Louis MOREAU1844 - 1913
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1039
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1870 - 1913 (Yibin [Suifu])
Biographie
[1039]. MOREAU, Louis, né le 24 juin 1844 à Sauzelles (Indre), fit ses études au petit séminaire de Saint-Gaultier. Il était sous-diacre quand il se présenta au Séminaire des M.-E. le 28 septembre 1868. Prêtre le 28 octobre 1869, il quitta Paris le 18 janvier 1870 avec sa destination pour le Se-tchoan méridional. Après trois mois consacrés à l'étude de la langue, il fut envoyé dans le district de Kia-tin, et quatre années plus tard placé à la tête de celui de Kien-ouy-tse-lieou-se, où se dessinait un certain mouvement de conversions. Mais le climat fiévreux de ce pays lui ayant fait contracter la malaria, son vicaire apostolique, Lepley, lui assigna le district de Kuin-lin hien. Il eut à y soutenir de nombreux procès contre les païens qui voulaient l'expulser. Il finit par obtenir gain de cause.
Nommé en 1880 supérieur du séminaire de Hoti-keou, il s'y montra plein de bonté et de régularité. En 1895, lors des troubles qui avaient commencé à Tchen-tou, le séminaire fut détruit ; le supérieur et les professeurs, forcés de s'enfuir pour éviter d'être massacrés, se cachèrent chez une famille païenne. Après la tourmente, il rétablit le séminaire provisoirement à Kouan-tao-tien, puis à San-kouan-leou dans les bâtiments du probatorium.
En 1898, Mgr Chatagnon plaça le missionnaire à la tête du district de Fou-chouen hien avec résidence à Che-houi-ky. Moreau y fonda plusieurs stations chrétiennes, des écoles, et en quelques années doubla le nombre des catholiques. Une maladie grave ayant arrêté ses travaux, il fut chargé du district de Lou tcheou, et, en 1910, de la paroisse du faubourg du nord, à Soui fou. C'est là qu'il mourut le 7 août 1913. Ses restes reposent à Ho-ti-keou.
Nécrologie
M. MOREAU
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU SU-TCHUEN MÉRIDIONAL
Né le 24 juin 1844
Parti le 18 janvier 1870
Mort le 7 août 1913
A cinquante mètres de la rive gauche de la Creuse, en face des rochers abrupts et sauvages de Fontgombault, dans un pli de terrain adossé à la colline, s’élève le modeste village de Migaud, de la commune de Sauzelles. Il se compose de cinq maisons. C’est là qu’est né M. Moreau.
Sauzelles, en 1858, avait pour curé M. l’abbé Chateigner, bon et digne prêtre, entouré de l’estime du tous. Devinant une vocation sacerdotale, dans son jeune paroissien aux veux clairs, à la physionomie ouverte, au front où se reflétaient, comme dans une eau pure, la franchise et la candeur, il lui fit commencer le latin et le conduisit au petit séminaire de Saint-Gaultier. Là, son âme reçut une si heureuse impulsion, qu’il devint promptement, aux yeux de ses professeurs et de ses condisciples, un élève modèle : piété, travail, douceur, obéissance, étaient autant de fleurs choisies qui germaient d’elles-mêmes dans cette terre d’élite. Bon travailleur et bon joueur, il ne reculait devant aucune tâche, et aucun jeu ne lui était étranger.
Sa classe était composée de sept élèves seulement. Nous les appelions les sept sages de la Grèce. Leur âge et leur tenue, relativement grave, leur avaient mérité cette glorieuse dénomination. Parmi les sept sages de la Grèce, Louis Moreau tenait sans conteste la première place.
Un jour, il était, je crois, en troisième, sa douceur et sa patience se démentirent sérieusement. Ayant vu un grand de la première division rudoyer un camarade plus jeune et plus faible, il n’écoute que son indignation devant une rixe aussi inégale et s’élance au secours du pauvret, qui allait succomber sous les étreintes du plus fort. Ce dernier comprit le danger, et, pour éviter une correction bien méritée, abandonna prudemment le champ de bataille. Ce trait dépeint bien la physionomie du futur missionnaire, ardent, courageux et dévoué.
Après une année de professorat à Lourdoueix-Saint-Michel, où son court passage laissa le plus édifiant des souvenirs, il reprit pendant deux ans, à Bourges, ses études de théologie. Ceux qui ont vécu à cette époque déjà lointaine, n’ont certainement pas oublié le souvenir de ses aimables relations, de sa ponctualité scrupuleuse, de sa piété profonde, et de son amour du travail. Beaucoup soupçonnaient en lui un futur sulpicien, gravis incessu. La Providence en décida autrement.
Pendant les vacances de 1868, il annonça à sa famille sa résolution de partir pour Paris, pour entrer au Séminaire des Missions-Étrangères. Cette nouvelle souleva l’étonnement des uns et l’indignation des autres. Son vieux père, veuf depuis huit ans, homme plein de bon sens et de droiture, après avoir fait au projet de son fils toutes les objections que peut suggérer la tendresse paternelle, devant sa ferme déclaration, lui donna la permission de partir. Et bien mieux, le jour venu, il voulut lui-même conduire le voyageur et son modeste bagage au Blanc. Tous deux cheminaient sur la route : le père gardait le morne silence des grandes douleurs, le fils chantait le Magnificat, pour remercier Dieu de sa belle vocation, et aussi, sans doute, pour refouler les pénibles émotions qui agitaient son cœur filial. Hilarem datorem diligit Deus.
Ordonné prêtre le 28 octobre 1869, M. Moreau s’embarqua le 18 janvier 1870, à Marseille, pour le Su-tchuen méridional, et le 4 juin suivant, il arrivait à Soui-Fou.
Après trois mois consacrés à l’étude de la langue, il fut chargé du district de Kia-tin. Quatre années plus tard, il était placé à la tête de celui de Kien-oui, où se dessinait un certain mouvement de conversions. Mais le climat fiévreux de ce pays lui ayant fait contracter la malaria, Mgr de Gabala lui assigna le district de Kiun-lin : quatre sous-préfectures à évangéliser, un pays montagneux sur les frontières du Yun-Nan, peu ou point de voies de communication. Il y avait de quoi exercer son zèle et sa ténacité. Dès son arrivée, il se met à l’œuvre avec ardeur. Kong-hien, Kao-hien, n’ont pas encore entendu la bonne nouvelle, il la leur portera. Il s’installe à Kong-hien même, malgré des procès qui durent quatre années, puis plante sa tente à Kao-hien, au milieu des mêmes difficultés, mais aussi avec le même succès.
C’est au milieu de ses travaux que lui arriva, un 1880, sa nomination comme supérieur du séminaire de la mission. Il quitta avec regret son cher Kiun-lin, où il avait tant travaillé pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, et fondé plusieurs nouvelles stations. Mais M. Moreau ne connaissait que l’obéissance. Du reste, au séminaire, il était dans son élément. Homme de devoir et de règle il était plus que tout autre capable d’en inspirer la pratique à ses élèves, aussi bien par son exemple que par ses exhortations. Toujours avec ses séminaristes, ne les perdant pas de vue toute la journée, se mêlant à leurs jeux, il les aimait d’une sincère affection, et se dépensait sans compter pour assurer leur formation. S’il les veut appliqués au temps de l’étude, il les aime bruyants et enjoués à la récréation : « Mes jeunes gens, écrit-il à un ami de France, possèdent une douzaine d’instruments de musique. Ils battent la générale à émerveiller leurs voisins ; quand nous sortons à travers les montagnes qui nous environnent, la musique des païens reste silencieuse. Le collège aurait le premier prix, si concours il y avait. Les temps sont bien changés : il y a vingt-cinq ans, nous vivions dans une défiance continuelle ; depuis les traités, les missionnaires ont droit de cité. »
Un jour, pourtant, cette paix fut troublée. La persécution de 1895 venait d’éclater à Tchentou, et, de là, se répandait comme une traînée de poudre, envahissant toute la province. Le séminaire fut attaqué, et le supérieur n’eut que le temps de prendre la fuite et de gagner les montagnes voisines, avec son confrère M. Piault et les séminaristes. La nuit venue, les fugitifs demandèrent l’hospitalité à une famille païenne, qui les logea dans un grenier : les exercices de la communauté, prière lecture spirituelle, chapelet, eurent lieu, comme si l’on n’eût pas quitté le séminaire. La bourrasque passée, les élèves, qui avaient dû se disperser, purent être de nouveau réunis, et le séminaire se trouva reconstitué.
M. Moreau en demeura chargé jusqu’en 1898. A cette date, nous le trouvons à la tête du district de Fou-chouen. Là, comme ailleurs, il donne libre cours à son zèle, évangélisant les deux sous-préfectures de Fou-chouen et de Long-tchang, créant de nouveaux postes et établissant des écoles partout où il le peut. Les épreuves ne lui manquent pourtant pas. C’est d’abord la persécution de Yu-man-tse, qui fit des martyrs parmi ses chrétiens ; puis, le soulèvement des Boxeurs. « Les familles de mon district, écrit-il en 1899, ont été pillées pour la seconde fois : trois maisons brûlées, deux personnes blessées. Ailleurs, il y a eu des morts. Que de souffrances, que de malheurs pour nos pauvres chrétiens ! Que d’injures et d’avanies ! On les regarde comme des traîtres à la patrie et des vendus à l’étranger. Ils ont vraiment du mérite à supporter tant d’épreuves. S’ils n’avaient pas la foi, ils rougiraient de nous. Gloire soit rendue à Dieu ! La religion catholique ne meurt pas. »
Un an après, nouvel orage : « Rassurez-vous, écrit-il le 12 septembre 1900 ; je suis encore de ce monde. Mais, de nouveau, les brigands se remuent ; quatre familles chrétiennes sont pillées. Le mandarin m’envoie un major pour me conduire au prétoire ; mais j’habite la campagne, à quatre lieues de la sous-préfecture, sur les bords du fleuve, dans un village de cinq à six cents feux. Après avoir mis en sûreté les orphelins et les catéchumènes, je me rendis au prétoire, où je fus bien accueilli. Le lendemains, deux confrères y arrivaient aussi, après avoir échappé au danger d’être brûlés vifs. Tous les établissements de la mission ont été détruits. Grâce à Dieu, personne n’a été massacré. Seule, une bonne chrétienne, mère de quatre enfants, est morte de frayeur. Notre consul, qui est le seul Européen qui soit resté, nous écrit que sur dix chances, chacun de nous en a neuf d’être empalé. Il faudrait bien cela pour l’expiation de mes péchés ! Nous attendons les événements ; chacun est à son poste. Vive la joie ! Vivent les âmes Fiat voluntas Dei ! » Malgré tout, les efforts de M. Moreau sont bénis de Dieu, et, en quelques années, il double le nombre de ses chrétiens.
Après une maladie qui l’obligea à aller à Shanghaï pour se faire soigner, il fut placé à Lou-tchéou ; puis, en 1910, à Soui-fou même, dans la paroisse du faubourg du nord. Ce devait être sa dernière étape.
« M. Moreau, écrit M. Moutot, est mort, on petit bien le dire, les armes à la main. Il a travaillé tant que ses forces le lui ont permis. Le 31 juillet 1913, il entendait bon nombre de confessions, et le lendemain, il montait encore au saint autel. Ce devait être pour la dernière fois. A la fin de la messe, ses forces le trahirent, et deux chrétiens durent le soutenir, pour lui permettre de retourner à la sacristie et de quitter les vêtements sacerdotaux.
Ne pouvant plus célébrer, il voulut, quand même, assister chaque jour au saint sacrifice, et recevoir la sainte communion. Il demeurait agenouillé pendant toute la messe et durant son action de grâces. Comme on lui en faisait l’observation, et qu’on lui conseillait de s’asseoir pour ne pas se fatiguer : « Ne faut-il pas, dit-il, donner le bon exemple ? » Il ne se faisait pas, d’ailleurs, d’illusion sur son état : « Les forces de l’homme, remarquait-il, ont une limite, et je suis arrivé à cette limite. »
Le 7 août, se trouvant plus fatigué, il demeura couché, sur le conseil de son domestique. Après avoir dit la messe, son vicaire, le P. Lou, vint prendre des nouvelles. Le trouvant les yeux fermés, et pensant qu’il dormait, il se retira doucement. Peu après, le domestique entre à son tour, et adresse la parole au malade à deux reprises. Ne recevant pas de réponse, il se penche vers lui ; la respiration est très faible, les mains sont froides. Le P. Lou, prévenu immédiatement, accourt en toute hâte, et lui administre l’extrême-onction. C’était la fin.
Chez M. Moreau, deux vertus dominèrent toutes les autres : son amour de l’obéissance et son respect pour ses supérieurs. Leurs moindres désirs étaient pour lui des ordres, et il ne se serait jamais permis la moindre critique. Il s’imposait de grandes mortifications, et se privait beaucoup, pour être à même de mieux soulager la misère des pauvres. Son zèle apostolique demeurera longtemps proverbial parmi nous. Dieu veuille que beaucoup de missionnaires et de prêtres indigènes fournissent une carrière aussi longue et aussi bien remplie !
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Références
[1039] MOREAU Louis (1844-1913)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1874 (janv.), p. 16 ; 1883, p. 49 ; 1890, p. 76 ; 1894, p. 126 ; 1898, p. 91 ; 1899, p. 115 ; 1904, p. 106 ; 1905, p. 70 ; 1907, p. 114. - A. M.-E., 1909, pp. 34, 36, 38. - Sem. rel. Bourges, 1870, p. 102 ; 1895, p. 668 ; 1913, Notice, nos 41, 45, 50, 52.
Notice nécrologique. - C.-R., 1913, p. 418.