Joseph MARTIN1853 - 1925
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1311
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1877 - 1925 (Yibin [Suifu])
Biographie
Joseph, Eugène MARTIN fils de Matthieu, auvergnat d'origine, commerçant en bois, et de Clotilde Riondellet, naquit le 17 août 1853, à Tarare, paroisse Sainte Madeleine, diocèse de Lyon, département du Rhône. La famille comptait trois garçons et sept filles, dont deux devinrent et moururent religieuses. En octobre 1862, Joseph fut envoyé au petit séminaire de l'Argentière, où il parcourut le cycle complet des études secondaires, philosophie incluse, jusqu'en juillet 1873.
Le 26 septembre 1873, il entra laïque, au séminaire des Missions Etrangères où il passa trois ans. Tonsuré le 30 mai 1874, minoré le 19 décembre 1874, sous-diacre le 22 mai 1875, diacre le 11 mars 1876, ordonné prêtre le 23 septembre 1876, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Se-tchoan Méridional (Suifu), qu'il partit rejoindre le 14 décembre 1876.
Arrivé dans sa mission en 1877, M.Joseph Eugène Martin fut envoyé pour apprendre la langue chinoise d'abord à Chen-ki-keou, puis à Ly-pin, dans la sous-préfecture de Tsin-ky. Il devint, vers la fin mai 1877, titulaire de ce petit poste. En 1884, Mgr. Lepley estimant qu'un district mieux fourni en voies de communications serait plus adapté à sa forte myopie, le nomma curé de Che-li-chan, dans la sous-préfecture d'Omei. Mais en raison d'une certaine difficulté d'adaptation et de la malaria, M. J.E Martin ne put y rester qu'un an ; l'année suivante, il prit le poste de Ta-tien-che où il ne passa que quelques mois.
Pendant son séjour dans la sous-préfecture de Tsin-ky, M.J.E. Martin avait eu des contacts avec les autochtones Lolo. Pour lui permettre de développer ces relations avec eux, en 1886, il fut envoyé aux confins de leur territoire, et nommé chef du district de Houang-mou-tchang. Là, il se mit à l'étude de la langue Lolo, qu'il parla bientôt couramment.
En mai 1890, M.J.E. Martin, invité par un chef aborigène Lolo, il franchit sur un radeau le Tong-ho, rivière au cours impétueux, frontière entre le pays chinois et lolo. Bien accueilli, il prolongea son séjour dans cette région, projetant la fondation d'un poste missionnaire. Avec l'accord de Mgr. Chatagnon, il s'installa au milieu d'eux, sur la rive droite du Tong-ho, laissant à M.Delolme le district de Houang-mou-tchang. En octobre 1890, il se fixa à Pien-ma, localité lolo située plus à l'intérieur de leur territoire, mais distante d'une journée de marche du village le plus rapproché. Mal logé, mal nourri, il vécut de privations. En 1893, en leur langue, il avait rédigé un catéchisme et un livre de prières.
En 1894, ces arbares des montagnes", en proie à la famine depuis plus de deux ans, descendirent piller les gens de la plaine qui se défendirent, ce qui donna lieu à des troubles. M. J.E.Martin se trouva alors en situation délicate. En juillet 1895, il assista à la retraite annuelle. A cette occasion, il composa une chanson amusante sur "l'âne Martin" qui devait se rendre à Chungking pour y subir une opération.
A son retour, M.J.E. Martin prit sa part de labeur commun pour relever les ruines accumulées par la persécution du vice-roi Lieou, au printemps de 1895. De nouveau, il assura l'administration du district de Houang-mou-tchang jusqu'en 1899.
Il tenta alors d'évangéliser les Lolo proches de la ville de Yue-hi, au Kieng-tchang. Installé chez eux à Lie-o, il en fut chassé, et, en 1899, il se replia au village lolo de Lo-tse-keou, situé dans un petit vallon à six kms de Pien-ma, et proche d'un centre chinois installé à la frontière sino-lolo du Kien-tchang et où vivaient quelques chrétiens. A Lo-tse-keou, il construisit une résidence, ouvrit une école enseignant lui-même une vingtaine d'élèves. Il n'osa faire que quelques baptêmes.
A Gié-leou-kha, où il évangélisait aussi une tribu lolo, il reçut la visite de M.Philippe Berthelot, de M. Bons d'Anty, consul de France et du docteur Legendre, que le P. de Guébriant avait accueilli à Kia-tin, le 21 février 1904, cinq jours après la clôture de la retraite annuelle des missionnaires, en cette ville.
Par Lettres Apostoliques du 12 août 1910, le Saint Père érigea le Kien-tchang en vicariat apostolique distinct de celui de Suifu, et le confia à Mgr. Budes de Guébriant, sacré le 20 novembre 1910, à Suifu par Mgr. Chouvellon. Le personnel du nouveau vicariat se composait de huit missionnaires dont M. J.E. Martin, et de trois prêtres chinois. Le district de Houang-mou-tchang fit partie du nouveau vicariat.
Survint la révolution chinoise ; elle surprit M.J.E. Martin à son passage à Kia-tin-fu, l'obligeant ainsi à prendre dans cette ville une année de repos. En 1912, pendant une semaine, Kia-tin fut bombardée par les forces "Loyalistes". Puis, en septembre 1912, M.J.E. Martin s'établit à Opientin, sorte de camp retranché chinois sur les confins du pays sino-lolo.
Le 18 août 1922, M. J.E. Martin, eût une légère attaque d'apoplexie. Le 1er septembre 1922, accompagné du P. Philippe Niem, il entra à l'hôpital de Suifu. Un peu plus tard, il se retira à l'évêché de Suifu. Son état de santé s'aggrava à compter du 3 janvier 1925. La nuit du 20 au 21 janvier 1925 fut agitée jusqu'à une heure du matin, calme ensuite. A cinq heures, ses gardes-malades allèrent tout préparer pour sa communion quotidienne. A leur retour, M. J.E. Martin ne donnait plus signe de vie.
Ses obsèques furent célébrées le 22 janvier 1925 ; M.J.E. Martin fut inhumé le lendemain, à Ho-ti-keou, au cimetière des prêtres, près du grand séminaire. C'est là qu'il repose entre M. Raison et le P. Augustin Yang.
Nécrologie
M. MARTIN
MISSIONNAIRE DE SUIFU (CHINE)
M. MARTIN (Joseph-Eugène), né à Tarare (Lyon, Rhône), le 17 août 1853. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères, le 26 septembre 1873. Prêtre le 26 juin 1898. Parti pour le Setchoan méridional le 14 décembre 1876. Mort à Suifu le 21 janvier 1925.
Joseph-Eugène Martin, pour les intimes « l’Apôtre des Lolos », naquit à Tarare (Rhône), sur la paroisse Sainte-Madeleine, le 17 août 1853. Son père, M. Mathieu Martin, auvergnat d’origine, faisait le commerce du bois ; il avait épousé Clotilde Riondellet, pieuse jeune fille de la ville. Dieu bénit leur union ; Il leur donna trois garçons et sept filles — sept dons du Saint-Esprit, disaient gentiment celles-ci, sept péchés capitaux, répondaient peu galamment ceux-là —. Deux des « sept péchés capitaux » devinrent et moururent religieuses.
Joseph fut mis tout jeune au petit Séminaire de l’Argentière ; il devait y rester onze ans. Ce bel établissement, confisqué par le gouvernement en 1906, était alors une vraie pépinière de vocations sacerdotales et religieuses. Le légendaire M. François Gilibert, qui sut, dix-sept ans durant, faire régner comme maître d’étude la discipline la plus stricte, redouté, mais plus aimé que redouté de tous les élèves dont le nombre variait entre trois et quatre cents, remarqua cet enfant sage et studieux. Trente ans plus tard, il le citait encore avec estime et affection. Joseph Martin fut toujours parmi les premiers, sauf en mathématiques : « J’ai horreur des chiffres, disait-il, je m’y embrouille toujours. »
Son cours de philosophie achevé, M. Martin répondit à l’appel de Dieu ; il vint en septembre 1873, au Séminaire des Missions-Étrangères rejoindre plusieurs de ses condisciples. Il y passa trois ans, accomplissement en toute simplicité les devoirs d’un bon aspirant. Il reçut la prêtrise le 23 septembre 1876. Deux autres prêtres ordonnés le matin furent, le soir à la lecture spirituelle, destinés comme lui à la Mission du Setchouan Méridional : MM. Honoré Barry et Charles Mollard.
A la mi-décembre, ils s’embarquèrent tous les trois pour Suifu où ils arrivèrent en 1877.
M. Martin fut envoyé pour apprendre la langue d’abord à Chenkikeou, puis à Lypin, sous-préfecture de Tsinki ; il devenait peu après titulaire de ce petit poste. On crut, en 1884, qu’un district mieux partagé au point de vue communications serait plus en rapport avec sa forte myopie. Mgr Lepley le nomma donc curé de Chelichan. Les us et coutumes de la plaine autant que la malaria lui firent regretter les rudes montagnes et leurs habitants. Il fut heureux l’année suivante d’accepter Tatienche. Il n’y resta que quelques mois. Les Lolos, qu’il avait eu l’occasion de voir dans le Tsinkihien, l’attiraient de plus en plus. Pour lui permettre de se maintenir facilement en contact avec eux tout en visitant un district chinois, celui de Houangmoutchang lui fut confié.
Il se mit dès lors résolument à l’étude de la langue lolo et, comme il avait fait pour l’étude du chinois, s’y adonna en suivant sa méthode, une méthode à lui, tout à fait personnelle ; grâce à son excellente mémoire, il le parla bientôt couramment. Enfin, en avril 1890, Mgr Chatagnon l’autorisa à s’établir chez les Lolos, à deux lieues de là sur la rive droite du Tongho, et lui donna un successeur à Houangmoutchang. Il se transporta en octobre dans une localité plus centrale, à Pienma, où il demeura cinq ans. Il écrivait en 1893 :
« Au mois de novembre dernier, la fièvre typhoïde s’abattait sur un hameau à une demi-heure de ma résidence. Les Lolos, qui en ont une peur extrême, car elle est ordinairement mortelle pour ces pauvres gens privés de tout secours, songeaient à émigrer, lorsque je me présentai muni de quelques remèdes insignifiants. Fort de ma confiance en Dieu, j’allai presque tous les jours visiter les familles atteintes. Il me serait difficile de peindre le contentement de ces sauvages à mon entrée dans leurs taudis. Pour eux, c’était le salut ; la tristesse disparaissait ; l’espoir revenait et vraiment ils ne furent pas déçus : l’expérience leur apprit bientôt que les superstitions, leur unique remède jusqu’alors, leur étaient plus nuisibles qu’utiles, tandis que mes médicaments produisaient bon effet. Cependant trois ou quatre drogues assez inoffensives composaient toute ma pharmacie ; ma confiance était ailleurs. Dans mes excursions, je n’omets jamais de réciter le chapelet et je fais toujours un bon signe de croix sur la potion à laquelle j’ai la précaution d’ajouter quelques gouttes d’eau de Lourdes. Au commencement, je négligeai cette précaution et l’effet de mes remèdes fut absolument nul. Le premier malade que je soignai avait déjà pris deux potions sans éprouver de mieux sensible ; à la troisième j’ajoutai quelques gouttes de l’eau miraculeuse et il fut immédiatement soulagé ; au bout de deux jours il était guéri. Une femme, par suite de la terrible maladie, éprouvait dans le bras droit des douleurs intolérables ; je lui donnai de l’eau de Lourdes pour frictionner le membre malade ; la douleur passa dans le bras gauche ; la même potion répétée la chassa complètement. Le mari de cette femme, le premier qui se soit déclaré chrétien il y a juste deux ans, me racontait que le diable faisait toutes les nuits chez lui un tapage infernal qui ébranlait la maison. Je jetai à son insu une médaille de saint Benoît dans un coin obscur de l’appartement et je lui demandai, quelques jours après, si le diable venait encore… ― Depuis la visite du Père, me répondit-il, il n’entre plus, mais se contente de faire du bruit à l’extérieur.
Toutes ces choses réunies m’ont permis de prendre un véritable ascendant sur ces natures encore neuves, et j’en profite pour les amener à la connaissance du vrai Dieu. C’est ainsi que j’ai pu baptiser une douzaine de Lolos. Plaise au Divin Pasteur que ces brebis abandonnées jusqu’ici entrent bientôt par centaines et par milliers dans sa ber¬gerie ! »
Ce vœu ne s’est pas réalisé ; M. Martin a défriché ; Dieu, dont les desseins sont impénétrables, réserve à d’autres le soin de semer et la joie de récolter. Que ce soit bientôt !
Mal logé, plus mal nourri, — Pienma est un pays perdu, distant d’une journée de marche du village le plus rapproché — M. Martin vécut de privations. On s’use vite à ce régime. Il assista, en juillet 1895 à la retraite annuelle. Il composa, après la clôture, une chanson très amusante sur son thème favori, « l’âne Martin », et dut se résigner, tandis que les confrères repartaient chacun pour son poste, à se rendre à Tchongkin pour subir une opération. A son retour, les missionnaires travaillaient activement à relever les ruines qu’avait accumulées la persécution déchaînée par le vice-roi Lieou. M. Martin assuma sa part du labeur commun en acceptant d’assurer de nouveau l’administration du district de Houangmoutchang, jusqu’en 1899.
Cette année, il alla habiter, à six kilomètres de Pienma, le petit vallon de Lotsekeou, où il construisit une résidence et deux écoles. C’est à Lotsekeou qu’il eut la visite de M. Philippe Berthelot et de M. Bons d’Anty. Vers la fin du repas, un groupe de jeunes gens lolos se rangèrent silencieusement autour de la table et... entonnèrent la Marseillaise ! M. le Docteur Legendre reçut plus tard le même accueil.
Pienma et Lotsekeou dépendent aujourd’hui de la Mission du Kientchang. A l’érection de la nouvelle Mission, M. Martin remit son œuvre à son successeur. La révolution chinoise le surprit à son passage à Kiatinfou et l’obligea à prendre dans cette ville, pendant un an, un utile repos. En septembre 1912, il arrivait à Opientin, camp retranché chinois plutôt que ville, situé sur les confins de la Lolotie. Ce devait être son dernier poste.
Le 17 août 1922, M. Martin entrait dans sa soixante-dixième année. Ce jour-là, dans l’après-midi, il eut une légère attaque d’apoplexie. La tête resta inutile, la langue embarrassée, les mouvements gênés. Il voulut néanmoins et put, non sans peine, donner la messe à ses chré-tiens, le dimanche 20. La journée du 21 fut meilleure ; le 22, il se crut assez fort pour célébrer, mais des éblouissements étant survenus, il quitta l’autel à l’évangile. Il ne devait plus y monter.
Le catéchiste fit immédiatement prévenir le plus proche voisin, un prêtre indigène, M. Philippe Niem. Celui-ci eut le plaisir de le trouver moins fatigué qu’on le lui avait dit. Opientin offre peu de ressources pour un malade : M. Martin s’en rendit compte facilement et il agréa de bonne grâce l’idée qui lui fut suggérée de venir à Suifu. Il partit le 1er septembre avec M. Philippe Niem qui l’accompagna jusqu’à Kiatinfou. Le va-et-vient de l’hôpital l’incommoda bien vite ; il se retira alors à l’évêché où il mena la vie régulière d’un fervent séminariste.
Son état, resté stationnaire pendant plus de deux ans, s’aggrava notablement le 3 janvier dernier. Il ne put plus de ce jour assister à la messe, mais il continua de communier tous les matins. L’Extrême-Onction lui fut administrée le 10 et le Saint Viatique le 11. Cependant ¬la faiblesse augmentait et la vie se retirait petit à petit de ce corps usé. La gravité de la maladie ne lui échappait pas. A un missionnaire qui prenait congé de lui, le 18, il dit : « Je ne me fais pas illusion, le moment est venu ; » puis ajouta en chinois : « Soui Tien Tchou gan pai. » — Comme le bon Dieu voudra. — Il se confessa de nouveau le 19. La nuit du 20 au 21 fut, comme les nuits précédentes, agitée jusqu’à une heure du matin, calme ensuite. A cinq heures, ses deux garde-malades allèrent tout préparer pour sa communion quotidienne. A leur retour, M. Martin ne donnait plus signe de vie. M. Corfmat, prévenu aussitôt, accourut lui donner une suprême absolution. L’heure fixée par la divine Providence était arrivée pour notre confrère.
Les funérailles eurent lieu le 22 janvier. Elles furent imposantes, malgré l’approche du jour de l’an chinois. La levée du corps fut faite par M. Corfmat, la messe chantée par M. Petit, l’absoute donnée par Mgr Fayolle. L’inhumation, renvoyée au lendemain, fut présidée, en l’absence de Mgr Renault, par M. Rochette, Supérieur du petit Séminaire.
Et maintenant le corps de M. Joseph-Eugène Martin repose, en attendant la résurrection, à Hotikeou, dans le cimetière des prêtres, entre M. Raison qui l’a précédé de deux mois et M. Augustin Yang, qui l’a suivi de six mois. Requiescant in pace !
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Références
[1311] MARTIN Joseph (1853-1925)
Notices biographiques. - AME 1909 p. 38-9. 1912 p. 134. 1925 p. 120. 1933 p. 262. - CR 1876 p. 46. 1883 p. 39. 1890 p. 73-4. 1893 p. 115. 1894 p. 123. 1902 p. 113. 1903 p. 94. 1906 p. 91. 1909 p. 356. 1912 p. 108. 1917 p. 48. 1922 p. 48. 1923 p. 64. 1925 p. 53, 162. 1935 p. 65. 1939 p. 236. - BME 1922 p. 630. 1925 p. 183, 233-58. - EC1 n° 83. - in ouvrage Cdt d'Ollone "Les derniers Barbares" p. 192-3-4.