Xavier RUBAT DU MÉRAC1914 - 1993
- Status : Prêtre
- Identifier : 3736
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1946 - 1960 (Saigon)
- 1960 - 1975 (Dalat)
Biography
[3736] RUBAT DU MÉRAC Xavier, Amédée, naquit le 21 juillet 1914 (15 jours avant la déclaration de la 1ère guerre mondiale), à Vesoul, dans le diocèse de Besançon (Haute Saône). Baptisé le 2 août 1914 dans l'église paroissiale St Georges, il allait bientôt perdre son père, Émilien, directeur du Crédit Foncier, le 21 mars 1916. Sa mère, née Hélène de Saint Just d'Autingues, éleva ses trois enfants avec ses modestes appointements de secrétaire.
Xavier fit ses études primaires chez les Frères des Écoles Chrétiennes où il reçut la Confirmation le 3 mai 1925, avant d'entrer, en 1927, au Petit Séminaire St Colomban, à Luxeuil-les-Bains, puis au Grand Séminaire de Faverney, en 1932.
Le 2 août 1934, il demanda son admission aux Missions Étrangères, ayant obtenu l'autorisation de Mgr. le Cardinal Charles Joseph Henri Binet, archevêque de Besançon. Il entra au Séminaire de Bièvres le 13 septembre 1934. Tonsuré le 29 juin 1935, il dut partir pour le service militaire, au Maroc, à Casablanca, où il arriva le 30 octobre 1935. Il en revint le 1er juillet 1937, muni d'élogieuses attestations de ses chefs et du clergé local. Minoré en décembre 1938, il reçut le sous-diaconat le 29 juin 1939, des mains de Georges de Jonghe d'Ardoye, délégué apostolique en Iraq. Mais, au mois d'août 1939, la mobilisation générale l'appela à Belfort. Au cours de la drôle de guerre", il se débrouilla, à la faveur de "permissions" à Paris, pour recevoir, des mains de Mgr. Louis Le Hunsec, supérieur des Pères du St Esprit, rue Lhomond : le diaconat, le 14 janvier 1940 et la prêtrise le 14 avril 1940. Mais à peine eut-il le temps de célébrer sa première messe, le 15 avril qu'il fut fait prisonnier, le 18 juin, à Villersexel, puis conduit à Mulhouse, en juillet, et emmené en Allemagne.
En août 1940, il ira au Stalag II à Neubrandenburg, dans le Mecklembourg. En septembre, on le retrouvera au commando agricole B278 de Rizenov, puis, dans la région de Rostock, jusqu'en décembre 1943. Il était "chef de culture", mais ne pouvait célébrer la messe que le dimanche. Plus tard, il revint au camp central, au secrétariat de la Kommandantur, jusqu'en décembre 1944, époque où il fut reconnu comme aumônier du groupe. Au bout de 2 mois passés dans la menuiserie, à Schwan, et au commando de Putzov, il put faire la visite des groupes de prisonniers, le long de la voie ferrée, vers Rostock. Enfin, en avril 1945, la poussée russe lui permettra de franchir les lignes anglaises, le 1er mai 1945, et de regagner la France, par Cologne, Liège et Maubeuge.
Il était de retour à Paris le 14 mai 1945. Dès le mois de septembre 1945, le Père Xavier entreprit sa dernière année de théologie, à la rue du Bac, et reçut sa destination pour Saigon, le 29 juin 1946.
Le 1er octobre 1946, il s'embarqua à Marseille sur "l'André Lebon" et débarqua à Saigon à la mi-novembre. Un séjour de 3 mois à l'évêché lui fit prendre contact avec le milieu de la métropole cochinchinoise.
Au début de 1947, il alla au Cap St Jacques, rejoindre le Père Roger Thommeret, puis au bout de 6 mois, il fut envoyé seconder le Père Guillaume David, à Thu-Thiên, et même à l'île de Poulo Condor (1948). Par la suite, il prit en charge le poste de Thu-deu-mot, de 1948 à 1950; il y recevra le Père José Luiz Egana, fraîchement arrivé de France.
En février 1950, il alla remplacer le Père Émile Grelier à Djiring, à 80 km à l'ouest de Dalat, sur les Hauts Plateaux qui allaient devenir son champ d'apostolat.
Bientôt, il s'installera non loin de là, à Kala, auprès du Père Jacques Dournes, en mai 1951. De là, il rayonnera sur plusieurs villages de catéchumènes. Il veillera en particulier sur le village de lépreux de Klongtran. Il y fera d'abord 33 baptisés que Mgr. Jean Cassaigne viendra confirmer, à la fin de 1952. Pendant l'année 1953, il s'occupera surtout de Kala et de son école de brousse, sans négliger les autres villages.
Le 19 avril 1956, Xavier Rubat du Mérac prit un premier congé en France, au cours duquel il eut l'occasion de soutenir fraternellement la famille du Père François Darricau dont la mère venait de décéder.
Le 27 novembre 1956, il repartit pour Kala où il retrouva le Père Darricau avec qui il forma des aides-catéchistes, dans les 20 villages de son district. De plus, vu l'absence de tout médecin, le Père Rubat se mit à soigner les malades, avec l'aide des Soeurs de St Vincent de Paul; grâce à elles, il pu construire un beau dispensaire, à l'aplomb du "Mont du Génie". Il accueillera, en outre, dans son étroite maison de Kala, Mgr. Cassaigne, en passe de devenir lépreux, en attendant l'installation de l'illustre prélat de Kerlatap...
En 1959, une alerte de santé conduisit le Père Xavier à l'hôpital de Dalat pour quelques jours. En 1961, la création du diocèse de Dalat, pris en mains par Mgr. Nguyen Van Hiên, fut l'occasion pour le Père Rubat du Mérac d'un transfert momentané à Djiring où il remplaça le Père Henri Moriceau et s'intéressa aux travaux de traduction en Koho du Père Grelier.
Après un court séjour à Hongkong, le Père Xavier réintégra Kala où, avec le Père Henri Desplanques, il organisa des ouvroirs dans 6 villages.
Un congé en France, du 22 février au 23 juin 1964, ne rompra pas ses attaches à Kala, en compagnie du Père Moriceau, en 1965, pendant 6 mois. Cependant, en août 1966, le Père Rubat rejoignit les Pères Marius Boutary et Jean Kermarrec, en vue de la création du Centre Montagnard de Cam Ly, à la fois centre culturel et, trop souvent, refuge contre les incursions des Viêt-cong.
Son congé en France, du 15 août 1970 au 18 février 1971, lui permit de participer à une session sur le catéchuménat, organisée à Bièvres. À son retour au Viet Nam, il regagna Cam Ly jusqu'en mars 1975, époque où les forces nord-viêtnamiennes déferlèrent vers le sud, pour y imposer leur idéologie, dite de "libération"...
Alors que ses confrères accompagnaient l'exode confus de la population vers la ville de Nha Trang, le Père Rubat resta d'abord à Dalat, avant de descendre à Saigon. Son rapatriement aura lieu le 7 juin 1975, peu après la chute de Saigon, sans aucun découragement de sa part.
Au questionnaire qu'on lui présenta à la rue du Bac, dès le 14 juin, il répondit qu'il était prêt à opter pour l'Indonésie, comme plusieurs de ses confrères. Toutefois, son âge et son état de santé ne plaidaient guère en faveur de ce départ. Xavier le comprit, si bien qu'il accepta, en octobre 1975, l'offre transmise par le Père Georges Dozenics, supérieur de la Maison de Paris, d'aller aider le Père Roland Brossard, curé de la paroisse de Beaufort, dans le diocèse de St Claude (Jura). Il y restera jusqu'en août 1976, non sans avoir subi, de nouveau, une alerte de santé.
Le 10 août 1976, la forme étant revenue, le Père Rubat s'engagea comme prêtre auxiliaire "à l'essai" pour un an, au diocèse d'Agen, dans la paroisse de Ste Livrade (jadis dotée d'un camp de réfugiés vietnamiens). Il résida, non loin de là, à Temple-sur-Lot, où le curé, le Père Le Tonquesse, avait besoin d'aide. Il allait y rester 3 ans, à temps plein, à la satisfaction des fidèles de toutes sortes. À l'occasion, il faisait un saut dans sa famille, auprès de sa mère de 90 ans.
L'évêque du diocèse, Mgr. Sabin Saint-Gaudens, qui appréciait le travail pastoral de l'ancien missionnaire de Kala, lui proposa, en 1979, de rendre les mêmes services qu'à Ste Livrade à Astaffort ainsi qu'aux dessertes de Cuq et Cau de Coste. Il s'y installa en septembre 1979, avec la même disponibilité envers tous. Par ailleurs, il assistait volontiers aux réunions de la Diaspora MEP, notamment pour fêter la St Pierre et St Paul, le 29 juin 1982, avec le Père Jacques Dermigny et les Pères du secteur; ou encore en accompagnant le Père Pierre Jean Gauthier et un groupe de 53 chrétiens vietnamiens, en pèlerinage au "berceau" de St Vincent de Paul, dans les landes...
Le 10 septembre 1982, il participa à la réunion de la Diaspora, avec les Père J. Mouysset, JJ. Cornerais, P. Chastanet et A. Rannon, pour entendre un rapport du Père Darricau sur l'Indonésie. Une autre fois, il retourna à Ste Livrade pour participer, le 10 février 1983, à l'intronisation de l'ancienne statue de Notre Dame qui ornait, à Bel Air, l'oratoire des Lyonnais. Toujours aussi intrépide, on le retrouvera tantôt à Montauban, en avril 1983, avec le Père J. Jacq, pour les obsèques du Père Victor Caillon, tantôt à Bièvres, pour les retraites de juillet 1983, ce qui ne l'empêchait pas d'assurer son ministère à Astaffort.
Cependant, en automne 1991, il eut à subir une opération qui le contraignit à des soins vigilants. En septembre 1992, un traitement de radiothérapie le soulagea, mais le fatigua, au point de le décider à demander à ses supérieurs, le 23 octobre, d'obtenir de son évêque de lui nommer un successeur. À peine arrivé à Montbeton, le Père Xavier Rubat du Mérac s'y éteignit, le 5 janvier 1993.
À ses obsèques, le 7 janvier, le Père Darricau cita un passage du testament spirituel que le Père Xavier avait rédigé, le 21 juin 1988, sous forme de prière : "Donne-nous l'Esprit d'humilité, la discipline pastorale, une foi expressive, une espérance qui ne se dément jamais, une charité à toute épreuve, jusqu'à Ton retour et à Ta rencontre !"
Obituary
[3736] RUBAT du MÉRAC Xavier (1914-1993)
Notice nécrologique
Xavier RUBAT du MÉRAC (1914-1993)
RUBAT DU MÉRAC, Xavier, Amédée
Né le 21 juillet 1914 à Vesoul (Haute-Saône) au diocèse de Besançon, entré au séminaire des Missions Étrangères le 13 septembre 1934 ; ordonné prêtre le 14 avril 1940, reçoit sa destination pour Saigon (Indochine) le 29 juin 1946 – parti pour sa mission le 10 octobre 1946, rapatrié du Vietnam le 7 juin 1975 ; prend du service en France au diocèse d’Agen le 10 août 1976 ; décédé à Montbeton le 5 janvier 1993.
C’est le 21 juillet 1914, à quinze jours de la déclaration de guerre du 4 août que naquit le petit Xavier à Vesoul, où il fut baptisé deux jours plus tôt à l’église paroissiale Saint-Georges. Il ne connut guère son P. Émilian qui, directeur du Crédit Foncier, devait mourir le 21 mars 1916. Sa mère, née Hélène de Saint-Just d’Autingues, dut en ces circonstances difficiles, subvenir seule, grâce à ses appointements de secrétaire, aux besoins d’une famille de trois enfants. Il fit son école primaire chez les frères des Écoles chrétiennes, où il reçut la confirmation le 3 mai 1925, et entra en 1927 au petit séminaire de Saint-Colomban à Luxeuil-les-Bains, avant d’entamer sa philosophie à Faverney.
Pendant les grandes vacances de 1934, il est en colonie de vacances à Chénecey-Buillon quand, le 2 août, il écrit aux Missions Étrangères et y demande son admission. Cette démarche n’est pas imprévue, car il en a préparé les voies, obtenant successivement le contentement de Charles-Joseph-Henri cardinal Binet, archevêque de Besançon, de son supérieur et de son directeur les abbés Vourron et Zeller, et finalement celui de sa mère. Il explique : « L’origine de cette vocation est assez lointaine, et c’est au sortir de ma deuxième année de philosophie, au moment où les permissions sont le plus facilement accordées, qu’après les longues réflexions de mon séminaire, j’ai fixé mon choix sur votre société ». À vrai dire, le supérieur du séminaire avait été le plus difficile à convaincre : le manque de hardiesse du jeune Xavier le laissait un peu hésitant sur le bien-fondé de son désir des missions ; cependant, il indique dans la note d’août 1934 destinée à appuyer la requête de son élève, que finalement « le dévouement humble et soutenu dont il a fait preuve, lui enfant d’éducation soignée, en se livrant constamment pendant les promenades à des travaux des plus grossiers - principalement maçonnerie – me fait espérer que cette vocation est bien sérieuse ». Rien ne rebutait donc ce candidat qui, avec confiance dans l’avenir, ajoute dans sa lettre : « Malgré que ma demande soit bien tardive, j’espère qu’il sera encore assez tôt pour régler les derniers détails de mon entrée ». Il est accepté sur le champ, et rejoindra le séminaire de Bièvres pour la réouverture du 13 septembre.
Tonsuré le 29 juin 1935, son service militaire l’envoie au Maroc, où il débarque à Casablanca le 30 octobre ; il est libéré le 1er juillet 1937, et les lettres testimoniales de Rabat et d’Oran qui le suivent à Paris s’appuient sur d’élogieuses attestations du clergé local. Il rejoint le séminaire où, après avoir reçu le sous-diaconat le 29 juin 1939, des mains de Mgr Georges de Jonghe d’Ardoye, délégué apostolique en Iraq, la mobilisation vient le chercher en août pour partir à Belfort. La « drôle de guerre » des premiers mois n’empêche pas les ordinations qui se font de-ci, de-là ; quant à lui, il a eu, grâce à des permissions à Paris, l’occasion de recourir à l’amabilité de Mgr Louis Le Hunsec, supérieur des pères du Saint-Esprit, et d’être ordonné dans leur chapelle de la rue Lhomond, successivement diacre le 14 janvier 1940 et prêtre le 14 avril suivant ; il célèbre sa première messe solennelle à Paris même dès le lendemain, et à peine a-t-il le temps de se retourner qu’il est fait prisonnier le 18 juin à Villersexel, embarqué sur Mulhouse en juillet, puis emmené en captivité en Allemagne.
Là, il est envoyé d’abord au Stalag IIA, à Neubrandenburg, dans le Mecklembourg, en août 1940, puis au kommando agricole B278 de Rizenow en septembre, et enfin dans la région de Rostock où il travaillera dans diverses fermes isolées jusqu’en décembre 1943. Moins favorisé que d’autres prêtres, il ne peut célébrer la messe que le dimanche, ce qui est d’ailleurs pour lui un grand réconfort ainsi que pour ses camarades ; devenu chef de culture, il trouve cependant le temps de se retremper dans les livres, et il espère que son apprentissage de colon lui servira plus tard en mission. À son retour au camp central, il est logé à la baraque B22W et chargé du secrétariat de la Kommandatur, jusqu’en décembre 1944, époque où il est nommé aumônier de groupe. Comme tel, il passe deux mois dans une menuiserie à Schwan, puis au kommando de Putzow, d’où il fait la visite des groupes de prisonniers échelonnés le long de la voie ferrée qui mène à Rostock. En avril 1945, la poussée russe se faisant sentir sur l’Elbe, il recule au milieu des forces allemandes, passe les lignes anglaises le 1er mai et rejoint la France par Cologne, Liège et Maubeuge, pour arriver à Paris le14 mai 1945. En septembre, il entreprend sa dernière année de théologie à la rue du Bac, où il reçoit sa destination pour Saigon le 29 juin 1946.
Son départ de Marseille sur l’ »’André Lebon » a lieu le 15 octobre ; il débarque à la mi-novembre à Saigon, dont il fait connaissance pendant les trois mois qu’il séjourne à l’évêché, avant d’aller rejoindre le P. Roger Thommeret au cap Saint-Jacques. Au bout de neuf mois, on l’envoie seconder le P. Guillaume David à Thuthiem et à l’île de Poulo Condor, jusqu’à ce qu’il soit affecté vers la fin de 1948 à la paroisse de Thudaumot, à 30 km au nord-est de Saigon. À peine est-il installé qu’il a déjà gagné tous les cœurs ; il reçoit chez lui le P. Jose-Luiz Égana qui, arrivé de France et affecté à la mission de Saigon, commence l’apprentissage de la langue. En février 1950, il va remplacer le P. Émile Grelier à Djiring, à 80 km à l’ouest de Dalat ; ce n’est pas sans un serrement de cœur qu’il a abandonné sa première paroisse, dont une centaine de fidèles ont tenu à venir jusqu’au terrain d’aviation de Saigon pour lui faire leurs adieux.
Il se trouve maintenant sur les Hauts Plateaux, chez les Montagnards, mais en mai 1951 déjà il descend sept kilomètres plus au sud, à Kalà, habitant avec le P. Jacques Dournes, mais chargé d’autres ouailles : ainsi l’ont voulu les nécessités apostoliques. De Kalà, en effet, il pourra plus facilement rayonner dans plusieurs villages où résident des catéchumènes. 1952 le trouve s’activant dans la localité et plus particulièrement à la léproserie de Klongtran où, en plus de ceux conférés in articulo mortis, il a eu la joie de compter 33 baptêmes d’adultes, que Mgr Jean Cassaigne viendra confirmer vers la fin de l’année. Homme au caractère réfléchi, qui ne se laisse pas emporter par le premier courant venu, il sait, avant de se lancer un projet, prendre le temps d’écouter ce qu’en disent les autres ; c’est ainsi que l’année suivante, il se concentrera surtout sur Kalà même, s’occupant de son école de brousse et battant la campagne pour y amener un maximum d’enfants des environs, et cela seul ne le laisse pas chômeur !
C’est là que vient le chercher l’heure de son premier congé de retour en France, en 1956. Il y arrive le 19 avril, et s’y refait la santé qu’il avait un peu compromise. Pendant ce repos, il sera en quelque sorte un peu le soutien de la famille du P. François Darricau, dont la mère vient à décéder. Il repart pour sa mission le 27 novembre : toujours à Kalà, dont il est heureux de retrouver le site grandiose et la joie bruyante que lui manifestent les petits montagnards. Avec le P. Darricau justement, il s’efforce de former des aides-catéchistes, et visite régulièrement la vingtaine de villages autour du centre, avec chacun une quinzaine de catéchumènes, surtout des jeunes. Quand Mgr Cassaigne, devenu lépreux, vint se réfugier chez lui, il fallut lui donner un coin où dormir, et il divisa en deux, par un rideau, la salle à manger, en attendant qu’il eut sa petite maison de Kerlatap. Sans arrêt, il soigne les malades dans le petit dispensaire près de son bureau, ou bien dans la campagne où souvent on le réclame, car il n’y avait pas de médecin dans la région, ni de route. Ce qui ne l’empêche pas, avec le précieux concours des sœurs de Saint Vincent-de-Paul et de leurs nombreux bienfaiteurs, de procéder à l’ouverture de magnifiques locaux dans un endroit idéal, au pied d’une majestueuse montagne qui domine la région et que l’on appelle le Mont du Génie.
En 1959, sa vie est perturbée momentanément par un séjour à l’hôpital de Dalat, mais ce ne sera qu’une maladie sans gravité : au bout de quelques jours, il pourra rentrer chez lui et retrouver ses habitudes. Tandis que deux ans plus tard, c’est à un changement beaucoup plus important qu’il devra faire face. En effet, le diocèse de Dalat a été formé, avec Mgr Nguyen van Hien comme pasteur : cela entraîne naturellement des redistributions de postes, surtout en tenant compte des départs en congé des confrères. Toujours est-il que voilà le P. Rubat transféré à Djiring où il s’agit de remplacer le P. Jean Moriceau ; après quoi il s’en va pour de brèves vacances à Hongkong, d’où il revient s’intéresser aux travaux de traduction du P. Grelier en koho, avant de regagner Kalà où, avec le P. Henri Desplanque, il s’occupe de l’installation d’ouvroirs dans cinq ou six villages. C’est alors qu’il regagne la France du 28 février au 23 juin 1964, et retrouve Kalà qui n’a pas changé, sauf que, pendant six mois de 1965, il y partagera la vie du P. Moriceau.
En août 1966, il s’établit au centre montagnard de Camly, avec les PP. Marius Boutary et Jean Kermarrec ; un coin de terre qui garde son calme alors que partout ailleurs la présence vietcong se manifeste d’une façon dont, certes tout le monde se passerait bien. Mais alors que déjà, les premiers troubles s’y font sentir, et que les lieux jusque là privilégiés deviennent de moins en moins sûrs, il rentre en France le 15 août 1970, pour un congé au cours duquel il prend part à la session sur le catéchuménat organisée à Bièvres. Reparti le 18 février 1971, il livre toutes chaudes à ses confrères de Saigon ses impressions sur une émission télévisée qui vient d’avoir lieu dans la mère patrie sur l’Église au Vietnam. Et il remonte à Dalat, et de là à Camly, où il retrouve ses compagnons de travail. L’existence n’y est pas trop difficile, jusqu’en mars 1975, quand les forces du nord commencent à déferler, jetant la plus grande confusion dans les rangs des troupes adverses ; les populations essaient de fuir le plus possible, et quand aux pères, par petits groupes ils atteignent Nhatrang ; le P. Rubat reste d’abord à Dalat, puis dans le courant de mai, assez fatigué, il arrive à Saigon. Il sera rapatrié dès le 7 juin, étant parmi les premiers à rentrer du Vietnam après la chute de Saigon.
Une vingtaine de jours après être rentré en France, il répond au petit questionnaire qui lui a été remis le 14 juin à Paris : « 1°) Parmi les propositions qui nous ont été faites, je choisirais volontiers celle sur l’Indonésie 2°) Pour la préparation j’utiliserai la documentation qui nous est offerte, les renseignements donnés par les confrères qui pourraient en avoir, et l’achat de livres sur la langue du pays ; 3°) Je souhaiterais volontiers me retrouver avec des confrères du Vietnam ou du Cambodge pour une session à Bièvres ». Mais il fait désormais partie de la cohorte du troisième âge, et son état de santé, qu’il présentait comme « asez fatigué », l’est plutôt plus que moins ! Ses confrères s’en rendent comptent et le P. Georges Dozance, supérieur de la maison de Paris, lui fait une proposition qu’il accepte oralement le 30 juin, au moins en principe. Et il va se reposer quelque peu en famille. Entre-temps, l’occasion qui avait suscité l’offre du P. Dozance ne se matérialise pas, mais une autre chance survient : le P. Roland Brossard, curé dans le Jura, est prêt à le recevoir chez lui pour une période de quelques mois. C’est ainsi que Xavier commencera d’accepter l’idée de ne plus repartir en mission : au diocèse de Saint-Claude, la paroisse de Beaufort l’accueillera dès octobre, lui livrant les beautés du Jura, dont il profitera jusqu’en août 1976. En profiter, peut-être pas à plein, puisqu’il doit faire un peu d’hôpital avant d’être à point pour d’autres services.
Mais le 10 août, le médecin lui ayant donné le feu vert, le P. Rubat du Mérac s’engage comme prêtre auxiliaire, à l’essai pour un an, au diocèse d’Agen, dans la paroisse de Sainte-Livrade, au Temple-sur-Lot, où le curé, le P. le Tonquesse, a besoin de quelqu’un pour l’aider. Et il s’y trouve si bien, et on ne l’y trouve pas si mal, qu’il y reste trois ans. Après cinq mois passés à tenter de se réinsérer dans un ministère en France, déjà il proclame son assurance d’avoir joué la bonne carte : « Il me semble avoir trouvé un travail assez intéressant, comportant suffisamment d’occupations pour me rendre utile ». Et il énumère en quoi consistent ses prestations : « Confessions le samedi, prédication tous les quinze jours aux quatre messes, quatre heures de catéchisme le mercredi, aumônerie de l’hospice Saint-Martin – 60 personnes environ -, visites et communions des malades en ville et à la campagne environnante, réunions du groupe « Vie montante », préparation des baptêmes, quelques enterrements et mariages, recherche des handicapés et isolés, ainsi que tout autre petit service ». Quant à l’existence avec le curé, elle lui paraît positive et ne pas lui procurer de souci outre mesure : « Malgré les difficultés inhérentes à cette vie commune, je puis dire que jusqu’à présent nous nous entendons assez bien pour ce début ». Il parle ensuite d’un mariage qu’il est appelé à célébrer dans sa famille, dans les Ardennes, et de sa vieille mère qui vient de fêter ses 90 ans, et il conclut « Heureux de travailler dans un diocèse pauvre et une région de travailleurs migrants, je n’en resterais pas moins disponible, s’il en était besoin, pour un départ en mission, afin de garder l’esprit des Missions Étrangères de Paris ».
Ainsi donc, la santé ne lui cause plus de gros problèmes, et il est somme toute satisfait d’avoir pu se recaser sans trop de difficultés. Cela va tellement bien que Mgr Sabin Saint-Gaudens, qui l’a accueilli dans son diocèse, pense à lui un beau jour de 1979 pour un autre lieu : Astaffort, comprenant les deux paroisses de Cuq et de Caudecoste. Il y serait dans les mêmes conditions qu’à Sainte-Livrade, n’ayant pas la responsabilité pastorale de ce secteur, mais pouvant s’y assurer une aide considérable. Après le temps de réflexion que lui laisse l’évêque – ne l’a-t-on pas connu toujours comme ne s’emballant pas facilement ? – le P. Xavier accepte. Et le voilà, en septembre, qui fait la connaissance de son nouveau chantier, d’un nouveau genre de vie, avec de nouvelles habitudes à prendre et de nouvelles brebis à paître. Il s’y met avec son petit air de ne pas y toucher, et il a rapidement pris le pli de son habitacle et creusé son nid, trouvant une place pour chaque chose, notamment pour les magnétophones, disques, cassettes, livres et souvenirs que lui ont remis ses paroissiens et amis de Sainte-Livrade quand il les quitta.
Non pas qu’il les oublie ; c’est chez eux qu’il a repris goût à la vie. Il y retourne volontiers, notamment quand, le 29 juin 1982, il y fête dignement la Saint-Pierre en compagnie du P. Jacques Dermigny et de tous les pères du secteur, et accompagne, avec le P. Pierre-Jean Gauthier, un groupe de 53 chrétiens vietnamiens en pèlerinage au « berceau de Saint-Vincent de Paul » dans les Landes. Entre-temps, le 10 septembre, il participe à la réunion Mep de la diaspora, avec les PP. Jean Moysset, Jean-Jacques Cormerais, Pierre Chastanet, et André Rannou, et y entendra une causerie sur l’Indonésie par le P. Darricau, son compagnon du Vietnam. Il se retrouve encore à Sainte-Livrade quand le 10 février 1983 y est organisée une petite fête dont les Missions Etrangères se rappelleront longtemps. Il s’agissait de bénir la statue de Notre-Dame qui autrefois trônait à l’oratoire des Lyonnaiis à Bel-Air. Il y avait là entre autres les PP. Pierre Bouchut, Jean-Marie Beaudement, Jean Ahadoberry et Jean Faugère, autour de l’évêque en personne ! un repas vietnamien fut servi par les habitants du Centre d’accueil, dans une ambiance chaleureuse que relevaient les chants français, vietnamiens et occitans. Vraiment, il n’y a plus à reconnaître le père malade qui tentait, à Beaufort, de regagner ses forces perdues ! Au mois d’avril, il assiste à Montbeton, avec le P. Joseph Jacq, aux obsèques du P. Victor Caillon. Au mois de juillet, il participe à la retraite de Bièvres. C’est une véritable renaissance. Il est même membre du Conseil presbytéral, et dans le presbytère d’Astaffort, d’où il rayonne sur ses deux dessertes, il est particulièrement heureux de la présence de ses deux collègues – un français et un hollandais – avec lesquels il peut, chaque jour, prier Laudes, Vêpres et Complies.
Tout va bien jusqu’à l’automne 1991, époque à laquelle il doit subir une opération qui entraîne pour la suite une vigilance quasi constante, des soins assidus, et exige un qui-vive permanent. Il tient le coup pendant un an encore, mais en septembre 1992 il suit une radiothérapie qui le soulage certainement, mais l’a fatigué considérablement, de sorte qu’il ne se sent plus capable de poursuivre les visites des familles et les travaux en équipe. Il en tire les conséquences et en fait part tout simplement aux supérieurs de Société, dans une lettre du 23 octobre, les priant d’intervenir auprès de l’évêque pour qu’il songe à lui donner un successeur. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il fait cette démarche : « Bien habitué à ce travail pastoral dans ce coin du Lot-et-Garonne, il m’est dur de quitter », écrit-il, mais quant à lui, si cela s’arrangeait, il penserait « prendre sa retraite, à Montbeton de préférence », qui n’est, après tout, pas si loin d’Agen, et proche surtout des facilités médicales de Montauban. C’est chose conclue sept semaines plus tard. Mgr Saint-Gaudens va un dimanche de novembre célébrer la messe d’adieu à laquelle se sont associés la grande foule et les autorités du lieu, qui expriment avec beaucoup de délicatesse et de justesse ce que le secteur devait au ministère de celui qui les quitte, lequel se montre très ému ; on le savait bien discret, effacé même, mais c’est en de semblables circonstances q’on se rend compte de l’attachement de tous.
Il avait donné tout ce qu’il pouvait, jusqu’à la dernière limite : à peine arrivé à Montbeton, il s’y éteignait le 5 janvier 1993. Sa maman atteignait ses 106 ans le lendemain.
A l’homélie des funérailles, qui furent célébrées le 7 janvier, le P. Darricau, qui l’avait bien connu au Vietnam – ils avaient même travaillé ensemble un moment -, rappela le souvenir de celui qui venait de partir « sans faire de bruit, comme il a vécu ». Traçant à grands traits sa vie toute cachée, sans esbroufe, il cita son testament spirituel, qu’il avait écrit le 21 juin 1988, et qui est une première. Après avoir attiré la bénédiction du ciel sur les siens, il poursuit en énumérant « les évêques, les prêtres, les chrétiens vietnamiens, tous ceux qui tremblent, qui ont peur, qui ont faim, qui ont soif, qui manquent d’amitié, qui attendent un secours, une aide, un sourire, un dialogue ». Et invoquant le Seigneur de nous combler de sa bienveillance, de sa bonté, de sa charité, il termine par ce qui aurait pu être un autoportrait, une miniature, de ce qu’il considérait comme un idéal sur terre : « Donne surtout l’esprit d’humilité, l’énergie, la volonté, la discipline pastorale, intellectuelle, corporelle, une foi forte, expressive, une espérance qui ne se dément jamais, une charité indéfectible, à toute épreuve, jusqu’à ton retour et à ta rencontre »..
References
[3736] RUBAT du MÉRAC Xavier (1914-1993)
Références bio-bibliographiques
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