René MEUNIER1907 - 2000
- Status : Prêtre
- Identifier : 3453
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Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Thailand
- Mission area :
- 1932 - ?
Biography
[3453] MEUNIER René est né le 16 décembre 1907 à Reims (Marne).
Ordonné prêtre aux MEP le 19 décembre 1931, il part le 9 septembre 1932 pour Bangkok (Thaïlande).
Après avoir étudié la langue, il est nommé vicaire à Chiengmai, puis professeur au séminaire de Sriraxa , aumônier au collège de l’Assomption, curé de Bangkhem (1954), aumônier du Carmel à Bangkok (1960), curé de Ban Peng (1967) et de Ha Dong (1976).
Il se retira enfin à la maison régionale de Bangkok, puis à Montbeton, où il meurt le 10 novembre 2000.
Obituary
Père René Meunier, 1907-2000
On pensait que le père Meunier était sur la bonne voie pour faire un centenaire ; il s’est contenté de vivre l’année 2000 presque complètement, manquant de peu l’entrée dans sa 94ème année !
René Meunier est né à Reims le 16 décembre 1907, a été baptisé le 10 mai 1908 à la paroisse Saint Rémi, confirmé en1919 à Saint Léger des Vignes, diocèse de Nevers. Il est l’un des quatre enfants de Maurice Meunier, ingénieur et de Marie Hélène Mathelin ; l’un des garçons meurt à la naissance. .Discret par nature, le père Meunier parle peu de lui-même et de sa famille. On sait toutefois que son père est venu le visiter et lui a apporté ka machine à écrire de sa mère qu’il a longtemps conservée comme un précieux souvenir.
Il commence ses études au lycée de Reims, puis au collège des Jésuites, avant de rejoindre le collège Stanislas où il obtient le bac de mathématiques. Il parlera toujours avec admiration et reconnaissance de ses anciens maîtres jésuites, « ces hommes imbattables en matière d’éducation » et appréciera la haute valeur du corps enseignant de Stanislas.
En 1926, il entre au séminaire Saint Sulpice où il trouve « correspondance parfaite à l’idée qu’il se faisait du sacerdoce ». Il y restera jusqu’à son entrée aux Missions Étrangères le 21 septembre 1931. En 1929, il effectue son service militaire et suit les cours d’officiers de réserve. De retour au séminaire, il est ordonné diacre le 23 juin 1931 et demande son admission aux MEP en septembre, quelques mois seulement avant son ordination sacerdotale, dans la chapelle de la rue du Bac, le 19 décembre 1931. Au cours de l’année de probation prévue par les constitutions, il reçoit sa destination pour le vicariat apostolique de Bangkok, le 29 juin1932.
1932, c’est l’année du coup d’État au Siam, qui met fin à la monarchie absolue. Mgr de Guébriant lui dit « que les événements de Bangkok ne sont qu’une révolution de palais, comme il y en a tant, et sans importance» . Il peut partir rassuré et quitte la France pour le Siam le 9 septembre de la même année.
En mission : Chiangmai
Arrivé à Bangkok le 19 octobre 1932, il n’y séjourne pas longtemps ; après avoir participé à la retraite annuelle des pères de la Mission, il reçoit de Mgr Perros sa destination pour Chiangmai. Il arrive dans cette ville du Nord le 21 novembre 1932 pour commencer l’étude de la langue, des coutumes et s’initier au travail missionnaire sur le terrain. Le père Mirabel est responsable de l’apostolat dans le Nord de l’immense vicariat apostolique de Bangkok, depuis deux ans, secondé par un vicaire remarquable, le jeune père Nicolas Boonkert. Pour ses débuts en Mission, le père Meunier est en bonne compagnie ! Le père Nicolas Boonkert a été béatifié par le pape Jean Paul II le 5 mars 2000, en tant que prêtre et martyr. Quant au père Mirabel, dont le père Mreunier fera souvent l’éloge, il obtient la permission de quitter la Mission du Siam en 1934, pour répondre à un appel à la vie monastique ; il rejoint la Grande Chartreuse, avant de mourir très âgé en1998, il aura la joie d’apporter son témoignage en faveur de la béatification de son ancien vicaire. En 1934, le père meunier, en mission seulement depuis deux ans, remplace le père Mirabel, comme responsable du secteur de Chiangmai. Dans son histoire du diocèse de Chiangmai, Mgr Lacoste donne des détails sur l’activité apostolique du père Meunier, de1932 à 1938, puis de 1941 à 1951, date laquelle le père meunier quitte définitivement Chiangmai pour Bangkok.
En 1938, il est nommé au petit séminaire de Siracha où il remplace le père Larqué : « Le père Larqué, en place depuis trois ans déjà, a remis les pendules à l’heure, les séminaristes suivent les programmes officiels et passent, tout comme les autres jeunes, les examens officiels. En1940, tous les élèves sont reçus au M.3 (brevet) et un seul échoue en terminale ! » Le stage au séminaire ne durera que deux ans ; très exigeant pour lui-même et pour le s autres, il remercie un certain nombre de séminaristes qui lui paraissent ne pas avoir le minimum de qualités requises pour envisager le sacerdoce ». Il rejoint Chiangmai ! à la fin de l’année 1940. Epoque sombre de la Deuxième guerre mondiale. Le pays va bientôt faire partie de l’axe ; la religion catholique est considérée comme religion française et une persécution plus ou moins violente selon les lieux, commence ; le père Nicolas Boonkert en est une des victimes. Certains villages seront poussés à l’apostasie, comme par exemple, la petite communauté de Viang Papao. Après la guerre, le travail de reprise en main ne manquera pas.
En fin d’année 1940, ordre est donné à tous les missionnaires de rejoindre Bangkok et au début de 1941, les missionnaires français sont expulsés du pays. Partis théoriquement pour Hong Kong, le père Meunier et ses confrères sont débarqués au cap Saint jacques. Cette période troublée va durer pratiquement jusqu’à la défaite japonaise et le départ du ministre pro-japonais, Luang Phibun,se trouve dans le lot.
« N’ayant rien à faire à la procure de Bangkok, on obtient pour les missionnaires des visas pour Hong Kong ; sans doute à court de mazout, le capitaine du navire les débarque au cap Saint jacques ! » Quatre seront mobilisés pendant quatre mois, dont le père Meunier. Retour à Bangkok le 29 novembre1941. « Au cours du voyage retour, on double les colonnes japonaises fonçant sur le Siam. Arrivé à la gare, on constate que le train pour Aranyaprathet et ses voyageurs attendent en vain depuis le matin le signal du départ. Les Japonais attaquent à la frontière ».
Fin décembre, retour à Chiangmai, mais en1942, nouvel ordre du gouvernement : les étrangers doivent évacuer les provinces frontières, dont font partie Chiangmai et Chiangrai. Le père Meunier se retire dans une province voisine, Nan, où il va demeurer plus d’un an, avec autorisation de faire une visite mensuelle à Chiangmai. Enfin retour définitif dans cette ville, grâce à une autorisation spéciale obtenue par Mgr Perros. En 1945, presque toutes les écoles primaires, fermées pendant la guerre, sont réouvertes. Mgr Perros lui envoie les jeunes prêtres thaïs ou français pour les former à la vie missionnaire. Il pense, non sans raison, que ce séjour marquera toute leur vie sacerdotale ; ils seront ainsi mieux armés pour faire face aux difficultés rencontrées plus tard. Ces stages, comme vicaires du père Meunier ont été certainement fructueux, mais assez pénibles, en raison des conditions de vie très différentes de celles des paroisses de la plaine centrale et aussi,il faut bien le reconnaître, en raison, du tempérament exigeant du père Meunier. l’un d’eux, le père Thavorn, peu de temps avant sa mort, disait que son séjour à Chiangmai avait été dur, mais qu’il était heureux d’avoir commencé par contre sa vie sacerdotale à Chiangmai, où il avait appris à missionner. Le père Meunier, « né dans l’enceinte d’une usine, et qui par le fait même avait pu pendant toute sa vie » en France, suivre de près le travail des ouvriers et en a été marqué profondément pour toute sa vie ».Arrivé dans les villages du Nord, il s’intéresse de près à la vie des gens et constate que leur vie, « loin de la civilisation moderne, est infiniment plus heureuse que celle des ouvriers de l’usine où il est né ». Persuadé qu’une bonne éducation et non un savoir purement livresque est le facteur le plus important pour préparer l’avenir des jeunes, il ouvre quelques écoles qui se développeront par la suite. Il essaie de partager ses idées sur l’éducation avec les Ursulines et les frères de Saint Gabriel. Le père Joily, nouvellement arrivé de France, le rejoint à Chiangmai. « la région de Chiangmai, à laquelle s’intéresse beaucoup la rue du Bac et particulièrement Mgr de Guébriant, n’était ouverte au travail des missionnaires catholiques que depuis quatre ou cinq ans, à l’arrivée du père Joly.. Le supérieur général avoue avoir fait une folie pour visiter cette région :56 heures de voyage, pour seulement 14 heures de présence, nuit comprise. Hélas, le conseil financier de Bangkok, comprend assez mal la création de ce nouveau centre, où tout est à faire. La rue du Bac a même du avancer aux frères de Saint Gabriel le nécessaire pour la construction de leur collège, le remboursement devant se faire au profit de l’église de Chiangmai » ; Les deux pères, Meunier et Joly, mènent de front apostolat et travail social ».Alors que les presbytériens installés depuis longtemps, possèdent dans cette région de Chiangmai, vingt-trois dessertes, deux collèges, un hôpital moderne, une école d’infirmières et une léproserie, les catholiques n’ont encore pratiquement rien ; l’oeucuménisme n’est pas encore très développé et des difficultés ne vont pas tarder à surgir ; ainsi, dans le village de Maerim, quelques familles protestantes passent au catholicisme ; mécontentement et protestation compréhensibles des presbytériens ; les nouveaux catholiques, pour montrer leur volonté de ne pas se laisser intimider, bâtissent une église provisoire en bamboo, en dehors du village, tout finit pas s’arranger.
« Mgr Perros aimait beaucoup Chiangmai ; il avait des plans précis pour le développement de l’apostolat dans cette région : des trappistes devaient venir (un terrain du côté » de Muang Fang était même prévu), le docteur Mengel était venu prospecter les lieux pour la création d’un hôpital. Le père Mirabel, lui aussi, avait déjà soumis des plans avant son départ.
Mais l’homme propose et Dieu dispose. La guerre éclate ; les trappistes vont ailleurs (ils ne sont pas encore revenus dans le pays, malgré la tentative de fondation du père Verdière) mais « l’idée de la fondation de l’hôpital hantait toujours Mgr Perros et nous croyons savoir qu’à la fin de sa vie, dans les années cinquante, retiré à Chiangmai, il entretenait encore des contacts ad hoc ».
Bangkok et Bangkham
En 1951, le père Meunier est rappelé à Bangkok ; on lui propose un mois de repos sans congé en France ; il maintient « sa décision de prendre un congé, il tient à rencontrer les supérieurs pour leur exposer différents problèmes concernant la Mission ». C’est, en fait, le seul vrai congé qu’il prendra. On le retrouve à Paris en1960, mais c’est en tant que délégué à l’assemblée générale. Il ne reverra la France qu’en 1997, lors de son départ définitif pour Montbeton. À son retour en 1952, il est nommé aumônier du collège de l’Assomption, dirigé par les frères de Saint Gabriel. Deux ans plus tard, en 1954, « certains faits l’obligent à demander son départ de la cure de l’Assomption » et il accepte avec plaisir de retourner en campagne, comme curé de la paroisse Saint Luc de Bangkham, province de Lopburi. Il y restera jusqu’à son départ pour l’assemblée générale en1960. Les visiteurs et même une grande partie des habitants de Bangkham aujourd’hui, peuvent difficilement imaginer la situation de ce village de pêcheurs, le long de la rivière de Lopburi, dans les années cinquante ! La belle route goudronnée qui longe le village, le pont qui enjambe le fleuve, l’église majestueuse, la grande école avec plus de mille élèves,l’imposant presbytère et les jolies maisons des villageois, ne font même pas partie des rêves en ce temps. En1950, pas de route, une petite école de bois à peine terminée,une église qui penche dangereusement et des maisons sur pilotis,pour éviter l’inondation. Le père Meunier a connu des situations difficiles ; un petit bateau à moteur pallie l’absence de route et lui permet de visiter régulièrement les chrétiens dispersés dans la région. . Il reprend en main le village de Nong Tao et, dans les deux ans, a la joie de baptiser une partie des habitants, enfants et petits-enfants d’une bonne grand-mère, à la foi solide,originaire de Samsen à Bangkok. Une seule catholique au départ, bientôt une vingtaine de baptisés. Dans la suite cette petite communauté comptera plusieurs religieuses et actuellement,un jeune est au grand séminaire. .À Bangkham même, il ouvre officiellement l’école construite par son prédécesseur. « Faute de professeurs, mais surtout faute de ressources, il doit au début se transformer en instituteur ». Une fois par mois, il fait la visite des Chrétiens dispersés dans quatre ou cinq localités. L’église penche dangereusement, le maire réclame un nouveau bâtiment, mais le père Meunier pense qu’il est tout à fait possible de consolider celui qui existe à peu de frais. Entreprise réussie avec garantie pour dix ans. Elle durera en fait encore plus de trente ans. L’église est d’aplomb et solidement triangulée. Le plancher ne présente plus de vagues, un clocheton aurait pu facilement être monté sur le portique d’entrée ; opposition du maire ». Opposition qui durera longtemps encore, sans raison précise. Et pourtant comme partout, le père Meunier essaie d’être le bon pasteur, alliant apostolat et action sociale. Il essaie d’améliorer le statut social des plus pauvres, ce que certains ne comprennent pas toujours. Il est vrai que pauvreté et honnêteté ne vont pas toujours de pair, certains profiteront outrageusement de sa bonté. Il lance un élevage scientifique de porcs en introduisant le principe de la vaccination des porcelets ; sourire condescendant des villageois au début, jusqu’au jour où une épidémie ravage les petits élevages des villageois alors que les porcelets « paroissiaux » s’en tirent très bien ! Démonstration concluante, le père Meunier devient vétérinaire et forme un jeune qui prend bientôt la relève. Les paroissiens apprécient tacitement les qualités de leur curé, tout en éprouvant une crainte révérentielle à son égard. En1960, il participe à l’assemblée générale. Il pensait ne quitter Bangkham que pour un mois ou deux. En fait, c’était un nouveau départ définitif. À l’assemblée générale, il essaie défaire passer avec beacoup de conviction les idées qui lui sont chères. Ses interventions sont appréciées, si bien qu’à son retour, Mgr Chorin le nomme vicaire général, avec résidence à Bangkok, comme « aumônier du Carmel et quelques autres petites occupations ». »pas très à l’aise à la procure, pas toujours d’accord avec l’évêque, il finit par donner sa démission de vicaire général.
Banpeng
En 1967, Mgr Nittayo, successeur de Mgr Chorin en 1965, lui propose le poste de curé de Banpeng, province de Singhburi. Il y arrive au printemps. Banpeng fait alors partie du nouveau diocèse de Nakhorsawan, récemment séparée Bangkok et dont Mgr Langer vient d’être nommé premier évêque. Le père Meunier est satisfait de se retrouver une fois de plus à la campagne et se sent vite à l’aise avec Mgr Langer qui l’encourage, avec compréhension et gentillesse, dans ses entreprises de travail social dans le village : élevage de porcs et de poulets, jardinage, artisanat, essai de formation de jeunes pas très courageux ; les résultats ne correspondent pas toujours aux efforts méritoires du curé, même si le maire du village lui apporte tout son soutien. « Difficile de former des gens ancrés dans la paresse », avoue le maire. Les religieuses elles-mêmes ne comprennent pas toujours l’intention du curé. Elles finissent par quitter la paroisse avec l’accord du père Meunier. Banpeng, un gros village de presque mille habitants est, en ce temps-là, assez difficile à animer. Les villageois, dont le statut social est assez bas, ont tendance à former un ghetto catholique . Il faudra encore plusieurs années pour arriver à changer la mentalité ; quelques jeunes en particulier se font un point d’honneur de jouer les gros bras, ils menacent même le maire et le curé ! Le père Meunier n’en est pas surpris, mais il en souffre profondément. .En effet, dès les premiers moi s à Banpeng, il demande à rencontrer le vicaire général, l’évêque étant absent, et lui déclare qu’il ne donne pas de démission, mais qu’il tient à dégager toute responsabilité pour la bonne marche de la paroisse, vu la mentalité et l’état d’esprit du milieu. »laissez-moi ou changez-moi, à vous de voir ».Il y restera jusqu’en 1976. En 1969, il accepte la charge de vicaire général de Mgr Langer. Un nouveau bâtiment est bientôt ajouté à l’école et il entreprend, avec l’aide des autorités compétentes, des travaux importants pour assurer la sauvegarde de la berge du fleuve, l’église n’étant distante que de dix-neuf mètres ! Le fleuve Chaoprraya, en effet, longe le village et les crues annuelles ont fini par avaler une partie de ladite berge. Il est urgent de trouver une solution. Travail excellent, note le père Meunierr. Quelques années plus tard, il faudra cependant une nouvelle fois concilier les premiers travaux entrepris.
Malgré les difficultés rencontrées, la sainteté reconnue du curé fait impression et plusieurs hommes, dont le maire, renouent avec les engagements de leur baptême qu’ils avaient un peu laissés de côté. Ce n’est pas un feu de paille, ces retours sont sincères.
En 1976, au début de l’année, le père Meunier estime qu’il est trop âgé pour faire face à la diversité du travail apostolique à Banpeng. Il accepte volontiers une vie de semi-retraite dans une petite communauté catholique, Hua Dong, proche de Nakhornsavan. Le père Gauchet lui succède à Banpeng. À Hua Dong, il est heureux au milieu de gens simples qui prennent soin de lui comme lui prend soin d’eux, heureux et apaisé.
Là encore, il essaie de venir en aide aux gens défavorisés en lançant la « chasse » aux papillons ! Il se charge lui-même des expéditions à des collectionneurs et à des spécialistes en Franbce. Tout le bénéfice, bien sûr, va aux paroissiens. Chose inattendue ; parmi les nombreux spécimens expédiés, i !l s’en trouve un, un mâle, dont on soupçonnait l’existence, mais qui avait réussi jusqu’alors, à échapper aux filets. Le spécialiste, enthousiasmé par cette prise inattendue, nomme le dit papillon « Sarbanissa Meunieri » en l’honneur du père Meunier ! Ce dernier prend la chose avec beaucoup d’humour, entrant dans l’histoire grâce à un papillon.
Nakhornsawan et Silom
En 1985, il demande à quitter ce petit poste, de petits ennuis de santé l’inquiètent et il désire vivre en compagnie de quelques confrères, même s’il aime beaucoup son indépendance. Il réside d’abord à l’évêché de Nakhornsawan, où il occupe deux chambres, l’une lui servant plus ou moins d’atelier, il aime tant à bricoler même parfois dangereusement ! Mgr Nanchong et le père Gloriod, secrétaire-procureur, l’accueillent avec gentillesse et compréhension. Il se rend assez souvent à Bangkok pour consulter un médecin en qui il a confiance. Petit à petit, les séjours devenant de plus en plus longs, il finit par résider définitivement en attendant dit-il, la mort qui ne saurait tarder. Il attendra encore longtemps et finira sa longue vie, non pas au Silom, mais à Montbeton.
Au Silom, il essaie de ne pas trop déranger et prend part à la vie communautaire ; il est toujours très heureux de dire un petit mot aux confrères de passage. Il est un peu la mémoire de la vie missionnaire d’autrefois et les jeunes coopérants, résidant à la maison de société, prennent plaisir à l’écouter et à lui poser de multiples questions. Il passe de longs moments à la chapelle chaque jour. Mais i !l refuse d’être uniquement un homme du passé, il contribue par la bande à l’éducation universitaire,j il travaille en effet avec Mme Phongsri à la rédaction d’un ouvrage rectificatif sur la Révolution française, en essayant de faire corriger certaines idées qu’il juge erronées, répandues dans les manuels utilisés dans les différentes écoles et universités. La machine à écrire ne chôme pas, il continue à lire beaucoup, surtout des ouvrages concernant « foi et science » et n’hésite pas à envoyer des lettres critiques aux auteurs, y compris à M. Allègre, ministre de l’Éducation ! Certains d’ailleurs, comme le professeur Pelt, lui répondent gentiment. Après une dizaine d’années au Silom, il demande l’avis du père Trébaol, supérieur régionol et de quelques confrères de Nakhornsawan, et décide son retour définitif à Montbeton.. Il a peur de gêner les confrères et les supérieurs en cas maladie prolongée. Après s’être renseigné avec précision sur les conditions de vie à Montbeton auprès du père Laborie qui connaît bien la question, satisfait des réponses, il prend sa décision et prépare activement son départ. Très maître de lui, il arrive à conserver le sourire à l’aéroport au milieu de ses anciens paroissiens de Hua Dong et autres lieux, venus lui dire un dernier adieu. .Émouvant, le père Trébaol l’accompagne jusqu’à Paris en août 1997. Il a du être surpris à son arrivée enfoncement après trente-sept ans d’absence.
Montbeton
L’adaptation paraît assez facile. Il est heureux de constater que la situation correspond à la description du père Laborie, l’accueil est très cordial et il relate avec surprise qu’il est un des rares à ne pas avaler régulièrement des tas de remèdes ! Rapidement, la machine à écrire entre en action, même si les doigts ne sont plus aussi agiles qu’autrefois.Il écrit beaucoup de lettres et met par écrit les grandes idées qu’il a essayé de propager pendant toute sa vie.
Sa dernière plaquette, le microscope n’est pas tout, résume bien son grand rêve apostolique ; faire cheminer agnostiques et athées jusqu’à la foi au Dieu de Jésus Christ, grâce à la lecture de bons ouvrages. Le professeur Fortin est converti grâce à la relecture des ouvrages de Claude Bernard et de Jean Henri Fabre, et grâce aux prières de son entourage et à la gentillesse intelligente du père curé. Tout un programme ! Il jubile à la lecture du livre du professeur Denton Évolution, une théorie en crise , et de l’encyclique Fides et ratio .
En octobre 2000, il entre à l’hôpital de Montauban et le 10 novembre, il rejoint Celui en qui il avait mis toute sa confiance et qu’il avait essayé de servir avec une fidélité sans faille.
Un homme de principe, un prêtre fidèle
« Admirable, mais inimitable », disait de lui le père Joly. Fidèle dans les moindres détails à son engagement à la suite du Christ, il ne comprend pas qu’on puisse parler d’une crise d’identité du sacerdoce ; ça le choque. Homme de prière, à la foi inébranlable, il avoue qu’il a beaucoup de mal à se mettre dans la peau des agnostiques et des athées ; pour lui « Dieu éclate tellement dans la nature ». partout où il est passé, il se donne totalement à l’apostolat. Il pense, avec raison, qu’une pauvreté subie n’est pas un terrain favorable à une vie chrétienne authentique, c’est pourquoi il fait tant d’efforts, plus ou moins récompensés pour aider les plus pauvres à sortir de cette pauvreté. La richesse, le confort, sont totalement en dehors de ses préoccupations. l a des principes et commence par se les appliquer à lui-même ; ainsi lorsqu’il juge que sa vue ne lui permet plus de conduire une voiture avec toute la sécurité exigée, il renonce définitivement à tenir un volant, lui qui appréciait tant la conduite d’une voiture. Fidèle à l’enseignement reçu de ses maîtres de Saint Sulpice, il essaie de suivre l’évolution dans l’église. Il le fait avec une grande prudence et n’accepte que petit à petit lres nouvelles orientations liturgiques et bibliques ; il restera d’ailleurs toujours plus orienté vers une théologie apologétique qu’une théologie biblique. Il n’est cependant pas allergique aux changements à Banpeng, il cesse de célébrer en latin, lors de la parution de la nouvelle messe de Paul VI, de même pour le bréviaire, déçu par la nouvelle traduction des psaumes, il émet le désir, avec un petit sourire malin, d’avoir un bréviaire en français à l’occasion de ses soixante ans de sacerdoce ! Il y en a justement un, au Silom, en attente de propriétaire. Par contre, il apprécie dès le début la concélébration eucharistique.
Partout où il a travaillé, sa sainteté, même un peu rigoriste, en impose aux paroissiens ; ils acceptent ses remontrances parce qu’il essaie toujours de pratiquer ce qu’il enseigne. Malgré sa longue expérience apostolique, il n’hésite pas à demander l’avis de confrères plus jeunes avant de prendre une décision pour solutionner des problèmes délicats et il tient compte des conseils suggérés.
Bricoleur adroit, par nature, sa chambre n’est pas un modèle d’ordre et de propreté. Par contre il a toujours eu soin de sa santé, sans d’ailleurs être toujours d’accord avec les médecins ce qui posait parfois des problèmes aux supérieurs.
Il aime écrire et à la fin de sa vie, il pense que c’est sa dernière forme d’apostolat avec la prière ; il expédie de nombreuses lettres même à des auteurs connus. Sa bête noire ; le prix Nobel, Jacques Monod ; ses amis intimes, Fabre, Claude Bernard, Pasteur. Son auteur préféré, Victor Hugo.
À l’âge de quatre vingt-dix ans, retiré à Montbeton, il continue à penser et à composer. « Que nous suggère la science », et « le microscope n’est pas tout », sont une sorte de testament spirituel. Pas de meilleure conclusion que celle qu’il a rédigée lui-même à la fin de sa petite brochure, « que nous suggère la science » : .. Rendre service est source de sérénité, soulager une misère rend heureux, joie et satisfaction viennent des heures de dévouement, en dépit des épreuves journalières, l’existence garde toujours son prix et souvent son char :me. Oui, la vie vaut bien la peine d’être vécue ; lui donner un sens, c’est voir les inquiétudes sur l’après s’estomper. Restons toujours attentifs.. tout nous présente la vie sur cette terre comme un séduisant et merveilleux prélude».
Pour vous, cher père Meunier, le prélude est achevé et le face à face avec Celui que vous avez toujours essayé de bien servir, est devenu réalité.
Robert Billot