Alexandre LEGROS1871 - 1902
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2259
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1896 - 1902
Biographie
[2259]. LEGROS, Alexandre-François, né à Montviron (Manche) le 18 mai 1871, fit ses études à l'institution Saint-Joseph à Villedieu, au collège diocésain de Saint-Lô, et au grand séminaire de Coutances. Il entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 14 septembre 1894, reçut la prêtrise le 27 septembre 1896, et partit le 4 novembre suivant pour la mission du Kouang-tong. Il fut d'abord vicaire à Ting-hai. En 1897, Mgr Chausse, ayant divisé ce district alors très vaste, chargea Legros de la circonscription de Tchao-peng. Malgré l'hostilité des mandarins et des protestants, le missionnaire réussit à mener à bien sa tâche.
En 1900, pendant le mouvement xénophobe, il soutint deux sièges dans sa résidence, où s'étaient réfugiés presque tous ses néophytes et les ministres protestants, qui précédemment l'avaient attaqué avec violence. En 1901, il releva de leurs ruines plusieurs de ses stations. Quand peu après survint la peste, il se dévoua sans compter auprès des contaminés. Il mourut le 19 août 1902 à Swatow.
A sa mort, ses chrétiens résumèrent ainsi ses travaux : Lorsque le P. Tam (nom chinois de M. Legros) est venu ici, nous étions 35 en tout ; nous n'avions pas de chapelle, nous étions persécutés de toutes façons. Le Père nous a secourus, il nous a nourris, il nous a protégés. Maintenant nous possédons 22 oratoires ; nous sommes 700 baptisés ; et si nous sommes encore en butte à quelques vexations passagères, nous nous sentons du moins plus libres et plus forts ; notre religion est respectée. Tout cela, nous le devons au P. Tam. "
Nécrologie
M. LEGROS
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU KOUANG-TONG
Né le 18 mai 1871
Parti le 4 novembre 1896
Mort le 19 août 1902
« Donnez toujours l’amour : tâchez qu’en toute rencontre la charité soit le mobile et l’âme « de ce que vous dites et faites. C’est peu de n’agir point contre la charité ; il faudrait n’agir « jamais hors d’elle, ni sans elle. » Ce conseil, que Mgr Gay adressait aux saintes âmes qui peuplent le cloître, fut exactement suivi par M. Legros. Donner l’amour, tout l’amour de son cœur si ardent, à Jésus, le Roi des âmes ; et par l’amour gagner au divin Maître les âmes retenues bien loin de Lui par la haine : telle a été la règle de sa vie. Cette vie si courte, et pourtant si bien remplie, se résume tout entière dans cette lutte de l’amour contre la haine : où le soldat du Christ fit preuve de tant d’entrain, de courage et d’énergie.
Né à Montviron (Coutances, Manche), le 18 mai 1871, Alexandre-¬François-Xavier Legros eut le bonheur de recevoir, au sein d’une famille vraiment chrétienne, les plus nobles exemples de travail et de droiture. C’est, sans nul doute, auprès de son père qu’il apprit à toujours fuir les voies obliques et à pousser droit son chemin, sans souci des obstacles et du qu’en-dira-t-on.
Son enfance, comme celle de tous les enfants chrétiens, fut calme et paisible. Alexandre ne tarda pas à être discerné par le curé de sa paroisse, M. le chanoine Sellier, qui lui enseigna les premiers éléments des langues latine et grecque. Vers sa quatorzième année, il eût à combattre, pour la première fois, contre les penchants d’une nature trop ardente, mais il remporta facilement la victoire. Dans une note intime sur cette époque de sa vie, Alexandre put dire plus tard en toute sincérité : « Je pris, dès lors, une ferme résolution de ne plus hésiter « dans la voie du bien, ni en ce qui regardait ma vocation. Je sentais un besoin réel de me « donner tout entier à Dieu ; c’est pourquoi il me fallait choisir un genre de vie qui me forçât « de me donner à Lui. »
Après deux ans passés à l’institution Saint-Joseph de Villedieu, où il eut la bonne fortune « de recevoir la direction virile de M. Bouffaré et l’honneur de lui inspirer un affectueux « dévouement, il entra en seconde au collège diocésain de Saint-Lô. Il continua de s’y livrer à « l’étude avec une application intense et des succès convenables. Maîtres et élèves le tinrent « en estime et lui manifestèrent leurs sym¬pathies. Ses qualités naturelles s’accusaient déjà en « relief : carac¬tère aimable, bonté débordante, franchise de belle humeur, même cette « sainte « vivacité » que Bossuet aimait à rencontrer « dans les paroles du chrétien ». Dès cette « époque, M. Legros s’exerçait à l’apostolat en usant de sa religieuse influence sur les jeunes « gens qui se destinaient aux carrières libérales et qui ont gardé de lui un agréable souvenir, et « en propageant la dévotion aux âmes délaissées du Purgatoire.
« En 1890, à la fin de sa rhétorique, séduit par la grande figure du cardinal Lavigerie, il caressa le projet de se consacrer aux missions africaines ; mais Mgr Germain, désirant que sa vocation s’affermit par une réflexion plus longue, l’engagea vivement à faire un stage au grand séminaire de Coutances. Il s’y résigna d’abord, il s’en réjouit ensuite. Ceux qui l’ont alors connu savent qu’il vécut d’une seule pensée et tendit sans hésitation vers un seul idéal : évangéliser les infidèles. Le 14 septembre 1894, muni de l’au¬torisation épiscopale, il abordait le séminaire des Missions-Étran¬gères. Ce lui fut une joie indicible, le bien-être de l’arbuste qui trouve enfin un terrain et un climat propices à son plein accroissement : « Je viens de m’agenouiller dans la salle de nos chers martyrs ; j’attendais ce jour avec impatience. Je suis certainement où le bon Dieu m’appelle, et c’est le bonheur. Je ne désire plus rien maintenant que le départ, et après, le martyre, si c’était possible (1). »
(1) Extrait de la Semaine Religieuse de Coutances.
Régulier, studieux, il passa pour ainsi dire inaperçu de la plupart de ses confrères à la rue du Bac. Mais sous cet extérieur insignifiant, se cachait un cœur dévoré par les ardeurs de l’amour divine. Voici ce que raconte un de ses amis du Séminaire :
« En 1896, je fus, pendant quelques mois, intimement lié à M. Legros ; nous habitions la « même chambre. Jamais je ne le vis se départir, dans notre chambre de la régularité qu’il « observait scrupuleusement au dehors. Je fus témoin à son insu d’une foule de petits « sacrifices qu’il offrait au bon Dieu, et qui certes n’étaient pas sans mérite. Il m’arriva même « de me faire rappeler par lui à l’ordre et à la règle, avec une douceur non moins ferme « qu’amicale. D’un autre côté, quelques incidents fort inattendus me révélèrent la vivacité de « sa foi et de son amour pour Notre-Seigneur. Parfois, au milieu de la nuit, mon compagnon « de cellule laissait échapper des paroles dont au réveil il n’avait plus souvenance. C’étaient « des actes d’amour de Jésus, ou l’écho d’une lutte contre le démon. Vraiment l’âme de M. « Legros vivait déjà et uniquement de l’amour de son Sauveur. En mission, il ne devait pas en « être autrement. »
Ordonné prêtre le 22 septembre 1896, il quitta Paris le 4 novembre suivant.
L’âme du jeune missionnaire s’orienta dès lors tout entière vers le Kouang-tong, où l’obéissance l’envoyait, et, lorsque son pied eut foulé le sol de cette province de Chine, l’heureux apôtre put dire « qu’il se sentait chez lui, à sa place, dans sa véritable patrie ».
Après quelques jours passés auprès de son évêque, M. Legros fut placé, comme vicaire, auprès de M. Boussac, à Ting-hai, dans la partie la plus orientale de la mission.
Le curé et le vicaire s’entendirent tout de suite. « Nous avons vécu dix mois ensemble, « écrit le curé, et pendant ces dix mois, j’ai pu apprécier mon vicaire. Il s’est montré bon « missionnaire, comme pas « un. » Et avec un reste de l’émotion que lui avait causée la mort de son jeune collaborateur, M. Boussac ajoutait : « Nous avions contracté une de ces amitiés « qui peuvent défier les siècles. »
Quand M. Legros eut appris suffisamment la langue et terminé l’apprentissage du ministère apostolique, le préfet apostolique l’envoya dans le Tchao-peng, sur la frontière du Fo-kien, pays profondément troublé par suite des agissements de pasteurs protestants sans prudence, et aussi sans scrupules. On était alors à la fin de 1897. Fonder un nouveau district, dans une région pareille, n’était pas chose facile. Le missionnaire le vit bien. Sa surprise fut presque de l’effroi : il lui fallut mener une lutte active contre les mandarins et contre les protestants ; soutenir de véritables sièges, le fusil à la main, contre une population aussi facile à induire en erreur que prompte à se soulever ; aucune difficulté ne lui manqua. Il dut, en même temps, instruire une foule de catéchumènes, mettre à la raison un sous-préfet qui se vantait de faire expulser « le diable d’Occident », prendre en main la défense de ses néophytes, dont deux eurent les yeux crevés avec des raffinements de barbarie, bâtir une modeste résidence avec chapelle et écoles. M. Legros montra la plus grande énergie dans toutes ces circonstances ; son amour de Dieu et sa charité pour le prochain opérèrent les prodiges . Demandez, aujourd’hui, aux chrétiens de son district ce qu’ils pensent de leur premier missionnaire. Ils vous diront, les larmes aux yeux : « Lorsque le P. Tam est venu ici, « nous étions 35 chrétiens en tout ; nous n’avions pas de chapelle ; nous étions persécutés de « toutes les façons. Le Père nous a secourus ; il nous a nourris, il nous a protégés. Maintenant, « nous possédons 22 chapelles ou oratoires ; nous sommes 700 baptisés, et si nous sommes « encore en butte à quelques vexations passagères, nous nous sentons du moins plus libres et « plus forts ; notre religion est respectée. Tout cela, nous le devons au P. Tam. »
En moins de deux ans, le nouveau district était établi. La tourmente de 1900 faillit le ruiner de fond en comble, mais, cette fois encore, l’amour du pasteur pour ses brebis fit reculer l’enfer. A deux reprises différentes, M. Legros se vit assiégé dans sa résidence, où s’étaient réfugiés presque tous ses néophytes. Alors, sous les balles et en pré¬sence de la mort, le prêtre de Jésus-Christ se souvint que, maintes fois, il avait eu à souffrir des attaques des ministres protestants, et sa charité lui inspira une héroïque vengeance : il leur offrit un asile et les hébergea dans sa maison, mieux organisée pour la défense que les leurs, et, sans contredit, leur sauva la vie.
La tourmente passée, ces messieurs, tout en rendant hommage à la charité du prêtre catholique, n’en continuèrent pas moins leur campagne contre lui, et les calomnies reprirent de plus belle. Mais qu’importait au disciple du divin Maître ? Il avait répondu à la haine par l’amour.
En 1901, toutes les ruines du district de M. Legros furent relevées, mais la lutte se fit plus vive entre catholiques et protestants. Il n’était pas de méfaits que ces derniers n’attribuassent au missionnaire et à ses néophytes. A différentes reprises, notre confrère dut en appeler au consul de Sa Majesté britannique. S’il n’obtint pas toujours justice, il put du moins se rendre le témoignage d’avoir défendu vaillamment la cause de ses enfants et de la vérité.
Il est encore une forme de la charité que M. Legros n’avait eu que rarement à exercer : les soins à donner aux malades. Une peste ter¬rible, qui décimait son troupeau, lui fournit l’occasion de se dévouer, jour et nuit, au soulagement des pestiférés. Il les soignait lui-même, ne les quittant que morts ou guéris ; et plus d’un lui dut le retour à la vie.
Tant de labeurs et de fatigues n’assaillent pas impunément la nature infirme de l’homme. M. Legros, quoique d’une complexion robuste, se sentait déjà atteint de diverses infirmités, lorsqu’il reçut de son nouvel évêque, Mgr Mérel, l’ordre de se rendre à Hong-kong, pour y consulter un habile médecin. Il s’empressa d’obéir, mais rien ne put le déterminer à prendre quelques jours de repos au sanatorium de Béthanie. Après avoir vu le docteur, il regagna immédiatement son cher district de Tchao-peng, et reprit avec plus d’ardeur que jamais sa vie de luttes et d’abnégation. Le succès répondit à ses efforts : il enregistra des centaines de conversions et ce fut en toute vérité que Mgr Mérel, parlant du district de notre confrère, dans son rapport annuel, disait : « C’est le théâtre des luttes, des travaux et des succès de M. « Alexandre Legros, qui peut être appelé l’apôtre du pays. »
Les voies de la Providence sont incompréhensibles et déroutent les prévisions humaines. Il arrive parfois que Dieu arrache à l’ouvrier l’outil des mains, au moment même où il travaille avec le plus d’activité. Il restait encore beaucoup à faire à M. Legros : il avait des œuvres à créer, d’autres à consolider, et il allait poursuivre sa besogne avec son zèle accoutumé, lorsqu’un mal subit et d’une nature qui n’a pas été bien spécifiée (d’aucuns parlent d’empoisonnement) survint tout à coup et le terrassa. Ce fut la troisième phase de la vie de M. Legros.
Cette période fut courte. En un mois, la maladie acheva son œuvre, attisant chaque jour le feu de l’amour divin qui embrasait l’âme du missionnaire. Dès le début, l’idée de la mort s’empara de son esprit et lui devint une pensée familière. Il aimait cette pensée, parce qu’elle l’encourageait à se préparer de mieux en mieux. Transporté à Swa-tow, où les médecins anglais le soignèrent avec dévouement, notre cher confrère demandait souvent au procureur et à ceux qui venaient le voir de lui aider à faire une bonne mort. « Je vous en prie, me disait-il « la veille de sa mort, parlez-moi de Jésus ; préparez-moi à paraître devant Lui. »
Ses chrétiens faisaient, à tour de rôle, le voyage de Swa-tow, pour lui donner des soins et le disputer à la mort. Il eut toujours de déli¬cates attentions pour eux et leur témoigna, jusqu’à la fin, une affection vraiment paternelle.
C’est le 19 août 1902 que le divin Maître appela à Lui son servi¬teur. Une dernière crise, particulièrement douloureuse, l’emporta, pendant qu’on l’exhortait à la confiance en Jésus qu’il avait aimé, servi et fait connaître toute sa vie. Alors, on put se rendre compte de l’affection que lui portaient ses chrétiens. Tous pleuraient, et leurs larmes sincères rendaient un éloquent témoignage à la bonté de celui qui avait jadis écrit : « Soyez bien persuadé que « ceux qui crient contre les Chinois ne savent pas leur montrer de l’affection ; s’ils les « aimaient, ils feraient d’eux ce qu’ils voudraient. Moi, j’essaie de leur montrer combien je les « aime. »
Qui sème l’amour, récolte l’amour : cette loi peut avoir des excep¬tions, mais elle est presque toujours vraie. Nous en avions une preuve évidente sous les yeux ; et, en pleurant autour du lit funèbre de notre bien-aimé confrère, nous appliquions au disciple la parole qui a été dite du Maître : « Cum dilexisset suos qui erant in mundo in finem dilexit eos. »
UN MISSIONNAIRE DU KOUANG-TONG.
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Références
[2259] LEGROS Alexandre (1871-1902)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1897, p. 117 ; 1899, p. 164 ; 1900, p. 125 ; 1901, p. 124. - M. C., xxix, 1897, Persécution locale, p. 445. - A. M.-E., 1909, p. 41. - Sem. rel. Coutances, 1900, p. 940 ; 1902, Sa mort, p. 626. - Bull. Assoc. Saint-Lô, pp. 13 et suiv.
Le culte de N.-D. de Lourd., p. 146.
Notice nécrologique. - C.-R., 1903, p. 341.