Henri MUSSOT1854 - 1905
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1486
- À savoir : Mort violente
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1881 - 1905 (Darjeeling [Sikkim])
Biographie
[1486]. MUSSOT, Henri-Georges, massacré au Thibet, naquit à Ouge (Haute-Saône) le 26 juin 1854. Après avoir fait une partie de ses études à Luxeuil, il entra sous-diacre au Séminaire des M.-E. le 22 octobre 1879. Ordonné prêtre le 17 décembre 1880, il partit le 19 janvier 1881 pour la mission du Thibet. Il aida d'abord Desgodins à fonder une station à Padong dans le nord de l'Inde, puis, en 1883, il fut envoyé dans la partie de la mission située en Chine, et chargé du poste de Cha-pa.
De 1891 à 1897, il remplit à l'évêché les fonctions de procureur. Il alla créer un poste à Lentsy, où il faillit être massacré par les Boxeurs. Il revint à Cha-pa et passa peu après à Bathang ; il y fut massacré par des bandits, à l'instigation des lamas, le 5 avril 1905.
Nécrologie
M. MUSSOT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU THIBET
Né le 26 juin 1854
Parti le 19 janvier 1881
Mort le 5 avril 1905
M. Georges-Henri Mussot naquit à Ouge (Besançon, Haute-Saône) le 26 juin 1854. Entré sous-diacre au Séminaire de Paris le 22 octobre 1879, il fut ordonné prêtre le 17 décembre 1880. Il quitta Paris le 19 janvier 1881, et arriva à Calcutta le 21 février de la même année. Il était destiné à accompagner M. Desgodins, qui venait d’être chargé par Mgr Biet d’établir, sur la frontière-sud du Thibet, un pied-à-terre, d’où les missionnaires, profitant de la marche en avant des Anglais, pourraient pénétrer plus facilement dans cette mission. On supposait, mais à tort, que les Anglais étaient déjà en contact immédiat avec le royaume de Lhassa, et qu’ils ne tarderaient pas à l’ouvrir au commerce. M. Mussot accompagna donc M. Desgodins dans ses excursions à travers les Himalaya, et jusque chez les Simphos et les Kamptis. Enfin les deux missionnaires trouvèrent, dans les marches du Népal, un coin de forêt où ils fondèrent une station provisoire, qui prit le nom de Padong. A peine ce travail était-il terminé, que M. Mussot fut appelé au Thibet-est. Il y arriva en 1883.
Les débuts du jeune missionnaire, envoyé ainsi, dès le premier jour, en expédition géographique sur la frontière du Thibet, répondaient à ses goûts naturels. Il conserva, toute sa vie, l’amour des excursions sur les collines et les montagnes les plus élevées. Les questions de géographie le captivaient. Chargé de combiner tous les documents qu’il avait recueillis, avec ceux des autres missionnaires et des explorateurs du Thibet, pour dresser une carte aussi exacte que possible de la mission, il eut le tort de vouloir trop perfectionner son travail avant de le livrer au public : actuellement, hélas ! tout est perdu.
En arrivant au Thibet-est, M. Mussot fut placé à Chapa, la plus ancienne chrétienté chinoise du vicariat. Il y trouva quelques fortes têtes, qui ne tardèrent pas à baisser pavillon devant sa fermeté. Lorsque Mgr Biet partit pour la France, en 1891, il fut placé à l’évêché comme procureur, et occupa ce poste jusqu’en 1897. Il fut alors chargé de créer un poste à Lentsy, tout en continuant à gérer les intérêts matériels de la mission. Comme ses fonctions lui laissaient des loisirs, et que les voyages en pays inconnu lui souriaient toujours, il visita les quelques chrétiens qui habitaient les rives du Kin-ho, en suivant, la première fois, les hauts plateaux thibétains, et la seconde, en faisant un détour par le Kien-tchang.
En 1901, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, M. Mussot fut subitement attaqué, dans sa résidence de Lentsy, par une bande de brigands descendus de la montagne. Il se sauva sans être poursuivi. Quand il fut en dehors du village, il constata que sa maison n’était pas incendiée et ne tarda point à y rentrer. Les bandits s’étaient contentés de briser les meubles et d’enlever toutes les caisses de notre confrère.
On eut bientôt la preuve que ce pillage était l’œuvre d’une famille Tcheou, ou des boxeurs auxquels elle donnait l’hospitalité. Le préfet de Ta-tsien-lou, qui avait cité devant lui le chef de cette famille, nous déclara, peu après, que cet homme était innocent, mais qu’il consentait, quand même, à nous payer une indemnité. Cette singulière proposition fut repoussée, comme elle méritait de l’être, et le mandarin n’osa point relâcher l’inculpé ; il le garda dans son prétoire. La famille Tcheou, encouragée par la faiblesse du magistrat, se décida à frapper un grand coup. Elle fit appel à quelques partisans du fameux Yu-Man-Tse et à tous les voleurs du pays. Tcheou-Houa-Chan fut nommé général en chef. Le 19 mars au matin, M. Mussot vit sa maison cernée par des troupes nombreuses, dont les drapeaux portaient comme devise : « Pour la défense de la dynastie, par ordre du préfet de Ta-tsien-lou, etc. » La fuite est presque impossible. Toutefois, le missionnaire remarque que la masse des assiégeants est moins compacte, devant la petite porte de sa cour. Il ouvre vivement cette porte, et sort en compagnie de deux chrétiens bien armés. Les assaillants, d’abord stupéfaits, se ressaisissent bientôt, et la poursuite commence. L’un des deux chrétiens tombe percé d’un coup de lance ; l’autre prend un chemin détourné et disparaît. Tous les efforts sont alors dirigés contre M. Mussot, qui est saisi au moment où il franchit un mur et va échapper à ses ennemis.
Les boxeurs l’enchaînent et l’attachent à une colonne, devant sa résidence. Le prisonnier demande à manger ; on ne l’écoute pas. Il assiste au pillage de sa maison ; puis, quelques forcenés lui attachent une corde au cou et le conduisent à la montagne, dans le village de Hé-keou. Chemin faisant, il est frappé si cruellement, que le dos et les bras sont tout meurtris. Heureusement, on lui délie les mains, et il pare de son mieux les coups destinés à la tête. C’est ainsi qu’il a le poignet gauche fracturé. Enfin, il tombe défaillant sur la route, et les persécuteurs, qui ont l’intention de le garder comme otage, cessent de le frapper.
Le cinquième jour de sa captivité, il est conduit à une hutte abandonnée, dans la forêt. Il voit alors plusieurs de ses gardiens aiguiser leurs longs couteaux, et persuadé que son dernier moment est venu, il fait le sacrifice de sa vie. Cependant le préfet de Ta-tsien-lou, prenant, cette fois, son rôle au sérieux, s’est rendu à Lentsy avec des soldats. Il négocie avec la femme de l’individu qu’il détient dans son prétoire. Il promet de délivrer le mari, si on lui remet immédiatement M. Mussot ; sinon, le mari va être décapité. La femme Tcheou ordonne à ses partisans de conduire le missionnaire à l’endroit indiqué par le mandarin.
M. Mussot supporta vaillamment ses souffrances. Son poignet fracturé se ressouda peu à peu ; mais, depuis lors, au moindre changement de température, il ne cessa de ressentir une vive douleur dans le bras.
Sur ces entrefaites, M. Aubert ayant été rappelé à Paris comme directeur, M. Mussot, tout en restant chargé de Lentsy, dut fixer sa résidence à Chapa. Cette chrétienté avait été détruite, elle aussi, par la bande de Tcheou-Houa-Chan, et elle était encore un peu troublée. M. Mussot, dont les nerfs avaient besoin de repos, s’offrit à remplacer M. Grandjean dans le poste peu enviable de Bathang. Sa proposition fut acceptée. Les principautés thibétaines étaient alors fort tranquilles, et, malgré son âge déjà avancé, le nouveau titulaire de Bathang n’eut aucune peine à s’acclimater. Comme tous les confrères de ces parages, il espérait que la pénétration pacifique des Chinois ferait cesser la tyrannie des lamas et faciliterait la conversion des Thibétains.
Cependant les lamas, mécontents de voir les Chinois défricher les champs incultes, ourdirent un complot, de concert avec le second chef indigène. Un séjour prolongé du commissaire impérial à Bathang fournit l’occasion de la révolte. Ce grand mandarin, nommé Fong-Tsuen, n’ayant avec lui qu’une escorte de 40 à 50 hommes, ne sut pas se rendre compte assez tôt du danger auquel il s’exposait. Il se mit à donner des ordres, comme s’il eût été à la tête d’une armée. Les lamas saisirent la balle au bond. Avec leurs partisans, ils organisèrent le brigandage dans le voisinage de la ville, pour obliger le commissaire impérial à user de rigueur. Bientôt, en effet, il y eut des rixes sérieuses, et les lamas, déclarant leur couvent en danger, firent appel à leurs amis, les Dechudunba. Ce sont ces mêmes bandits qui, par ordre de la lamaserie, ont déjà détruit plusieurs fois notre station de Bathang. Le 21 mars, M. Mussot écrivait : « Les Dechudunba sont campés à 30 lys d’ici. C’est un essai de révolte de la « lamaserie contre la Chine. Depuis longtemps, j’ai averti les mandarins que les 50 soldats du « K’in-tchay » (commissaire impérial) ne suffisaient pas. Aujourd’hui, ils peuvent faire leur « meâ culpâ. Serons-nous enveloppés dans la bagarre ? Notre tour viendra-t-il après ? Dieu « seul le sait. En tout cas, c’est pour aujourd’hui ou pour demain, si les Thibétains osent « marcher. Bathang est en état de siège ; j’ai préparé de l’argent en vue d’un départ possible, « et je continue mon train de vie ordinaire. A la grâce de Dieu ! »
A une date, postérieure sans doute de quelques jours, mais effacée, M. Mussot ajoutait sur l’enveloppe de la même lettre : « Voilà dix jours que nous passons dans de continuelles « alarmes. C’est l’histoire de Lentsy qui se renouvelle, avec cette différence que l’issue se fait « attendre. Après quatre ans, c’est un anniversaire comme un autre. »
Ici s’arrêtent les documents authentiques. Il paraît certain, cependant que M. Mussot, qui s’était réfugié d’abord chez le second chef indigène, prit la fuite et alla se cacher à Tchroupalong, chez le petit mandarin chinois qui surveille le passage du fleuve Bleu, en cet endroit. Un soldat m’a affirmé que, le 1er ou le 2 avril, le missionnaire fut saisi chez ce petit mandarin. D’un autre côté, un homme de Bathang a raconté que le missionnaire fut ramené à Bathang, et resta trois jours enchaîné à la lamaserie. Il supplia les lamas de laisser la vie à son fidèle domestique, Kong-Iuin-Hin, père d’une nombreuse famille, mais ils se montrèrent impitoyables, et, quelques jours plus tard, ils jetaient cet excellent serviteur à la rivière. D’après le même narrateur, M. Mussot fut extrait de la lamaserie, fustigé avec des épines, et enfin fusillé. Ses bourreaux lui auraient ensuite coupé la tête et les mains, et les auraient suspendues, en guise de trophée, à la porte d’entrée de la lamaserie.
Je donne ces détails sous toute réserve, car les faits ne seront exactement connus qu’après l’enquête qui sera faite prochainement, j’espère, à Bathang même. Quoi qu’il en soit, notre confrère n’a pu se faire illusion sur le sort qui lui était réservé, et il a eu le temps d’offrir à Dieu le sacrilice de sa vie. Nous avons perdu, en M. Mussot, un confrère très charitable, un ouvrier zélé et un saint prêtre, qui ne cessa de se faire remarquer par la régularité avec laquelle il accomplissait tous ses exercices de piété. Il est mort en haine de la foi : sa fin glorieuse a dignement couronné sa vie.
† P. P. GIRAUDEAU,
Vicaire apostolique du Thibet.
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Références
[1486] MUSSOT Henri (1854-1905)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1882, p. 36 ; 1883, p. 47 ; 1884, p. 62 ; 1886, p. 53 ; 1887, p. 90 ; 1888, p. 84 ; 1889, p. 79 ; 1896, p. 120 ; 1900, p. 101 ; 1901, p. 101 ; 1902, p. 118 ; 1905, p. 73 ; 1906, p. 94. - A. P. F., lxxvii, 1905, p. 257. - M. C., xxxvii, 1905, pp. 205, 517. - A. M.-E., 1901 ; p. 177 ; 1906, pp. 6 et suiv.
Hist. miss. Thibet, Tab. alph. - Nos miss. pat. et sav., p. 47. - La miss. lyon., pp. 169 et suiv., 186.
Notice nécrologique. - C.-R., 1905, p. 345.
Portrait. - A. P. F., lxxviii, 1906, p. 82. - A. M.-E., 1906, p. 2.