Prosper CORDON1889 - 1964
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3200
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1920 - 1950 (Shenyang [Moukden])
Biographie
[3200] CORDON Prosper, Hyacinthe, Pierre, Marie, est né le 18 mai 1889 à Marcillé-Robert (Ille et Vilaine) dans le diocèse de Rennes. Il fait ses études primaires à Marcillé-Robert, puis successivement ses études secondaires à Vitré, Saint Méen, Redon. Il entre laïc aux Missions Etrangères le 25 août 1908. Il est ordonné prêtre, alors qu'il était mobilisé, le 28 février 1915. Il partit pour la Mission de Mandchourie méridionale le 27 juin 1920.
A cette époque, la Mandchourie méridionale faisait partie de la République chinoise ; mais en fait, elle était aux mains d'un dictateur local. Profitant de l'anarchie politique, les Japonais réussirent à créer le nouvel état du Mandchoukouo, qui connut une ère de paix jusqu'à la défaite du Japon et le retour de la Mandchourie à la Chine en 1945.
Après une année passée à Moukden pour l'étude du chinois, le Père Cordon est chargé du poste de Kin-Tchéou qu'il administre jusqu'en 1938. Il prend un congé en France en 1932.
Par suite de la division de sa mission, il est nommé en 1939 à Hei-Chan, paroisse de 2.000 chrétiens où il est plutôt mal reçu par le vicaire chinois. Dénoncé par lettre anonyme aux autorités japonaises comme étant un espion anglais, il a quelques difficultés avant d'être lavé de cette accusation.
En 1945, les Russes bombardent Hei-Chan pour en déloger les Japonais, succèdent la guerre civile et la victoire des communistes. Aussitôt, le nouveau régime impose sa loi de fer : limitation des libertés, pillage et destructions des locaux de la Mission. Pour survivre, le Père Cordon fait de l'orphelinat une fabrique d'allumettes.
Sa santé, fortement ébranlée, le Père Cordon demande son rapatriement et quitte la Chine le 12 avril 1950. Il arrive le 19 avril en France, un peu comme un evenant", puisqu'une confusion de l'ambassade de France à Moukden l'avait officiellement annoncé comme mort le 5 janvier 1949 !
Après un temps de repos chez sa soeur à Hédé (Ille et Vilaine), il demande à faire du ministère dans le diocèse de Rennes et est nommé prêtre sacristain de la Cathédrale de Rennes. Il rend service à la paroisse, surtout pour les confessions et les visites aux malades.
Le 14 février 1964, il subit l'opération de la vésicule biliaire, mais décède le dimanche 16 février. Ses obsèques sont célébrées à la Cathédrale de Rennes, présidées par Mgr. Riopel, évêque auxiliaire.
Nécrologie
LE PÈRE PROSPER CORDON
1889 - 1964
missionnaire de Yingkow (Mandchourie)
Prosper (Hyacinthe, Pierre, Marie) Cordon était originaire de cette Bretagne qui a donné tant de bons ouvriers apostoliques à la société des Missions Etrangères durant ses trois cents ans d’exis¬tence. Le diocèse de Rennes, qui était le sien, a en effet fourni 145 missionnaires MEP ; celui de Quimper, 106 ; celui de Saint-Brieuc, 95 et celui de Vannes, 57.
C’est à Marcillé-Robert (Ille-et-Vilaine), petit village situé à peu près a égale distance de Rennes, Vitré et Châteaubriand, que naquit le P. Cordon, le 18 mai 1889. Après avoir fréquenté l’école primaire de son pays natal, le jeune Prosper accomplit ses études secondaires successivement à Vitré, Saint-Méen et Redon.
Entré laïque, le 25 août 1908, au séminaire des Missions Etrangères, à Bièvres, il fit son service militaire de septembre 1910 à mai 1912. Rentré à la rue du Bac, il était ordonné diacre le 7 mars 1914. La guerre vint alors l’arracher de nouveau au séminaire et retarder son départ en mission de plusieurs années. Bien que mobilisé, il fut ordonné prêtre le 28 février 1915, à la faveur d’une permission, pour lui permettre d’exercer le ministère sacerdotal auprès des soldats. Ce ne fut que le 27 juin 1920 qu’il put enfin s’embarquer pour la Mandchourie méridionale à laquelle il était destiné.
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La Mandchourie, confiée à l’apostolat des Missions Etrangères de Paris en 1838, avec Mgr Verrolles pour premier vicaire apostolique, formait depuis 1898 deux vicariats : celui de Mandchourie septentrionale, immense territoire, grand deux fois comme la France, ayant Kirin pour ville épiscopale ; celui de Mandchourie méridionale, de superficie bien plus restreinte mais de population plus dense ; la résidence épiscopale était Moukden, la plus grande ville des « trois provinces de l’est », comme les Chinois appellent la Mandchourie.
En 1920, la Mandchourie faisait en effet partie intégrante de la République chinoise, mais, à cette époque, les liens entre le gouvernement central et les provinces étaient assez lâches. Les trois provinces de l’est étaient alors sous la coupe du fameux dictateur Tchang tso Lin. Celui-ci devait être victime d’un attentat en 1928. Les Japonais, qui jouissaient depuis longtemps déjà d’une très grande liberté d’action dans le pays, profitèrent de l’anarchie politique qui s’ensuivit pour créer en 1931 un nouvel Etat indépendant, le Mandchoukouo, avec lequel ils firent alliance. Cet événement devait mettre fin assez rapidement aux troubles et au brigandage qui désolaient la région et bientôt s’établit, sous l’égide du « Dai Nippon », une ère de paix, de sécurité et de prospérité qui ne prendrait fin qu’avec la défaite du Japon et le retour de la Mandchourie à la Chine, en 1945.
Le jeune P. Cordon passa à Moukden une année entière consacrée à l’étude de la langue et des usages chinois. En 1921, il fut chargé du poste de Kin-tcheou, vieille ville située dans la partie sud-ouest du pays, non loin du golfe de Leao-tong, sur la ligne de chemin-de-fer de Moukden à Pékin, à environ 150 kilomètres au nord de l’endroit où la Grande Muraille atteint la mer. Les Japonais devaient en faire, une dizaine d’années plus tard, un centre industriel et ferroviaire important de 350.000 habitants. Le P. Cordon resta à la tête de ce poste pendant dix-sept ans, avec une interruption d’un an, en 1932, pour son congé en France, et une autre de quelques mois pour un séjour à l’hôpital japonais de Moukden, en 1924. En effet, en février de cette année, s’étant rendu au siège de l’évêché, il fit sur le verglas une chute si malencontreuse qu’il se fractura une rotule. Il supporta avec patience et bonne humeur la longue immobilité qui lui fut imposée ; mais cela ne suffit pas pour le rétablir parfaitement, et tout le reste de sa vie il eut à souffrir de cette infirmité.
La chrétienté de Kin-tcheou ne comptait qu’un petit nombre de fidèles. Elle augmenta un peu avec le développement de la ville, mais jamais elle n’atteignit le millier. Le Père n’en eut que plus de facilité pour prendre bien soin de ses chrétiens. Il les visitait souvent, et veillait à leur donner une forte instruction. Il ouvrait des écoles de catéchisme partout où il trouvait des enfants en nombre suffisant ; quant à ceux qui étaient dispersés, il les faisait venir à sa résidence. Son enseignement était avant tout pratique. « Dire ne suffit pas, répétait-il, il faut faire voir, montrer, faire agir ». Ainsi quand il administrait le baptême, il faisait venir à l’église garçons et filles et leur montrait ce qu’il fallait faire et dire ; puis il ajoutait : « Si vous baptisiez un enfant ou une grande personne malades, vous diriez, en versant l’eau sur la tête, les mots chinois qui sont dans le catéchisme ; et vous auriez sauvé une âme, tout comme moi ». Et la leçon n’était pas perdue pour tout le monde. Ainsi dans une famille de nouveaux chrétiens très éloignée du centre, alors que le grand-père pas encore baptisé se mourait et qu’il n’y avait plus le temps d’aller chercher le P. Cordon, la petite fille de la maison dit à sa mère : « Maman, moi je sais faire le baptême ; le Père nous l’a fait voir, quand j’étais à l’école ». Et ce fut elle qui baptisa son grand-père.
Son église était toute petite ; mais elle était propre et bien tenue. L’autel était toujours orné de fleurs naturelles qu’il faisait souvent renouveler. Un jour il s’aperçut que la sœur sacristine était un peu négligente sur ce point ; il l’en avertit et quelques jours plus tard pour lui rafraîchir la mémoire, il prit tous les vases de fleurs qui étaient sur l’autel et les déposa à la place de la sœur. Cette fois la leçon fut comprise. Il savait aussi former des enfants-de-chœur modèles, qui répondaient la messe à la perfection. Mgr Blois sut bien le lui dire un jour qu’il donnait la confirmation à Kin-tcheou.
Sa résidence était bien modeste, mais son cœur était largement ouvert pour vous accueillir. Il ne fallait surtout pas lui dire, en arrivant chez lui : « je repartirai demain, car je suis pressé », car il vous répondait : « Dans ce cas, vous auriez mieux fait de venir un jour ou deux plus tôt. Nous n’avons que nous pour nous délasser de nos fatigues ; ne gâtons pas ces pauvres heures de repos par notre hâte à nous séparer. » Le P. Cordon était vraiment un charmant confrère, toujours joyeux, aimable, plein d’entrain. On n’avait pas à se mettre en peine pour entretenir la conversation ; il s en chargeait. C’était un véritable plaisir pour lui de pouvoir servir à ses hôtes quelque chose de bon qu’il avait su conserver pour eux. Ses voisins étaient les Pères Rigal et Marcadé, qu’il rencontrait assez souvent ; avec eux il se rendait à Moukden, si bien que lorsque Mgr Blois en voyait un, il était sûr que « le trio de l’ouest était arrivé ».
C’est aussi en compagnie de ses deux amis qu’il reçut, le 15 septembre 1931, la caisse contenant les restes de Mgr Bruguière, premier vicaire apostolique de Corée. Celui-ci était mort le 20 octobre 1835 en Mongolie, avant même d’avoir pu atteindre sa mission. En l’année du centenaire de sa nomination, les missionnaires eurent l’idée de le faire entrer en Corée. Mgr Abels, vicaire apostolique du Jéhol, fit convoyer la caisse contenant les restes mortels par un de ses missionnaires jusqu’à Kin-tcheou, pour éviter les tracasseries de la douane qui faisait ouvrir tous les colis confiés aux messageries. Le P. Cordon, en présence des PP. Rigal et Marcadé, ouvrit la caisse, puis enveloppa soigneusement tout ce qui restait de Mgr Bruguière et le porta à Moukden, où Mgr Blois remit le précieux dépôt au P. Poyaud qui le transporta jusqu’en Corée.
Au cours de l’année 1938, les cinq préfectures civiles bordant à l’ouest le golfe du Leao-tong furent détachées de Moukden et rattachées au vicariat apostolique du Jehol administré par les Pères de Scheut. Cette mesure suivait un certain nombre d’autres qui, en dix ans, avaient divisé les deux missions primitives en onze territoires ecclésiastiques confiés à diverses congrégations missionnaires et au clergé autochtone.
Le P. Cordon quitta donc Kin-tcheou en 1939, mais pour ne s’en éloigner que de cent kilomètres à peine. Il fut en effet nommé curé de Hei-chan, « la montagne noire », bourgade de 15.000 âmes bâtie sur une hauteur. La paroisse comprenait plus de 2.000 chrétiens, compte tenu des stations de campagne. L’église, construite presque au sommet de la colline, dominait la ville et, du haut de son fin clocher très élancé, on pouvait jouir, en direction de l’est, d’un magnifique panorama sur la plaine du Leao-ho. Une superbe grotte de Lourdes se dressait derrière l’église et recevait la visite des chrétiens et même des païens. On pouvait voir aussi, dans la cour antérieure, une belle stèle dédiée au souvenir des martyrs de la Boxe. Tel était le centre assez flatteur du nouveau district du Père ; mais le district était vaste et presque tout entier en dehors des voies de chemin de fer ; la visite des chrétiens n’en serait pas facilitée, surtout pour un infirme.
A son arrivée à son nouveau poste, le Père trouva un vicaire qui, bien loin de lui être un aide, fut un lourd poids à porter. Ce jeune prêtre chinois pouvait difficilement accepter d’avoir dans la place un témoin du désordre de sa conduite. Il fut soupçonné, à juste titre, d’être l’auteur d’une lettre anonyme aux autorités japonaises accusant le Père d’être un espion anglais. Grâce à son passeport de 1932, celui-ci fut facilement lavé de cette accusation et la police lui présenta ses excuses. Peu après, le vicaire fut remplacé par un charmant prêtre chinois et la vie pastorale devint plus supportable malgré les restrictions apportées au ravitaillement et à la circulation du fait de la guerre.
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1945 fut l’année de la défaite japonaise. Pendant leur offensive, les Russes bombardèrent le poste de Hei-chan, qui fut très éprouvé ; le clocher de l’église fut atteint et une partie de la résidence du Père endommagée. Après la prise de la ville, ils rendirent visite à l’église et le missionnaire dut subir bien des avanies. Mais enfin on pouvait légitimement espérer jouir enfin de la paix. Ce fut la guerre civile, qui devait se terminer par la victoire des communistes chinois.
A partir de 1947, le P. Cordon se trouva constamment en zone rouge. Malgré des tracasseries sans nombre, il put encore célébrer une belle fête de Noël en 1948, au milieu d’une grande affluence de chrétiens. Mais c’était trop beau ; dès le lendemain défense fut faite aux fidèles d’aller à l’église ; la statue de Notre-Dame de Lourdes fut détruite, la résidence du Père, pillée de fond en comble et lui-même, gardé à vue, dut vivre dans des conditions misérables. Pour assurer la subsistance de son orphelinat, il y installa une fabrique d’allumettes. Il se vit refuser toute permission de se rendre à Moukden qui était, il est vrai, encore tenu par les nationalistes.
Moukden d’ailleurs ne fut bientôt plus le centre de sa mission. En 1949, peu avant l’entrée des communistes dans cette ville, un archevêque chinois y fut intronisé. La partie sud de l’ancienne Mission resta confiée à la société des Missions Etrangères et devint le diocèse de Yungkow, dont Mgr Vérineux devint le premier évêque. Il ne put jamais s’y installer, non plus qu’aucun des missionnaires qui n’étaient pas sur place.
Le P. Cordon, lui, était sur place ; mais sa santé était fortement ébranlée. Les Rouges lui firent croire qu’il était seul à être resté à son poste et que tous les autres missionnaires avaient regagné la France. D’autre part Mgr Vérineux avait laissé toute liberté aux confrères de demander leur rapatriement. Dans ces conditions, le P. Cordon quitta la Chine au printemps de 1950 et arriva le 19 avril en France, où il était considéré officiellement comme mort depuis le 5 janvier 1949. Ce jour-là en effet était décédé à Moukden le P. Cambon, ancien procureur de la mission. A défaut d’autre moyen de communication, on eut recours à la voie diplomatique. Or le télégramme officiel annonçant le décès, envoyé à Pékin par le consul de France à Moukden, portait par erreur le nom du P. Cordon,
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Il était cependant toujours en vie, mais avait besoin de repos. Il se retira à vingt-cinq kilomètres de Rennes, à Hédé, où s’était transférée la maison familiale depuis des décennies ; il n’y trouva plus qu’une de ses deux sœurs. Quand ses forces furent restaurées suffisamment, il voulut prendre du ministère et se rendre utile. En 1951, il fut nommé custode de la cathédrale de Rennes, c’est-à-dire prêtre de garde. Mais par suite des circonstances il n’eut guère à remplir ce que comporte cette fonction. Très sympathique à tous les membres du vénérable chapitre métropolitain, il prit part à l’office au moins chaque matin et célébra la messe capitulaire. En plus de ces paisibles activités, il rendit de grands services au clergé paroissial, surtout au confessionnal. Il semble même avoir été le confesseur ordinaire de plusieurs prêtres, ainsi que d’un certain nombre de malades ou personnes âgées en ville. L’un de ses dirigés trace de lui ce portrait : « En sa personne transparaissait de façon étonnante la charité du Christ, sa délicatesse, sa bonté, sa discrétion, sa cordialité et son sens de l’humain ».
Cependant sa santé déclinait peu à peu. En janvier 1964, il entrait en clinique pour y subir l’ablation de la vésicule biliaire. L’opération eut lieu le 14 février et semblait avoir réussi ; bientôt des complications surgirent et le P. Cordon rendit son âme à Dieu le dimanche 16 février 1964. Ainsi s’éteignit un missionnaire toujours affable, d’un commerce agréable, d’un dévouement inaltérable, qui sut exercer un rayonnement apostolique.
Ses obsèques furent célébrées à la cathédrale de Rennes et présidées par Mgr Riopel, évêque auxiliaire, en présence d’un nombreux clergé et de quelques confrères, les PP. Gilbert, Simonin, Grasland, Brard et Rannou.
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Références
[3200] CORDON Prosper (1889-1964)
Références biographiques
AME 1919-20 p. 480. 1932 p. 39. CR 1920 p. 85. 1921 p. 38. 1948 p. 14. 1949 p. 26. BME 1922 p. 23. 1924 p. 108. 244. 1930 p. 650. 1931 p. 876. 877. 895. 1932 p. 645. 1933 photo p. 727. 1948 p. 165. 295. 1949 p. 256. 320. 1950 p. 264. 446. 1951 p. 373. Epi 1964 p. 432. 1965 p. 581. notice Epi. p. 351. EC RBac N° 242. 246. 263. 468. 469. 481. 497. 740.