Antoine DESCHAMPS-BERGER1913 - 1996
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3613
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Thaïlande
- Région missionnaire :
- 1938 - 1996
Biographie
[3613] DESCHAMPS-BERGER Antoine est né le 25 juin 1913 à Montfort (Savoie).
Ordonné prêtre aux MEP le 29 juin 1938, il part le 13 septembre suivant pour la mission du Siam (Thaïlande).
Après l’étude de la langue, il est nommé curé de Noakhon Chaisi (1947) puis chargé du poste de Mac Sod (1967), avant d’être envoyé en 1969 dans la paroisse Saint-Luc de Bang-kham où il reste jusqu'à sa retraite en 1981.
Il passe les dernières années de sa vie en Thaïlande, aidant ou remplaçant ses confrères qui ont besoin de lui.
Il meurt à Saraburi le 19 novembre 1996.
Nécrologie
[3613] DESCHAMPS-BERGER Antoine (1913-1996)
Notice nécrologique
Père Antoine DESCHAMPS
(1913-1996)
Antoine.
Le Père Antoine, Emmanuel Deschamps-Berger était un bel homme. Les photos prises lors de ses jeunes années le montrent grand, les cheveux et la barbe noirs, l'œil vif. Bien campé sur des jambes solides, il apparaissait sûr de lui. Il pouvait impressionner les gens. Il était habile de ses mains et précis dans ses gestes. Les cahiers de citations, les sermons et les carnets de messes qu'il a laissés montrent une écriture fine, appliquée, bien déliée, signe de son esprit précis, attaché aux détails. Les paragraphes se suivent comme s'ils étaient réglés par une imprimante. Les livres qu'il a emportés de France et ses notes indiquent un aspirant sérieux et un jeune prêtre pieux. Les amitiés qu'il avait gardées de ces temps de formation témoignent d'une personnalité attachante.
La famille.
Sa famille habitait à Montfort, un village de la Tarentaise, dans le département de la Savoie. Son père, Laurent Deschamps-Berger, était un enfant du pays. Il y possédait une ferme, des bêtes et des terres. Sa mère, Victoire Vivet, venait d'un village tout proche. Antoine était l'aîné de trois enfants. Après lui, venait un frère, qui devait rester au village, puis naissait une sœur. Celle-ci mourut à Paris pendant les études d'Antoine au grand séminaire. Son père devait décéder quelques jours avant son ordination sacerdotale. Ceci lui posa un cas de conscience, car sa mère et son frère encore jeune devaient rester seuls pour diriger la ferme. Les supérieurs de Paris autorisèrent Antoine à retarder son départ. Mais sa mère refusa ce sacrifice en disant : "Je ne reprends pas mon enfant donné à Dieu". La famille liquida la ferme afin que le fils aîné puisse suivre sa vocation. Sa mère qui l'avait si bien soutenu pendant ses jeunes années fut rappelée à Dieu durant la guerre, mais le nouveau missionnaire, coupé de toutes relations avec l'Europe, ne l'apprit que très longtemps après le décès. Il en fut très affecté.
Sa vie en France.
Né le 25 juin 1913 à Montfort, Antoine était baptisé deux jours plus tard, le 27 juin. Il fit ses classes primaires à l'école communale de Montfort-Saint-Marcel. Pendant ces quelques années d'enfance, un jésuite montait régulièrement de la vallée. Il célébrait la messe, enseignait le catéchisme, et s'occupait des jeunes. Antoine lui servait la messe, le Père lui parla de vocation sacerdotale. Avait-il discerné une vocation possible ou en sema-t-il le germe ? Antoine ne l'a pas précisé. Après de sérieuses discussions avec Antoine d'une part, et avec sa famille d'autre part, il fut décidé qu'il entrerait au petit séminaire à Cevins. Lorsqu'il eut fait sa première communion et reçu la confirmation en la cathédrale de Moûtier en 1924, sa mère fit son trousseau et Antoine se prépara au départ. C'était compter sans les réactions du père, peu enthousiaste à l'idée de voir son aîné devenir prêtre. Il le confia à un maître berger et l'envoya garder les bêtes au loin dans la montagne. Cependant le Père jésuite, alerté en catastrophe et sûr de la vocation de son disciple, monta lui aussi dans l'alpage et ramena Antoine manu militari jusqu'au village. Le père, devant les regards anxieux de son fils, les demandes de sa femme et le discours persuasif du Père jésuite céda et donna l'autorisation. Ainsi Antoine put partir au petit séminaire. À la fin des études secondaires, avant le baccalauréat de philosophie, Antoine décida d'entrer aux Missions Étrangères. Il en fit la demande, et fut reçu par Mgr de Guébriant. Les supérieurs du moment lui conseillèrent d'entrer directement à Bièvres pour y faire sa philosophie scolastique, sans attendre le baccalauréat de philosophie universitaire. C'est ce qu'il fit en septembre 1931. Ses études furent normales, interrompues pendant un an par le service militaire qu'il fit dans les chasseurs alpins à Bourg Saint Maurice. Pendant les six années passées à Bièvres puis à Paris, Antoine remplit de nombreuses charges de confiance, ce dont il était toujours très fier à la fin de sa vie. Enfin il fut ordonné prêtre le 29 juin 1938 et reçu ce même jour sa destination pour la mission de Siam, comme l'on disait dans ce temps là.
Les premières années.
Parti de Marseille le 13 septembre 1938, le Père Deschamps arrivait "à Siam" un mois plus tard jour pour jour. Il alla d'abord visiter quelques postes pour faire la connaissance de ses nouveaux confrères et voir de ses propres yeux la mission dans laquelle il devrait travailler. Le vicaire apostolique l'envoya bientôt étudier la langue des Chinois "Te tsiu" auxquels il le destinait. Les Pères Durand et Abel commencèrent à lui donner les premières leçons. Mais les événements qui bouleversèrent le monde vinrent modifier les plans de l'évêque et de son jeune missionnaire. Il n'apprit et ne parla donc jamais le chinois. Il devait étudier le thaï par la suite. Comme la guerre avait éclaté en septembre, Antoine fut mobilisé à Saïgon le 18 octobre 1939. Il y resta jusqu'au 28 du même mois. Puis les autorités militaires le renvoyèrent dans sa mission en Thaïlande. Les missionnaires étaient mieux à leur place dans leur champ d'apostolat que sur les champs de bataille, pensait le gouvernement français du moment. Les Français restés à Bangkok dont les enfants, les frères ou les époux étaient mobilisés voyaient d'un œil jaloux ces jeunes missionnaires devenus pour eux des "planqués". Le procureur, le P. Chorin, les envoya se cacher dans le nord, à Chieng Mai. C'est là que le Père Deschamps changea sa destination première et abandonna le chinois pour le thaï. Il en commença l'étude sous la direction du Père Carton.
Cependant, le premier avril, ce n'était pas une farce, Mgr Perros lui signifia qu'il devait partir pour le petit séminaire de Sriracha. Arrivé le 19 avril, il en était expulsé par les autorités militaires thaïlandais le 29 novembre. En effet, la France était devenue ennemie à la faveur de la débâcle française, de mai et juin de cette année. Le chef du gouvernement thaï du moment, le maréchal Louang Phibun, réclamait une partie du Cambodge et le territoire laotien situé sur la rive droite du Mékong. C'est pour cette raison que les ressortissants français devaient quitter les zones frontalières proches de ces deux pays.
Au début de 1941, les missionnaires français étaient de nouveau expulsés. Cette fois ci, ils devaient partir du pays. Ils furent embarqués sur un bateau anglais à destination de Hongkong. Les ordres écrits étaient formels. Le bateau quitta Bangkok le 1er février 1941 et, selon l'entente orale, il débarqua les personnes expulsées au Cap Saint-Jacques. Les paroles données ne sont pas forcément les mêmes lorsqu'elles sont écrites ou lorsqu'elles sont orales.
Le séjour en Indochine fut mouvementé. Les Pères furent mobilisés, mais ils refusèrent de partir combattre au Cambodge contre les Thaïs, et les militaires français comprirent leurs raisons. Aussi le Père Deschamps parcourut une partie du Vietnam, de Saïgon à Hué puis à Hanoï. Il se fit aumônier, puis professeur et connut encore d'autres activités. Enfin, le 28 janvier 1942, il était démobilisé et partait de Saïgon pour sa mission. Il franchissait la frontière le 29 et arrivait le 31 à Bangkok. C'était la veille de la date d'expiration de son permis de séjour.
Antoine rencontra là encore quelques difficultés. L'évêque voulait l'envoyer à Pétriu, mais il y avait dans ce poste des problèmes de terrains à régler et le procureur de la mission voyait d'un mauvais œil qu'un jeune sans expérience soit mêlé à ces questions. Il fut donc destiné à Samphran où il pourrait enfin étudier la langue thaï. Un autre missionnaire plus expérimenté irait régler les problèmes de Pétriu.
Ce premier séjour à Samphran fut de courte durée. En effet, les persécutions qui avaient commencé depuis longtemps dans le nord-est, sur le plateau de Khorat, venait de faire une nouvelle victime. Le village chrétien de Non Keo avait été attaqué par les ultra nationalistes qui se disaient "Luet Thaï" (Sang Thaï ) et le Père Thavon, vicaire du Père Larqué, avait été blessé d'un coup de fusil. La balle avait frappé la médaille qu'il portait au cou, puis elle avait ricoché pour venir s'enfoncer dans la paroi de bois d'une chambre. Le jeune prêtre thaï en était perturbé et devait être remplacé d'urgence. Le Père Deschamps fut donc envoyé prendre la place du Père Thavon. Il y resta de septembre 42 à juin 44 dans la fonction de vicaire puis, après le départ du Père Larqué pour Ongkarak, il lui succéda comme curé jusqu'en décembre 1947. C'était la dernière phase des luttes que le gouvernement pro-japonais menait contre la mission catholique. Luang Phibun, le premier ministre, voulait établir une seule religion pour faire l'unité du pays, devenu, sous son autorité, la Thaïlande et non plus le Siam. Le poste de Non-Keo fut attaqué une nouvelle fois et son église incendiée le 22 février 1944, mais les chrétiens demeurèrent fermes dans leur foi. Plusieurs dessertes furent fermées, celle de Khorat fut détruite par un bombardement. Les biens église, terrain, presbytère de Banhan furent liquidés. De nombreux prêtres thaïs et des laïcs furent emprisonnés. Un de ces prêtres devait mourir en prison après un apostolat généreux et fructueux auprès des condamnés, ses co-détenus. Puis les fureurs du temps de la guerre s'apaisèrent avec le départ des Japonais et celui du premier ministre persécuteur.
Samphran.
Autant les premières années de mission avaient été mouvementées pour le Père Deschamps, autant les suivantes furent calmes. Après la démission de Mgr Perros en 1947, le procureur, le Père Chorin, fut élu vicaire apostolique de la mission de Siam. Le nouvel évêque nomma le Père Deschamps curé de l'église Saint-Pierre de Nakhon Chaisi, appelée aussi Samphran du nom de la sous préfecture dont dépend la grande agglomération chrétienne où allait travailler Antoine. Il y prit ses nouvelles responsabilités le premier janvier 1948. C'est un poste très important du sud de la mission de Bangkok. Il jouxte le nord de celle de Ratburi confiée en ces temps là aux Salésiens. Le responsable devait administrer plusieurs milliers de chrétiens établis sur les terrains de la mission. Les fidèles, immigrés de Chine, étaient les plus nombreux. Cependant, présents depuis plusieurs générations en Thaïlande, ils étaient passés par l'école paroissiale et parlaient le thaï au moins autant que le dialecte de Swatao d'où étaient originaires leurs familles. C'est pourquoi Antoine ne fut pas obligé d'apprendre une nouvelle langue.
Les activités apostoliques du Père Deschamps dans ce poste ont été celles de tout missionnaire sédentaire en Thaïlande, responsable d'un groupe important et stable de chrétiens. En plus de la pastorale ordinaire des chrétiens, il devait aussi administrer des rizières qui s'étendaient sur des kilomètres. Il avait encore la responsabilité de l'école du Sacré-Cœur, grouillante d'enfants. Il était secondé dans cette tâche par des religieuses locales venues de Bangkok. Les prédécesseurs du Père, missionnaires et prêtres locaux, avaient établi un rythme pastoral strict où peu de choses étaient laissées à la fantaisie. Le Père Deschamps adopta cette nouvelle vie bien assise aussi facilement qu'il avait arpenté les routes de l'Indochine et du nord-est au delà de Khorat, aussi courageusement qu'il avait supporté les difficultés de la guerre et de la persécution.
Si ce nouveau mode de vie était sédentaire, il était loin d'être inactif. Antoine était fier des heures innombrables passées au confessionnal, des millions d'absolutions données. Ses carnets de messes qu'il avait conservés jusqu'à ses derniers jours relatent les circonstances de ces messes demandées et célébrées. Il a fait le décompte des mariages bénis : 450, a-t-il noté, des extrêmes-onctions, il les appelait encore comme cela, et des viatiques apportés. À la fin de sa vie, il se souvenait encore des personnes qu'il avait catéchisées et de la manière dont cela s'était passé. Il pouvait dire sans se tromper à telle femme dans la force de l'âge. "Oh ! mais tu es la fille d'un tel, c'est moi qui ai béni le mariage de tes parents." Et il racontait tous les détails de la fête, sans oublier la tête de porc spécialement préparée pour lui, ni les ailerons de requins dont il raffolait.
Lorsque les frères des Écoles chrétiennes arrivèrent en Thaïlande, il leur donna l'hospitalité et leur fit enseigner la langue thaïe. Les soins pastoraux étaient entrecoupés de travaux matériels nombreux. En dehors de l'entretien normal des bâtiments et de l'administration des terrains, le Père dut faire percer des routes au travers des rizières. Il fit le tracé et négocia avec les propriétaires ou les locataires des champs. Il fit quatre routes, avec les ponts nécessaires, pour le bien de tous, chrétiens ou non-chrétiens. Vers la fin de son séjour à Samphran, il prit une part non négligeable à la construction du petit séminaire de la mission de Bangkok, l'école St-Joseph, à la demande de Mgr Nittayo, auxiliaire puis successeur de Mgr Chorin.
Le séjour du Père Deschamps à Samphran, entrecoupé d'un congé en France, dura du 1er janvier 1947 au 5 avril 1967, date de la division de la mission de Bangkok. Le Père devait monter plus au Nord dans le nouveau diocèse de Nakhon Sawan confié aux Pères MEP, tandis que le vicariat apostolique de Bangkok devenait archidiocèse de Bangkok et que le vicaire apostolique devenait archevêque.
Dans le diocèse de Nakhonsawan.
En sortant de Samphran, Antoine prit d'abord un congé de six mois chez son frère, dans la vieille maison familiale. Puis il fut nommé le 17 décembre 1967 à Mae Sod, en remplacement du Père Verdière, qui voulait tenter une fondation monastique à Nong Ri dans la plaine. Le changement était rude. Il quittait une paroisse de la plaine, florissante et bourdonnante d'activités bien réglées. À 54 ans, il se trouvait maintenant envoyé au loin, dans un poste fondé depuis quelques années à peine. Il n'y avait que peu de familles chrétiennes égarées au milieu de montagnes apparemment impénétrables, aux abords d'une Birmanie en état de guerre ethnique, loin de toute agglomération importante. Les routes d'accès étaient à peine tracées. Son prédécesseur devait prendre l'avion, lorsque le temps le permettait, pour se rendre dans des lieux moins excentriques ou faire des jours de marche. C'était demander beaucoup, lorsqu'on venait de la plaine et de ses moyens de transport aisés. Le Père Verdière avait acheté les terrains et commencé une école ; Antoine la continua, il connaissait la question. Le Père Quintard, tout jeune missionnaire, avait commencé l'apostolat auprès des montagnards et avait son centre, dans la ville de Mae Sod, Antoine continua la collaboration avec lui comme son prédécesseur l'avait fait. Mais il n'était plus d'âge à faire de la prospection missionnaire ni à courir par monts et par vaux. Et par dessus tout, il avait été habitué à une chrétienté bouillonnante d'activités bien réglées. Aussi, après un an et demi l'évêque le changea. Il le nomma dans la paroisse St-Luc de Bangkham dans la plaine près de l'eau. C'était le 20 mars 1969.
Dans ce nouveau poste, Antoine reprit la vie qu'il avait connue à Samphran. La pastorale de chrétienté établie, l'administration matérielle du poste, les constructions et le soin de l'école qu'il fit grandir comblèrent sa vie de missionnaire jusqu'à sa retraite qu'il prit le jour de la St. Jean d'été, en 1981.
La retraite.
Cette retraite ne fut pas pour lui simple repos. Antoine ne fit pas moins de dix remplacements à travers toute la mission. Il surveilla aussi la construction de la maison destinée aux prêtres âgés à Saraburi. C'est là qu'il devait finir ses jours en compagnie du Père Garrel. Celui ci devait le précéder de deux ans dans la maison du Père.
Antoine avait toujours joui d'une bonne santé, mis à part quelques accès de fièvre. C'était le tribut payé à une nature insalubre par tous les missionnaires qui travaillaient sur le plateau nord-est. Il ne connut l'hôpital que pendant ses vieux jours. Il fut opéré d'une hernie étranglée en septembre-octobre 1985 à l'hôpital Saint-Mary de Khorat. Il fut de nouveau hospitalisé à l'hôpital Saint-Louis de Bangkok au mois de juin 1988 pour soigner son cœur. Une tension trop forte le fatiguait sérieusement. Pendant l'été 1992, il fit un nouveau séjour à Saint-Louis. Cela faillit lui être fatal. En l'absence du spécialiste en cardiologie, il fut confié à un psychiatre. Celui-ci lui prescrivit les médicaments de sa spécialité. Il en fit une dépression ce qui amena un confrère à administrer les derniers sacrements à Antoine. Le cardiologue revint heureusement avant qu'il ne soit trop tard, il fit mettre les médicaments du psychiatre à la poubelle, soigna le cœur de son patient qui reprit goût à la vie pour quelques années. En mai 1994, il y eut une nouvelle alerte, et un nouveau séjour à l'hôpital. Mais il devait attendre encore deux ans avant que le Seigneur le rappelle à Lui. Lui qui avait administré tant de sacrements des malades et reçu cette grâce par deux fois longtemps avant de mourir, s'éteignit sans bruit pendant son sommeil. La garde malade, profondément endormie à deux mètres de lui, ne s'aperçut de rien. C'était le 19 novembre 1996.
J. Jacquemin