Louis RENEVIER1835 - 1904
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0764
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1860 - 1904 (Pondichéry)
Biographie
[764]. RENEVIER, Pierre-Louis-Marie, né le 5 avril 1835 à Gy (Haute-Saône), fit ses études classiques et philosophiques à Marnay et à Vesoul. Après avoir reçu les ordres mineurs au grand séminaire de Besançon, il entra au Séminaire des M.-E. le 7 mai 1858, et y fut ordonné prêtre le 22 décembre 1859. Destiné à la mission de Pondichéry, il partit le 16 avril 1860, et débuta comme professeur au collège colonial de cette ville. En 1866, il était chargé de la paroisse de Cuddalore (new town), et y fondait, en 1869, l'école Saint-Joseph qui ne tarda pas à prendre une grande extension.
En 1872, il passa dans le district de Vadouguerpatti ; en 1874, il fut mis à la tête de celui de Karikal et nommé membre du Conseil épiscopal ; en 1875 ou 1876, il fut appelé à Pondichéry, devint directeur de l'école Calvé, fondée par l'administration française pour les Indiens, et directeur du Carmel dont il reconstruisit une grande partie en 1881. Le nombre des religieuses ayant augmenté et une occasion favorable s'étant offerte, le missionnaire fonda à Karikal un autre couvent qui fut ouvert en 1886 (Carmel de Pondichéry et de Karikal, grav., Hist. miss. Inde, v, pp. xi, xxi). Avant cette époque, il était devenu procureur de la mission ; en 1886, il fut chef du district de Tindivanam ; en 1888, principal du collège de Pondichéry ; en 1892, curé de Mahé ; en 1903, Mgr Gandy le choisit pour second vicaire général.
Frappé de paralysie en 1904, il mourut le 28 avril de la même année au sanatorium Saint-Théodore, à Wellington (Coïmbatour).
Nécrologie
M. RENEVIER
VICAIRE GÉNÉRAL DE PONDICHÉRY
Né le 5 avril 1835
Parti le 16 avril 1860
Mort le 28 avril 1904
« M. Pierre-Marie-Louis Renevier, écrit Mgr Bottero, naquit en 1835 à Gy, au diocèse de Besançon. Son père et sa mère l’idolâtraient comme leur fils unique. Tous ceux qui le voyaient lui souriaient et lui-même souriait à tous. Dès le premier éveil de son intelligence, ses vertueux parents déposèrent en son cœur, avec les principes vivifiants de notre sainte religion, les germes de la piété et d’une tendre dévotion envers l’Immaculée Mère de Dieu. Louis n’eut pas le bonheur de les conserver longtemps ; il n’avait pas encore atteint l’adolescence que déjà il était orphelin. Je l’ai ouï conter un fait étrange qui se passa au moment de la mort de son père, et dont le souvenir laissa dans son âme une impression que le temps ne put jamais effacer. « A cette époque, me dit-il, j’étais élève interne au collège ecclésiastique de Marnay (Haute-Saône) ; or, une nuit que je dormais comme on dort à cet âge, j’entendis soudain une voix bien connue m’appeler par mon nom. Je me frottai vivement les yeux, et me dressai sur mon séant. Quelle ne fut pas ma surprise ? Mon bien-aimé père se trouvait là, debout devant moi, les yeux fixés dans mes yeux. Il me dit : « Louis, je viens de mourir ; » et, aussitôt il disparut. Autant désolé qu’étonné, je sautai prestement à bas du lit, et m’en allai réveiller le surveillant du dortoir pour l’informer de ce qui s’était passé. — « Ne vous inquiétez pas, me répondit-il, faites une prière pour les âmes du pur¬gatoire, et retournez vous coucher. Ce que vous avez vu n’est sans doute qu’un vain songe. » Or, c’était une réalité. Dès le lendemain, arrivait au supérieur une lettre annonçant que mon père chéri avait été saisi par le choléra et qu’il avait succombé. »
« Louis continua ses études dans le même établissement. Il était aimé de ses maîtres pour sa docilité, sa piété, son application au travail et le bon esprit qui l’animait. Ses condisciples admiraient son caractère enjoué, son naturel droit et généreux, sa bonne franchise et son merveilleux entrain. Il fut sans contredit un des élèves les plus distingués de cette institution. Sciences, lettres, poésie, notions artistiques, Louis s’assimilait tout avec facilité, et il passa son baccalauréat d’une façon brillante.
« A cette époque, le cher M. Renevier était au printemps de la vie ; son front de seize ans resplendissait d’intelligence. Tout semblait lui sourire. Des perspectives séduisantes se déroulaient devant lui. Ses parents lui avaient laissé quelque fortune. Il aurait pu se faire dans le monde une belle et honorable carrière. Mais, ce qui eût enivré la plupart des jeunes gens, ne fit que peu d’impression sur son cœur. Déjà il avait entendu, dans l’intime de son âme, la voix de Dieu qui lui disait : « Louis, tu seras prêtre un jour, et tu iras travailler pour ma gloire dans les missions lointaines. » Cet appel de la grâce le sauvegarda contre l’entraînement des passions naissantes. Tout jeune qu’il fût, il méprisait déjà comme une vile poussière les spectacles, les fêtes et les plaisirs du monde. En quittant le collège de Vesoul, où il était allé faire ses études de philosophie et de physique, il entra sans hésitation aucune au grand séminaire de Besançon.
« Son directeur vit bientôt clairement que le jeune aspirant au sacerdoce avait reçu de Dieu une vocation certaine pour la carrière apostolique. Afin de l’y disposer plus sûrement, il l’accoutuma à briser, un à un, tous les défauts naturels qui avaient jusque-là échappé à sa vigilance.
« Deux ans environ s’écoulèrent de la sorte, deux années calmes et pures, partagées entre l’étude de la théologie, l’oraison et les exercices de la vie spirituelle qui tendent à l’acqui-sition des vertus apostoliques. Quand il eut reçu la tonsure et les ordres mineurs, M. Renevier demanda à l’archevêque de Besançon la permission d’entrer au séminaire des Missions-Étrangères ; et, l’ayant obtenue, il se rendit à Paris.
« Je me trouvais moi-même à la rue du Bac, lorsque, le directeur des aspirants nous annonça son arrivée. Il y a quarante-six ans de cela, et il m’en souvient comme si la chose datait d’hier. Nous vîmes arriver un jeune abbé à la taille assez avantageuse, aux traits du visage accentués, mais pourtant gracieux ; ses lèvres étaient fines, ses yeux larges et sympa-thiques, sa parole facile ; en conversation, il avait souvent de spirituelles saillies, qu’il soulignait d’un aimable et malin sourire. A Paris comme à Besançon, il s’attira l’estime et l’affection de tous. Ordonné prêtre le 22 décembre 1859, il fut, avec 5 autres de ses confrères, destiné à la mission de Pondichéry. Il s’emharqua à Bordeaux en avril 1860, et arriva dans l’Inde au mois d’août suivant.
« Le cher M. Renevier a passé maintenant le matin de la vie ; il approche de son midi. C’est l’heure ardente, l’heure des durs labeurs, l’heure où il faut se renoncer, porter sa croix, et s’adonner au service de Dieu sans compter. Notre ami n’y manquera pas. Le premier poste qu’il occupa fut le plus modeste de tous, mais non pas le moins méritoire. Il fut chargé de professer la langue latine d’abord, et, plus tard, les belles-lettres, au Collège colonial de Pondichéry. Il faut, en ce service, un dévoûment sans bornes, un zèle qu’aucune fatigue ne puisse lasser. Il est dur, dans les pays tropicaux, de se lever de grand matin, de se coucher tard ; d’être enfermé, durant dix mois consécutifs, avec des adolescents. M. Renevier aimait la jeunesse ; il s’acquitta à ravir de cette noble fonction. Son exquise politesse, son sourire bon enfant, la clarté de son enseignement le rendaient sympathique et aux élèves et à leurs parents.
« Mais ce labeur, si ardu qu’il pût être, ne suffisait pas à son exubérance d’activité. Il lui restait des forces et du zèle à employer. Il y avait en ce temps-là, à Pondichéry, une garnison composée mi-partie de cipayes indiens, mi-partie de soldats français de l’infanterie de marine. Comme il arrive souvent, bon nombre de ces derniers, abandonnés à eux-mêmes, vivaient dans une coupable négligence de leurs devoirs religieux, croupissaient dans l’ignorance, et s’adonnaient trop fréquemment à la boisson et aux vices honteux qui en sont la suite ordinaire. M. Renevier conçut le projet de réveiller en leurs cœurs le flambeau de la foi, et de les ramener à la pratique des sacrements. Pour cela, il se mit en contact avec eux, et bientôt, avec la permission du supérieur, il ouvrit à leur intention un « Cercle militaire ». Cette création eut du succès. Plusieurs soldats commencèrent à fréquenter la bibliothèque et à y passer leurs soirées. D’autres supplièrent le missionnaire de leur donner des leçons de grammaire et de mathématiques, même de vouloir bien leur réapprendre le catéchisme, qu’ils avaient oublié, hélas ! depuis qu’ils étaient entrés à la caserne. M. Renevier était heureux de leur consacrer tout le temps dont il pouvait disposer, en dehors de son devoir professionnel. Il gagna l’affection de ces braves gens, et la plupart d’entre eux revinrent franchement à la prière et à l’observation des commandements de Dieu et de l’Église.
« Après avoir passé quatre ans au Collège colonial, M. Renevier fut envoyé dans les missions tamoules de l’intérieur. Il y apprit avec ardeur la langue indigène et l’anglais, et se livra tout entier au ministère paroissial. Quels moyens n’employa-t-il pas pour gagner la con-fiance de ses pauvres Indiens, pour convertir les pécheurs, sanctifier les chrétiens fidèles, instruire les enfants et les ignorants et attirer à notre sainte foi les idolâtres assis encore à l’ombre de la mort ? Il entourait d’honneurs nouveaux tout ce qui, de près ou de loin, touchait au culte divin : les églises, qu’il réparait ou agrandissait de ses propres deniers ; les saints autels, qu’il ne se lassait jamais d’embellir et de décorer ; les saints mystères, qu’il célébrait avec piété, et pour lesquels il se servait d’ornements, sinon très riches, du moins toujours décents ; les enfants de chœur, qu’il revêtit d’une soutane rouge et du camail, et auxquels il enseignait avec amour leurs diverses fonctions ; enfin le plain-chant et la musique sacrée, qu’il faisait exécuter avec un merveilleux ensemble par quelques villageois de bonne volonté. Il multipliait autour de lui les pieuses confréries, les pèlerinages, les processions solennelles si chères aux cœurs des indigènes, les ferventes allocutions, les catéchismes et les belles premières communions des enfants. Pour toutes ces choses, il avait des industries sans nombre. Aussi, ne nous étonnons pas si les paroisses dont il eut la direction, se transformèrent vite en paroisses modèles. Par ses soins assidus, le désert se changeait en une délicieuse oasis ; les champs, jusque-là peu fertiles, se couvraient de merveilleuses moissons ; la vie chrétienne circulait partout, et les villages jadis peu fervents étaient peu à peu amenés à la réception fréquente des sacrements.
« Il y avait deux ou trois ans que M. Renevier était chargé de la paroisse mi-anglaise, mi-tamoule de Cuddalore, lorsqu’il eut l’idée d’y fonder une école, afin de soustraire les enfants catholiques de ces deux races au danger de perversion, qu’ils couraient en fréquentant les institutions protestantes. La mission de Pondichéry possédait à Cuddalore un vaste jardin et un bangalow (maison construite à l’européenne). Il obtint de ses supérieurs l’autorisation d’y placer son école. Elle fut ouverte en 1869. En peu de mois, elle se remplit de la plus grande partie des enfants catholiques de son district, et d’un certain nombre de jeunes gens païens. M. Renevier les entoura tous de mille soins affectueux. Aidé de quelques bons instituteurs laïques, il divisa les élèves en 7 classes distinctes, les soumit aux exigences des programmes d’éducation primaire édités par le gouvernement ; puis, quand il eut bien organisé toutes choses, il plaça son institution sous le contrôle du directeur de l’Instruction publique. Vint le temps des examens officiels. L’inspecteur du gouvernement fut tout étonné de voir cette école, nouvellement établie, l’emporter sur plusieurs autres fondées trois et quatre ans auparavant ; et il fit au chef de son département un rapport si élogieux que ce dernier consentit à prendre à sa charge une partie des dépenses de l’établissement. Ah ! c’est qu’en M. Renevier il n’y avait pas seulement le maître qui sait enseigner ; il y avait encore le prêtre, dont les soins assidus, les délicates attentions, l’autorité à la fois douce et ferme, la patiente sollicitude, donnaient à sa direction une puissance et une efficacité dont les instituteurs laïcs n’eurent jamais le secret ; plus encore, il y avait en lui l’ami dévoué qui sait attirer à lui la jeunesse, gagner sa confiance, et mériter son affection. C’est parce que le cher supérieur de Cuddalore était tout cela, que l’institution Saint-Joseph se développa très rapidement. De primaire, l’école devint secondaire ; puis, elle se transforma en un « collège », qui compte aujourd’hui 500 élèves, dont les succès aux examens universitaires sont notables. Sur ces 500 élèves, 200 environ sont des jeunes gens catholiques venus de tous les coins du diocèse de Pondichéry. Aujourd’hui, les anciennes bâtisses, où l’on faisait la classe, ont été remplacées par de vastes salles bien aérées et aménagées selon toutes les règles de l’hygiène. Outre cela, on a fondé à Tirupapalayur une forte école primaire. Les 250 ou 300 élèves qui y reçoivent l’instruction, viennent, en sortant de là, remplacer au collège ceux qui ont terminé leurs cours et gagné leurs diplômes. Grâce à ces deux établissements, les missionnaires se sont créé une position exceptionnelle qui leur assure des relations étroites avec le monde officiel et la société hindoue, et leur donne ainsi un prestige considérable dans tout le pays.
« Cette fondation était, dès lors, à l’abri de tout péril. M. Renevier avait acquis une grande expérience des hommes et la pratique des affaires. Mgr Laouënan voulut en faire profiter tout son diocèse. Il appela M. Renevier à Pondichéry et le nomma membre de son conseil. En même temps, il lui confia la charge de procureur et celle de directeur spirituel et temporel des Religieuses Carmélites de sa ville épiscopale. Notre regretté confrère ne fut point au-dessous des espérances qu’avaient fait concevoir son talent et sa vertu. Avec l’esprit méthodique qu’il apportait à toutes choses, il eut bientôt fait de mettre de l’ordre dans la tenue des registres, de placer les quelques fonds disponibles au mieux des intérêts de la mission, et de pousser activement les travaux de construction déjà commencés.
« Le couvent des Carmélites attira ensuite son attention. Il y avait là beaucoup à faire. Il fallait d’abord y introduire toutes les réformes de la règle de Sainte-Thérèse, que les circonstances n’avaient pas permis jusqu’alors d’appliquer à une communauté de Sœurs indigènes, ou qui étaient tombées peu à peu en désuétude, depuis la mort du premier fondateur. Avec sagesse, patience et persévérance, M. Renevier remit en vigueur les observations primitives et fit approuver par le général de l’Ordre tout ce qu’il avait fait. En sorte qu’aujourd’hui les Sœurs Carmélites indigènes de Pondichéry forment une communauté absolument régulière.
« Notre zélé missionnaire tourna ensuite les yeux sur le temporel du monastère. Un examen attentif du local et des constructions qui s’y rencontraient, lui révélèrent un état de délabrement tellement fâcheux qu’il crut urgent de rebâtir à neuf les deux tiers du couvent. Mais ici se présentait la grosse difficulté. Où trouver, hic et nunc, les ressources voulues pour entreprendre un travail si considérable ? La communauté était dans une pauvreté excessive ; la mission avait des charges si lourdes à porter qu’il lui était impossible de fournir une allocation tant soit peu substantielle. « Quatre ducats, Thérèse et Dieu, » c’est plus qu’il ne faut, disait la sainte réformatrice du Carmel, pour fonder un monastère. » — Oui ! mais le cher aumônier ne pouvait s’empêcher de voir que lui et sainte Thérèse cela faisait deux. Cependant, comme il avait pour lui le bon Dieu et ce qui lui restait de son patrimoine, environ 17.000 francs, il mit sa confiance en saint Joseph et se lança dans l’aventure. Il fit table rase de tous les bâtiments endommagés, et jeta de solides fondations pour le nouveau couvent, qui devait supporter un étage ; mais il était bien loin d’avoir terminé son œuvre, quand l’argent vint à manquer. Il dut, malgré lui, tendre la main aux chrétiens, à l’évêque, à ses confrères, pour obtenir quelques milliers de roupies. Chacun y mit de la bonne volonté, et M. Renevier eut la consolation de voir son plan réalisé. Sa joie fut grande alors ; mais celle des Sœurs Carmélites qui, après deux longues années de trouble, recouvraient enfin leur indépendance, surpassa de beaucoup la sienne. Qu’on veuille bien se mettre, par l’imagination, à leur place. Ces pauvres recluses, alors au nombre de 35, avaient été contraintes de céder pied à pied l’espace, de jour en jour plus restreint, qu’elles occupaient, aux maçons qui l’envahissaient. Elles avaient dû vivre au milieu du bruit, de la poussière et de l’âcre odeur de la chaux. Ce qu’elles eurent à endurer, surtout pendant les chaleurs torrides de l’été, alors qu’elles se réfugiaient derrière des balustrades de bambous pour se dérober à la vue des ouvriers, est aisé à imaginer ; aussi la joie qu’elles ressentirent, en se retrouvant de nouveau maîtresses de leur chœur et de leurs cloîtres, fut-elle très grande.
« Une chose conduit à une autre : M. Renevier ne tarda pas à se voir entraîné dans une nouvelle entreprise, presque aussi nécessaire et plus ardue encore que celle qu’il venait de mener à bonne fin. Vers 1873, il était advenu qu’une dame indienne de la ville de Karikal, n’ayant pas d’héritier nécessaire, avait offert sa maison et quelques rizières à la mission de Pondichéry, à la condition qu’on y fonderait un couvent de Carmélites. L’autorité ecclésias-tique avait accepté ; mais elle attendait, pour exécuter son obligation, des circonstances favorables. En 1882, la donatrice menaça de résilier le contrat, si la mission tardait à envoyer des Sœurs. On envoya le cher M. Renevier à Karikal. Celui-ci partit en toute hâte, et alla examiner la maison destinée à servir de couvent. Elle était trop petite pour y loger une communauté de religieuses cloîtrées, à qui il faut, de toute nécessité, une chapelle, un jardinet, des appartements larges et bien aérés. Tandis qu’il était à délibérer s’il ne serait pas sage de tout abandonner, il apprit que la municipalité voulait mettre en vente les bâtiments d’un hôpital qu’elle avait transféré dans un nouveau quartier. Il alla les voir. Ces bâtiments étaient voisins de la maison offerte à l’évêque. Ils n’étaient point merveilleux ; cependant M. Renevier jugea qu’en les réparant, il lui serait aisé d’en tirer bon parti. Il fit sans tarder des ouvertures à la municipalité qui, après mille tracasseries, objections et hésitations diverses, finit par consentir à la transac¬tion proposée. Le contrat fut signé en la fête de saint Michel ; et, dès le lendemain, M. Renevier faisait travailler aux réparations et aux aménagements nécessaires. Où trouva-t-il l’argent voulu ? Je l’ignore. Mais je sais que, peu de temps après, Karikal était en fête : 10 ou 12 religieuses du Carmel étaient arrivées de Pondichéry et avaient pris possession du nouveau monastère.
« J’ai parlé ici de la fondation du Carmel de Karikal, pour en finir avec ce sujet ; mais l’ordre chronologique a été violé. Vers 1875, l’administration française avait résolu d’imprimer un mouvement plus accentué au développement de l’instruction publique, et elle érigea une nouvelle école dans la ville noire. Cette école était destinée à donner aux jeunes Indiens de toutes castes, même aux parias, une éducation plus libérale que par le passé. Quand la bâtisse fut achevée, le gouvernement chercha en vain, parmi les instituteurs qui dépendaient de lui, un homme capable d’être mis à la tête de l’établissement. En fin de compte, on s’adressa à l’évêque qui, toujours prêt à rendre service à ses compatriotes, mit le cher M. Renevier au service de l’administration coloniale. Notre confrère ne savait qu’obéir et se dévouer, il prit en main la direction de l’école. Demandez aux habitants de Pondichéry en quel temps l’institution Calvé Soupraya Shetty a le plus brillé, tous vous répondront que c’est à l’époque où « le bon P. Renevier » (comme on l’appelait vulgairement) en était le supérieur. Chrétiens et hindous ou musulmans, brahmes, choutres ou parias, tous n’ont qu’une voix pour le dire. Depuis que l’école a passé sous la direction exclusive des laïcs, elle a baissé au point de vue de la discipline comme au point de vue des résultats, tels que les constatent les examens publics.
« Cependant l’âge et les travaux incessants que notre bien-aimé confrère s’était imposés, avaient fini par épuiser ses forces. Les machines les plus solides, elles-mêmes, ont besoin de la goutte d’huile qui aide les rouages à marcher. Le moment vint donc où il était urgent de procurer au cher M. Renevier un peu de soulagement, un changement d’air sous un climat plus tempéré. Plusieurs de ses intimes lui disaient : « Allez en France ; l’air du pays vous rendra vos forces. » Il ne répliqua pas un mot ; mais il avait arrêté dans son cœur de ne pas quitter le pays de mission : « Les vaillants soldats d’Annibal, pensait-il, ont perdu leur vigueur « à Capoue. Si je revoyais ma douce patrie, qui sait si je ne serais pas tenté d’y rester ? Je ne « m’exposerai point à ce danger. » Et en suite de cette résolution, il s’embarqua pour le Japon, retrouva sur mer une bonne santé et revint à Pondichéry au bout de quatre mois. Il se maintint dans cet esprit jusqu’au dernier soupir qu’il rendit après quarante-cinq ans d’apostolat.
« En attendant, l’archevêque de Pondichéry retint auprès de lui le brave missionnaire. Quand M. Giraud, lui aussi lassé de travail, tomba de fatigue sur la route poudreuse, Sa Grandeur nomma M. Renevier vicaire général en second, distinction certes bien méritée, et dont la nouvelle remplit de joie tous les confrères. Il conserva ce poste d’honneur durant l’absence de Mgr Gandy, qui était allé en France, par ordre des médecins, et qui profita de la circonstance pour faire son voyage ad limina Apostolorum. C’est alors que le vénéré M. Renevier, âgé de soixante-sept ans, fut frappé de paralysie. Comme il était d’un tempérament vigoureux, ses amis n’étaient pas sans espoir de le revoir guéri. Il nen fut rien. Après un court séjour au sanatorium de Wellington, le mal empira soudain et emporta le missionnaire vers le lieu du repos.
« Voici comment M. Boyet, supérieur du sanatorium, raconte ses derniers moments à la date du 28 avril 1904 :
« M. Renevier s’est, petit à petit, affaibli au point de pouvoir à peine faire entendre « quelques paroles ; et cela même d’une voix presque éteinte. Voyant que l’hémorragie « cérébrale augmentait, je le préparai le 27 au matin à une nouvelle absolution. Bientôt, il « entrait dans un état comateux, qui me fit entrevoir sa fin comme très prochaine.
« Le même jour, à 1 h. ¼ , il allait de mal en pis. MM. Pageault, Blanchard et Mignery se « joignirent à moi pour réciter les prières de la recommandation de l’âme. A 2 h. 20, le malade « poussa quelques longs soupirs et rendit paisiblement son âme à Dieu. »
« Dors en paix, cher et regretté ami, sur la belle « Montagne Bleue ». Nous avons été frères ici-bas, dans l’union de nos cœurs en Jésus-Christ, frères dans le sacerdoce, frères pendant quarante-cinq ans de vie apostolique. Puissions-nous l’être encore dans le paradis, pour l’éternité bienheureuse ! »
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Références
[0764] RENEVIER Louis (1835-1904)
Bibliographie. - Notice sur l'origine des fêtes et l'inauguration de la chapelle de Notre-Dame de Lourdes à Villenour. - Imprimerie de la mission, Pondichéry, in-12, 1877, pp. 38.
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1886, p. 127 ; 1896, p. 299. - M. C., xvii, 1885, p. 255.
Vingt ans dans l'Inde, pp. 110, 115. - Hist. miss. Inde, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1905, p. 305.