Louis LUCAS1887 - 1964
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3168
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1914 - 1930 (Daegu [Taikou])
- 1932 - 1964
Biographie
[3168] LUCAS Louis, Marie, Brice, est né le 3 juin 1887 à Bettegney-Saint-Brice, département des Vosges, diocèse de Saint-Dié, troisième fils de François-Jules Lucas et de Marie-Rose Thomassin; il quitte l'école dès l'obtention de son certificat d'études primaires.
Son grand frère aîné entre au Séminaire de Saint-Dié, mais le quitte après avoir été minoré, et se marie. Son second frère aîné, Joseph, entre aux MEP, est ordonné prêtre le 26 juin 1898, part pour la Mandchourie et y meurt du typhus quelques mois après son arrivée, en mai 1899.
À 18 ans, Louis Lucas se dit qu'il doit remplacer ses deux frères aînés dans le service de Dieu, et quitte la ferme familiale pour aller apprendre le latin chez son curé; il trouve ces études bien difficiles, mais fait preuve de grande volonté. Entré à Bièvres le 12 septembre 1907, il suit péniblement les études de philosophie et de théologie, qui sont interrompues par deux années de service militaire à Épinal. Passé à la rue du Bac, il est ordonné prêtre le 28 septembre 1913 et destiné à la mission de Taegu. Parti de Paris le 10 décembre 1913, il arrive à Taegu le 24 janvier 1914.
Après avoir un peu étudié la langue coréenne, il est envoyé à Toi-jai, dans la province du Chon-la septentrional, arrondissement de Wan-ju, canton de Hwa-san. Toi-jai est une chrétienté perdue au milieu des montagnes, qui a été fondée autrefois par des chrétiens de Séoul qui avaient fui la persécution et où ont résidé avant lui les Pères Villemot, Mialon et Bermond. Peu après son arrivée dans ce poste, le Père Lucas est mobilisé pour la guerre de 1914, mais lors de son passage à Hongkong, il est réformé en raison de sa petite santé et peut revenir rapidement à Toi-jai s'occuper de ses nombreuses dessertes qu'il visite de septembre à Noël et depuis la fin janvier jusqu'à Pâques.
En 1920, le Père Peynet étant devenu supérieur du Séminaire de Taegu, le Père Lucas lui succède à Sou-ryon, au canton de Keum-san de l'arrondissement de Kim-jé, dans la même province du Chon-la septentrional; le milieu naturel et les hommes que le Père Lucas trouve à Sou-ryon ressemblent beaucoup à ceux de la paroisse qu'il vient de quitter : mêmes villages écartés dans les montagnes, mêmes ieux chrétiens" parmi lesquels avant lui-même et le Père Peynet, son prédécesseur, ont travaillé tour à tour les Pères Vermorel, Jozeau et Lacrouts. Exact à tous ses devoirs, le Père Lucas soigne spécialement l'enseignement de la doctrine, aidé en cela par une école de caractère moderne qu'a fondée le Père Peynet.
En juin 1930, condamné au repos en raison de sa santé déficiente, le Père Lucas se résout à quitter ses chrétiens pour prendre un congé en France d'où il revient en bonne forme au début de 1932. En 1931, les missionnaires MEP qui travaillaient dans les deux provinces du Chon-la en ont été retirés pour être ramenés dans les deux provinces du Kyong-sang, cela en vue d'une division du vicariat de Taegu et de la création de missions nouvelles dans la partie ouest du vicariat. À son retour en Corée, le Père Lucas ne retourne donc pas à Sou-you, mais est envoyé à Ham-an fonder un nouveau poste, détaché de Masan. Au début, comme il n'y a aucune installation à Ham-an, le Père Lucas réside dans la desserte de Ka-deung, qui a une chapelle et une maison en torchis. Le Père Lucas achète d'abord un terrain en ville même de Ham-an, puis il y fait construire une chapelle et une maison et enfin, en 1938, une église digne de ce nom. En même temps, il s'efforce de développer son petit noyau de chrétiens. Il est souvent dehors, pour lier conversation avec toutes les personnes qu'il rencontre et leur parler de Dieu et du Sauveur.
En 1942, le nouveau vicaire apostolique japonais de Taegu change tous les titulaires de postes, envoyant dans des "trous perdus" de campagne ceux qui, se trouvant sur les hauteurs des villes, pourraient espionner les mouvements de troupes. Le Père Lucas est ainsi envoyé à Yong-pyong, un hameau du canton de Hwa-san, dans l'arrondissement de Yong-chon, à l'est de Taegu, où il ne subit même pas de tracasseries policières et peut même échapper à l'internement auquel seront soumis la plupart des missionnaires entre avril et août 1945. Le Père Lucas reste ainsi à Yong-pyong jusqu'en 1948.
En 1948, quand les missionnaires MEP des vicariats de Séoul et de Taegu sont regroupés dans la nouvelle mission de Tae-jon, il est choisi pour aumônier des religieuses de St Paul de Chartres de Taegu et de leurs orphelines; il loge dans une aile du séminaire désaffecté de Taegu, passant la majeure partie de son temps à confesser et enseigner les soeurs, leurs postulantes, leurs aspirantes et les orphelines dont elles s'occupent. En 1950, face à l'invasion communiste, il se réfugie le temps qu'il faut chez le Père Deslandes pour s'occuper de la jeune congrégation de religieuses fondée par ce dernier, ainsi que des orphelines, des infirmes et des vieillards qu'il a recueillis; il se charge également de la chrétienté voisine, passant plusieurs heures chaque jour au confessionnal. En 1962, à deux reprises, il doit se faire opérer d'urgence pour occlusion intestinale, et en octobre 1964, il est terrassé par une crise cardiaque dont il semble se remettre tout doucement, mais il fait une rechute le 20 novembre et décède paisiblement le 22 novembre. Sa dépouille est inhumée dans la propriété des "Religieuses Servantes du Sacré Coeur" le 25 novembre 1964. Lorsque, à la suite de l'implantation de l'aciérie de Pohang sur leur site, les religieuses doivent déplacer leur maison-mère à Tai-jam-dong, à l'ouest de Pohang, les restes du Père Lucas y sont transférés.
Nécrologie
LE PÈRE LOUIS LUCAS
1887 - 1964
missionnaire de Taegu (Corée)
Louis, Marie, Brice LUCAS est né le 3 juin 1887 à Bettegney-Saint-Brice, petite commune du canton de Dompaire, dans cette région située entre Epinal et Neufchâteau, à laquelle on donne, par opposition à la « ligne bleue des Vosges », le nom de « plaine », malgré ses nombreuses collines aux pentes assez raides. Ce village, blotti dans un vallon, ne comptait guère plus de deux cents habitants, tous cultivateurs et petits vignerons. Les vignes, étagées sur le flanc méridional de la colline où s’appuie la vieille église, ne donnent que quelques barriques de vin pour l’usage domestique. Les champs, à la terre très argileuse, épandus sur les collines d’en face, étaient peu productifs et difficiles à labourer ; il fallait alors un attelage de quatre chevaux pour tirer la charrue ; le jeune Louis passa de longues années à le conduire, puis à tenir les mancherons de la charrue. Actuellement ces champs ont fait place à des prairies artificielles et les chevaux à des tracteurs ; de plus, bien des jeunes gens, délaissant la terre, enfourchent leur moto pour aller travailler dans les usines établies le long de la Moselle.
Son père, François-Jules, et sa mère, Marie-Rose Thomassin, eurent quatre fils et une fille. Ils donnèrent à leurs enfants une éducation foncièrement chrétienne. Aussi les deux aînés de Louis entrèrent-ils aux séminaires diocésains de Châtel, Autrey et Foucharupt, près de Saint-Dié. L’un d’eux était minoré lorsqu’il quitta le grand séminaire pour convoler en justes noces avec une jeune fille de Raon-aux-Bois. L’autre, Joseph, ses études terminées au Petit séminaire d’Autrey, entra aux Missions Etrangères de Paris ; ordonné prêtre le 26 juin 1898, il partit le 3 août suivant pour la Mandchourie méridionale ; mais il fut emporté par le typhus, après quelques mois de mission, le 20 mai 1899.
Notre Louis se dit alors : « Mes deux aînés n’ont pu réussir dans leur dessein de gagner des âmes à Dieu ; je ne suis qu’un gringalet qui ne vaut pas grand-chose, mais il faut que je les remplace ». A 18 ans, il dit adieu à sa charrue, à ses chevaux, et pendant deux ans il prit des leçons de latin chez son curé, l’abbé Barjonnet, qui fut heureux d’occuper les loisirs que lui laissait la conduite de sa paroisse et de son annexe. Les études furent assez dures, car Louis avait quitté les bancs de l’école primaire dès l’obtention de son certificat d’études. Mais sous des apparences chétives, il était un homme de volonté. Enfin le 12 septembre 1907, il fut admis au séminaire de Bièvres. Il suivit péniblement les cours de philosophie et de théologie, qui furent interrompus par deux années de service militaire au 149e de ligne à Epinal. Il y conquit le grade de caporal. Rentré au séminaire de la rue du Bac, il fut ordonné prêtre le 28 septembre 1913. Destiné à la Mission de la Corée méridionale, il partit de Paris le 10 décembre 1913 et arriva à Taegu le 24 jan¬vier 1914.
Après quelques mois d’étude du coréen à l’évêché, comme c’était alors la coutume, il fut envoyé dans la vieille chrétienté de Tentjai, où il succédait au P. BERMOND, aujourd’hui notre toujours vaillant patriarche. Tentjai était un poste caché au fin fond des montagnes du Tjellado, à l’abri de tout prosélytisme japonais : il avait été fondé par des chrétiens de Séoul qui avaient fui la persécution. Leurs descendants étaient de braves gens à la foi robuste et tout dévoués aux Pères ; aussi avaient-ils le privilège d’avoir les jeunes missionnaires pour les former à la langue, aux us et coutumes du pays.
C’est là que le P. LUCAS fut atteint par l’ordre de mobilisation générale ; il s’embarqua en août 1914 à Kobé sur l’ « Amazone » avec le vicaire apostolique, Mgr DEMANGE, et la plupart de ses missionnaires. Mais à Hongkong, le P. ROBERT, économe général, demanda qu’on leur fît passer une nouvelle visite médicale. Mgr DEMANGE, le P. LUCAS et quelques autres missionnaires furent réformés ; ce fut le salut de la Mission. Ce serait une injure gratuite de les traiter « d’embusqués », car en plus de leur district déjà vaste, ils durent prendre en charge ceux qui étaient devenus vacants par suite de la mobilisation. Chacun avait plus de trente chrétientés secondaires à visiter deux fois par an. Partant en septembre, on ne rentrait au centre que pour Noël et on recommençait dès le début du carême jusqu’à Pâques, de sorte que bien des missionnaires passaient six mois de l’année en dehors de leur résidence. Et puis que d’extrêmes-onctions à porter à dix, vingt kilomètres ou même plus ! Le P. LUCAS, comme les missionnaires de ce temps-là, avait un cheval coréen de petite taille, robuste et au pied sûr comme celui d’un mulet, pour escalader et descendre les sentiers de montagne. A la fin de cette période difficile, il put avec satisfaction constater que, grâce au zèle de ses catéchistes, un net progrès s’était opéré dans l’instruction religieuse de ses chrétiens.
En 1919, les mobilisés rentrèrent et reprirent leur district. En 1920, la Mission subit une nouvelle épreuve : le P. CHARGE-BŒUF, ancien directeur au séminaire de Paris, qui était revenu à Taegu en 1913 comme supérieur du grand séminaire, mourut subitement pendant la messe. Pour le remplacer, Mgr DEMANGE jeta les yeux sur le P. PEYNET qui, revenu de la guerre, avait repris son grand et florissant district de Souryou, où il avait bâti une vaste église de style coréen. Comme fiche de consolation, le vicaire apostolique laissa au P. PEYNET le choix de son successeur à Souryou. On pensait au P. CADARS, licencié es-lettres, lieutenant d’infanterie, qui avait fait campagne en Sibérie avec l’armée Wrangel ; mais le P. PEYNET préféra le primaire en licencié, le caporal au lieutenant.
Le P. LUCAS régit pacifiquement le district de Souryou de 1920 à 1931, en suivant docilement les directives du P. PEYNET. Lors de la retraite annuelle ou à l’occasion d’un voyage à Taegu, il passait de longues heures avec l’ancien curé qui s’informait de ses ouailles ; il y en avait plus de deux mille, mais ce dernier les connaissait toutes avec leur généalogie. Exact à tous ses devoirs, le P. LUCAS soignait spécialement l’enseignement de la doctrine. Il avait d’ailleurs hérité d’une école fondée par sou prédécesseur. Quand Mgr DEMANGE venait faire la visite pastorale, il passait l’examen de catéchisme. La plupart répondaient par cœur à la perfection ; mais il y avait des exceptions ; et le vicaire apostolique de dire au P. LUCAS : « Un tel et un tel n’ont pas été très brillants ». — « Monseigneur, c’est qu’ils habitent derrière la montagne ». A la visite suivante : « Père Lucas, j’en ai encore trouvé qui habitent derrière la montagne ; quand vous passerez par là, secouez les donc un peu ». Mais le P. LUCAS, bonne âme, ne sut jamais employer les arguments frappants, même pour faire entrer le catéchisme dans les têtes rebelles. C’est surtout par la retraite spirituelle qu’il réussit à maintenir en haleine ses mouvements de jeunesse, enclins désespérément à l’inconstance.
Mais lui, c’est le surmenage qui le guettait. En juin 1930 ses forces le trahirent. Condamné au repos, il en profita pour prendre son congé en France. Il revit donc son village de Bettegney-Saint-Brice, son frère qui avait continué l’exploitation familiale et ses quatre filles, le fils et la fille de sa sœur mariée au village. Ce séjour au pays natal lui fit grand bien, sans toutefois lui donner le moindre embonpoint. En 1932 il nous revint en Corée, tout guilleret, prêt pour une nouvelle étape.
Entre temps, en 1931, dans le but de préparer l’érection de missions nouvelles à l’intérieur du vicariat apostolique de Taegu qui groupait les quatre provinces méridionales de la Corée, Mgr DEMANGE établit un vicariat forain dans les deux provinces de l’ouest, les mieux développées et ramena les missionnaires français dans les deux provinces du Kyongsang. Le P. LUCAS ne retrouva donc plus à son retour son district de Souryou. Mgr DEMANGE l’envoya en fonder un nouveau à Haman, qu’il détacha du district de Masan, tenue depuis 1914 par le P. BERMOND. Haman est un bourg situé à une vingtaine de kilomètres de Mésan ; mais il y avait fort peu de chrétiens et la Mission n’y possédait aucun terrain. Aussi le P. LUCAS commença-t-il par aller s’établir dans la chrétienté de Kateung, qui avait une chapelle et une résidence coréenne en torchis ; située sur les bords d’une rivière qui débordait chaque année à la saison des pluies, cette chrétienté était surnommée « la mare aux grenouilles ». Le P. LUCAS resta deux ans dans sa mare, mais, pendant ce temps, il acheta deux champs sur la colline dominant Haman ; il y construisit une chapelle et un presbytère, de style japonais, fort convenables. Il se mit alors à y développer le noyau de chrétiens existant. Tous les jours, après déjeuner, il prenait son bâton et faisait sa petite promenade dans les environs pour aider sa digestion toujours laborieuse ; il liait conversation avec toutes les personnes qu’il rencontrait et pas seulement pour parler de la pluie et du beau temps, mais de Dieu et du Sauveur. Bien des personnes vinrent à l’Eglise, parvinrent au baptême et attirèrent d’autres membres de leur famille, si bien qu’en 1938 la chapelle se trouva trop petite. Ne pouvant compter sur une aide de la mission, il trouva un généreux bienfaiteur qui lui permit de construire, en blocs de ciment, une église spacieuse pouvant contenir 800 personnes. Il était temps ! Les Japonais se montraient de plus en plus tatillons, tracassiers, sournoisement opposés à l’Eglise. La police alla jusqu’à empêcher le P. BERMOND et le P. LUCAS de se rendre visite.
Mgr DEMANGE était mort en avril 1938. Mgr MOUSSET, sacré à Taegu, le 1er mai 1939, ne put résister longtemps à la pression du sabre japonais, et pour éviter le pire il donna sa démission en 1942. Nous eûmes alors un évêque japonais, Mgr HAYASAKA qui, à peine arrivé, pour prévenir toute complication avec les autorités japonaises, changea tous les titulaires des postes, envoyant dans des « trous » de campagne les missionnaires qui occupaient des églises sur les hauteurs, afin qu’ils ne pussent « espionner » les mouvements de troupes et les convois militaires. Le P. LUCAS quitta donc sa colline de Haman pour aller à Yongpyong, petit village bien caché au fond d’une vallée et composé entièrement de chrétiens. Il y fut relativement tranquille, sans trop de visites policières. Il échappa même aux mesures d’internement qui rassemblèrent tous les missionnaires français à Taegu durant les derniers mois de la guerre. C’était un homme si inoffensif !
Il resta à Yongpyong jusqu’en 1948. Cette année-là la province du Chung Nam était détachée du vicariat apostolique de Séoul pour former la nouvelle mission de Taejon, confiée aux Missions Etrangères de Paris ; les missionnaires de Séoul et de Taegu furent regroupés pour évangéliser cette province. Mais comme il fallait un aumônier à la communauté des sœurs de Saint-Paul de Chartres, le P. LUCAS fut choisi et resta seul à Taegu, logeant dans une aile du séminaire, passant ses journées à confesser les sœurs, les postulantes, les aspirantes et aussi les orphelines auxquelles il faisait le catéchisme. En 1950, il vit passer les confrères qui fuyaient vers Pusan devant l’invasion communiste. Taegu étant sérieusement menacé par les Rouges, lui-même se réfugia quelques mois chez le P. DESLANDES aux environs de Pohang ; mais au mois de septembre il rejoignit son poste, l’offensive rouge ayant été stoppée aux portes mêmes de Taegu. Quelques années plus tard, il eut la joie de voir rompre sa solitude par l’arrivée de jeunes confrères venus étudier la langue pour préparer la nouvelle mission de Andong. Pour eux, « Dom Lou », comme ils l’appelaient affectueusement, était un témoin vénéré des temps anciens et un directeur très écouté.
Cependant les œuvres que le P. DESLANDES avait établies à Pohang prenaient une grande extension et le fondateur ne pouvant plus suffire à la tâche réclamait de l’aide. Le P. LUCAS, l’homme de tous les dévouements, y fut envoyé en mai 1958. L’aumônerie de Pohang n’était pas une sinécure. Il y avait là le noyau de l’œuvre : la congrégation des « Servantes du Sacré-Cœur », sœurs, novices, postulantes et aspirantes ; il y avait l’œuvre elle-même : orphelinat, crèche, asile de vieillards, hospice d’infirmes, dispensaire pour les lépreux, donc une véritable cité de 800 âmes. Le P. LUCAS avait en plus la charge de la petite paroisse annexe, qui rassemblait quelque quatre cents chrétiens des environs. Il passait plusieurs heures chaque jour au confessionnal, par tous les temps, sans jamais se plaindre. On le voyait, courbé sur son bâton, tirant la jambe et se balançant de gauche à droite, se rendre à la chapelle distante de 300 mètres. Que de mérites accumulés et de travail accompli, malgré une santé toujours chancelante ! En 1962, à deux reprises, on dut le transporter d’urgence à l’hôpital de Taegu : une occlusion intestinale exigeait une intervention chirurgicale. Le Père dut se soumettre à un régime sévère, mais il put reprendre peu à peu son service. Il faisait penser naturellement au curé d’Ars : même visage émacié, même origine paysanne, même travail aux champs jusqu’à 18 ans, mêmes difficultés pour les études, même ministère sans éclat dans des paroisses de campagne, même labeur obscur au confessionnal, même zèle pour le salut des âmes, même humilité et charité envers les confrères qui s’adressaient volontiers à lui, même bon sens paysan : doux, pacifique, dévoué ; acceptant avec le sourire les plaisanteries, joyeux dans les réunions, riant de bon cœur aux saillies et traits d’esprit, mais ratant à tout coup ses effets quand il essayait d’en faire lui-même. Ce « gringalet », comme il s’appelait lui-même, cette haridelle manœuvra cahin-caha dans la vigne du Seigneur, mais abattit plus d’ouvrage que bien des pur-sang.
Le 28 septembre 1963, Pohang en fête célébra les cinquante ans de sacerdoce du P. LUCAS. Après la messe solennelle qu’il chanta lui-même, l’humble jubilaire se retrouva assis sur l’estrade entre deux généraux, au milieu de nombreux confrères coréens et français, pour écouter les discours d’usage célébrant à l’envi ces cinquante années consacrées au développement de l’Eglise de Corée, au soulagement spirituel et corporel du peuple coréen.
En mai 1964, le P. LUCAS se rendit comme de coutume à Taejon pour la retraite commune ; mais ses forces déclinaient visiblement. En octobre une crise cardiaque le terrassa et il reçut l’extrême-onction. Il se remettait pourtant doucement quand, le 20 novembre, il y eut une nouvelle alerte, et, le dimanche 22, à 10 heures du matin, il rendait paisiblement son âme à Dieu. Les funérailles eurent lieu au centre des œuvres de Pohang, le mercredi 25. Le supérieur régional et tous les confrères du groupe étaient présents, ainsi de nombreux prêtres représentant les diocèses de Taegu, Pusan et Chonju, où le P. LUCAS avait travaillé. Le P. DESLANDES chanta la messe solennelle et, avant l’absoute, le vicaire général de Taegu adressa à notre confrère un émouvant « au revoir ». Puis le long cortège des prêtres, des personnalités officielles, des sœurs, des orphelins et orphelines, des vieillards, des infirmes et enfin des fidèles se déroula jusqu’au tombeau préparé dans la propriété, au pied du grand calvaire. Sur cette tombe, les sœurs viendront souvent se recueillir un instant en allant à leur travail pour écouter encore cette voix qui leur a si souvent parlé d’humilité et de souriante charité.
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Références
[3168] LUCAS Louis (1887-1964)
Références biographiques
EPI 1965 p. 422-428.
AME 1914 p. 45. 46. CR 1913 p. 311. 1915 p. 245. 1917 p. 29. 1918 p. 21. 1920 p. 18. 1921 p. 32. 1922 p. 33. 1923 p. 36. 1924 p. 28. 1925 p. 31. 1926 p. 27. 1929 p. 48. 334. 1930 p. 42. 48. 338. 1932 p. 53. 54. 1933 p. 37. 1935 p. 29. 1938 p. 31. 1939 p. 36. 1940 p. 16. 1948 p. 11. 1950 p. 16. 1953 p. 19. 20. 1955 p. 21. 1956 p. 21. 1957 p. 25. 1958 p. 32. 1959 p. 41. 1962 p. 22. 1963 p. 33. BME 1930 p. 430. 1932 p. 236. 390. 532. 533. 1937 p. 501. 1938 p. 459. 830. 1939 p. 713. 1940 p. 42. 1949 p. 108. 422. 1950 p. 618. 675. 676. 679. 680. 681. 711. 712. 753. 1951 p. 156. 157. 1952 p. 256. 1954 p. 565. 894. 1004. 1955 p. 142. 894. 1079. 1956 p. 553. 647. 789. 1070. 1072. 1957 p. 256. 754. 860. 861. 1958 p. 848. 971. 1959 p. 261. 262. 344. 1961 p. 224. 306. 571. 572. 574. EPI 1962 p. 485. 690. 1963 p. 590. 1964 p. 118. 121. 548. 1965 p. 256. 422. 1969 p. 502. EC1 N° 219. 236. 239. 242. 486. 748.