Justin PEZEU1911 - 2007
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3645
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1945 - 1946 (Qui Nhon)
- 1946 - 1975 (Qui Nhon)
Biographie
[3645] PEZEU Justin est né le 1er novembre 1911 à Lesquin (Nord).
Ordonné prêtre le 29 juin 1936, il est affecté à la mission de Kontum (Vietnam).
En raison de la guerre, il ne peut partir que le 16 janvier 1946, en tant qu’aumônier militaire (1946-1950). Blessé grièvement en 1949, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur. Après la guerre, il est affecté aux diocèses de Saigon, puis au de Mytho. Il est nommé successivement curé des paroisses de My-hoi (1952-1958) et de Cai-lay (1958-1975).
Expulsé du Vietnam en 1975, il rentre en France et se met au service du diocèse de Marseille, où il est secrétaire l’archevêché, avant de se retirer à l’hospice de l’avenue de Mazargues à Marseille.
Il meurt le 5 février 2007 à Marseille.
Nécrologie
Antoine PEZEU
(1911-2007)
Antoine Pezeu a mené dès l’enfance une vie itinérante. Né le 1 novembre 1911 à Lesquin, près de Lille, dans le département du Nord, où il a été baptisé le 6 du même mois, il a commencé ses études en septième au collège sainte Marie de Rodez dans l’Aveyron, dont sa famille était originaire, pour les continuer de la quatrième à la première à l’institut Mélizan de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, et enfin en classe de mathématiques supérieures au collège Stanislas à Paris en 1929-1930.
Ses parents, Pierre Pezeu, qui était ingénieur, et Suzanne Rousselet ont eu sept enfants, cinq filles et deux garçons.
Antoine a raconté comment lui est venue l’idée de devenir missionnaire : « Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, en septième au collège sainte Marie de Rodez notre institutrice nous lisait des passages des Annales de la Propagation de la foi. La générosité et la foi des missionnaires m’ont touché, et m’ont marqué au point de vouloir les imiter. Au cours de l’année nous écoutions des conférences données par des Pères Blancs qui avaient une maison dans les environs. À huit ans mon choix était fait : je serais missionnaire. Je serais prêtre aussi, puisque c’était la condition pour annoncer la foi en Dieu et sauver les âmes par les sacrements de l’eucharistie et de la pénitence. Plus tard, à l’institut Mélizan à Marseille, j’ai été conforté dans ce désir par le scoutisme. Je me suis orienté ensuite vers des études scientifiques et, au bout d’un certain temps, j’ai éprouvé des doutes, non pas tant au sujet de ma vocation que sur la foi elle-même. Et j’ai eu alors la conviction que, si je ne prenais pas la décision de me consacrer à Dieu, ma vie serait gâchée. C’est ainsi que je suis entré au séminaire de saint Sulpice à Issy-les-Moulineaux, pour ainsi dire à l’essai, “au conditionnel”. Au bout de quelques semaines je n’ai plus eu le moindre doute, ni sur la foi ni sur ma vocation.»
Ordonné prêtre le 29 juin 1936 à la cathédrale de Paris, pour le compte du diocèse de Marseille, Antoine Pezeu demanda à son évêque de le libérer pour réaliser sa vocation missionnaire à l’étranger, mais ce dernier, Mgr Dubourg, voulant sans doute éprouver
cette vocation, lui imposa d’exercer pendant trois ans son ministère dans son diocèse d’origine. C’est ainsi qu’il fut nommé vicaire à la paroisse saint Henri dans la banlieue de Marseille, où il se fit remarquer par son zèle. Lorsque Mgr Delay, nommé évêque de Marseille, remplaça son prédécesseur, Antoine Pezeu renouvela sa demande mais dut accepter d’attendre encore un an et c’est seulement l’année suivante qu’il obtint de pouvoir partir. Hélas le feu vert à peine allumé fut bientôt remplacé par un feu rouge : la guerre éclate en septembre 1939 et il est mobilisé. Il passera les mois de guerre au 20ème bataillon des chasseurs alpins sans avoir à combattre.
Rendu à la vie civile après l’armistice de juin 1940, Antoine Pezeu peut enfin entrer en octobre au séminaire de la rue du Bac où, étant déjà prêtre, il ne passera qu’une année au terme de laquelle il sera agrégé à la Société des Missions Étrangères, le 15 septembre 1941, après avoir reçu sa destination pour la mission de Kontum. À quelqu’un qui lui demandera plus tard si il allait chaque jour prier à la salle des martyrs, il répondra : non seulement chaque jour mais plusieurs fois par jour.
En 1941 c’est encore la guerre hors des frontières et l’occupation allemande sur le territoire français. Il n’est pas possible de quitter la France pour aller en Extrême Orient.
Dans ces conditions il faut trouver un ministère à exercer dans l’attente d’un départ dont on ne peut pas prévoir la date. Le supérieur général, le Père Robert, demande à l’archevêque de Paris d’accueillir pour un temps Antoine Pezeu dans son diocèse. Ce dernier est alors nommé vicaire à Drancy à la fin de l’année 1941. Il y restera jusqu’à la fin de l’année1945.
La guerre à peine terminée le gouvernement français décide d’intervenir militairement en Indochine et d’y envoyer un corps expéditionnaire. Le Père Robert demande alors à plusieurs missionnaires dans la même situation qu’Antoine Pezeu, qui attendent de pouvoir rejoindre leur destination, de partir comme aumôniers militaires avec l’armée française. C’est ainsi qu’Antoine Pezeu, ayant obtenu un poste d’aumônier, peut enfin embarquer pour le Vietnam le 16 janvier 1946. Au Vietnam, accompagnant la troupe il se trouve bientôt dans la zone des combats. Le 14 février 1947, au cours d’un combat de rue en pleine ville de HanoÏ, alors qu’il aidait au transport d’un blessé, il est atteint par un éclat d’obus en pleine poitrine. Hospitalisé pendant quelques mois au Vietnam même il est rapatrié à Paris en juillet 1947 pour y être opéré. Entre temps il a reçu la croix de guerre “avec étoile de vermeil” avec la citation suivante : “ Aumônier plein d’entrain vivant très près de la troupe. Très aimé de tous, s’est dépensé sans compter pour soutenir et encourager gradés et chasseurs depuis le début des opérations. Toujours sur la ligne de feu, prêt à apporter aux blessés les secours de son ministère, s’est particulièrement distingué à HanoÏ le 20 décembre 1946 au cours de l’attaque de la résidence, et le 23 janvier 1947 au cours des combats du quartier indigène. Le 24 février, au cours d’un combat de rue a été très grièvement blessé alors qu’il contribuait à brancarder un blessé sous le feu de l’ennemi”.
De retour en France Antoine Pezeu passera les deux années suivantes en partageant son temps entre séjours à l’hôpital et centres de convalescence. C’est seulement en 1950, après avoir été réformé définitivement, qu’il demandera à repartir pour le Vietnam, mais cette fois en qualité de missionnaire. C’est alors que se dresse le dernier obstacle sur un parcours qui n’en a pas manqué jusqu’à présent : les supérieurs de Paris lui répondent que, dans l’état de santé où il se trouve, aucun évêque ne voudra de lui dans son diocèse.Heureusement l’évêque de Saïgon, Mgr Cassaigne, qu’il avait rencontré au cours de son séjour au Vietnam, et qui est au courant de sa situation, se dit prêt à l’accueillir. Et il pourra enfin partir pour Saïgon le 24 avril 1950.
Depuis l’âge de huit ans où il avait rêvé de devenir missionnaire, Antoine Pezeu s’était trouvé confronté à une longue série de contretemps et d’épreuves qui en auraient découragé bien d’autres avant de pouvoir enfin réaliser ce rêve. Arrivé à Saïgon il s’est mis au travail avec la même énergie qu’il avait manifestée jusque là. D’abord au service de l’évêque pour remplacer pendant un temps son secrétaire en congé, il commence à apprendre le vietnamien et il assure également un ministère parmi les nombreux Européens de la ville. Ensuite il est envoyé dans différentes paroisses rurales auprès de prêtres vietnamiens, toujours pour apprendre la langue et pour être initié aux coutumes de son nouveau pays. En 1951 Mgr Cassaigne l’envoie au poste militaire de My-Hoï qui avait demandé un prêtre pour la célébration de Noël, et il y retourne l’année suivante avec cette consigne de l’évêque : “si vous jugez que c’est possible, restez-y”. Antoine Pezeu, se conformant aux instructions reçues, s’installe alors à My-Hoï, où il résidera de 1952 à 1958.
À My-Hoï il se trouve dans un poste dont les Vietcong ont brûlé l’église, le presbytère et l’école. Les chrétiens en sont réduits à se retrouver le dimanche entre les murs d’une église calcinée après avoir arrangé un toit de chaume pour protéger l’autel et l’assistance durant la célébration de la messe. En relançant l’exploitation paroissiale de caoutchouc, ce qui donne du travail à la population locale, Antoine Pezeu finira par trouver les moyens nécessaires pour financer la reconstruction des bâtiments. Son activité au centre ne l’empêche pas de rayonner dans les environs. Beaucoup de familles qui avaient abandonné leurs rizières à cause de la guerre et de l’insécurité commencent à revenir et des communautés chrétiennes autrefois bien vivantes se reconstituent autour des anciens chefs de chrétienté. Il faut leur donner les secours spirituels qu’elles demandent. Antoine Pezeu se déplace en pirogue pour leur rendre visite. Il ne ménage pas sa peine, si bien que le climat humide et chaud, les accès de paludisme et la fatigue finissent par venir à bout de sa résistance. Épuisé, il doit être hospitalisé et, en 1958, il doit prendre un congé anticipé en France pour se reposer.
De retour au Vietnam en 1959, il ne retourne pas à My-Hoî, où un prêtre vietnamien lui a succédé. Il remplace pendant un temps un missionnaire malade au poste de Ngu-Hiep, une grosse paroisse dans une île du Mékong. À la fin de cet intérim il fait remarquer à l’évêque qu’au delà de territoires importants déjà évangélisés il y aussi, à Cai-Lay, à quelque 10 kilomètres de Ngu-Hiep, un groupe de deux ou trois familles chrétiennes qui pourraient constituer le noyau d’un nouveau poste. L’évêque lui demande alors de se charger de la fondation de ce nouveau poste. Cay-Lay, où il restera 17 ans.
Cay-Lay est un chef-lieu de district situé à 100 kilomètres de Saïgon, marché important alimenté par les transports fluviaux. La population à l’entour est très dense, qui n’ a pratiquement pas été touchée par l’évangélisation jusqu’alors. L’immense diocèse de Saïgon venait d’être divisé en quatre, chaque diocèse ayant à sa tête un évêque vietnamien. Cay-Lay dépend maintenant de l’évêque de Mi-Tho. Quand Antoine Pezeu va demander des consignes à ce dernier celui-ci lui conseille de commencer par bâtir une école et lui annonce qu’il a déjà acquis pour ce faire “un beau terrain”, bien situé. En allant voir ce “beau terrain” Antoine Pezeu doit constater qu’il s’agit en réalité d’une vaste lagune, trop profonde pour y faire une rizière, limitée par un remblai qui n’est qu’à quelques mètres au dessus de la surface de l’eau, bien loin d’être un terrain idéal pour construire un centre.
Heureusement la providence amène sur les lieux un certain Monsieur Tran, chrétien de vieille souche, qui sera pour le missionnaire un précieux collaborateur et conseiller. Monsieur Tran commence par trouver pour Antoine Pezeu un logement en location dans le bourg qui donne sur une ruelle très fréquentée. À peine installé dans ce logement, en réalité une pièce unique, une sorte de compartiment, Antoine Pezeu y dresse un autel pour la célébration de la messe, après avoir choisi un coin donnant sur la rue pour en faire son bureau. La porte du bureau reste ouverte toute la journée et bien vite des visiteurs se présentent : des lycéens, garçons et filles, que la présence du seul prêtre français dans le secteur intrigue, des adultes aussi qui trouvent un prétexte pour venir poser des questions. Avec ces visiteurs on parle un peu de tout, pas forcément de religion, mais il arrive aussi que la question soit abordée et certains deviendront catéchumènes.
Très vite, secondé par Monsieur Tran, Antoine Pezeu a entrepris des travaux de terrassement et construit les soubassements d’une école dans le fameux terrain et, dès l’année suivante, une école de deux classes, tenue par les Soeurs vietnamiennes Amantes de la Croix, commençait à fonctionner. Au départ aucun élève n’était chrétien mais bientôt l’école fut agrandie et avec le temps elle devint comme une pépinière de catéchumènes. Il avait fallu bâtir la maison des Soeurs, une église, et un presbytère, qui n’était au début qu’une simple paillote d’une seule pièce. Le curé put organiser une “mission” prêchée par des rédemptoristes vietnamiens et bientôt un mouvement de conversions s’amorça qui se poursuivit pendant des années. L’école agrandie recevait le soir dans les classes vides les catéchumènes qui venaient s’instruire, les soeurs faisant fonction de catéchistes. Le Père, quant à lui, se rendait par la route alternativement à deux dessertes situées à quelques kilomètres, qui avaient chacune un groupe de catéchumènes. Bientôt l’évêque lui confia en outre la chrétienté de Bang-Lan située à 45 kilomètres de Cay-Lay, une communauté assez nombreuse, qu’on ne peut atteindre qu’en bateau. Ainsi la communauté chrétienne se développait peu à peu : après 17 ans de présence d’Antoine Pezeu à Cay-Lay on comptera plus de mille baptêmes inscrits au registre paroissial.
Ces progrès se réalisent alors que règne partout dans la région un climat d’insécurité qui devient de plus en plus oppressant au fil des ans. Les vietcong ne sont jamais loin et les bombardements deviennent vite quasi quotidiens. Deux ou trois caisses d’obus de mortier, qui font chaque fois des victimes, des morts ou des blessés. Un jour pendant le salut du Saint Sacrement, un obus éclate tout près de l’église. La terre jaillit et tombe à grand fracas sur les tôles du toit. Les assistants restent un moment figés sur place, puis reprennent leur sang froid. Une religieuse recommence à jouer de l’harmonium et la prière reprend.... Comme les bombardements ont surtout lieu l’après-midi, on ne fait plus classe le matin. L’école est fermée l’après -midi. Partout les gens ont creusé des tranchées autour de leur maison. À chaque alerte on se met à l’abri, mais malheur à ceux qui sont dehors au moment où passent les avions. La bombe ou les bombes tombent sur ceux qui sont là, et chaque fois il faut compter les morts. Telle est la vie de tous les jours : on vit dans la crainte.
Malgré les risques encourus, malgré les crises de paludisme dont il est affligé, Antoine Pezeu dira plus tard avoir vécu toutes ces années d’épreuve dans la paix et la joie, avec la satisfaction d’avoir réalisé son rêve de jeunesse : devenir missionnaire. Il dira aussi sa reconnaissance envers les Vietnamiens avec il a vécu, dont il vantait volontiers le courage et la générosité. Un jour en 1975 le supérieur régional des Missions Étrangères, le Père Etcharren, arrive en jeep à l’improviste : il faut partir immédiatement.... partir sans plus attendre. L’avance communiste dans le sud menace maintenant tout le secteur. Le supérieur conduit d’abord Antoine Pezeu à Mi-Tho pour saluer l’évêque, puis se rend directement avec lui à l’aéroport de Saïgon, et le met dans un avion pour Paris. Trois jours plus tard l’armée vietcong s’emparait de Saïgon.
De retour en France Antoine Pezeu, qui a toujours revendiqué son appartenance au presbyterium de l’Église de Marseille, se met au service de son diocèse, où il entend bien continuer à être missionnaire. Il est nommé vicaire à la paroisse Saint Défendent, rue de Toulon à Marseille, dans un secteur confié à une équipe de la Mission de France. où vit une importante communauté vietnamienne dont il sera le pasteur pendant de longues années. Pendant quelque temps il rendra aussi service à l’évêché de Marseille, succédant à un confrère ancien de Kontum, le Père Jean-Paul Renaud.
En 1991 il prendra sa retraite chez les Petites Soeurs des Pauvres, dans la quartier de Marzargues à l’est de Marseille. Il restera là jusqu’à ses derniers jours, passant son temps à lire et à prier, toujours heureux de recevoir de loin en loin la visite d’un confrère des Missions Étrangères, et répétant à qui voulait l’entendre qu’il avait passé au Vietnam les plus belles années de sa vie. Le 1 juillet 2006 il fêtera le soixante dixième anniversaire de son ordination sacerdotale avant de mourir quelques mois plus tard, le 5 février 2007.
J.P. Bayzelon