésus ? » le curé n’en est pas très sûr. Comment contrôler cette foule qui vient prier la Sainte ? Ces non-chrétiens, ils le font bien sûr à leur façon. « c’est un vrai Thaipusam » (un festival hindou qui attire le »s foules) dit le pasteur toujours pessimiste.
Et pourtant il y a un effort d’authenticité évangélique et puis il faut accepter le fait que, pour beaucoup d’ouvriers des plantations, c’est l’occasion annuelle de se retrouver. Les confessions sont nombreuses et se poursuivent tard dans la nuit. « Bukit Mertajam serait-il à envisager comme un centre de dialogue inter-religieux , » L’évêque du diocèse y est toujours présent et c’est là qu’on a commencé à ajouter une homélie en langue nationale, le malais, en plus du tamoul, du chinois et de l’anglais. Malaisie multi-raciale, multi-culturelle et multi-religieuse ! En passant, notons aussi que ce pèlerinage est une source de revenus pour la paroisse et le diocèse.
Tout cela semble bien lourd pour Pierre, qui est plus à l’aise à l’arrière qu’aux premières lignes. L’organisation lui pèse, car il prévoit toujours le pire, avant de finir par avouer que ça a bien marché !
Pour cette communauté de 2.300 chrétiens, avec écoles catholiques pour filles et garçons, il est aidé d’un vicaire avec lequel il s’entend bien, car de nature il est pacifique et accommodant. Et pourtant, vers la fin de son pastorat, il doit faire face à des tensions et des malentendus avec un de ses collaborateurs. La communauté se divise et pour dénouer la crise, l’évêque propose une assemblée paroissiale après la messe dominicale. Mais les choses ne s’améliorent pas et les blessures demeurent. Pierre se sent découragé et incapable de faire face. Lui aurait-on fait passer un jugement populaire, comme en Chine ? Après son congé en 1970, il décide de rester en France, au grand regret de ses confrères de Malaisie.
Oui, il manque !Il n’est pas parmi les ténors du diocèse ; il n’est pas l’homme aux plans bien définis ou à la pastorale structurée. Il préfère les arrière-plans et l’ombre, mais il trace son sillon avec conscience, avec lenteur, avec amour. On peut compter sur lui.
Il aime se retrouver avec les autres prêtres et tout d’abord avec ses deux voisins, aux personnalités plutôt contrastées, l’éclectique père Selier aux propos toujours inédits, et le néo-thomiste père Belleville qui assaisonne la conversation d’expressions latines. Il vient passer un moment au Collège de Penang et nous nous retrouvons volontiers chez lui : on s’y sent à l’aise, on peut être soi-même. Sa simplicité, et même sa timidité, rendent les relations faciles. La célébration de la Saint Pierre est pleine de charme, même s’il s’excuse de ne pas avoir fait mieux ! Il raconte ses derniers malheurs, on lui raconte quelques histoires, il rit et remonte la pente tout en fumant son cigare.
Le Seigneur lui réservait encore plus de trente ans en France, qu’un autre saura évoquer. Pour nous et pour l’Église d’Asie, il a été l’ami et le pasteur fidèle qu’on aurait souhaité garder plus longtemps.
P. Michel Arro
Singapore’ juillet 2003
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