Pierre CRITENAT1880 - 1929
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2720
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1903 - 1921 (Coimbatore)
Biographie
[2720] CRITENAT Pierre naît le 2 janvier 1880 à Manigod, commune du canton de Thônes dans le diocèse d'Annecy en Haute-Savoie. De sa jeunesse, nous ne savons rien. A priori, il fait de bonnes études, car nous trouvons en lui un travailleur doté d’un esprit ouvert et d'une bonne mémoire. Notre incapacité à fournir le moindre renseignement à son sujet tient à sa modestie.
Après avoir passé quatre ans au Séminaire des Missions Étrangères, il y reçoit en juin 1903 la prêtrise des mains de Mgr Jourdan de La Pouardière en juin 1903, le troisième dimanche de la Pentecôte. Le 22 juillet suivant, il apprend sa destination : la Mission de Coimbatore où il arrive vers le milieu de l'automne en compagnie du P. Sabot.
Robuste et plein de vie
Il est de taille moyenne, mesure 1 m 67, bien bâti, les yeux gris, les cheveux châtains, la barbiche peu fournie. Il est bel homme. Le nez est peut-être un peu long, mais un haut clocher n'a jamais déshonoré son village. D'un air gaillard et décidé, il est exubérant et il faut le voir grimper les côtes sur sa bicyclette. Nous nous disions ‘‘en voilà un qui est solide, appelé à une longue carrière." Hélas, elle ne devait durer que 26 ans.
Il fait ses premières armes dans la paroisse de Wellington, comme vicaire du P. Foubert, homme un peu rude d'extérieur, mais bon, plein de cœur et de zèle apostolique. Il est à bonne école. Il ne reste pas longtemps dans les Montagnes bleues (1). Vers 1905, il est à nouveau vicaire, cette fois du P. Perrin à Atticodou (2) dans la plaine. En 1907, le voilà nommé curé d'Eritchambadi. C'est une grosse paroisse, située à l'Ouest de Coimbatore, du côté du Kérala. Elle compte quelques deux mille Chrétiens, neuf cents à Eritchambadi (3) même, et onze cents dans un autre centre, cinq kilomètres plus loin à Saveriarpalayam (3). Pour visiter ses Chrétiens pendant la mousson, il doit marcher nu pieds dans la boue une bonne partie du chemin.
Ces Chrétiens, au pays des castes qu’est l’Inde, sont des "Vanniers" (4). Ils sont ignorants, grossiers, insolents. Ils donnent au Père Critenat plus de croix que de consolations. Il les visite souvent, prend part à leurs joies et leurs afflictions. Il leur distribue des remèdes et des secours pécuniaires. Malgré sa bonté, il sait être ferme quand il le faut.
Une affectation éprouvante
En 1914, on l'envoie au Wynaad (5), au pied des Montagnes bleues. C’est un bel espace montagneux. Les paysages sont grandioses et les forêts lui font un magnifique tapis de verdure, mais, hélas, sous ce tapis se cachent des fièvres diverses et de nombreuses maladies pestilentielles. Ce district regroupe environ douze cents Chrétiens disséminés dans les plantations de café et de thé. L'administration n'est pas facile. Dans la plupart des plantations, il n'y a ni chapelle ni hébergement pour le prêtre, qui trouve donc logement chez des contremaîtres. Il ne peut voir ses fidèles que le matin et le soir. Ce n'est pas facile d'avoir les enfants au catéchisme. Pendant les trois mois de mousson, ce sont des pluies torrentielles. L'humidité et la chaleur engendrent des fièvres malignes, la malaria surtout. De plus, il y a les sangsues qui vous sucent et vous saignent à blanc.
Le Père Critenat y survit sept ans. Malade, il doit revenir à Coimbatore, atteint d'une néphrite mixte compliquée d'albumine. Quand on l’amène à Coimbatore en 1921, il a un peu perdu la tête. On lui conseille de retourner en France pour se soigner, ce qu’il fait. Il revient trop tôt, nullement guéri. Il reste en Inde encore deux ans. Puis il doit retourner en France où son état ne fait qu'empirer. Il s'éteint à Montbeton le 13 mars 1921, dans ses quarante deuxièmes années et sa vingt-septième de sacerdoce.
Modèle de bon confrère et de missionnaire zélé, tel nous apparaît le P. Critenat. Jamais la chasse ni l’excursion ne l'empêchent de privilégier le service à rendre à ses Chrétiens qui ne souffrent donc d’aucun manque d’attention. Il est modéré en tout. Il applique le proverbe anglais : "Enough is as good as feast". Il sait certes profiter d'un bon dîner quand l'occasion s'en présente, mais il sait tout autant se contenter d'un ordinaire plutôt misérable. Il peut répéter les paroles de l'apôtre Paul : "Scio et abundare... et esurire". Quel bel exemple de bonne humeur, de modestie et de relations fraternelles, afin de se faire tout à tous pour les gagner à Jésus Christ.
1 – Les Nilgiri.
2 – Au sud de Coimbatore.
3 – Il existe des villes ou villages du même nom au sud de Coimbatore.
4 – Très vraisemblablement des Intouchables.
5 – Maintenant, district du Kerala à la frontière du Karnataka.
Nécrologie
M. CRITENAT
MISSIONNAIRE DU Coimbatore
M. CRITENAT (Pierre), né à Manigod (Annecy, Haute-Savoie), le 2 janvier 1880. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 16 septembre 1899. Prêtre le 21 juin 1903. Parti pour la Mission du Coimbatore le 22 juillet 1903. Mort à Montbeton le 13 mars 1929.
M. Pierre Critenat naquit à Manigod, assez grosse paroisse du diocèse d’Annecy, le 2 janvier 1880, le dixième d’une famille de dix enfants, famille à l’aise et chrétienne dans la plénitude du mot. Une de ses sœurs entra au couvent, un de ses frères est Chartreux en Autriche. Son extrême discrétion en tout ce qui touchait à sa personne ne nous a rien livré de ses premières années, non plus de ce qu’il fit au cours de ses études soit primaires soit secondaires. Entré au Séminaire des Missions-Etrangères en 1899, il y fit toutes ses études philosophiques et théologiques ; ordonné prêtre en juin 1903, il partit pour le diocèse de Coimbatore le 22 juillet suivant, où il arriva vers le milieu de l’automne en compagnie de M. Sabot mort à la fin de 1914.
A en juger par l’extérieur robuste de notre nouveau confrère, on aurait pu penser qu’il fournirait une très longue carrière ; elle fut relativement courte, nous l’eûmes avec nous 25 années seulement. Il fit ses premières armes à Wellington chez M. Foubert, missionnaire certes rude à l’extérieur, mais bon, plein de cœur et homme éminemment apostolique. En 1905, M. Critenat descendit dans la plaine, et y fut vicaire de M. Perrin à Atticodoo. En 1907, il fut nommé à Erichambady : grosse paroisse qui comptait alors un peu plus de 2.000 chrétiens disséminés autour de deux centres principaux, Erichambady avec 800 âmes et Xavieriar¬palayam avec 1.200 fidèles au moins. Ces deux localités n’étaient pas très éloignées l’une de l’autre, mais à cette époque les chemins étaient rien moins que passables à la saison des pluies : M. Critenat n’y prenait pas garde, et faisait souvent le trajet nu-pieds dans la boue. Les chrétiens dont il avait charge appartiennent à la noble tribu des Vanniers, gens plus intéressants à étudier qu’à administrer : chrétiens à gros grains, ignorants, grossiers, frondeurs, voire insolents, ils donnent à leur pasteur plus de croix que de consolations. M. Critenat parvint pourtant à les apprivoiser quelque peu, par sa patience et son esprit pratique, à s’en faire écouter et obéir à peu près. Il faut dire qu’il les aimait avec leurs défauts, et s’occupait d’eux avec bonté, les visitant souvent, prenant part à leurs joies comme à leurs tristesses. Plusieurs essayèrent d’abuser de sa bonté, mais l’expérience lui apprit la fermeté et au besoin la sévérité.
Ces années furent les plus belles de la carrière de M. Critenat, ainsi qu’il le disait lui-même. En 1914, il alla prendre charge du Wynaad. C’était un changement de pays, de climat et de décor, aussi complet que possible, c’était échanger la plaine pour la montagne, un pays cultivé et populeux pour la brousse. Vu du haut des montagnes, le Wynaad est un beau pays : coup d’œil grandiose, forêts de toute beauté, mais sous ces splendides atours, la région cache un venin, fièvres diverses et maladies pestilentielles. Les chrétiens, au nombre de 1.200 environ, vivent dispersés dans les plantations de café et de thé si florissantes dans le Wynaad ; de plus ils sont instables, changeant constamment de résidence, tantôt ici tantôt là ; où vont-ils, ils n’en disent rien ; d’où viennent-ils, on n’en sait rien ; sont-ils mariés légitimement, et les enfants sont-ils baptisés, c’est ce qu’il faut rechercher tout d’abord, bref, l’administration n’est pas facile. Et puis dans la plupart des plantations il n’y a pas de résidence pour le missionnaire, il doit se caser, au cours de ses visites, chez quelque contremaître ou autre employé ; puis il ne verra ses gens que le matin ou le soir, en dehors des heures de travail ; enfants à instruire convenablement, grandes personnes à préparer aux sacrements, situations à éclaircir et à régulariser, pour tout cela point de facilités ni matérielles ni morales ; ajoutons les déplacements incessants, et nous penserons que les résultats seront médiocres. Nous ne parlons pas des pluies torrentielles pendant les trois ou quatre mois que dure la mousson d’Ouest, de l’humidité qui engendre les fièvres mali¬gnes, des sangsues qui pullulent et se glissent partout, de la mauvaise nourriture, du manque absolu du moindre confort. M. Cri¬tenat tint plus de six ans, à la fin il fut terrassé : en 1921, on l’amena à Coimbatore dans un état lamentable.
Néphrite, albuminerie, à marche lente, troubles digestifs, minaient depuis plusieurs années ce pauvre confrère, mais il ne prenait aucune précaution. A Coimbatore, apparurent des phénomènes inquiétants, des crises bizarres. Cet état aigu dura peu, mais un séjour en France s’imposait d’urgence. Il partit donc, rester au pays deux ans environ, et revint dans l’Inde non guéri. Il resta avec nous deux ans environ, puis les crises reparaissant à nouveau, il dut reprendre le chemin de la France. Un séjour à Biskra, pays au climat sec et à la température régulière, parut lui faire du bien, il se crut guéri, revint dans l’Inde, mais le mal revint plus violent et plus implacable que jamais : c’était l’adieu au pays où il aurait voulu mourir, le retour pour toujours en France. Notre maison de santé de Montbeton l’accueillit, mais dans quel état ! il ne fit qu’y végéter quelques mois, baissant de jour en jour. Enfin : il s’éteignit, le 13 mars 1929, dans sa quarantième année d’âge et la vingt-sixième de son sacerdoce.
M. Critenat fut un excellent confrère, et un zélé missionnaire : aimable, gai, de bonne humeur, il aimait la compagnie de ses confrères, et tout le monde recherchait la sienne. Peu causeur, il laissait parler les autres, et c’était grand dommage qu’il fût si discret, car ses connaissances étaient très vastes. Très charitable aussi, il ne critiquait personne, et même n’aimait pas à parler des défauts de ses paroissiens. Nous nous souviendrons toujours de lui pour ses qualités de modestie, de retenue, de modération ; mais surtout pour cette fidélité, à sa vocation, qui par trois fois le ramena au champ de l’apostolat en dépit d’une santé que la vie en France aurait pu, à la rigueur, maintenir dans un état à peu près satisfaisant, mais que le climat de l’Inde devait ruiner irrémédiablement : il fut missionnaire et il le fut usque ad mortem !
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Références
[2720] CRITENAT Pierre (1880-1921)
Références biographiques
AME 1903 p. 378. 1929 p. 132. CR 1903 p. 306. 1929 p. 211. 304. BME 1923 p. 64. 1924 p. 680. 807. 1926 p. 454. 1929 p. 63. 316. EC RBac N° 27. 38. 47. 67. 68. 110. 117. 129. 172.