Louis AMIOTTE-SUCHET1917 - 1998
- Status : Prêtre
- Identifier : 3688
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Identity
Birth
Death
Status
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1946 - 1955 (Shanghai)
- Country :
- Malaysia - Singapore
- Mission area :
- 1956 - 1998 (Malacca)
Biography
[3688] AMIOTTE-SUCHET Louis Marie est né le 28 août 1917 à Vernierfontaine (Doubs).
Ordonné prêtre le 20 mars 1943, il est affecté au service des procures. En raison de la guerre, il ne peut partir en Asie qu’en 1946.
Il est d’abord envoyé à Shangai (Chine), où il devient assistant du procureur puis procureur en titre en 1948. Il reste dans ce poste jusqu'à son expulsion de Chine en 1955.
Il quitte ensuite le service des procures et reçoit une nouvelle affectation pour le diocèse de Singapour.
Il est alors nommé aumônier des jeunes (1956-1960), vicaire à la paroisse de Siglap Hill (1961-1973), curé de la paroisse Saint-François Xavier, à Serangoon Gardens (1974-1982), assistant du curé de Bukit Timah (1982-1986) et curé de la paroisse Notre-Dame-de-la-Mer à Sembawang (1987-1998).
Il se retire ensuite dans son village de Vernierfontaine, où il meurt le 17 octobre 1998.
Obituary
[3688] AMIOTTE-SUCHET Louis Marie (1917-1998)
Notice nécrologique
Louis AMIOTTE-SUCHET (1917-1998)
Un pas qui traîne un peu, un "bonjour, bonjour" ! bien timbré accompagné de poignées de main – reste de culture française – un geste énergique pour remonter son pantalon : il est environ 1 h 45, le père Amiotte vient rejoindre les confrères pour le repas du lundi midi. Et immédiatement la conversation s'anime, ponctuée de ses exclamations habituelles : "bon, bon ... très bien, très bien ... etc, my goodness !..." ("His goodness le père Amiotte" taquine un confrère) et, au comble de l'indignation : "funérailles ... funérailles !" Car il est bien rare qu'il fasse une phrase entière. À quatre-vingts ans passés, il va de l'avant, curé d'une grosse paroisse, aidé par deux vicaires et conduisant allégrement sa voiture. Il a des projets nombreux et découvre de nouvelles terres à défricher. La visite des paroissiens, il la veut systématique et fréquente. Il y en a peu qu'il n'a pas rencontrés chez eux. Et avec un enthousiasme que l'âge ne diminue pas, deux ou trois réunions dans la même soirée lui sont pain quotidien. Aussi a-t-il beaucoup à partager. On l'écoute avec admiration ou scepticisme... C'est Amiotte !
Né le 28 août 1917 à Vernierfontaine, petit village du Doubs, proche de la Suisse, il est le sixième d'une famille qui comptera huit garçons et deux filles Ses parents sont agriculteurs, et comme il y a trois à quatre familles ayant le même nom, ils s'appellent plus précisément "Amiotte-Suchet" – c'est plus clair pour la mairie et le facteur. Cela rappellerait l'origine suisse de la "tribu", dit-on, la colline de Suchet est en effet en Suisse. Louis étudie à l'école du village, puis c'est le petit séminaire de Maîche, de 1927 à 1934 et le séminaire de philosophie de Faverney, de 1934 à 1936 Il rentre à Bièvres en septembre 1936, avec son baccalauréat d'Etat et son baccalauréat scholastique. "Excellent élève sous tous les rapports" écrit le supérieur. Aimé Mauvais, qui sera missionnaire au Vietnam, est son compagnon de route. Quant à lui, il précise dans sa demande d'admission : "Dès mon entrée au petit séminaire, j'ai rêvé de travailler en Extrême-orient. Mon plus grand désir va donc se réaliser". Tout au long de son séminaire, se rappellent ses condisciples, il sera l'homme d'action, toujours présent là où il y a du mouvement, mais restant bien équilibré dans ses idées et jugements. Ce n'est ni un philosophe ni un agité.
En 1938, il fait son service militaire dans le Train des Equipages, au Valdahon, à six kilomètres de la ferme familiale. Il devient vite sergent, mais le conflit franco-allemand, d'où il reviendra avec la Croix de Guerre, le garde au front. C'est à l'occasion de ses cinquante ans de Sacerdoce qu'il a laissé publier des photos du beau cavalier qu'il était. Le père Pirolley, futur évêque de Nancy, écrivait en 1941 : "l'abbé Louis Amiotte s'est, toujours et partout, montré d'un dévouement apostolique magnifique. Il a fait beaucoup de bien dans la compagnie hippomobile à laquelle il appartenait. Vous avez en lui, je n'en doute pas;, un sujet d'élite".
Dès octobre 1940, il est de retour à la rue du Bac. Ordonné prêtre le 20 mars 1943, avec une vingtaine d'autres, il échappe ainsi au Service du Travail obligatoire en Allemagne. En juin 1943, il reçoit sa destination ... pour les Procures ! Lui qui avait rêvé d'une vie rude en brousse. Un premier coup dur qu'il accuse mais qu'il sait encaisser. Pas de bateaux pour l'Asie. Il doit patienter en France et, d'octobre 1943 à décembre 1945, il est professeur de cinquième et professeur de chant au petit séminaire de Consolation.
Son zèle et son enthousiasme inquiètent bientôt les autorités. Il y a trop de jeunes qui s'enthousiasment pour les Missions ! Louis Amiotte est du genre locomotive. Il est vrai qu'il a de qui tenir. Son oncle maternel et parrain est curé à trois kilomètres de Vernierfontaine. Il a deux tantes et deux grand-tantes maternelles qui sont religieuses. Une de ses sœurs le sera aussi et deviendra supérieure générale de sa congrégation. Et puis, il y a tellement de MEP au diocèse de Besançon il a rencontré tant de jeunes missionnaires célébrant leur première messe au petit séminaire de Maîche. Sa vocation missionnaire est contagieuse;
Les Procures ont besoin de jeunes, aussi part-il sur le premier bateau de l'après-guerre, le Monkay, avec F. Brygier, E. Giraud, E. Verdière, A. Turc... Où ira-t-il ? Tout dépend du port où s'arrêtera le bateau. Or ce bateau, chargé d'explosifs, n'a pas la permission d'accoster à Singapour. L'ami Louis, qui y était attendu, continue son périple jusqu'à Shangai où il arrive le 5 mai 1946.
Il y devient assistant du père J.B. Gerey, en compagnie du père E. Tournier, qui bientôt est rappelé à Hongkong; La santé du titulaire se dégrade ; on doit l'amputer d'un bras. Le père R. Cambon arrive en France et, début 1948, à la mort du père Gerey, le père Amiotte devient procureur en titre.
Avec la prise de pouvoir des communistes, la situation est plutôt difficile. Et pourtant, il restera à Shangaî jusqu'en mai 1955, le dernier MEP à quitter le sol chinois. Lui seul pourrait raconter les péripéties de ces années-là. L'a-t-il fait ? Un jour, peut-être, les Archives nous le diront, mais lui n'en a guère parlé.
Combien de prêtres, de religieuses, séminaristes et laïcs quittant la Chine accueille-t-il dans les années 1949-1951 ! Il y a des moments où la Procure est surpeuplée de gens qui ont besoin de se sentir soutenus et encouragés plus qu'hébergés. C'est lui qui organise quelques festivités à l'occasion du sacre de Mgr Pi, nouvel archevêque de Moukden. Il aide les missions de l'intérieur en difficultés financières et évite à beaucoup d'être ruinés par l'inflation galopante.
À l'arrivée des communistes, il est considéré comme utile au régime, car il gère des propriétés; bientôt, il est accusé de rendre des services à d'autres diocèses et il doit remettre tous les titres de propriété qu'il détient. Il essaie de faire sortir des fonds; Il faut employer des voies détournées et les autorités financières de la Société ne sont pas toujours d'accord sur ses façons de procéder. Il apparaît brouillon...
Le père Cambon quitte Shangaï au début de 1952 et la Procure elle-même est saisie la même année. Louis réside alors dans une maison voisine, fait un peu de ministère chez des religieuses. Mais tout en restant libre, il subit beaucoup de tracasseries de la part de la police des Affaires étrangères. Il reste très près du clergé chinois, tant le cardinal Kiong Ping Mei que Mgr Jin Lu Xian se souviendront de lui des années après. Ce dernier l'accueillera à Shangaï avec beaucoup d'égards lors d'une visite au début des années 1990. Il est finalement expulsé en mai 1955.
À son passage à Hongkong, il lui est signifié que ses services ne sont plus requis par les Procures et qu'on lui donnera une nouvelle destination. Il ne s'attendait guère à cela. C'est assez secoué qu'il rentre en France pour un congé car il avait pleinement accepté cette manière de servir la Mission... Après un passage à vide, à nouveau, il sait encaisser et ses années sous le régime communiste lui ont donné de l'assise. Quarante ans plus tard, il dira avec sérénité : "on m'a alors largué des Procures !" Le Seigneur lui réservait une nouvelle vigne de qualité. En attendant, il partage avec enthousiasme son expérience de Chine.
Mgr M. Olçomendy, dont le grand diocèse a été divisé en 1955, cherche à activer les mouvements d'Action Catholique. A côté de la Légion de Marie, de la Société de Saint Vincent de Paul, et des groupes de jeunes commencés avant guerre, il pense plus spécialement à la J.O.C., J.E.C., A.C.O. Il cherche un aumônier compétent et enthousiaste. Le père Amiotte est un inconditionnel des jeunes. Qui fait les premières approches : les supérieurs de Société ou l'archevêque lui-même ? Toujours est-il que lors d'un passage à Rome en mars 1956, il se déclarait "directeur des Œuvres" à Singapore. Cela nous laissait admiratifs car alors, dans le contexte français, les directeurs des œuvres étaient des grands bonshommes, mais dans le contexte de Singapore, à quoi cela correspondait-il ?
Dès son arrivée, en mai 1956, il s'installe à l'évêché et il fonce. Il y a des éclaboussures. Le père H. Berthold avait commencé une ou deux sections de J.O.C. à Saint Pierre et Paul. Le nouveau directeur visite les paroisses et les associations de jeunes, y choisissant des militants pour lancer ses nouveaux groupes. Pas très diplomatique! Mais les mouvements arrivent à naître et s'articulent, englobant la Croisade Eucharistique et les Joyful Vanguards (Ames Vaillantes) fondés à Hongkong. Il ne chôme pas : réunions nombreuses et éparpillées, empiétant sur le terrain et les habitudes des paroisses. Il se tient en liaison avec les confrères de Malaisie engagés dans la même ligne : P. Ducrocq, L. Diffon, A. Julien. A plusieurs reprises, jeunes et aumôniers des divers diocèses se retrouvent et préparent des campagnes d'action communes. Cela marche, avec des crises de croissance. Plusieurs fois, il envoie des lettres de démission à l'archevêque. Mais celui-ci, tenant à son projet, l'encourage et prêche la patience. En août 1960, ayant passé la responsabilité de la J.O.C. à un prêtre du clergé local, il devient vicaire du père P. Munier à la grosse paroisse de la Sainte-Famille, tout en continuant d'animer d'autres mouvements. Sans le savoir, il se prépare à ce qui sera sa ligne de force : curé de paroisse.
Dès 1957, le père Munier, bien que nouveau dans l'île de Singapore, a pris à cœur le projet, déjà ébauché : bâtir une nouvelle église dans le quartier de Siglap, à 3/4 km de la Sainte- Famille. Terrain à acheter, fonds à collecter, une communauté à motiver ... tout est terminé en octobre 1961. Le bâtisseur déclare à Mgr Olçomendy, qui lui en laisse le choix, qu'il préfère rester dans la paroisse qu'il connaît. Il apprécie les qualités de fonceur de son vicaire et le voit volontiers comme premier pasteur de Notre-Dame du Perpétuel Secours, dans le quartier en pleine croissance.
Le père Amiotte est à ses pièces. Le procureur devient homme de terrain et il restera tout au long des années. En un tour de main, il visite ses paroissiens, lance des organisations paroissiales, des groupes de prière et n'oublie pas de bâtir, dès 1963, un vrai presbytère. Un vicaire, puis deux vicaires, des séminaristes, car le zèle du pasteur est contagieux ; c'est la période du Concile et de l'après-Concile. Oh, ici et là, il y a bien des bavures et des éclaboussures, mais l'enthousiasme aide. Le curé sait être diplomate, tout en ne déviant pas de sa ligne.
Un certain équilibre sur le terrain parfois glissant, et nombre d'initiatives originales, depuis la présence de trois chèvres dans le sanctuaire de l'église une nuit de Noêl, jusqu'au groupe de chanteuses et danseuses, les "Mary Maids". Cela se rapproche assez souvent des patronages
d'antan plus que de l'action catholique, mais ça rassemble et ça remue, avec les deux groupes prioritaires : la ligue des femmes chrétiennes et les jeunes adultes. Les pauvres sont partie prenante de l'ensemble : en plus de la Conférence de Saint Vincent de Paul, il lance les "Amis de Mère Thérèse". Il loue un magasin dans un quartier pauvre où les enfants peuvent étudier et trouver de l'aide pour l'anglais, le chinois et les mathématiques. Pendant un bon nombre d'années, il y en aura plus d'une centaine.
Lorsqu'il quitte la paroisse, en février 1973, il y a trente-deux organisations et une vingtaine de bannières que l'on sort pour les grandes occasions. C'est alors une communauté de plus de 5000 catholiques, qui fait des plans pour un nouvel ensemble paroissial. Le curé part en congé, bien équipé avec des films et des diapositives, car le pays de Besançon, a besoin d'entendre parler de l'Asie, de Singapour et de notre-Dame du Perpétuel Secours.... A l'aéroport, c'est le départ d'un grand homme, avec chorale, musique, discours, guirlandes. Le père Amiotte est à l'aise et souriant ... et passe à son successeur le nom et l'adresse du nouveau "warden" qu'il vient de nommer en route vers l'avion ! Curé jusqu'au bout et même au-delà ... Il a passé près de douze ans à Siglap.
Dix mois de congé, bien utilisés à sillonner la France, avec des pointes vers Londres et Rome, et il est de retour en janvier 1974. C'est à Serangoon Gardens – quartier paisible, maisons individuelles, jardinets et poissons rouges ... - que l'envoie l'archevêque. Il est curé de Saint François Xavier, église bâtie en 1959. L'ensemble lui semble par trop calme. Il va réveiller ses paroissiens : visites intempestives, auxquelles ils n'étaient pas habitués, invitations appuyées et répétées à devenir membres des associations paroissiales, démarrage de la ligue des femmes chrétiennes et des jeunes adultes. Volontiers les fidèles de Notre-Dame du Perpétuel Secours viennent prêter main forte. Certains le trouvent bien remuant, mais la plupart apprécient un changement d'air, même lorsqu'il faut couper tous les arbres bordant l'église. Dans le fond, il souhaiterait une communauté plus vivante, mais il accepte d'animer et d'entraîner. Il sert aussi dans des associations quasi-officielles qui prennent en charge les tuberculeux et les drogués. Huit ans passent vite, son énergie ne se dément pas. Un nouveau congé, et c'et alors la traversée du désert.
Nous avons depuis 1977 un nouvel archevêque : Mgr Grégoire Yong. Et c'est lui qui affecte le père Amiotte comme vicaire dans la vieille paroisse de Saint Joseph de Bukit Timah – la colline de l'étain – espérant qu'il va y apporter la vie. Le curé, Chinois Cantonnais de Singapour, est un brave homme qui aime la vie sans histoire et se borne à maintenir ce qui existe déjà. Aussi le vicaire se trouve-t-il en roue libre. La communauté n'est pas facile, avec un groupe qui tend à contrôler toute activité et suscite des oppositions. La grande affaire, c'est le traditionnel pèlerinage en l'honneur de Saint Joseph le 1er mai, avec la kermesse paroissiale... Pour le reste, ça va son train-train.
L'ami Louis n'est plus à ses pièces. Il ne peut guère – bien qu'il s'y essaie – avoir l'appui des groupes paroissiaux dont il a besoin : dames chrétiennes, jeunes adultes ... Il survit et se sent soutenu par les Frères de Saint Gabriel et les Dames de Saint Maur, qui apprécient les services rendus dans leurs écoles. Mais il ronge son frein ... Tout en coexistant paisiblement avec son curé, il réussit le tour de force de bâtir un jardin d'enfants, qui dès le départ, avait été déclaré "pas nécessaire". Il trouve les fonds voulus, plus d'élèves qu'il ne peut en prendre, et donne des comptes au centime près, à la façon de l'ancien procureur qu'il avait été; Quatre ans à Bukit Timah et il y laisse bien sa marque. Lui qui n'était jamais pressé de prendre son congé, part pour la Franche-Comté dès mars 1986, se donnant bien du temps, jusqu'à fin octobre;
De retour à Singapore, il est nommé curé de ce qui est encore une petite paroisse du nord de l'île, Notre Dame Etoile de la Mer, où le 1er janvier 1987, il prend la succession du père A. Fortier qui se retire sur place. L'archevêque a nommé le prêtre qu'il faut. Une nouvelle ville, Yishun, commence à se développer. L'église en préfabriqué, bâtie au début des années 1950 sur un terrain concédé pour un temps par la base navale, va être démolie pour faire place à un nouveau quartier. Il faut donc obtenir un autre terrain, si possible au cœur de la nouvelle agglomération et bâtir grand et pratique car on peut prévoir une communauté de 5 à 6000 catholiques dans cet ensemble qui comptera autour de 200.000 habitants.
"En avant, toute" ! Inspiré par le nom de l'église – Etoile de la Mer – le père Amiotte a la barre bien en main et dès 1989, tout en étant le pasteur de la communauté d'origine, il jette les bases du futur. Sans faire de vagues, il suscite et rassemble de nombreuses bonnes volontés, collecte les fonds nécessaires et ouvre, dès que possible, un centre où les enfants dont les parents travaillent trouvent accueil et aide pour leurs devoirs. Il nous invite, en mai 1992, pour la bénédiction du bateau-église, oui, un bâtiment en forme de jonque à la coque bien dessinée, des fenêtres en forme de hublots et un tabernacle au centre d'une roue de gouvernail. C'est à l'atelier de Maurice Le Coutour qu'il a fait sculpter les panneaux de l'autel et de la chaire, ainsi qu'un imposant chandelier pour le cierge pascal, le tout en style balinais.
Pour scander les célébrations, il y a un gong de Java aux sonorités profondes. Avec quelques trente cinq bannières représentant les organisations paroissiales et de nombreux groupes de quartier, le bâtisseur est certainement un capitaine courageux qui n'hésite pas à lancer le navire. Le père Amiotte a dépassé l'âge de la retraite, puisqu'il a alors soixante-quinze ans ... Mais il faut prévoir les célébrations de ses cinquante ans de Sacerdoce, en 1993. Puis de ses quatre-vingts ans en 1997. Ce n'est pas encore le moment de descendre à terre. Au contraire, vogue au grand large. Et la communauté, qui ne cesse de croître, se sent connue et appréciée par le curé et ses deux vicaires qui se donnent à plein.
On retrouve là toutes les organisations chères à l'ami Louis, mais aussi les débuts de ce que le diocèse met en place pour répondre aux vœux de la F.A.B.C. (Fédération des conférences Episcopales d'Asie) : une nouvelle manière d'être Eglise. Au cours d'une session de formation, plusieurs jeunes prêtres admirent l'enthousiasme du curé de Yishun.
Très attaché à sa famille et à son diocèse d'origine, il célèbre son Jubilé avec cinq mois de congé en France, un de ses vicaires ayant pris temporairement la responsabilité de la paroisse. De retour, il affermit la communauté qu'il sait rassembler et animer – et quelquefois déranger dans ses habitudes.
Le père Fortier, qui a passé quatre-vingts ans, est en résidence dans le nouvel ensemble. Après avoir appréhendé ce changement et un nouveau mode de vie dans un grand ensemble, lui qui bichonnait son jardin, il se trouve vite à l'aise et est le conseiller le confesseur apprécié de beaucoup; Les années passent. Les grands ensembles se multiplient ; bientôt il y aura Sembawang New Town. Mais le père Amiotte a passé quatre-vingts. Il part en congé, disant clairement à l'archevêque qu'il a fini son temps de curé. Bien sûr, il reviendra servir l'Eglise de Singapore dans la mesure de ses forces;
Cinq mois en France se terminent pas une intervention chirurgicale, apparemment sans histoire. Il retarde simplement son retour de deux semaines, pour se reposer en famille. Le 17 octobre au matin, ne le voyant pas venir à l'heure du petit déjeuner, sa sœur, inquiète, va dans sa chambre et le trouve sans vie sur son lit, parti dans son sommeil, sans aucun signe de
souffrance. Il savoir garder le contact : après son décès, plusieurs personnes, y compris l'archevêque, reçoivent encore ses cartes et ses lettres, annonçant son retour imminent. Il ne reviendra pas à Singapore.
La triste nouvelole prend tout le monde par surprise. A Yishun, la foule déborde pour cette messe que je célèbre à 20 h, le jeudi 22. De nombreux anciens de la J.O.C., J.E.C., Joyful Vanguard y participent avec les paroissiens et amis. Vingt-cinq prêtres concélèbrent. Les lectures sont faites en chinois, tamoul et anglais, selon les indications qu'il avait données et l'on termine, à sa demande, par le Magnificat. A Vernierfontaine, les obsèques ont eu lieu le mardi 22, présidées par l'archevêque de Besançon, entouré de quarante-cinq prêtres. Y étaient présents les pères G. Arotçarena, C. Barreteau et J. Charbonnier qui donna l'homélie. Le père Amiotte, qui voulait être incinéré à Singapore, repose donc dans le caveau de famille de son village natal.
Qui peut penser avoir connu le père Amiotte ? Oh, il aime parler, il est sans cesse en mouvement, il donne des opinions, mais sentiments personnels, il prend soin dene pas les partager. "Pas de problème" répète-t-il ... et pourtant il a dû faire face à bon nombre de situations délicates que contribue à créer son caractère de fonceur. Il va de l'avant, sachant qu'il y a aura des éclaboussures et des bavures. Il en prend le risque, en souffre en silence e, des années après, un mot, une exclamation révèle un peu de lui-même. A Consolation, son enthousiasme missionnaire est tel que bientôt les séminaristes se destinant au diocèse deviennent minoritaires.
D'où problème ... A Singapour, le démarrage de la J.O.C., de la J.E.C., avec des éléments choisis dans des groupes d'apostolat déjà existants le fait ressentir comme un trouble-fête. D'où problème ... Et, plus tard, ses idées bien arrêtées sur la marche et l'organisation d'une paroisse ne sont pas toujours bien accueillies par les vicaires et les laïcs. D'où problème ...
Mais il garde la ligne qu'il s'est tracée, encaisse et va de l'avant. Il accepte les difficultés, les voient inévitables, laisse passer le grain et continue de plus belle. Ceux-là même qui le critiquent ne peuvent s'empêcher d'admirer son zèle. "Quel homme !" s'exclamait un de ses anciens collaborateurs durant une session de renouveau pour le clergé. Oui, quel homme, quel missionnaire, à près de quatre-vingts ans, bien présent à la vie des gens, du pays, de l'Eglise.
Dès qu'il le peut, il devient citoyen de Singapour. Il entretient de très bonnes relations avec les députés, pour la plupart non-catholiques, vivant dans le voisinage de l'église. Il les invite pour les manifestations de la paroisse et ils y assistent volontiers. Il visite les autres communautés chrétiennes, qui sont nombreuses. Il invite les pasteurs à donner des conférences aux groupes paroissiaux. L'oecuménisme est au programme et ses audaces font quelquefois grogner Mgr Olçomendy. Régulièrement, il va prendre le thé avec des moines boudhistes. Dialogue inter- religieux avant la lettre.
Il sait communiquer son enthousiasme et un bon nombre de vocations se manifestent dans ses paroisses, surtout à Notre Dame du Perpétuel Secours. Prêtres, religieux et religieuses disent volontiers combien il les a influencés. Et pourtant, il n'est pas facile d'être son vicaire, car il a des vues bien arrêtées sur la pastorale de sa paroisse. Comme il est curé, il est bien évident qu'il doit décider de tout. Quand on essaie de lui dire qu'il pourrait en être autrement, il apparaît étonné et proclame tout faire en équipe... Il est certain que c'est lui le chef d'équipe. Aussi ses années de vicariat à Bukit Timah lui sembleront bien longues et gaspillées.
Les laïcs, il les regroupe dans de multiples organisations, privilégiant les jeunes adultes et les mères de famille. Il cherche à les faire démarrer dans toutes les paroisses. Croisade Eucharistique, J.E.C., tout cela s'active. Mais certains s'"interrogent. Y a-t-il formations ou utilisation des laïcs pour des projets imposés d'autorité ? Il est certain que beaucoup d'activités rappellent les patronages. Mais les gens parlent avec admiration d'une paroisse super-active;
Ses liens avec l'église d'origine sont bien vivants. À Vernierfontaine, il y aura, pendant cinquante ans, un curé qui l'a accompagné depuis sa Première communion. Sa famille nombreuse y est bien présente. Il a du mal de se résigner à ce qu'il considère comme une "baisse de foi" dans sa famille comme dans son village. Pendant ses congés, il crée quelques vagues avec les prêtres des alentours, dont il n'apprécie pas les approches pastorales... Mais il est de Besançon. Dans son testament, on trouve une lettre d'adieux à l'archevêque et aux prêtres, disant combien il a reçu de l'église-mère. Ce message sera lu durant la cérémonie de ses obsèques;
Oui, Louis Amiotte-Suchet, difficile à accepter parfois, mais qui ne laisse pas indifférent. Plus compliqué qu'il ne l'admet, mais authentique et donné dans sa foi et dans son zèle. Prêtre parmi les hommes, à cent pour cent, qui a vécu plus d'une fois le mystère de la mort et de la résurrection. Avec son départ, nos rencontres ont perdu de leur dynamisme et de leur imprévu. En lui se réalisait à merveille le rattachement aux Missions Etrangères et à l'Eglise d'origine, dans la fidélité à l'église locale et aux charismes personnels. Cela tenait quelquefois du saut périlleux, mais le père Amiotte retombait toujours sur ses pieds Et le Seigneur l'a accueilli ... sans problème.