Henri PINAULT1904 - 1987
- Status : Évêque résidentiel
- Identifier : 3396
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Episcopal consecration
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1929 - 1952 (Chengdu)
Biography
[3396] PINAULT Henri est né le 7 septembre 1904 à Trévérien, dans le doyenné de Tinténiac (Ille-et-Vilaine).
Ses parents, cultivateurs à Trévérien s'établissent en 1905 sur une autre ferme à Évran (Côtes d’Armor). Un de ses oncles, l'abbé Chouin, est prêtre dans le diocèse de Saint-Brieuc et un de ses cousins, prêtre dans le diocèse de Rennes. Henri Pinault fait ses études primaires à Évran et ses études secondaires aux Cordeliers à Dinan. Admis aux MEP le 6 septembre 1922, il est ordonné prêtre le 29 juin 1929, et part le 15 septembre suivant pour la mission de Chengdu (Chine).
Chine
A l'époque de l'arrivée à Chengdu du P. Pinault, la Chine est en pleine ébullition. Les étudiants, même dans les séminaires, entrent en révolte contre toute autorité. Après plusieurs mois à Chengdu, le jeune missionnaire est envoyé à Pa Chow pour y étudier la langue. La ville est prise par les communistes le 23 février 1933, obligeant prêtres et chrétiens à fuir, tandis que d'autres sont massacrés et les maisons incendiées.
De retour pendant une courte accalmie, le P. Pinault doit à nouveau quitter Pa Chow pour se réfugier à Chongquin chez les pères Bénédictins. Il est alors supérieur du probatorium à Ho-Pa-Chang (1934-1945), et fonde un hospice (1942-1945). Il remplace ensuite le P. Ambroise, emporté par une épidémie de choléra, à la tête de la paroisse de Tsong-Kin-Tcheou (1945-1949).
Le 14 juillet 1949, il est nommé évêque de Chengdu en remplacement de Mgr Rouchouse, et il reçoit la consécration épiscopale le 21 septembre suivant.
Le 28 décembre de la même année, Mao Zedong conquiert la ville de Chengdu. Aussitôt, dès 1950, commencent les persécutions par le nouveau régime communiste : impôts exorbitants, prison, tortures, procès populaires. Pour protéger ses confrères, prêtres européens ou chinois, Mgr Pinault, faisant preuve d'un grand courage et de dévouement, prend sous sa responsabilité la propriété de tous les biens d'Église : il se charge de toutes les prétendues ‘dettes’ qui condamnent les ‘riches propriétaires’ aux jugements populaires. Au début de 1952, n'ayant pu payer ses ‘dettes’, après plusieurs jugements, Mgr Pinault est jeté en prison où il subit régulièrement des séances épuisantes d'interrogatoires interminables. Finalement, le juge le condamne à l'’enfer capitaliste’, c'est à dire à l'expulsion hors de Chine.
Il quitte Chengdu le 29 mars 1952, arrive à Hong-Kong le 14 avril, à Marseille le 30 juin. Peu après, il est à Evran où il retrouve sa mère.
Afrique du Nord et dernières années en France
Sans tarder, il accepte le poste d'aumônier militaire dans l'armée de l'air en Afrique du Nord pour un peu plus d'un an. Le 29 décembre 1953, il séjourne à Voreppe, puis revient habiter à Paris où il aide à la mission bretonne. Il donne aussi des conférences et accomplit un ministère épiscopal de confirmations et d'ordinations.
Le 11 octobre 1962, il est à Rome et participe au deuxième concile œcuménique du Vatican jusqu'à sa clôture en 1965.
A son retour, il se retire à Évran auprès de sa mère et rend service dans les paroisses voisines.
En juin 1975, cinq mois après le décès de sa mère, il se fait opérer d'une tumeur intestinale à l'hôpital militaire de Brest. Rétabli après un mois de repos, il retourne à Évran et, en juin 1980, il est présent à Lisieux pour concélébrer l'Eucharistie avec le Pape Jean-Paul II, lors de son pèlerinage.
En décembre 1986, des problèmes d'artérite le contraignent à se faire hospitaliser à la clinique Saint-Vincent à Rennes, où il subit plusieurs opérations. Après un mois de repos à la clinique Saint Yves à Rennes, il se croit suffisamment rétabli pour rentrer chez lui à Évran le 23 février 1987. Le lendemain, à 18h00, il rend subitement son âme à Dieu. Après ses obsèques à l'église paroissiale d'Evran, il est inhumé dans le petit cimetière de son village près de sa mère.
Obituary
Mgr Henri PINAULT
Evêque de CHENG-TU (CHINE)
1904 - 1987
PINAULT Henri
Né le 7 septembre 1904, à Trévérien, diocèse de Rennes, Ille-et-Vilaine
Entré aux Missions Étrangères le 6 septembre 1922
Prêtre le 29 juin 1929 – Destination pour Cheng-Tu
Parti le 15 septembre 1929
Evêque de Cheng-Tu le 14 juillet1949 – Ordonné le 21 septembre 1949
Décédé à Evran, le 24 février 1987
Voir carte nº 6
Enfance et jeunesse
Henri Pinault naquit à Trévérien, diocèse de Rennes, le 7 septembre 1904. Ses parents très chrétiens y exploitaient une ferme. Dès le lendemain de sa naissance, il fut baptisé par le vicaire de la paroisse. La famille Pinault comptait deux prêtres : l’abbé Chouin du diocèse de Saint-Brieuc frère de sa mère et un cousin prêtre au diocèse de Rennes.
En 1905, la famille Pinault quitta Trévérien pour aller s’établir sur la commune d’Évran (Côtes-du-Nord) et y exploiter une ferme.
Après ses études primaires à Évran, Henri Pinault entra au collège des Cordeliers à Dinan. En ce temps-là, rares étaient les enfants de cultivateurs qui faisaient des études secondaires, sauf ceux qui entraient au petit séminaire. Le jeune Henri Pinault n’alla pas au petit séminaire de Quintin qui était trop loin d’Évran, mais aux Cordeliers à Dinan. La pension était plus chère, mais l’abbé Chouin aidait les parents.
À cette époque, le collège des Cordeliers était une pépinière de vocations pour les Missions Étrangères. En mai 1922, à la fin de leurs études secondaires, deux autres élèves demandèrent leur admission aux Missions Etrangères et entrèrent avec Henri Pinault au mois de septembre M. Étienne qui ne put continuer pour raison de santé et Henri Massiot de Pleurtuit, une paroisse voisine de Dinan, tout comme Évran.
Henri Pinault entra donc à Bièvres le 6 septembre 1922. Il suivit la filière ordinaire : trois ans à Bièvres, puis trois ans à Paris ; entre tempe il accomplit son service militaire dans la cavalerie, en Allemagne d’abord puis au Mans. Il semble avoir voulu s’exercer au métier des armes avant entrer à la caserne. Un jour de congé, il se laissa entraîner par un confrère dans un stand de tir : mauvais tireur, il creva un tuyau de gaz au lieu de tirer dans la cible ! Peu fier de son exploit, il se promit bien de ne pas chercher à faire d’autres expériences en attendant son service militaire.
Ordonné prêtre, le 29 juin 1929, il reçut le soir même sa destination pour la mission de Cheng-Tu, dans la Chine de l’Ouest. Parti le 15 septembre 1929, il arriva dans sa mission vers la fin de l’année, au bout d’un long voyage par Hongkong et Shang-Hai.
En mission
Cheng-Tu était la plus belle mission du Szetchoan, avec une soixantaine de prêtres chinois. Généralement le clergé avait bon esprit, mais il n’en était pas de même des séminaristes. La Chine était en pleine fermentation et les étudiants souvent en révolte contre l’autorité. Plus influençables que les prêtres, les jeunes séminaristes se laissaient séduire, eux aussi, par les idées modernes. Cet état d’esprit se manifestait un peu dans toute la Chine. C’est dire que la situation n’était pas de tout repos !
À l’arrivée du jeune P. Pinault, Mgr Rouchouse, Vicaire apostolique, le retint quelques mois à Cheng-Tu ; il commença à s’initier à la langue chinoise. Il fut ensuite envoyé à Pa Chow, au nord de la province, non loin du Chen-Si. Il y avait là ce que l’on appelait des vieux chrétiens, des chrétiens de souche, sinon très fervents, du moins attachés à l’Église et au Père. Son voisin le plus proche était le P. Bauquis, un vétéran, qui pouvait le guider et lui éviter les faux pas. De plus, le climat, assez sec, était le meilleur du Szetchoan. Il aurait pu y vivre des jours heureux et y développer la chrétienté, sans les événements.
Le jeune P. Pinault avait juste eu le temps d’apprendre la langue chinoise quand des bandes communistes venant de l’est envahirent la région et prirent Pa Chow, le 23 février 1933. Le P. Pinault, entraîné par des chrétiens, dut prendre la direction du sud avec le P. Bauquis. À cette époque, la guerre civile sévissait au Szetchoan entre les Seigneurs de la guerre. Devant l’imminence du danger, les chefs militaires conclurent une suspension d’armes. Le plus menacé, Tiên Son Yao, marche avec 100000 hommes contre les communistes qui n’en avaient guère que 10000. Ceux-ci durent se replier et lâcher Pa Chow où le P. Pinault put rentrer. Un grand nombre de chrétiens avaient été massacrés, ainsi que de nombreux païens, et enterrés tous dans des fosses communes. Tout avait été incendié ou pillé. La terreur régnait encore malgré la présence des soldats réguliers, du reste pas tous très sûrs.
Un retour offensif des communistes le força à fuir de nouveau au printemps de 1933. Cette fois, avec le P. Bauquis, il alla se réfugier à Shun-Kinh, puis non loin de là à Si Chan, dans un prieuré bénédictin. En effet, quelques années plus tôt, l’abbaye de Loppem-lez-Bruges avait, avec l’accord de Mgr Rouchouse, fondé ce prieuré bénédictin sur une colline, en pleine campagne, en attendant de s’installer à Cheng-Tu même. Le P. Pinault ne devait plus revoir Pa Chow où les combats continuaient entre communistes et « réguliers ».
En 1934, le P. Pagès, venu de Penang, dirigeait le grand séminaire commun à Ho-Pa-Chang, une vallée étroite à plus de cent kilomètres de Cheng-Tu. Il ne se plaisait guère dans ce trou perdu, « la Grande Chartreuse » Comme il disait, et il trouvait ses élèves « peu intéressants, man-quand d’esprit ecclésiastique ». Il voulait partir. Pour le remplacer, le choix se porta sur le P. Joseph Roux, supérieur du probatorium, également à Ho-Pa-Chang. Ce fut le P. Pinault qui prit sa place. Il y resta neuf ans, avec des enfants de 10 à 13 ans, qui, eux, étaient « intéressants », gentils au possible et faciles à diriger. Le P. Pinault aimait recevoir et c’était une vraie fête pour les Pères du grand séminaire de venir partager sa table.
En 1945 se déclara une violente épidémie de choléra : il y eut de très nombreuses victimes. Les prêtres de paroisse prenaient de sérieux risques rien qu’en allant administrer les malades. Le P. Alary succomba à Cheng-Tu, et le P. Ambroise, le 2 août, à Tsong Kin Tchéou. Ce district est l’un des plus anciens du Szetchoan. Plusieurs évêques du passé y avaient résidé, entre autres le Bienheureux Taurin-Dufresse, célèbre par son synode tenu à Tsong Kin Chéou, en 1803. Les chrétiens, au nombre d’environ 2000 étaient fervents ; ceux de la campagne parlaient un patois à peu près incompréhensible, mais quels braves gens ! Mgr Rouchouse gâtait le P. Pinault en lui donnant la succession du P. Ambroise. Il passa là quatre ans, dont une année avec le jeune P. Mabboux. Pour stimuler les chrétiens, il composa une pièce de théâtre se rapportant à la vie du Bienheureux Taurin-Dufesse. Les acteurs, d’excellents acteurs, comme la plupart des Chinois, jouaient la pièce devant une nombreuse assistance de chrétiens et de non-chrétiens : un moyen original et sûrement efficace d’intéresser les païens au christianisme. Les beaux jours n’ont qu’un temps ! Le 20 décembre 1948 mourait Mgr Rouchouse. Le P. Pinault fut appelé à lui succéder. Nommé le 14 juillet 1949, il reçut l’ordination épiscopale le 21 septembre 1949 des mains de Mgr Jantzen, évêque de Chung-King, assisté de Mgr Boisguérin, de Ipin, et de Mgr Wang, évêque de Sun King, et cela avant même d’avoir reçu les Bulles, car le temps pressait. Les armées de Mao Tse Tong marchaient sur le Szetchoan. Le 28 décembre 1949, elles entraient à Cheng-Tu.
Lors de son sacre, Mgr Pinault avait dans son diocèse 52 prêtres chinois, 18 prêtres des Missions Etrangères, dont la moitié étaient jeunes, et 15 prêtres religieux : bénédictins, rédemptoristes, trappistes. En temps normal, Mgr Pinault aurait pu donner une vive impulsion à la chrétienté de Cheng-Tu, un peu endormie durant les dernières années de son prédécesseur. Les communistes ne lui en laissèrent ni le temps ni les moyens.
Dès 1950, les impôts commencèrent à pleuvoir. À la mi-mai 1951, tout le riz, tout l’argent liquide ont été livrés. Pour satisfaire aux exigences du fisc, Mgr Pinault veut vendre des immeubles. Pas question, car ce sont des dollars que veulent ces messieurs et non des piastres chinoises. Les maisons, ils les auront gratis quand ils le voudront. En juin 1951, Mgr Pinault écrit au P. Tournier pour demander les fonds de HongKong et d’ailleurs. Il doit 500 millions de « jen-min-pi », soit 129.000 dollars de Hongkong et d’ici un mois ou deux, 5 milliards ! Pour expliquer cette somme, il faut savoir que les autorités réclamaient les soi-disant arriérés de 10 ou 20 ans, avec intérêts multipliés !
Mgr Pinault n’a pas à payer seulement pour l’évêché. Pour protéger ses prêtres, il a pris sur lui les soi-disant « dettes » de tous ses prêtres chinois et européens. Cela n’empêche pas que deux des prêtres chinois sont en prison et dix autres en fuite, incapables qu’ils sont de payer les « dettes » exigées et réclamées, bien que l’évêque ait tout pris à sa charge ! Plusieurs d’entre eux seront fusillés. Les confrères français, généralement parlant, courent moins de risques, mais plusieurs tombent malades dont le P. Poisson, vicaire général ; quelques-uns sont même mis en prison. Parmi ces derniers, le P. Caset qui subit sept mois de prison à Lu Chow où se trouvait le P. Grasland de la Mission de Ipin. Comme le P. Grasland demandait au juge la raison de l’emprisonnement du P. Caset, ce sinistre « personnage » répondit : « Il a voulu fomenter une sédition avec des bandits locaux ! » : quelle sinistre plaisanterie quand on connaît le P. Caset ! Après la guerre en Europe, un certain nombre de jeunes missionnaires retenus en France par les événements purent partir. Plusieurs rejoignirent la mission de Cheng-Tu à laquelle ils étaient affectés. Donnons ici le témoignage de l’un d’entre eux : « Lorsque le jeune missionnaire que j’étais entendait Mgr Pinault raconter les horreurs commises pendant la “Longue Marche”, il me semblait qu’il en rajoutait. Lorsqu’il prédisait ce qui allait se passer, nous, les jeunes qui avions vécu la guerre, l’occupation, les camps de concentration ou la résistance et toutes les horreurs nazies, nous ressentions une sorte de réprobation pour ce qui nous apparaissait être un manque de courage.
Or, ce courage Mgr Pinault l’a montré de façon simple mais peu ordinaire. Il connaissait ce qui l’attendait, il est cependant resté. Il savait que l’évêque serait l’homme le plus visé de la mission par toutes sortes de persécutions et qu’il risquait une mort sans doute ignominieuse : il a cependant accepté la charge épiscopale et ses dangers mortels.
Lorsque les événements se sont précipités et qu’ils ont donné raison aux jugements pessimistes du nouvel évêque, le sentiment de réprobation s’est changé en admiration. Il savait les calomnies, la prison, les souffrances du corps et du cœur qui l’attendaient. Il les a acceptées à l’avance, en recevant du Pape la charge de l’épiscopat. La suite des événements a encore fait grandir mon admiration. Peu de mois après leur prise de pouvoir, les communistes de Mao Tse Tong ont organisé la réforme agraire. Étape par étape, elle devait supprimer toute propriété privée. Cette réforme agraire devait être aussi et fut, en fait, un moyen de supprimer physiquement les personnes dangereuses pour le régime. Qu’elles fussent riches ou pauvres, peu importait.
Mgr Pinault prit sous sa responsabilité la propriété de tous les biens d’Église : il nous libéra ainsi de ce fardeau dangereux. De ce fait, il dut répondre à toutes les accusations, subir tous les jugements populaires et toutes les condamnations qui atteignaient “les riches propriétaires”.
Il a pris sur lui “tous les péchés” des riches propriétaires et nous avons été débarrassés de ces soucis mortels. Grâce à lui, nous les missionnaires en poste dans la campagne, nous avons pu nous consacrer à l’apostolat sans trop de difficulté pendant la première année.
De ce vrai courage face au danger et de son dévouement envers les prêtres chinois ou étrangers que l’Église lui avait confiés, je ne saurais jamais le remercier pleinement ».
Le pauvre évêque eut encore d’autres ennuis, qui l’affectèrent vivement. Un de ses prêtres, le P. Wang fut cité – il serait plus juste de dire fut félicité – dans la presse pour avoir lancé le mouvement des « Trois Autonomies » dirigé contre l’Église romaine. Comme ce prêtre résidait dans un coin perdu du Szetchoan, à l’extrême ouest de la province, personne ne pouvait aller voir si c’était vrai ou non. En réalité, ce sont les protestants qui ont lancé le mouvement, chez les leurs d’abord, puis chez les catholiques. Le texte signé par les autorités et « quarante catholiques » proclamait l’indépendance de l’Église de Chine. Le P. Wang n’avait rien signé du tout ; du moins il s’en défendit énergiquement auprès de son évêque. Cela n’empêcha pas certains confrères d’autres régions de Chine de lui attribuer ce document. Ils donnaient ainsi plus de valeur à la propagande communiste qu’à la parole d’un prêtre catholique ! Mgr Pinault souffrit vivement de cette calomnie contre l’un de ses prêtres.
Au début de 1952, plusieurs confrères sont déjà sortis de Chine de force plutôt que de leur plein gré. Pour l’évêque, comme il n’avait pas payé toutes les « dettes », il dut expier ce crime en prison où il se retrouva avec le P. Charrel et quelques Pères de la Mission de Ta Tsien Lu (Tibet). En prison, il ne subit pas de sévices particuliers, mais fut soumis à des interrogations interminables, épuisants pour la victime. Il eut aussi ses moments de joie intense. Une maman chinoise venait le voir de temps en temps avec sa petite fille de trois ou quatre ans. La mère n’échappait pas à la fouille, mais on ne se préoccupait pas de l’enfant, et c’était elle justement, cette petite fille, qui lui apportait l’Eucharistie.
Lors d’une dernière séance au tribunal, le juge se déchaîna. Les yeux exorbités, les traits convulsés, il hurlait : « Hein !, dites-le donc que je suis le diable ! Oui, je suis le diable et je vais vous condamner à l’enfer ! ». Effectivement, quelques jours plus tard, il condamnait Mgr Pinault à « l’enfer capitaliste ». Avec le P. Charrel et le P. Yves Colin, il quitta Cheng-Tu, le 29 mars 1952, pour arriver à Hongkong, le 14 avril. Il était à Marseille le 30 juin, et un peu plus tard à Évran où il retrouva sa mère, aussi alerte qu’une jeune femme. Son père, lui, était décédé depuis quelques années.
En France (1952-1987)
Mgr Pinault ne s’attarda pas longtemps auprès de sa mère. Comme on lui proposait un poste d’aumônier militaire dans l’armée de l’air, en Afrique du Nord, il s’y rendit sans délai. Il devait rester en Afrique un ou deux ans. Revenu en France, il aida l’Abbé Gautier, à la Mission bretonne à Paris. Entre-temps, il exerçait son ministère d’évêque ici ou là, en donnant le sacrement de confirmation ou en faisant des ordinations. Il donnait aussi des conférences sur les épreuves qu’il avait subies et sur celles qu’endurait l’Église de Chine. C’est aussi à cette époque qu’il fit un voyage en Angleterre et en Irlande pour revoir des amis qu’il avait connus en Chine. À Paris, il ne résidait pas à la rue du Bac, mais rue de Marignan, chez une demoiselle Lemercier qui donnait l’hospitalité à des prêtres chez elle. L’un ou l’autre confrère avait déjà auparavant bénéficié de cette hospitalité. Cependant Mgr Pinault gardait le contact avec le séminaire de la rue du Bac et venait y déjeuner de temps en temps avec les confrères.
Le 11 octobre 1962, le pape Jean XXIII ouvrait le Concile Vatican II. Mgr Pinault assista avec régularité à toutes les sessions jusqu’en 1965. Après le Concile, il eut souvent l’occasion de faire des causeries explica¬tives sur tel ou tel point dans des réunions de prêtres, de religieuses ou même de fidèles. En un mot, Mgr Pinault, dans son exil, travaillait utilement pour l’Église.
Pendant ce temps-là, sa vieille maman était toujours à Évran, seule dans sa petite maison, rue du Pont. Avec l’âge se manifestèrent aussi des infirmités, tant et si bien que Mgr Pinault prit la décision de quitter Paris pour résider à Évran près de sa mère et lui assurer les soins dont elle avait besoin. Cependant cette occupation lui laissait des loisirs, car sa maman, tout en étant âgée, n’était pas grabataire, et pouvait se suffire à elle-même. Mgr Pinault s’en allait donc prêcher dans diverses paroisses et donner le sacrement de confirmation à l’invitation de l’évêque du lieu. Il était aussi parfois « réquisitionné » pour présider des cérémonies, telle celle de Callac, dans le Morbihan, à l’occasion de l’Assomption. Sa vieille maman, qui avait toujours été paysanne, aimait cultiver son jardin. Tous les deux, la mère et le fils, s’y employaient activement. Plus tard, quand la maman devint incapable de travailler, c’est Mgr Pinault qui faisait lui-même le jardin ; de même après le décès de sa maman : c’était pour lui une occupation agréable et utile, car il en tirait des légumes frais en suffisance pour ses besoins.
Au cours de son séjour à Évran, il lui arriva une curieuse aventure. Le 3 décembre 1976, un journal parisien publia une lettre signée Mgr Pinault. Dans cette lettre, il se déclarait solidaire de Mgr Lefèvre et soutenait toutes les thèses erronées affirmées par ce dernier. Ce fut une pénible surprise pour le P. Roncin, alors supérieur général de la Société des Missions Étrangères, lorsqu’il lut ce texte. La stupeur de Mgr Pinault ne fut pas moindre quand un rédacteur d’Ouest-France, journal de Rennes, lui téléphona dans la soirée pour lui demander des explications. Mgr Pinault naturellement démentit catégoriquement, exprima son attachement au Saint Père et au Concile et pria Ouest-France de publier son démenti : ce qui fut fait dès le lendemain 4 décembre. Quelque temps après, ce journal parisien démentait à son tour et reconnaissait que le texte reçu était un faux. En particulier, la signature ne ressemblait en rien à celle de Mgr Pinault. Ce fut le point final à cette étrange affaire, mais on n’a jamais su qui était l’auteur de ce « papier ».
Les années passant, la mère de Mgr Pinault s’affaiblit peu à peu et il dut s’occuper d’elle jusqu’à sa mort, en janvier 1979. Ses dernières années et surtout ses derniers mois furent pénibles pour lui, accablé qu’il était de soucis et de fatigue. Au printemps 1979 il tomba malade ; il faut dire qu’il se soignait fort mal. Mais un jour l’amiral Métayer, son ami, le prit en voiture et l’emmena à Brest, à l’hôpital militaire, pour le faire examiner par un spécialiste. Celui-ci diagnostiqua une tumeur au colon. En attendant de pouvoir l’opérer, il le renvoya chez lui. Le 28 mai, le malade retourna à Brest et se fit hospitaliser ; il fut opéré avec succès au début de juin. Un mois après, bien remis, il partit se reposer pour un mois aux Châtelets, près de Saint-Brieuc, chez les Sœurs franciscaines missionnaires de Marie, qui naguère tenaient un grand hôpital à Cheng¬-Tu. Rentré à Évran, il était si bien remis qu’en juin 1980, il put aller à Lisieux en voiture avec le curé d’Évran et concélébrer avec le pape Jean-Paul II, de nombreux confrères des Missions Étrangères et des centaines de prêtres pour la journée des Missions, à l’occasion du premier voyage du Pape en France.
À Évran, il aimait recevoir des visites et, de fait, recevait souvent des confrères, des prêtres et des laïcs amis. Il aimait aussi faire des visites ; tous les ans, avec sa voiture, il allait à Château-Gontier voir son ancien provicaire, le P. Poisson, jusqu’à la mort de ce dernier. Mais vers la fin, il n’aimait pas entreprendre seul des voyages un peu longs en voiture. Aussi ce fut une grande joie pour lui quand, pendant l’été 1986, des amis l’emmenèrent se recueillir une dernière fois sur la tombe du P. Poisson, comme s’il avait prévu qu’il le rejoindrait six mois plus tard.
À la mi-décembre 1986, il ressentit de la douleur dans la jambe gauche quand il marchait. Comme la douleur persistait, il consulta son ami, le docteur Guyomard, qui le présenta à un spécialiste de Dinan. Celui-ci le fit hospitaliser sans délai à la clinique Saint-Vincent, à Rennes ; il avait les artères en mauvais état. À la clinique il subit quatre opérations en un mois, aux deux carotides et à l’artère fémorale. Avec les anesthésies, c’était beaucoup pour un homme de quatre-vingt-trois ans ! Pourtant, il ne semblait pas réaliser la gravité de son état, ne rêvait que de rentrer à Évran pour y reprendre sa petite vie tranquille. Il dut pourtant consentir à passer un mois de repos à la clinique Saint-Yves, à Rennes. Le mois écoulé, le 23 février 1987, il obtint l’autorisation de rentrer chez lui dans l’après-midi. Moins de trente heures après, Dieu l’appelait à lui.
Au cours de l’après-midi du 24 février, il reçut la visite de ses deux grands amis : l’amiral Métayer et le docteur Guyomard. Après leur départ, un peu après 18 heures, il alla se reposer dans son petit salon, tandis que ses neveux s’affairaient à la cuisine. Dans la soirée, un de ses neveux alla le voir. Il le trouva mort, agenouillé devant un meuble. Aussitôt appelé, le vicaire de la paroisse lui donna les derniers sacrements sous condition.
Quand on pense à sa destinée, on ne peut que redire les paroles que prononça le P. Rossignol à la messe anniversaire pour ses 80 ans : « Dès le début de son épiscopat, Mgr Pinault entra dans la nuit... C’est le mystère de la Mission qui ne dépend pas de nous, mais de Dieu. On plante, on arrose ; quant à la moisson, c’est l’affaire de Dieu ».
Mgr Pinault eut de très belles obsèques présidées par Mgr Kervennic, évêque de Saint-Brieuc, assisté par Mgr Barbu, de Quimper et Mgr Boisguérin, ancien évêque de Ipin, au Szetchoan. Assistaient également aux obsèques Mgr Lesouëf et le P. Bayzelon, Supérieur général de la Société, ainsi que sept autres confrères des Missions Étrangères, et environ 40 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc. Une foule profondément recueillie remplissait l’église. Mgr Pinault repose dans le cimetière d’Évran, auprès de sa mère tant aimée.
Mgr Pinault avait beaucoup d’amis et des amis qui lui étaient très attachés. Cela était dû à sa grande gentillesse, à son caractère gai, à sa simplicité qui mettait tout le monde à l’aise, et tout de suite. Il était un causeur enjoué, aimant les bonnes plaisanteries.
References
[3396] PINAULT Henri (1904-1987)
Références biographiques
AME 1929 p. 174. 186. photo p. 187. 1940 p. 67 sq. CR 1929 p. 235. 1930 p. 67. 68. 1933 p. 59. 60. 1939 p. 44. 1940 p. 30. 1949 p. 32. 40. 1950 p. 20. 1951 p. 23. 1962 p. 108. BME 1949 p. 165. 216. 217. 221. 227. 278. 279. 295. 427. 510. 631 sq. 660. 672 sq. 700. 727. 743. 747. 750. 770. photo p. 745. 1950 p. 58. 332. 388. 389. 495 sq. 577 sq. 592. 601. 623. 624. 685. 737. 1951 p. 119. 575. 777. 1952 p. 50. 347. 423. 581. 1953 p. 122. 910. 1954 p. 380. 1054. 1955 p. 7. 11. 171. 566. 663. 1012. 1956 p. 812. 1061. 1958 p. 181. 1959 p. 232. 233. 277. 1960 p. 94. 186. 1961 p. 82. 162. 697. EPI 1963 p. 129. 433. R.MEP. 114P45. 115P47. 127P47. 127/9. Hir. N° 123. 125. 126. 133. 142/2. 149. 155. 156/4. 162/4. 180/2. 194. 195. 196. 197/2. Echos. Miss. 45P130. EC2 103P52. 216/C2.