Eugène MURCIER1880 - 1918
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2828
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1905 - 1918 (Pondichéry)
Biographie
[2828] MURCIER Eugène, André, Marie naît le 10 octobre 1880 à Saint-Bonnet-des-Quarts dans le diocèse de Lyon. Il apprend de bonne heure à vénérer la pléiade d'âmes d'élite qui, dans sa famille, portaient le drapeau du Christ. En effet, le bourg de Saint-Bonnet-des-Quarts est souvent appelé dans la région ‘‘le pays des missionnaires". Il le doit en grande partie à la famille Murcier : le grand oncle d’Eugène, missionnaire en Amérique, est mort évêque de Nachitoches en Louisiane à la fin du siècle précédent ; trois de ses oncles paternels entrés dans la Société des Missions Étrangères ont servi en Indochine et au Guangdong ; un quatrième est Religieux instituteur au Canada ; son oncle maternel et parrain, le P. Durier appartient à la Mission de Pondichéry ; deux de ses tantes enfin sont mortes religieuses.
Après sa première communion, Eugène Murcier est inscrit, vers sa douzième année, au Petit séminaire de Saint Jodard. Puis il entre tonsuré au Séminaire des MEP le 9 septembre 1901. Il est ordonné prêtre le 26 février 1905 et part le 2 août pour la mission de Pondichéry.
Pondichéry (1905-1918)
Il est d'abord nommé directeur du Collège de Karikal, dans ce comptoir français au sud de Pondichéry. Professeur particulièrement clair et vivant dans ses explications, il s'applique tout spécialement à enseigner le catéchisme. L'assistance à la Messe, la fréquentation des sacrements sont l'objet de ses constantes exhortations. Une nouvelle affectation interrompt son travail d'éducateur. Il est nommé vicaire à Polur, à vingt milles au sud de Vellore, un grand district qui compte alors quatre mille nouveaux chrétiens. Le P. Murcier se montre très attentionné, surtout envers les jeunes. Tout en essayant de les former à la vie chrétienne, il les soutient aussi de ses deniers.
Une délégation de la chrétienté de Namiandal, village à quarante milles de Polur, demande à l'évêque un missionnaire à demeure fixe parmi les Kamovars. Celui-ci s’y engage à condition cependant que les Kamovars cessent de s'intenter des procès en justice et promettent de s'en remettre au nouveau curé pour rétablir l'harmonie entre eux. Les Kamovars acceptent et le Père Murcier est désigné pour ce poste difficile. Il leur fait d'abord bâtir une église, puis un presbytère et lui de travailler avec zèle à l'édifice spirituel de sa paroisse.
En 1914, la grande guerre éclate. Il n’est pas mobilisé et, comme plusieurs de ses confrères rentrent en France, il part, investi de la responsabilité de plusieurs districts, rejoindre son poste en territoire anglais. La charge de travail est triplée, mais il se met à la tâche avec un grand courage. C’est alors que se déclare une épidémie de grippe. Il se dépense sans mesure pour aider et soigner les gens, mais il finit par tomber victime du fléau. L'attaque est foudroyante. Malgré les soins prodigués, il s’affaiblit. En étant conscient, il se prépare à la mort et meurt un dimanche, vers 10 heures du matin. La nouvelle de sa mort ne s’est pas plus tôt répandue dans Namiandal et les villages voisins, qu'on voit accourir de toutes parts une foule émue, dont la profonde affliction témoigne de l'amour véritable qui attache ces chrétiens à leur pasteur. "Jamais nous n'en trouverons un semblable", disent les Kamovars.
Nécrologie
M. MURCIER
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY
M. MURCIER (Eugène-André-Marie), né à Saint-Bonnet-des Quarts (Lyon, Loire), le 10 octobre 1880. Entré tonsuré au séminaire des Missions-Etrangères le 9 septembre 1901. Prêtre le 26 février 1905. Parti pour Pondichéry, le 2 août 1905. Mort à Namiandal le 17 novembre 1918.
Aux confins des départements de la Loire et de l’Allier, sur les montagnes boisées qui se détachent des monts du Forez, dans un site enchanteur où des vallées fertiles encadrées de forêts profondes, se succèdent, fécondées par de nombreux ruisseaux, se trouve le joli village de Saint-Bonnet-des-Quarts. C’est là que naquit, le 10 octobre 1880, Eugène-André-Marie Murcier. Son père, qui porte gaillardement ses 80 ans sonnés, est un propriétaire terrien, alliant à l’amour du travail les belles vertus patriarcales de la famille et de la foi. La mère, qui aura eu la douleur de perdre son cher missionnaire, intelligente et laborieuse, tout en vaquant aux travaux absorbants du ménage, veillait avec un soin jaloux à la pieuse éducation de ses enfants. « Tous les jours, nous dira plus tard M. Murcier, on faisait la prière en famille, suivie de la récitation du chapelet et de la lecture d’un passage de la vie des saints. »
C’est dans cette atmosphère de piété, que notre futur missionnaire puisa, dès sa plus tendre enfance, le goût prononcé de la prière qui le distinguait, et l’amour de Jésus Hostie dont il devint le prêtre.
Du reste, en dehors des exemples que le foyer paternel faisait briller à ses yeux, Eugène apprit de bonne heure à vénérer la pléiade d’âmes d’élite qui portaient dans la famille le drapeau du Christ. Si le bourg de Saint-Bonnet-des-Quarts a mérité d’être appelé dans la région le pays des missionnaires, il le doit en grande partie à la famille Murcier. Un grand-oncle d’Eugène, missionnaire en Amérique, est mort évêque de Nachitoches, en Louisiane, il y a environ vingt-cinq ans ; trois de ses oncles paternels entrèrent dans la Société des Missions-Etrangères, et travaillèrent en Indo-Chine et au Kouang-tong ; un quatrième est religieux instituteur au Canada ; son oncle maternel qui fut son parrain, M. Durier, appartient à la mission de Pondichéry ; deux de ses tantes enfin sont mortes religieuses.
On peut croire que de si nombreux exemples exercèrent de bonne heure une grande influence sur M. Murcier. Enfant, il n’avait pas de plus grand plaisir que de prier ou de travailler. Mais ce ne fut pas sans de sérieux efforts qu’il parvint à dompter une nature ardente, qu’une robuste constitution rendait parfois redoutable à ses camarades.
Le grand acte de la première communion accompli, M.Murcier fut envoyé, vers sa douzième année, au petit séminaire de Saint-Jodard, où avaient passé tous ses oncles. Il y fut aimé des maîtres et des élèves, se montra doué de belles qualités et de cœur ; aussi personne ne fut surpris d’apprendre à la fin de ses humanités qu’il se destinait aux Missions-Etrangères.
De Saint-Jodard il passa au séminaire de la rue du Bac, le quitta pour aller faire son service militaire. Il conquit à la caserne quelque réputation par sa vigueur et son agilité ; lui-même racontait avec un certain plaisir qu’il avait fait à sa compagnie 200 quarts de vin, en enlevant le prix d’une course aux meilleurs champions du régiment.
Envoyé dans la mission de Pondichéry, il reçut d’abord la direction du collège de Karikal, réduit depuis quelque temps aux modestes proportions d’école primaire. Il fallait du courage pour accepter cette charge, car les temps étaient difficiles et les moyens pécuniaires restreints. M. Murcier se mit à l’œuvre de tout son cœur. Il se montrait très bon pour les élèves, mais il avait une manière à lui de corriger les paresseux. De sa main vigoureuse, il saississait l’élève qui ne savait pas sa leçon, l’élevait à la hauteur de son visage et dans cette position peu rassurante il lui demandait, les sourcils froncés, si cela allait durer longtemps de la sorte. Cette façon de procéder, imprévue dans les programmes scolaires, produisait toujours son effet. L’élève se rasseyait avec la mine de quelqu’un qui vient d’échapper à une catastrophe, et avec la résolution de ne plus s’y exposer. En dehors de ces rares manifestations d’énergie, le maître se montrait plein de mansuétude. Professeur excellent, clair et vivant dans ses explications, il faisait faire des progrès même aux moins bien doués. Il s’appliquait tout spécialement à enseigner le catéchisme. L’assistance à la messe, la fréquentation des sacrements étaient l’objet de ses constantes exhortations. Volontiers il faisait avec ses élèves de longues courses qui n’étaient pour lui qu’une promenade, mais qui fatiguaient les jambes de ses compagnons. « Tant mieux, disait-il en rentrant, ils n’iront pas cette nuit à la comédie païenne, ils vont bien dormir. »
Il était tout entier à son œuvre d’enseignement, quand il fut appelé à porter assistance à M. Goarzin, chargé des 4.000 nouveaux chrétiens du district de Polur. Une vie toute nouvelle commença pour lui, celle qu’il avait rêvée.
Il fut vite en contact avec les chrétiens, comprit de suite qu’ils sont comme de grands enfants avec qui il faut causer paternellement, en leur témoignant beaucoup d’affection. Après avoir fait connaissance avec les chrétiens du chef-lieu, il en fit autant avec ceux des villages éloignés. Il alla s’installer sous la tente au milieu d’eux, les instruisant, écoutant le récit de leurs petites misères, réglant leurs différends et, surtout, les soutenant avec une inépuisable charité.
Les néophytes étaient enchantés de ce jeune « Sami », si bon, à la main toujours tendue pour donner. Ils en usaient largement, ils en abusaient même. Et comme M. Goarzin faisait remarquer à son assistant que cela menaçait de tourner à l’exploitation, celui-ci essaya d’un nouveau procédé. Pour mettre un frein à tout excès, il avertit ses néophytes qu’il leur ferait de petites avances d’une ou deux roupies dans les besoins pressants, mais à titre de remboursement, et pour les impressionner il inscrivait le nom de l’intéressé sur son carnet. La proposition fut acceptée d’enthousiasme. Les besoins pressants se multiplièrent. C’était admirable cette petite banque sans intérêts d’aucune sorte ! Il n’y eut que les échéances à ne jamais venir. … Décidément le système était défectueux ; aussi le carnet fut jeté au feu et on revint à la première manière.
Sur ces entrefaites, une délégation de la chrétienté de Namiandal, village situé à une quarantaine de milles de Polur, demanda à Monseigneur un missionnaire à demeure fixe parmi les Kamovars. Le poste n’était guère à envier, car les Kamovars étaient renommés par leur turbulence et leurs procès. Les forêts qu’ils avaient obtenues du gouvernement anglais et défrichées, grâce à un travail opiniâtre étaient en plein rendement depuis quelque dix ans ; mais, du train où marchaient les choses, tout menaçait de fondre en émoluments pour avocats et frais de justice. L’archevêque promit un missionnaire aux Kamovars à condition qu’ils renonceraient à leurs procès, et qu’ils s’en remettraient de leurs discussions aux jugements du prêtre. Ils promirent, et M. Murcier fut désigné pour ce poste difficile.
En peu de temps il eut pris sur ses rudes chrétiens une sérieuse influence. Il en usa pour leur faire construire une église. Lui-même leur donna l’exemple du travail, car au besoin il savait employer la truelle, la scie ou le rabot. Grâce à son activité, le bon Dieu eut bientôt une demeure, modeste sans doute, mais convenable, où les chrétiens purent se réunir pour prier. Alors seulement, le missionnaire consentit à laisser la hutte qu’il habitait pour demeurer dans un presbytère que ses Kamovars lui bâtirent.
Toutes ces occupations matérielles n’empêchaient pas M. Murcier de travailler à l’édifice spirituel de la chrétienté. Monté sur sa vieille bicyclette il parcourait en tous sens son vaste district, catéchisant, administrant les sacrements, soignant les malades. A le voir ainsi passer par les chemins, sous un soleil de feu, les païens eux-mêmes avaient appris à le connaître et à l’admirer. Que de fois leurs vieilles grand-mères, prises de pitié, ne l’ont-elles pas arrêté pour lui offrir, en guise de rafraîchissement, une terrine de lait ou un peu de jus de coco ; vraiment on pouvait dire de M. Murcier, qu’il vivait dans une atmosphère de sympathie.
La grande guerre éclata ; il se présenta aux autorités militaires du chef-lieu de la colonie, passa la visite médicale et fut reconnu apte à faire campagne. En attendant l’appel de sa classe et l’arrivée d’un bateau, il fut autorisé à rejoindre son poste en territoire anglais. Les voisins plus jeunes étant partis, il fut chargé de leurs districts. Sa besogne fut triplée ; il la fit avec le plus grand courage.
Mais les forces humaines ont des limites. M. Murcier n’avait jamais été malade. Jusqu’ici la fatigue ne semblait pas avoir de prise sur ce tempérament de fer, qui s’accommodait de toutes les intempéries et de tous les aliments. Pourtant, après quelques mois de ce travail intense, ses traits énergiques trahirent quelques marques de fatigue. A cette époque, se déclara dans la contrée l’épidémie d’influenza. Ce fut un nouveau surcroît de travail. M. Murcier se multiplia. Peu habitué à prendre des précautions, il agit sans défiance avec ce mal nouveau, et comme d’ailleurs il s’alimentait insuffisamment, il tomba victime du fléau.
L’attaque fut foudroyante. M. Tranier, qui venait de sortir de l’hôpital, fut le premier mandé auprès du malade. Encore à moitié infirme, à la suite d’un accident, il lui était difficile de bien soigner son confrère. Aussi dépêcha-t-il aussitôt un exprès à M. Dequidt, à Arni. Celui-ci était malade et ce fut son assistant M. Noël, qui prit la direction de Namiandal.
Les quelques détails qui suivent sont extraits d’une lettre qu’il écrivit à un ami de notre regretté confrère.
« Dès que j’arrivai, je trouvai le malade dans un état très sérieux, mais avec des soins et la grâce de Dieu, j’espérai encore un peu. Je commençai aussitôt à administrer les médicaments apportés, les vomissements cessèrent. Malheureusement la fièvre ne diminuait pas, le délire était continuel. Le lendemain de mon arrivée, c’est-à-dire le mercredi dans la matinée, je l’avertis de la gravité de son état et lui dis de préparer sa confession. Il le fit de son mieux, et se confessa avec assez de facilité. Il se soumit généreusement à la volonté du bon Dieu, et depuis lors, dans les intervalles où la connaissance lui revenait, il continuait sa préparation à la mort.
« Il demanda lui-même à ce qu’on fît venir le médecin de Tirunamachi. Malgré la grande distance, je l’envoyai chercher aussitôt. Avant l’arrivée de celui-ci, le malade fit inconsciem-ment une imprudence grave. Etant resté seul pendant que son gardien ordinaire répondait la messe, il fut pris de délire, se leva, sortit et se promena sous la pluie, tête et pieds nus, pendant un quart d’heure.
« Dans la soirée du mardi, le pouls commença à battre si irrégulièrement, que je donnai l’extrême-onction à notre cher malade : « Faites vite », me dit-il, quand je l’avertis. Il s’unit pieusement aux prières rituelles, et le jeudi matin reçut le saint viatique. Le médecin de Tirunamalai, un Indien, arriva en ce moment. Il trouva que le cas ne présentait pas de gravité, mais diagnostiqua un peu de pneumonie au sommet du poumon droit. Diagnostic incomplet, hélas ! et par conséquent faux. Bientôt le malade n’eut plus conscience de ce qu’il faisait, et des signes de mauvais augure apparurent dans la soirée du jeudi. Je lui donnai l’indulgence de la Bonne-Mort. Le vendredi matin, je tombai malade à mon tour ; je dus me coucher, je fus pris de la fièvre du délire, et quand je repris connaissance M. Murcier était mort et inhumé. Il avait rendu son âme à Dieu le dimanche, vers dix heures du matin. »
La nouvelle de sa mort ne se fut pas plus tôt répandue dans Namiandal et les villages voisins, qu’on vit accourir de toutes parts une foule émue, dont la profonde affliction témoignait de l’amour véritable qui attachait les chrétiens à leur pasteur. Malgré l’épidémie, qui retenait un bon nombre de malades à la maison, les Kamovars firent à leur Père des funérailles solennelles. Les yeux remplis de larmes, ils disaient à leur retour du cimetière : « Jamais nous n’en trouverons un semblable. »
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Références
[2828] MURCIER Eugène (1880-1918)
Références biographiques
AME 1905 p. 375. 1919-20 p. 47. 1923 p. 240. CR 1905 p. 288. 1909 p. 228. 1916 p. 162. 1918 p. 194 : notice. 1919 p. 107. 1922 p. 147. BME 1932 p. 478.