Georges ABALLAIN1932 - 2015
- Status : Prêtre
- Identifier : 4049
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Identity
Birth
Death
Biography
[4049] ABALLAIN Georges est né le 22 novembre 1932 à Saint-Renan (Finistère).
Ordonné prêtre aux MEP le 29 juin 1957, il part le 1er octobre 1957 pour Thakhek (Laos). Il étudie le laotien à Don-dôn puis il est envoyé à Thangam (1958). Il est ensuite chargé successivement des postes de Dondôn (1960-1964), Savannakhet (1965-1966), Thakhek (1967-1972), Dong-makba (1973), Savannakhet et Nadeng (1974).
Expulsé du Laos en 1975, il part l’année suivante pour le diocèse d’Atambua, en Indonésie, mais son visa est refusé. Il se rend alors à Hiva-Oa, aux Iles Marquises (1978-1981).
Après un court séjour au Brésil, il rejoint la mission d’Ubon (Thaïlande). Il est alors nommé curé de Sesong, (1982-1988), Khemmarat(1988-1999), Bandong(1999-2003), avant de revenir àUbon.
Début 2007, il reçoit une nouvelle affectation pour l’île Rodrigues.
En septembre 2012 il rentre en France et se retire à Lauris. Il meurt le 27 janvier 2015 à Montbeton. Il est inhumé dans le cimetière des MEP.
Obituary
2015
Georges ABALLAIN
1932-2015
Georges Louis Marie Aballain naquit le 22 novembre 1932 à Saint-Renan (29290 Finistère, diocèse de Quimper et de Léon, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Brest) et il y fut baptisé le lendemain.
Ses parents, Paul Aballain, officier de l’infanterie coloniale, et Marie Iliou, s’étaient mariés en 1931 à Saint-Renan. Ils eurent six enfants, quatre fils et deux filles. Georges était leur premier-né. Un frère de Madame Aballain était prêtre dans le diocèse de Quimper.
La famille de Monsieur Aballain le suit d'abord en Indochine, à Saïgon et au Cap Saint Jacques. Georges y passe les premières années de sa vie, élevé par une nounou vietnamienne pour laquelle il gardera toujours une grande affection et qui lui donnera le goût de l'Asie. La famille revient en France pour quelques années et le jeune Georges fait ses études primaires à Saint-Maixent-l’Ecole (1937-39), à Saint-Renan (1939-41), puis c'est un nouveau départ, pour l'Afrique cette fois, à Saint-Louis du Sénégal, ville dans laquelle il est confirmé le 17 mai 1942 et où il commence ses études secondaires (1942-43). Il les poursuit à Casablanca (1943-45), au Maroc et, de retour en France, il les achève dans le Finistère au collège Saint-François de Lesneven (1945-50). Il y obtient le baccalauréat en juin 1950.
En juillet 1950, le jeune homme demande à entrer aux Missions Étrangères et il est admis au Séminaire de Bièvres, où il entre en septembre. Il y étudie la philosophie et la théologie pendant deux années, puis il poursuit sa formation au Séminaire de la rue du Bac, à partir de la rentrée de 1952. Elle est interrompue par son service militaire, qu’il effectue de novembre 1953 à mars 1955, dans un régiment de parachutistes stationné à Pau, dont trois mois en Afrique du Nord. Il est rappelé en septembre 1955 et doit servir quatre mois supplémentaires à Pontoise.
Georges Aballain est décrit par ses formateurs comme un bon séminariste, intelligent, pieux, régulier, discipliné, sportif, un peu taciturne (à l’époque) et qui semble parfois distrait. Tonsuré le 1er juin 1952, il est institué lecteur le 6 décembre 1952, puis acolyte le 29 juin 1956 et sous-diacre le 22 septembre 1956. Il est ordonné diacre le 2 février 1957 et prêtre le 29 juin 1957. Il approche alors de ses 25 ans.
Le 15 juin 1957 il est destiné au vicariat apostolique de Thakhek, au Laos, et il part en mission le 22 septembre 1957, dans la perspective de s’y implanter pour toujours, mais il ne pourra y séjourner que 18 années.
De novembre 1957 à mai 58, il étudie la langue laotienne à Don Don, puis il reçoit une première responsabilité pastorale. De mai 1958 à novembre 1959, il est vicaire puis curé de Tha Ngam. Pendant six mois il étudie la langue thaïe à Sriracha (Thaïlande). La littérature catholique en langue lao se limitait à un catéchisme, tandis que des ouvrages religieux existaient en thaï, langue voisine du lao.
Le P. Aballain retourne à Don Don, dont il est curé de mai 1960 à novembre 1964. Il collabore avec le P. Thomas Khampan et un professeur de lycée, M. Tip, à une traduction en langage parlé des quatre évangiles, qui est encore utilisée. Si l’île de Don Don abritait un gros village catholique, en revanche les villages de la région étaient tous bouddhistes. Le P. Aballain les visitait. Il savait entrer en relation avec les gens. Certains devinrent chrétiens grâce à son ministère. Fils d’officier, il fréquentait aussi avec aisance les gradés de l’armée laotienne et française, et les petits fonctionnaires locaux, avec lesquels il jouait parfois au tennis.
Fin 1964, il est nommé économe de la mission de Savannakhek, poste qu’il occupe jusqu’en mai 1966. Il rentre en France pour son premier congé, qu’il prolonge par des études de catéchétique.
À son retour au Laos en septembre 1967, il est nommé curé de Thakhek. Cinq ans plus tard, après un bref passage à Dong Mak Ba, où il travaille de juillet 1972 à avril 1973, il rentre en France pour son deuxième congé, de mai à novembre 73. Après un semestre à Savannakhet, il devient en juillet 1974 curé de Nadëng. Mais début 1975 les événements se précipitent. Le Pathet Lao communiste prend le pouvoir par la force. Le P. Aballain est blessé par balles, il est opéré par un médecin militaire français à Séno et il est rapatrié en France en mai 1975. Il se remet bien de ses blessures après quelques soins reçus à l’hôpital de Brest. Il a la douleur de perdre son père peu après être arrivé en Bretagne.
Dès septembre 1975 le P. Aballain comprend qu’il ne pourra pas retourner durablement au Laos. Il est alors dans sa 43ème année et il envisage de repartir en mission, en Indonésie, à Sumatra ou à Timor, ou peut-être à Madagascar, ou si possible en Thaïlande pour s’occuper des Laotiens réfugiés. En attendant, c’est à Paris qu’il participe quelque temps à l’accueil de Laotiens qui ont fui le nouveau régime.
En octobre 1976, il repart pour l’Asie, en passant par la Thaïlande, cette fois pour l’Indonésie, à Atambua, où le P. Roger Bianchetti (1920-1928), fraîchement expulsé du Vietnam, et lui espèrent pouvoir travailler. Il commence à apprendre la langue indonésienne. Plusieurs ordinaires sont disposés à l’accueillir (Padang (Sumatra), Sekadau (Kalimantan)) Malheureusement, les autorités indonésiennes n’accorderont pas le permis de séjour demandé.
De retour en France en mars 1977, le P. Aballain souhaite partir pour le Brésil, à l’instar de plusieurs confrères expulsés eux aussi du Laos. En attendant de pouvoir s’y rendre il seconde le curé du Conquet (Finistère) d’avril à août et il termine l’année par une session de trois mois à l’Arbresle (69210). Il se rend au Brésil en 1978 et y séjourne environ six mois, puis il rentre en France, faute d’avoir obtenu un permis de séjour, et il se met à la disposition Mgr Le Cléac’h, évêque de Taiohae, aux Iles Marquises, en Polynésie française, qui cherchait à étoffer son clergé, composé de quatre Picpuciens.
À l’automne de 1978 le P. Aballain, âgé de 45 ans, commence une nouvelle étape de sa vie sacerdotale, à Hiva-Oa. Grand amateur de la mer et des sports nautiques, il apprécie le pays, mais trouve peu de perspectives missionnaires dans une population réduite en nombre et dans laquelle tout le monde ou presque est baptisé. C’est pourquoi, dès que les autorités thaïlandaises se montrèrent disposées à accueillir de nouveaux missionnaires, en 1981, il souhaita profiter de cette ouverture pour se rapprocher de son cher Laos.
Il travaillera en Thaïlande, dans le diocèse d’Ubon Ratchathani pendant 23 ans, de 1982 à 2005, dans l’est du pays, qui faisait historiquement partie du Laos et dont les habitants ont largement gardé la langue et la culture.
Il fut d’abord curé de Sésong, de 1982 à 1988, puis, de 1988 à 2003, il eut la charge pastorale du secteur de Khemmarat, qu’il exerça en résidant à Ban Dong à partir de 1999. En 2003, âgé de 71 ans, jugeant que le clergé local est amplement suffisant et pas complètement heureux en Thaïlande, il envisage de se mettre au service du diocèse de Nouméa, en Nouvelle Calédonie. Il rencontre Mgr Calvet à Paris, lui raconte son parcours missionnaire et lui dit que si le Laos s’ouvrait il y accourrait sur le champ. Mgr Calvet lui aurait alors répondu qu’il ne voulait pas recevoir un prêtre ayant un pied dedans et un pied dehors.
Le P. Aballain revient en Thaïlande, où l’évêque d’Ubon l’accueille de nouveau et le nomme curé de Non Sawang. Ce sera son dernier poste en Thaïlande. En juin 2006, il quitte définitivement le pays, il est dans sa 74ème année.
Le P. Aballain était instable, car son cœur était resté très attaché au Laos, sa première mission, au point qu'il a eu du mal à s'adapter et à s'acculturer ailleurs, même dans le Nord-Est de la Thaïlande qui pourtant était de culture laotienne. C’est dans cette région si proche à tous égards du Laos qu’il souffrira le plus de l’impossibilité de pouvoir retourner dans ce pays. Il écrit: «le Laos siamois, c’est le Laos… sans l’être».
Quand il était en paroisse dans le diocèse d'Ubon, il essayait souvent de reproduire le Laos. Par exemple, il aménageait ses églises comme telle ou telle église du Laos ; le dimanche il lisait l'Evangile dans le lectionnaire laotien et il prêchait en laotien, les fidèles comprenaient plus ou moins clairement parce que le langage religieux lao était différent du langage religieux thaï. En cela il était excentrique, mais il avait des qualités. Il était souriant, avenant et communicatif, d'une loquacité fatigante parfois ; il était doué pour les langues ; c'était un homme apostolique qui insistait sur la formation chrétienne, il a rédigé un catéchisme. Sa détente, c'était le sport : football, tennis, natation et planche à voile, c'est pourquoi il recherchait des postes proches de la mer ou de rivières. Maintes fois il a traversé le Mékong à la nage entre le Laos et la Thaïlande.
La République de Maurice sera le dernier pays de mission du P. Georges Aballain. Il y séjournera de fin décembre 2006 à septembre 2012, d’abord sur l’île de Rodrigues, puis sur l’île Maurice.
Fin décembre 2006 Mgr Harel, vicaire apostolique de Rodrigues, est heureux d’accueillir le P. Aballain et lui confie la charge d’ouvrir une nouvelle paroisse à Rivière Coco sur un territoire détaché de la paroisse de la Ferme. Rivière Coco est un petit village entouré de quelques autres villages sans lieu de culte. Il s’y trouvait déjà une église et une école primaire catholique, mais pas de presbytère. Le P. Aballain en bâtit un, très simple, en adjoignant à la sacristie une chambre à coucher, un bureau, une cuisine et une varangue. Il donna vie à cette paroisse où auparavant la messe n’était célébrée que le dimanche. Il visitait les familles et organisait des réunions dans les villages voisins, parfois avec la messe, mais surtout avec le souci de donner une formation catéchétique aux adultes. C’est à Rivière Coco qu’il fêtera ses 50 ans de prêtrise en juin 2007.
En septembre 2010, le P. Aballain, âgé de 78 ans, souhaite arrêter ses activités paroissiales à Rodrigues et exercer un ministère plus léger à l’Ile Maurice. Mgr Piat, évêque de Port-Louis, l’y accueille et lui confie l’aumônerie de l’Hôpital du Nord, ainsi que l’aumônerie de l’Hospice des Frères de Saint Jean de Dieu, à Pamplemousses. A l’hôpital, il a l’occasion de rencontrer beaucoup de non chrétiens, surtout des hindous, la population locale étant hindoue à 80 %. Il est heureux de pouvoir retrouver un rôle de missionnaire ad gentes. Il s’entend bien avec les Frères de Saint Jean de Dieu, avec lesquels il partage la vie de tous les jours. Mais à l’approche de son 80ème anniversaire, en septembre 2012, le P. Aballain décide de se retirer définitivement en France.
Durant son court séjour de six années dans l’océan Indien, il fut très apprécié des gens malgré la difficulté qu’il éprouvait à bien comprendre et parler le créole, en raison de son âge.
Le P. Aballain passera d’abord quelques mois dans la maison d’accueil de Lauris, puis, à sa demande, il devient résidant de la maison Saint-Raphaël de Montbeton, en mai 2013. Sa santé se dégrade à partir de 2012, des troubles neurologiques affectent sa mobilité et ses capacités relationnelles. Le 27 janvier 2015, le P. Aballain décède, dans sa 83ème année de vie et la 58ème année de son sacerdoce missionnaire. Il repose au cimetière de la maison Saint-Raphaël de Montbeton, dans l’attente de la résurrection. Que le Seigneur le comble de la Vie éternelle !
Guillaume AROTÇARENA
1944-2015
Il a belle allure le jeune basque d’Hasparren qui débarque à Singapour en juillet 1972.
Sûr de ses racines et de sa langue, de ses traditions familiales et religieuses, il y est accueilli par l’archevêque Mgr Michel Olçomendy, un voisin né à Saint-Étienne-de-Baigorry, missionnaire dans ce pays depuis plus de quarante ans.
Cheveux noirs légèrement ondulés, favoris encadrant son visage bien du terroir, il regarde, il écoute et analyse. Accueilli chaleureusement par les confrères – il y a longtemps qu’on attend un jeune – il s’intègre vite à notre groupe et prend part à nos réunions. Il nous fait sortir de nos bavardages pour réfléchir à la situation dans laquelle nous vivons sans nous poser de questions. On le taquine : « Allez, prend un whisky – ce qu’il fait volontiers – et ne t’inquiète pas. Singapour n’est pas si mal que ça ! ».
Guillaume Arotçarena – Father Arrot comme on l’appellera bientôt – car son nom est imprononçable pour les asiatiques – Father Tom Jones comme le surnomme les adolescents de l’école catholique qui ont un faible pour lui – Guillaume qui est devenu Willliam nous rappelle que tout en étant de nationalité française, il est né et reste basque. Avec plaisir et humour il fait connaître autour de lui la réalité de ce pays atypique et il sait comment dire « basque » en chinois. Sans attendre on lui précise qu’il ira à Taïwan étudier le mandarin. Il s’appellera alors Yang –Yang Shern Fu – le Père Yang. Mais pour l’instant, c’est l’anglais qui l’occupe au service d’une paroisse.
Le lundi, il est heureux de partager notre repas de groupe et de trouver quelques confrères pour des parties de tarots. Nous apprécions ses points de vue qui secouent notre routine. Les sentiers battus ne seront pas pour lui, mais il sait attendre et prendre racine dans un nouveau terroir. Il est de la race de François-Xavier.
Famille et jeunesse
Guillaume Arotçarena nait le 18 mai 1944 à Hasparren, quartier Hasquette, et est baptisé le jour même. Il est l’aîné de cinq enfants : quatre fils et une fille. Son père est ouvrier dans la chaussure, une industrie traditionnelle de cette petite ville.
Il suit la filière habituelle : école libre, collège Saint-Joseph, puis petit séminaire d’Ustaritz. En septembre 1963 ils sont quatorze nouveaux aspirants à entrer à Bièvres. Deux seulement, Guillaume et Léon Harostéguy, seront ordonné prêtre.
Tout au long de ces années de formation, les observations des supérieurs ou des curés ne sont que louange. Le chanoine Greciet supérieur d’Ustaritz écrit : « Intelligence et volonté au-dessus de la moyenne. A de la personnalité, sait prendre des initiatives. Influence réelle sur ses camarades. »
En 1969, le supérieur de Bièvres donne son rapport en vue de l’agrégation dans la société : « Avis très favorable. G. Arotçarena est foncièrement sérieux sous des dehors décontractés… plein d’humour…en parlant avec lui on a l’impression d’avoir affaire à un homme fait … sinon parfait… semble avoir réfléchi très sérieusement aux problèmes du sacerdoce et de la mission… issu d’un milieu plutôt traditionnel semble être parvenu à une vraie personnalité, capable d’une indépendance d’esprit de bon aloi. »
Son curé dira que sa vocation est sérieuse mais ajoutera : « Porté à la sévérité, très autoritaire, a besoin de s’adoucir un peu, de devenir plus humble et compréhensif ».
On mentionne que concernant sa coopération aux Comores – il y enseigna le français et le latin en soutane – « Le témoignage reçu est très élogieux ».
Il doit travailler pendant les vacances pour gagner sa vie et il le fait sans plaindre sa peine, à Saint-Jean-de-Luz. « Il aurait eu une très bonne influence sur les six autres séminaristes au travail. » précise le curé.
Tonsuré en 1970 à Corbeil, il reçoit les quatre ordres mineurs à Issy-les-Moulineaux ; sous-diacre à Versailles, il est ordonné diacre à Bayonne le 29 juin 1970.
Destiné à la mission de Malacca le 8 juin 1971, il est ordonné prêtre à Hasparren par Mgr J.P. Vincent le 18 juin 1971. « C’est avec une grande joie que j’ordonnerai prêtre un missionnaire originaire du diocèse et je suis heureux qu’il s’en aille à Singapore pour être le collaborateur de Mgr Olçomendy. Peut-être cette ordination fera-t-elle naître de nouvelles vocations missionnaires. Je souhaite de tout cœur que le Pays Basque continue, comme par le passé à être tourmenté par le salut des âmes, non seulement dans le diocèse, mais dans l’Église toute entière. »
Guillaume a 27 ans. Après un séjour en Angleterre, il part pour Singapour le 19 mai 1972.
Un premier contact : Singapour mai-septembre 1972 puis Taïwan 1972-1974
Mgr Olçomendy l’envoi pour quelques mois à la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul dont l’église a été terminée depuis par le P. Henri Saussard. Un confrère haut en couleur, très dévoué à ses paroissiens, qui avait passé une dizaine d’années à Pondichéry et qui pour des questions de castes avait dû prendre du large. Il introduit le nouveau venu dans le milieu tamoul, lui fait découvrir la pauvreté de beaucoup, l’initie aux curries bon marché aussi bien qu’au fastes culinaires des grands restaurants. Un mélange original et surprenant dans lequel Guillaume se trouve à l’aise, adaptant son anglais à la manière locale.
Quatre mois sont vite passés et le voilà pour deux ans à Taïwan, Hsinshu, l’école de langue tenue par les Jésuites apprenant le chinois mandarin, découvrant un peu de la culture locale et visitant nos confrères de Hwalien.
Il nous revient en octobre 1974 avec une bonne connaissance de la langue parlée, mais ce ne sera jamais un sinologue de haut vol.
Vicaire : Toa Payoh – Katong 1974-1980
C’est auprès du P. Pierre Abrial, un remarquable missionnaire, catéchiste infatigable qui prépara des milliers de gens au baptême, un ancien de Chine, fluent en mandarin, qu’il commence son travail pastoral. Curé et vicaire deviennent vite amis dans cette paroisse du Christ Ressuscité ouverte en 1971, au cœur de la ville satellite de Tao Payoh – autour de 250000 habitants tous logés dans les HLM – avec de nombreux catéchumènes et organisations de qualité – Les prêtres visitent régulièrement leurs paroissiens – Ça « ronfle » avec 6000 à 8000 personnes aux messes du dimanche.
Guillaume s’intéresse non seulement aux personnes mais essaie de découvrir les mécanismes sociaux et politiques du pays qu’il trouve par trop structuré et téléguidé. Un parti unique au pouvoir depuis des années avec une opposition muselée. Il analyse et s’exprime dans le dossier France-Asie sous le nom de plume de Gilles Asquet : « Singapour, les problèmes de la succession. »
Il remarque vite la situation des employées de maison, venues pour la plupart des Philippines, sans protection légale, au salaire imposé, avec alors un jour de repos par mois et entrant dans l’illégalité si elles changeaient d’employeurs. Comment les aider lorsqu’elles viennent demander secours dans les paroisses.
En octobre 1977, il est nommé vicaire à la Sainte-Famille, une vieille paroisse de tradition eurasienne dans le faubourg de Katong. Les prêtres des trois églises de ce quartier essaient de travailler en équipe. Le dimanche, ils changent de paroisse pour la prédication, ils préparent ensemble leurs homélies et après une mission, organisent des groupes de quartier qui une fois par mois partagent sur la parole de Dieu et la vie quotidienne. Ces groupes sont encore bien vivants en 2017… Ils s’aident pour le ministère de la prison. Guillaume se trouve à l’aise et épaulé dans ce milieu où il continue à aider ceux qu’on exploite. Il partage beaucoup avec les prêtres locaux qui vont dans la même ligne.
Le centre de Geyland : 1980-1987
Sur sa demande, l’archevêque Mgr Yong le nomme aumônier des prisons et l’autorise à fonder un centre social « le Geyland Catholic Center » dans un quartier populaire bien connu pour ses dourians et ses maisons de prostitution. Les paroisses aident pour le financement et l’encouragent. Il se dépense à plein dans ce monde de prisonniers, de drogués et de travailleurs étrangers. Entouré de laïcs dévoués et compétents, spécialement des avocats qui aident à démêler des situations frisant l’illégalité. Son centre est pour beaucoup un lieu d’accueil et de sécurité. Sans le dire les autorités acceptent ce refuge qui n’est pas selon les normes, car cela répond à un besoin. D’un autre côté la police se méfie de ce groupe qui s’occupe des problèmes sociaux et soutient les droits des travailleurs étrangers. De temps à autre, une visite qui se veut discrète, quelques questions et recommandations rappellent que l’on est surveillé. Guillaume et ses amis le savent, mais ils continuent leur mission et acceptent de prendre des risques.
En 1986, à l’occasion de la courte visite du Pape Jean-Paul II, après l’entrevue avec le président de la République, le premier ministre commente à haute voix : « Nous n’avons pas de problème avec l’Église catholique, excepté avec quelques prêtres qui sont trop radicaux. » À bon entendeur… La commission diocésaine justice et paix, animé par un secrétaire bien formé, il a terminé tout son cursus de séminaire à Penang en un temps où fleurissait Vatican II, essaie de faire connaître la doctrine sociale de l’Église comme partie intégrale de l’Évangélisation. Le journal catholique se situe dans la même ligne. Bientôt, c’en est trop.
Guillaume est un « communiquant ». Ce qu’il connaît et analyse, il tient à le partager. En 1985, il publie un livre, The Maid Tangle, la saga des employées de maison, dans lequel il fait connaître la réalité des conditions de travail auxquelles beaucoup d’entre-elles ont à faire face. Il a assemblé une abondante documentation et ce qu’il révèle n’est pas du goût des autorités. Il devient quelqu’un qui dérange.
Les confrères des Missions Étrangères apprécient et soutiennent son apostolat, même si d’aucuns ne le comprennent pas toujours et lui de son côté est au service du groupe acceptant de devenir conseiller du Supérieur Régional en 1985.
Oui, mais le gouvernement veut avoir la responsabilité exclusive de ce qui regarde le social et la politique. Il n’entend recevoir des leçons de personne. Il faut remettre tous ces gens à leur place. Ils n’ont pas tenu compte des avertissements qu’on leur donnait. Le premier ministre, M. Lee Kuan Yew, prend les choses en main.
Le bras de fer : mai 1987
Le 21 mai 1987, dès les premières heures du matin, usant des pouvoirs donnés par « l’Internal Security Act », la police arrête seize personnes. Dix font partie de divers groupes catholiques, quatre sont des salariés de l’archevêque, les autres des volontaires.
L’Église réagit avec diverses manifestations mais est bientôt muselée, l’archevêque lui-même est intimidé, la presse catholique arrête de paraître. Le 26 mai le ministre de l’Intérieur dit que « le gouvernement a découvert une conspiration marxiste qui entend renverser le gouvernement et établir à Singapour un état communiste »… Les communiqués se multiplient, la télévision donne les « confessions » de certains détenus, et il y a des conférences de presse bien orchestrées avec le premier ministre qui y fait assister l’archevêque. Le gouvernement ne permettra pas de mener des activités subversives sous le couvert de religion… Il devenait clair que les quatre prêtres concernés par la situation pourraient être arrêté sous la loi d’urgence. Guillaume, dont le centre était désormais fermé, préféra rentrer en France pour un temps. L’Église se sentait blessée et humiliée. Il fallait faire connaître les faits tels qu’ils étaient. Deux personnes resteront arrêtées sans jugement pour plus de deux ans, et notre confrère parle à la presse et va jusqu’à Rome rencontrer le cardinal R. Etchegaray alors président de Justice et Paix et Cor Unum.
De retour pour un temps : 1988-1989
Son permis de séjour permanent étant encore valable, l’archevêque accepte le retour de Guillaume pour un travail pastoral en paroisse. Il revient dans une communauté qu’il connaît bien, le Christ Ressuscité à Toa Payoh. Le curé, le P. Francis Lee l’accueille volontiers. Il s’occupe des enfants de chœur, du groupe charismatique et lance le catéchuménat d’adultes. Les catéchumènes sont nombreux. La police le surveille et l’interroge : comment a-t-il-pu rencontrer le cardinal R. Etchegaray. La réponse est simple : « Il est basque et je suis basque. »
À Paris on a besoin d’un « communicant » pour s’occuper du bulletin d’information missionnaire Église d’Asie. D’aucuns le trouvent sous employé à Singapour. Aussi le P. Jean-Paul Bayzelon, supérieur général, le rappelle en 1989.
En France : 1989-2015
En 1989, le P. Arotçarena a 45 ans et seconde le P. Albert de Biesme, qui dirige alors la publication du bulletin d’information missionnaire Églises d’Asie. Les deux confrères échangent leurs rôles le 1er juillet 1990 et leur équipe accueille alors le P. Jean Maïs, qui travaille jusqu’à aujourd’hui pour Églises d’Asie.
Églises d’Asie est à l’époque un bulletin bimensuel d'information sur l'actualité religieuse en Asie augmenté d’un supplément mensuel qui fournit des dossiers ou des documents en relation avec les événements. Une publication similaire, BEMOI, joue le même rôle pour Madagascar et l’océan Indien. BEMOI a disparu, tandis qu’Églises d’Asie est devenue une agence d’information des Missions Étrangères publiant exclusivement par messagerie électronique.
Pendant 16 ans, de 1990 à 2006, le P. Arotçarena dirige Églises d’Asie. Il est élu par l’Assemblée générale réunie en 1992 troisième assistant du supérieur général, le P. Raymond Rossignol, pour un mandat de six ans. Cette responsabilité prenante au service du bien commun de la Société l’amène à visiter les confrères en plusieurs pays.
En 2000, il ouvre sur la rue du Bac la nouvelle librairie des Missions Étrangères, la librairie de l’Asie culturelle et religieuse, et en 2002 le Centre François Pallu, destiné à la formation des cadres en relation professionnelle avec l’Asie. De septembre 1990 à juin 1997 il coopère à tiers temps avec l’équipe des prêtres de la paroisse de Montigny-le-Bretonneux, dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines.
En août 2004 le supérieur général, le P. Jean-Baptiste Etcharren, le nomme responsable du « service information » nouvellement créé, qui comprend, outre les services qu’il dirigeait déjà (publications Églises d’Asie et BEMOI, le Centre François Pallu et la librairie), l’internet, l’audio-visuel, et la revue Missions Étrangères, qui est une publication mensuelle parlant des missionnaires MEP et des pays où ils servent. Le P. Arotçarena apporte à celle-ci des modifications en 2005 et il fait embaucher un salarié pour la confectionner. Il développe la communication des Missions Étrangères au moyen de commandes de bandes dessinées, de films et d’émission de radio.
Il y fera un travail considérable, déployant de grandes capacités de création, d'idées, stimulé par l'idée que les Missions Étrangères risquaient de disparaître à brève échéance en tant qu'envoyeur de missionnaires, si bien qu'il fallait investir tout azimut dans des projets qui permettraient de faire connaître l'Asie sous un autre angle que celui des médias français.
En décembre 2006, le supérieur général, le P. Jean-Baptiste Etcharren, décide de réunir en une seule entité le service d’information et le service d’animation et il en confie la responsabilité au P. Gilles Reithinger. Le P. Arotçarena le seconde jusqu’à la fin de son mandat initial au « service information », en août 2007.
Guillaume Arotçarena se retire alors à Saint Girons pour se consacrer à des recherches en vue de publier sur l’histoire récente des pays et des Églises d’Asie, dont il fut un observateur quotidien pendant une vingtaine d’années. En collaboration avec d’autres auteurs (Paul Jobin, Jean-François Sabouret ) il publie en 2009 Démocratie, modernité et christianisme en Asie, puis en mars 2014 une relecture des 9 dernières années de son ministère à Singapour intitulée Singapour vu d'en bas : Chronique d'un Basque en Asie (1980-1989).
Ce sera le dernier ouvrage du P. Guillaume Arotçarena, car le cancer contre lequel il lutte courageusement depuis plusieurs années vient à bout de ses forces. Le 3 septembre 2015, il décède à son domicile. Conformément à son désir, son corps fut inhumé dans le cimetière des confrères à Montbeton, le 7 septembre 2015.
Guillaume, le Vivant
Guillaume est quelqu’un qui s’intéresse aux personnes, à ceux qu’il rencontre dans la vie de tous les jours, à leur mode de vie, à leurs besoins, à leurs droits qui doivent être respectés, avec un soin spécial des petits, des paumés, de ceux qu’on exploite. Pour eux, il n’hésite pas à parler et à approcher ceux en autorité.
Avec les confrères, il rayonne la joie. Il est bien informé, a un bon sens de l’humour, sait taquiner et faire plaisir. De temps en temps il nous régale en faisant cuire un gigot d’agneau. La cuisinière chinoise n’en revient pas : « ce Père Yang, il est terrible ! » Mais elle avertit que l’agneau est une viande échauffante et pas très indiquée pour des célibataires !! Sagesse chinoise.
Toutes les quatre à six semaines, il amène Mgr Desperben, un basque, père de Picpus, ancien préfet apostolique de Hainan, en Malaisie visiter notre P. Jégo, curé de Pontian. Ils se sont connus en Chine. Tandis que les deux anciens se rappellent et bavardent, Guillaume se détend, et lit les derniers journaux français. Ça fait trois heures de route aller-retour et il le fait pendant des années.
Il nous pose des questions sur le futur de la Société qui vieillit et diminue en nombre. Il est et reste le plus jeune du groupe et l’Église de Singapour lui paraît par trop traditionnelle. Il sent des besoins nouveaux qui commencent à s’exprimer. Bien que minoritaire (5% de la population) les catholiques sont très présents dans le monde de la culture, de l’éducation, de la fonction publique, des professions libérales - Un monde classe moyenne/supérieure, d’éducation et de culture anglaise. Tout cela, il l’exprime après son retour en France dans divers articles. Dans un dernier livre, « A priest in Geyland », traduction de « Singapour vu d’en bas », il raconte et analyse ses années au service des employées de maison et des prisonniers.
Il est basque et fier de l’être. Très attaché à la culture ancestrale et parlant la langue avec élégance, il vit près de sa famille. Un neveu viendra le visiter. Il n’est pas pour autant un fanatique et manie fort bien le français. Ce qui se passe dans le diocèse de Bayonne lui tient à cœur et il essaie d’analyser les différents courants de pensée qui s’y expriment.
Autant Guillaume est clair dans ses idées et ses choix autant il a besoin de se sentir compris et affermis par les confrères. Après une longue journée au service du Centre, il aime le soir passer un moment avec le P. Dufay à la maison régionale. Il parle, il réfléchit à haute voix, son hôte l’écoute en fumant sa pipe, grognant de temps en temps quelques mots de sagesse. Il se détend et part avec une boutade : « Allez, comme d’habitude, tu n’as rien compris, mais ton whisky est bon. Je reviendrai ».
Oui, Guillaume vivant, qui a voulu et su partager sa vie. Guillaume d’Hasquette, Guillaume de Geyland. Merci. Adieu.
Michel Arro
Jean BEYSSELANCE
1921-2015
Jean Joseph Paul Beysselance est né le 11 mars 1921 à Sainte-Colombe (33350), un village de 250 âmes à l’époque, voisin de Castillon-la-Bataille, une petite ville de 3 000 habitants située sur la Dordogne célèbre pour avoir été le lieu, en 1453, de la dernière bataille de la Guerre de Cent Ans. Cette région viticole du département de la Gironde, à une dizaine de kilomètres de Saint-Emilion, est frontalière du département de la Dordogne. Il fut baptisé à Sainte-Colombe le 3 avril 1921 sous le nom de Jean par le curé de la paroisse Sainte Magne de Castillon.
Aux prénoms enregistrés par l’état-civil et par l’Eglise fut substitué le prénom usuel de Paul. Les parents de l’enfant, Guillaume Beysselance, appelé Raoul, et Marie Thibaud, appelée Marthe, s’étaient mariés début 1920, ils étaient viticulteurs. Madame Beysselance avait un frère prêtre. Ses deux fils, Paul et Henri devinrent prêtres à leur tour, Paul aux Missions Etrangères et Henri dans le diocèse de Bordeaux. Ils eurent une sœur, Francine, qui fonda une famille (Madame Francine Tabaneau).
Le jeune Paul commença en 1931 ses études secondaires à l’école apostolique Notre-Dame de Montmélian, à Survilliers, commune de Seine-et-Oise à l’époque, du Val d’Oise aujourd’hui. Il y fut confirmé en 1932. En 1935, grâce à son oncle l’abbé Thibaud, il est admis par les Missions Etrangères au petit séminaire Théophane Vénard, à Beaupréau (Maine-et-Loire).
À la rentrée de 1938 il devient grand séminariste pour les Missions Étrangères, au séminaire de l’Immaculée Conception, à Bièvres. La guerre éclate un an plus tard. Pendant les années de guerre, la formation de Paul Beysselance se poursuivra en plusieurs lieux, Poyanne, dans les Landes, en 1939, Paris, au séminaire de la rue du Bac, de 1940 à 1942, Barcelone, au Seminario Conciliar, pendant l’année universitaire 1942-1943, puis de nouveau Paris, à l’issue d’un service militaire effectué de 1943 à 1945.
Les étapes se succèdent jusqu'au sacerdoce : tonsure à Paris le 8 mars 1941, lectorat le