Léon PRUDENT1856 - 1924
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1572
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1884 - 1924 (Pondichéry)
Biographie
(1572) PRUDENT Léon-Augustin naquit le 15 mars 1856 à Tornay (Haute Marne) et fit ses études aux petit et grand séminaires de Langres. Alors qu'il était diacre, il entra au séminaire de la rue du Bac en 1882 ; ordonné prêtre le 22 septembre 1883, il fut envoyé à Pondichéry.
Après quelques mois au séminaire de Pondichéry, il fut de 1884 à 1888 professeur au petit collège de Karikal où il apprit langue et coutumes. De 1888 à 1893, il fut curé du district rural de Vettavalam. Sa hiérarchie lui confia la paroisse de la ville de Cuddalore. Sa parfaite connaissance des lois anglo-indiennes et l'influence qu'il avait auprès des fonctionnaires lui permit d'aider tous les missionnaires des paroisses rurales qui devaient traiter avec les administrations du district.
En 1902, on lui confia à nouveau un district rural : Panikankuham où il bâtit une église. Nommé vicaire général en 1909, il revint à Pondichéry au service de ses confrères et veilla sur le Carmel. En 1913, il dut régler quelques différends chez les nouveaux chrétiens. En 1914, des confrères revenant en France, il occupa à nouveau le poste de Panikankuham où il passera les dix dernières années de sa vie. Très malade, il s'éteignit à Pondichéry le 14 février 1924.
Nécrologie
M. PRUDENT
MISSIONNAIRE DE PONDICHÉRY
M. PRUDENT ( Léon-Augustin ), né à Tornay ( Langres, Haute-Marne ), le 15 mars 1856. Entré diacre au Séminaire des Missions-Étrangères, le 5 septembre 1882. Prêtre le 22 septembre 1883. Parti pour Pondichéry, le 21 novembre 1883. Mort à Pondichéry, le 14 février 1924.
Léon Prudent naquit le 15 mars à Tornay, d’une famille de cultivateurs aisés où les plus pures traditions de foi étaient jalousement conservées. L’appel divin se fit entendre de bonne heure à son âme : décidé à y répondre, l’enfant entra au Petit Séminaire en classe de cinquième, en 1874. Il y apportait une santé délicate qui lui fournira, toute sa vie, l’occasion de grandes souffrances ; au moral, des qualités plutôt solides que brillantes, une intelligence moyenne, un cœur affectueux et bon, une volonté à la fois tranquille et ferme, capable de tirer des talents reçus le meilleur rendement, avec un air de précoce maturité, qui frappa dès l’abord ses condisciples. C’est dire qu’il fut bon élève. Tout en s’appliquant à l’ensemble des matières de l’enseignement, il avait une préférence marquée pour l’histoire et la géographie. Peut-être fut-il frappé dès ce moment, en considérant la mappemonde, de ce qu’il restait à faire pour conquérir l’univers à Jésus-Christ, et sommes-nous dans l’erreur en supposant que son imagination d’étudiant emporta plus d’une fois le futur missionnaire vers les plages lointaines qui attendent encore l’Evangile ?
Cependant, entre ce rêve d’enfant – s’il fut fait – et la réalité, plusieurs années devaient s’écouler. Tonsuré en juin 1878, Léon Prudent entra au Grand Séminaire de Langres la même année. Sa vocation s’affermit dans le silence et le recueillement de cette sainte retraite. Il y était si bien à son devoir et si heureux que personne, dans son entourage, ne se douta du projet qu’il mûrissait. Aussi y eut-il un peu de surprise quand, sur la fin de la quatrième année, il annonça son intention de partir aux Missions-Étrangères. Pour ses parents, la surprise se doubla de regret et d’un essai de résistance. Le jeune homme tint bon et à la rentrée scolaire de 1882, il s’acheminait vers le Séminaire de la rue du Bac. Il avait reçu la diaconat depuis quelques mois. Il fut ordonné prêtre l’année suivante ( 22 septembre 1883 ) et reçut en même temps sa destination pour Pondichéry.
Le 20 décembre 1883, le P. Prudent débarquait à Pondichéry. Le lendemain, son archevêque le nommait au Grand Séminaire, en qualité de surveillant, et avec la charge d’apprendre l’alphabet français et d’enseigner rosa, la rose, aux jeunes recrues. A cette époque, le Grand et le Petit Séminaire étaient réunis dans le même bâtiment. Philosophes et théologiens formaient une communauté et les petits séminaristes en formaient une autre sous l’unique surveillance du P. Faure, le supérieur auquel le jeune Prudent était adjoint. Du reste, tous les jeunes missionnaires débutent plus ou moins au chef-lieu de la mission.
Sous le climat tropical et malsain qu’est celui de l’Inde, les premiers temps ne vont pas sans danger pour la santé du nouvel arrivé. Là, sous l’œil paternel et vigilant des anciens, tout en s’acclimatant et en étudiant dès l’abord les premiers éléments de la langue tamoule, le missionnaire novice se rend déjà utile.
Du Séminaire de Pondichéry, où il ne passa que quelques mois, le P. Prudent fut envoyé à Karikal, comme professeur au collège-séminaire installé dans cette belle chrétienté qui donnait alors de grandes espérances de recrutement sacerdotal. Ce n’était pas encore la vie apostolique ad gentes, ce n’en était que la préparation continuée, mais nécessaire, car outre qu’il faut s’acclimater, il importe aussi de se former aux us et coutumes d’un peuple très formaliste, comme l’est le peuple Indien. La plus petite infraction à ces coutumes séculaires d’un peuple divisé en quantité de castes et sans castes, peut parfaitement compromettre une vie apostolique et l’annihiler dès les débuts.
Quand le P. Prudent fut jugé apte à la vie « des terres » comme on appelle la vie du missionnaire en district dans l’intérieur, son archevêque lui désigna comme champ de bataille, le district de Vettavallam, au nord-ouest de la mission.
C’est un beau district, aux nombreuses et populeuses chrétientés, composées exclusive-ment de chrétiens parias. Là, les difficultés n’allaient pas lui manquer : lutte contre les païens, lutte contre les protestants qui, comme toujours, sont semeurs de zizanies. Puis, les chrétiens de Vettavallam, malgré leur foi solide et une pratique constante de leurs devoirs religieux, ont la colère facile et la haine tenace. Pour une raison futile, voilà la chrétienté divisée en deux camps : c’est la guerre déclarée. En pareille occurrence, il faut au missionnaire beaucoup de patience d’abord – car, dans l’Inde surtout, la colère est mauvaise conseillère, – avec cela beaucoup de tact et de diplomatie. Sous ce rapport, le P. Prudent était merveilleusement doué. Toujours souriant, toujours radieux, toujours plein d’entrain, à la disposition de ses chrétiens à tout instant, aimant à causer longuement, mais gentiment avec eux, il arrivait toujours, le temps aidant, à remettre les hommes à leur place et les choses en bon ordre. Grand marcheur devant Dieu et devant les hommes, il fallait le voir, alerte, les pieds nus, appuyé sur un long bambou en guise de canne, trotter, sur les petites digues boueuses et étroites qui sillonnent en tous sens les rizières de la grande plaine indienne. Jamais le découragement n’a effleuré cette belle et douce âme d’apôtre : à chaque jour suffit sa peine, disait-il. Puisque je n’ai pu réussir aujourd’hui, nous verrons demain. Tout ce qu’il se permettait, c’était de dire, en présence d’une grosse difficulté : « mauvaise affaire. On ne sait pas comment ça va tourner. »
Après cinq années d’un rude et fatigant labeur apostolique à Vettavallam, le P. Prudent fut envoyé à Cuddalore N. T. Là, changement de décor Cuddalore est le chef-lieu du district civil du South-Arcot. Là réside en permanence le collector ( préfet ) chef du district et tous les différents services du Gouvernement. Les chrétiens ne sont pas aussi nombreux, ni aussi turbulents qu’à Vettavallam, étant plus instruits et mieux civilisés ; mais les œuvres abondent dans cette paroisse : collège libre pour les garçons, couvent et école supérieure pour les filles, orphelinat, etc … A cause de la proximité des autorités anglaises, obligation d’être en rapport avec elles. Tout cela demande du doigté et aussi l’usage facile de la langue anglaise. Pendant les années qu’il passa dans ce district, le P. Prudent fut réellement l’homme de la situation. Que de services n’a-t-il pas rendus à ses confrères quand ils avaient des procès à cause de leurs chrétiens ! – « Il nous accueillait toujours avec son doux sourire, écrit un de ses amis, nous donnant place à table et se mettant à notre disposition avec une grande charité pour nous faciliter le règlement de nos affaires litigieuses. Sa grande connaissance des lois anglo-indiennes et l’influence qu’il avait su acquérir auprès des fonctionnaires de sa Majesté Britannique ont rendu de réels services à la Mission. »
Neuf ans de ministère à Cuddalore avaient fait fléchir la santé du missionnaire. « Dans cette station, écrit-il à sa famille, je me suis tué et ruiné … je vais essayer de remettre en état ma santé et mes finances » Dans ce but, il crut de son devoir de solliciter un poste moins fatigant. Les fidèles de Cuddalore, qui avaient apprécié son dévouement, surent l’en remercier délicatement. « Avant de me laisser partir, mes paroissiens m’ont fait une adresse admirable de sentiments et m’ont donné un beau missel. Cela m’a touché… » ( lettre du 23 déc. 1902 )
A une vingtaine de milles, au nord-ouest de Cuddalore, se trouve l’important district de Panicancoopam. Les chrétiens de cette région appartiennent tous à une caste renommée par sa fidélité à notre sainte religion, mais aussi par son aussi par son esprit batailleur et rancunier. Ces braves gens, tous cultivateurs, assez à l’aise, sans être riches, on peut les peindre en deux coups de pinceau : bon cœur mais mauvaise tête, on pourrait dire très mauvaise tête, quand ils se mettent à se quereller. Quand le P. Prudent arriva dans ce milieu, tout y était sans dessus dessous. Les missionnaires ou prêtres indigènes, ses prédécesseurs, malgré maintes tentatives de conciliation, avaient échoué devant l’entêtement de ces chrétiens aussi bien que devant leurs prétentions exagérées. Personne ne voulait reculer, personne ne voulait faire le premier pas vers la réconciliation. Les choses menaçaient de tourner au pire, quand, par ordre de Mgr l’Archevêque, le P. Prudent fut placé à la tête de ce district. Là, comme partout ailleurs, le bon Père se montra patient, aimable, plein de tact et de savoir-faire.
Son habileté naturelle, sa diplomatie renforcée par de longues années d’expérience, se donna libre cours et obtint plein succès. Ce ne fut certes pas un changement à vue, qui tient du miracle ; mais petit à petit, les haines s’apaisèrent, les divisions devinrent moins tranchées, les réconciliations s’ébauchèrent et, après de longs et multiples efforts, le calme revint. Le P. Prudent, une fois de plus, restait maître du champ de bataille.
Sur son ministère à Panicancoopam, les lettres du Père donnent d’intéressants détails. « Le travail est écrasant, souvent ingrat, nécessaire pourtant. En ce moment ( 22 mars 1904 ) j’ai près de quarante ouvriers qui bâtissent une église dont je suis l’architecte, et il faut tout surveiller… Je suis juge aussi : nos chrétiens nous apportent leurs procès de disputes, de terrains, etc., et c’est continuel. D’ordinaire, nous ne laissons pas nos gens aller devant les tribunaux : ils s’y ruineraient d’une part, et d’autre part les haines que soulèvent les procès ne s’apaisent pas facilement. C’est donc à nous de déterminer le droit et le faux, de limiter les propriétés… On punit les coupables d’une amende de quelques francs quand ils sont riches et d’une volée de coups de rotin quand ils sont pauvres… La justice se rend donc sommairement. Et pourtant, des païens mêmes m’ont apporté des procès cette année. C’est que nous jugeons sans parti pris, avec des témoins qui n’osent guère mentir devant nous, tandis que devant la justice ordinaire, le faux témoignage est la plaie du pays »
En plus des fidèles de l’agglomération principale, il a le souci de ceux qui sont dispersés dans tout le district. « Après Pâques, écrit-il, j’irai visiter mes stations de Parias à douze, vingt, vingt-cinq kilomètres, et plus loin. J’ai près de 2.000 Parias dans cette région, à confesser, à instruire, à examiner. Le travail sera rude et prendra bien cinq semaines ».
En 1907, le choléra s’abat sur sa chrétienté et y fait beaucoup de victimes. Le missionnaire se multiplie pour les soigner et les préparer au suprême passage. « Malgré mon habitude de ces scènes, écrit-il, je n’approche jamais qu’avec crainte cet être qui va quitter le monde pour paraître devant son Juge ». ( 2 déc. 1907 ). Un tel labeur n’a pas précisément restauré la santé du Père. En 1907 il avoue que l’estomac ne fonctionne que péniblement et ne digère plus que du lait. Il fait alors un séjour de plusieurs mois à l’hôpital et songe très sérieusement à demander la permission de revenir se rétablir en France. Mais le médecin refuse de signer sa feuille de départ pour ce motif que le climat plus froid de nos régions lui serait mortel. De fait, malgré son état d’infirmité, le P. Prudent travaillait toujours et la Providence lui réservait encore de belles années d’apostolat.
C’est à Panicancoopam que vint le trouver sa nomination de vicaire général, lors de la consécration de Mgr Morel en 1909. Le vicaire général ne fut que le continuateur du missionnaire. Toujours la même bonté, la même affabilité, le même accueil souriant de sa part ; et de la part des missionnaires, la même confiance. En demandant conseil au P. Prudent, on était toujours sûr de frapper à la bonne porte.
Sa modestie lui faisait écrire le 19 juin 1912 : « Je sens fort lourd le poids qui pèse sur mes épaules. Il est peut-être dur d’obéir, mais il est sûrement plus facile d’obéir que de commander : le commandement entraîne des obligations et une responsabilité qui m’effraient ». Aussi accepta-t-il volontiers en 1913 – tout en gardant le titre de vicaire général – de retourner dans la brousse, à Wettavalam où le rappelaient des différends à régler.
Survint la guerre. Vingt-deux missionnaires furent mobilisés. Vingt-deux postes vides. Mgr l’Archevêque lui-même prit charge du district de Villupuram, et son vicaire général, le P. Prudent retournait à son ancien poste de Panicancoopam.
Sa correspondance devenue plus rare en ces années montre en lui la fibre patriotique constamment en éveil. « Il ne faut pas croire que, loin de vous, je suis insensible à vos malheurs, à vos inquiétudes … Je suis tenté de rentrer en France pour m’offrir, malgré mon âge, à rendre service dans les hôpitaux … Le monde indien tout entier est préoccupé de cette guerre. Les chefs indigènes font campagne pour l’Angleterre au grand désespoir des Allemands qui croyaient à des révoltes. Mais il n’y en aura pas : les rajahs de l’Inde ont partie liée avec les Anglais à qui ils donnent or et soldats ». Et le Père désire vivement des nouvelles de France. « Pas un jour que je ne pense à vous dans mes prières ».
Après la guerre, son rôle de vicaire général valut au P. Prudent de coopérer dans le sous-comité diocésain de Pondichéry à la préparation du Congrès Marial Indien tenu à Madras en 1921, congrès qui fut la plus belle manifestation catholique que l’Inde ait connue.
Dans la mesure possible, le missionnaire continuait son ministère à Panicancoopam. C’est là – car les vides ne se sont jamais comblés, même après le retour de nos mobilisés, – que l’ouvrier du Seigneur en pleine activité apostolique se sentit frappé à mort.
Il était venu faire sa retraite au milieu de janvier et s’en était retourné, défaillant, dans son grand district. Le dimanche 10 février, un chrétien de Panicancoopam arrivait à Pondichéry porteur d’une lettre du catéchiste annonçant qu’il était très malade. Comme il était loin de tout secours, Mgr l’Archevêque l’envoie chercher aussitôt en automobile et il arrive le soir même. On diagnostiqua une congestion du poumon gauche. Rien ne paraissait désespéré, bien qu’il eût demandé lui-même les derniers sacrements.
Le jeudi 14, son état s’aggrava soudain ; on n’eut que le temps de lui donner une suprême absolution et de lui faire deux onctions. Il expira doucement, sans un soupir, sans une plainte. Son corps resta exposé dans le salon de l’évêché jusqu’au 15 au soir. Les fidèles se succédèrent sans interruption autour de son cercueil pour prier car il était connu de tous les chrétiens et bien aimé. Un service solennel fut célébré le vendredi matin à la cathédrale, et le soir eurent lieu les funérailles. En l’absence de Monseigneur parti en tournée pastorale, ce fut le P. A. Combes, Curé de la Cathédrale, compatriote et ami plus spécial du défunt et de sa famille qui donna l’absoute. De nombreux chrétiens de Panicancoopam étaient accourus pour rendre en dernier hommage de reconnaissance à leur regretté Pasteur.
Il repose maintenant à l’ombre de la cathédrale, dans le cimetière des missionnaires.
( Extrait de la Semaine Religieuse du diocèse de Langres, 28 juin 1924 )
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Références
[1572] PRUDENT Léon (1856-1924)
Réf. biographiques. - AME 1924 p. 79. - CR 1883 p. 116, 1904 p. 429, 1910 p. 376, 1916 p. 162, 1918 p. 11, 115, 1919 p. 107-9, 1920 p. 76, 1922 p. 142-43, 1923 p. 159, 1924 p. 122-77. - BME 1924 p. 338-43. - EC1 n° 56.