Charles GERNOT1836 - 1912
- Status : Prêtre
- Identifier : 0794
- Bibliography : Consult the catalog
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1862 - 1912 (Saigon)
Biography
[794]. GERNOT, Charles-Joseph-Hyacinthe, naquit le 4 novembre 1836 à Joppécourt, (Moselle, act. Meurthe-et-Moselle). Il fit ses études classiques au petit séminaire de Metz, son cours de philosophie au grand séminaire de cette ville, y reçut la tonsure, et entra au Séminaire des M.-E. le 17 septembre 1858. Ordonné prêtre le 25 mai 1861, il partit le 9 août suivant pour la Cochinchine occidentale, arriva à Saïgon le 28 janvier 1862, et reçut sa destination pour Mi-tho, chef-lieu d'un district de 2 300 chrétiens. A la suite d'un rapport documenté qu'il adressa en 1863 à Mgr Lefebvre, les religieuses de Saint-Paul de Chartres installèrent un orphelinat à Mi-tho en 1864.
Cette même année, il fut nommé à Cai-mong avec le titre, qu'il garda jusqu'en 1865 seulement, de provicaire pour les provinces de l'ouest. Ce district, qui s'étendait alors de Vinh-long à Cai-bong, comptait environ 1 800 chrétiens, et possédait un petit couvent de religieuses Amantes de la Croix.
Par le développement qu'il donna à ce couvent, et par la formation apostolique des religieuses, le missionnaire augmenta notablement le nombre des catholiques du district.
Il prit l'initiative hardie d'envoyer ces religieuses enseigner aux néophytes les vérités chrétiennes. Le succès répondit à cette innovation : en quelques années, 1 250 catéchumènes furent baptisés. De 1880 à 1910, les religieuses ont instruit 4 500 néophytes. Il leur donna aussi une bonne formation d'institutrices. En 1875, les religieuses tenaient 8 écoles recevant 382 élèves ; en 1910, elles avaient 1 orphelinat, 44 écoles et 1 890 enfants. Gernot leur enseigna quelques notions de médecine, qui leur permirent de s'occuper des enfants moribonds et de les baptiser ; on a noté que, dans l'espace de 30 ans, elles ont baptisé 13 000 enfants. En 1885, il confia à quelques-unes le soin d'un modeste hôpital installé à Cai-mong.
En même temps, il avait construit pour elles un couvent et une chapelle qu'il devait agrandir ou reconstruire plus tard.
Il conçut le projet d'une autre œuvre très importante et la commença en 1871 : la formation de jeunes gens catéchistes. En 1874, il en avait 26 suffisamment instruits, qu'il envoyait dans les villages chrétiens ou païens. Mgr Colombert jugea bon de transférer ailleurs cette institution qui disparut, mais qui a été reprise.
De 1868 à 1870, il avait construit la plus belle et la plus vaste église qu'on eût alors élevée en Cochinchine (Eglise, grav., M. C., 1877, p. 141. - A. M.-E., 1905, p. 15) ; de 1877 à 1881, il bâtit un presbytère (Presbytère, grav., A. M.-E., 1908, p. 8) ; de 1890 à 1892, il édifia une chapelle en l'honneur de N.-D. de Lourdes ; en 1904, il réédifia la chapelle du couvent (Couvent, grav., A. M.-E., 1905, p. 15 ; Chapelle, grav., A. M.-E., 1908, p. 8). Il établit dans sa paroisse la dévotion à Saint-Antoine, dévotion qui rayonna dans le vicariat.
Il prêchait beaucoup et bien, donnait souvent des retraites à sa paroisse et à d'autres paroisses de la mission, et entendait de très nombreuses confessions. Durant de longues années, les évêques lui confièrent la formation de presque tous les jeunes missionnaires.
Ajoutons qu'il avait été nommé provicaire général en 1873, et qu'en 1878, en 1894 et en 1898, lors de l'absence ou de la mort des vicaires apostoliques, il gouverna la mission. Dès le début de sa carrière, il avait eu d'excellentes relations avec les autorités annamites et françaises ; il avait reçu à Cai-mong la visite du vice-roi Phan-tan-giang et celle de l'amiral de La Grandière. Il continua toute sa vie ces bons rapports.
Son action pour le bien matériel de ses chrétiens fut aussi laborieuse et efficace. Il propagea la culture du caféier, du cacaoyer, du mangoustanier, du sapotier ou sapotillier. Par son initiative et avec l'aide de l'administration civile, un canal fut creusé, reliant deux bras du Mékong, et rendant de très grands services à la batellerie indigène ; une route fut construite, et un pont jeté sur l'arroyo de Cai-mong.
Après 52 ans de cette vie apostolique si bien remplie, il mourut à Cai-mong le 26 mai 1912, et fut enterré dans l'église de cette paroisse.
Obituary
M. GERNOT
PROVICAIRE DE LA COCHINCHINE OCCIDENTALE
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Né le 4 novembre 1836
Parti le 9 août 1861
Mort le 26 mai 1912
Le 26 mai 1912, s’endormait pieusement dans le Seigneur, dans sa 76e année, M. Gernot, provicaire apostolique de la Cochinchine Occidentale, après plus de 50 années d’un fécond apostolat.
Charles-Joseph-Hyacinthe Gernot naquit le 4 novembre 1836, à Joppécourt, village de l’ancien département de la Moselle, dans le diocèse de Metz, mais aujourd’hui annexé au diocèse de Nancy. Sa famille se distinguait par une foi ardente, des mœurs patriarcales et des sentiments profondément chrétiens. Son père fut pendant 35 ans instituteur de la commune ; il se faisait en même temps un honneur de servir le prêtre à l’autel, comme chantre et sacristain. Les nombreuses médailles qu’il reçut du Ministère de l’Instruction publique, attestent le zèle qu’il apportait à ouvrir à la science les jeunes intelligences confiées à ses soins. Il n’était pas moins soucieux de les initier à une vie de devoir, et de leur inspirer le goût des choses saintes et l’amour de Dieu.
Le jeune Charles fut le premier à profiter de cette solide formation qui fut comme le moule de toute sa vie. De bonne heure, à mesure que son intelligence s’éveillait, se dessinèrent aussi les traits saillants de sa physionomie morale : un esprit vif, joint à un tempérament impétueux.
A 12 ans, il fit sa première communion : l’émotion avec laquelle il parlait de ce beau jour laisse deviner les sentiments qui l’animèrent, dans cette première rencontre avec son Divin Maître. Peu après, il entrait au Petit Séminaire de Metz, où il se montra élève studieux, obéissant, plein d’ardeur et d’entrain. Fidèle à l’invitation qu’il entendait au fond de son cœur, il entra ensuite au Grand Séminaire, pour y faire ses études philosophiques.
Déjà, dans son âme, se faisaient jour des aspirations à un dévouement plus absolu. Un incident minime, ménagé par la Providence, lui montra la voie où il devait s’élancer. Son voisin et ami, M. Friren, actuellement aumônier et chanoine à Metz, lui montra par hasard une gravure représentant une scène de la vie des pauvres sauvages. A peine l’eut-il regardée que ses yeux se remplirent de larmes ; il rendit l’image à son ami, en disant : « C’est aujourd’hui un des plus beaux jours de ma vie. »
L’abbé Friren, ne comprenant rien à ce langage, lui demanda la raison de ses pleurs : « C’est décidé, répondit-il ; je pars pour les Missions. » En effet, après le cours, le jeune philosophe alla trouver son directeur, puis le Supérieur du Séminaire, et bientôt le départ fut décidé pour la fin de l’année 1858.
Les parents du jeune abbé s’attendaient peu à cette épreuve ; l’annonce qu’il leur en fit amena une explosion de larmes. La mère, pourtant, s’y soumit avec générosité ; mais le père ne put s’y résigner. Sans faire d’opposition formelle à son départ, il défendit à son fils de jamais lui écrire, et déclara qu’il ne voulait plus entendre parler de lui. Le coup était dur pour le jeune aspirant, qui partit quand même pour le Séminaire des Missions-Étrangères. Il y acheva ses études et se prépara aux ordres. Son cœur souffrait de l’obstination paternelle, mais il mettait sa confiance dans la grâce toute-puissante de Dieu et se consolait en écrivant souvent à sa pieuse mère. D’ailleurs les prières de la mère et du fils devaient être exaucées.
Quelques mois, en effet, avant l’ordination sacerdotale du futur missionnaire, le vieil instituteur, qui, pendant deux ans, avait tenu sa promesse, demanda, à brûle-pourpoint, à son épouse : « As-tu des nouvelles de notre Abbé ? » La bonne mère, tout étonnée de cette ques-tion, lui répondit joyeusement : « Mais oui, il vient de nous annoncer son appel à la prêtrise et nous invite tous les deux à l’ordination. » Après un instant de silence, deux grosses larmes coulèrent sur les joues du père, qui répondit : « Eh bien ! c’est entendu ; nous irons tous les deux. » La grâce avait triomphé ; l’épreuve était terminée, et le sacrifice généreusement accepté.
Au jour de l’ordination (25 mai 1861), M. et Mme Gernot offraient eux-mêmes leur fils à Dieu. Le lendemain, le nouveau prêtre célébrait sa première messe, que son père avait voulu servir ; puis ils se séparèrent pour ne plus se revoir. Les parents retournèrent au petit village, heureux et fiers d’avoir donné un apôtre à l’Eglise ; leur vieillesse fut bénie, et ils eurent le bonheur de célébrer leurs noces d’or.
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Le jeune Missionnaire reçut sa destination pour la Cochinchine Occidentale, alors éprouvée par les persécutions et les événements de la conquête. Dès le mois d’août 1861, il partit avec six autres Confrères pour Toulon, où l’on devait s’embarquer. Un accident, survenu à la machine du bateau, retarda d’un long mois le départ.
La veille de ce jour, M. l’Aumônier du bagne invita les jeunes missionnaires à visiter les prisonniers, et pria l’un d’eux de leur adresser quelques mots. Tous les regards se portèrent instinctivement sur M. Gernot, qui, bien malgré lui, accepta l’invitation. Et ce fut devant plus de 200 forçats qu’il donna, le cœur plein d’émotions, son premier sermon. Que leur dit-il ? Lui-même avouait ne pas s’en souvenir. Nous avons appris que sa chaude parole sut trouver le chemin de ces cœurs endurcis.
Les missionnaires quittèrent la France au mois de septembre ; ils arrivèrent à Saïgon le 20 janvier 1862, après une fatigante traversée de quatre mois. Ils y furent reçus par Mgr Lefebvre, vicaire apostolique, ancien confesseur de la foi dans les prisons de Hué, qui leur donna une cordiale hospitalité dans la pauvre maison annamite qu’était alors l’évêché. M. Gernot goûta dès la première nuit les charmes de la vie du missionnaire : couché sur une planche, avec un gros dictionnaire comme oreiller, il s’endormit au bourdonnement des moustiques. Peu de jours après, il recevait sa destination pour My Tho.
La Cochinchine était alors en révolte. Sauf Saïgon et My Tho, occupées par les troupes françaises, toute la région était terrorisée par des bandes de pillards, qui rançonnaient et massacraient les chrétiens. Nombre d’entre eux avaient été brûlés dans les prisons de Ba Ria et de Biên Hoa. Plusieurs s’étaient mis sous la protection des armes françaises. M. Gernot devait en trouver 1.950 dans son poste, et 2.300 en comptant ceux des petites chrétientés voisines.
Grands étaient les besoins de ces pauvres gens, et il tardait au jeune missionnaire de pouvoir se consacrer tout entier au soin de leurs âmes. Au bout de quatre ou cinq mois, il commençait avec fruits le ministère. En 1862, il inscrivait 77 baptêmes d’adultes, 117 d’enfants de païens, 2.250 confessions. En 1863, il fit, avec l’autorisation de son Evêque, un rapport à l’Œuvre de la Sainte-Enfance, qui approuva son dessein de fonder un orphelinat à My Tho, et lui envoya des secours nécessaires à cette fin. L’année suivante, les Sœurs de Saint-Paul s’installaient dans la ville.
Tel n’était point cependant le champ réservé à ses soins. Au commencement de 1864, une lettre de Mgr Lefebvre le nommait au poste de Cai Mong, avec le titre de provicaire pour les provinces de l’Ouest. Le jeune Missionnaire fut surtout effrayé du titre de provicaire ; après deux années de mission, cela lui paraissait inacceptable. Il en écrivit à son Evêque qui se contenta de lui répondre le mot de Pilate : « Quod scripsi, scripsi ». Il fallut se résigner et accepter ce fardeau, qu’il ne devait d’ailleurs porter que quelques mois. Le 4 août 1864, il quittait My Tho pour son nouveau poste, où il devait passer toute sa longue carrière. La même année, le vénérable Mgr Lefebvre partait pour la France, et Mgr Miche, vicaire apostolique du Cambodge, devenait vicaire apostolique de la Cochinchine Occidentale.
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Cai Mong est une des anciennes chrétientés de La Mission. Fondée, au début du XVIIIe siècle, par quelques familles revenant du Binh Dinh, elle s’accrut en peu de temps : sous le règne de Gia-Long, elle comptait déjà 300 chrétiens et possédait une église en bois. Grâce à sa situation, au milieu de nombreux arroyos, entre les deux bras du Mékong, cachée dans un fourré d’aréquiers et de cocotiers, elle eut moins que d’autres à souffrir des persécutions des empereurs d’Annam. Cependant, Cai Mong eut ses confesseurs de la foi et ses martyrs ; l’un de ses enfants, le Bienheureux Minh, décapité en 1853 est maintenant sur les autels.
A son arrivée, le nouveau missionnaire trouva à Cai Mong une chrétienté minée, au matériel et au spirituel, par de longues années de persécution. Il fallait d’abord grouper son troupeau de 1.800 chré¬tiens, les ranimer dans le courage et la ferveur : une retraite générale ne pouvait que produire de bons fruits. Après avoir préparé le terrain par ses instructions dominicales, le nouveau pasteur, assisté de M. Guillou et de quelques prêtres indigènes, donna, durant dix jours, les exercices spirituels : au jour de l’Immaculée-Conception, qui en vit le digne couronnement, il comptait 1.400 confessions et 1.300 communions. Quelques mois après, il conduisait à la Table sainte 200 premiers communiants. Peu à peu, grâce à la considération dont il jouissait, un mouvement de conversions se dessina dans le district.
M. Gernot, en effet, était déjà universellement estimé. De temps en temps, il se rendait à Vinh Long pour l’administration d’un petit noyau de 120 chrétiens. Chaque fois, il était invité à la table du vice-roi de la province, Phan-Thanh-Giang, qui l’avait en haute vénération. Le célèbre mandarin tint à rendre lui-même visite au provicaire ; dans le courant de 1865, il se rendit en grande pompe à Cai Mong, et donna à M. Gernot le pouvoir de dirimer tous les litiges entre chrétiens et païens. Les autorités françaises ne l’appréciaient pas moins : après la seconde prise de Vinh Long, en 1867, l’amiral de La Grandière vint également, avec toute sa famille, lui rendre visite à Cai Mong. La canonnière qui l’amena, était commandée par le lieutenant de vaisseau et futur amiral Pottier. La visite de ces deux grands personnages rehaussa le prestige de la religion, et donna à M. Gernot une grande influence morale, même aux yeux des païens.
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Cependant, seul et tout d’abord sans catéchistes, le Missionnaire ne pouvait répondre à toutes les demandes de conversion : l’œuvre des catéchumènes se trouvait ainsi paralysée. Pour y remédier, M. Gernot songea à suppléer au manque de catéchistes par les Religieuses du couvent. La sœur Anne Miêu, qui en est actuellement encore la supérieure, fut envoyée au milieu des païens. Cette humble religieuse obtint partout des résultats extraordinaires, prêchant au milieu des marchés et évangélisant l’île de Mo Cay. En deux ans, elle convertit et instruisit plus de 600 infidèles. De tels succès ouvrirent devant le Missionnaire un horizon nouveau. Il entrevit, dans la petite communauté, une œuvre capable de faire progresser le royaume de Dieu, et s’y donna de tout cœur : elle fut « sa plus grande croix, comme aussi sa plus belle récompense ».
A son arrivée, une douzaine de Religieuses que la persécution avait tenues longtemps dispersées, composaient la communauté : M. Gernot la soigna comme une plante encore chétive, mais remplie d’espérances. Il la développa. Chaque jour — et cela pendant plus de quarante ans — il s’astreignit à faire aux Religieuses la méditation avant la messe, et à leur donner, le soir, une instruction, dans laquelle il leur communiquait le feu de son ardent amour pour Dieu et pour les âmes. Puis, comme autrefois saint Vincent de Paul avec ses Filles de la Charité, mettant leur chasteté sous la sauvegarde de leur dévouement, il les envoyait hardiment dans les villages païens, à la recherche des brebis égarées. Cette innovation, qui avait fait trembler plus d’un confrère, était animée de l’Esprit de Dieu : elle réussit au delà de toutes les espérances. Les postulantes affluèrent : au jour de sa mort, M. Gernot a laissé son couvent extrêmement prospère, avec 200 Religieuses, professes ou novices.
Avec la sœur Anne Miêu, d’autres Religieuses catéchistes ont continué l’œuvre si bien commencée de rechercher des âmes de bonne volonté, parfois dans les chrétientés où elles font l’école, parfois aussi dans des centres entièrement païens. C’est ainsi qu’elles ont formé, depuis 1880, dans la Province de Vinh Long, onze chrétientés nouvelles, actuellement desservies par trois prêtres indigènes.
Grâce aux écoles, installées près de l’humble chapelle de chaque station, les Sœurs initient leurs néophytes à la vie chrétienne, président aux prières et enseignent aux catéchumènes les vérités de la foi. De 1880 à 1910, elles ont ainsi instruit 4.500 catéchumènes et préparé à la réception des sacrements 8.150 personnes.
La petite communauté devait pourvoir à un autre besoin qui se fit bientôt sentir. Il n’y avait d’abord à Cai Mong qu’une école où on enseignait les caractères chinois ; à peine installé, M. Gernot songea à en établir une autre, où des Religieuses apprendraient aux enfants les caractères européens. Plus tard, à mesure que se formaient de nouvelles chrétientés, il y installait une école, centre de foi et de vie chrétiennes. En 1875, les Religieuses tenaient ainsi huit établissements, recevant 382 élèves ; en 1910, elles instruisaient, dans leurs 44 écoles des deux sexes, 1.890 enfants. Avec les prières et le catéchisme, elles apprennent aux jeunes Annamites la lecture, l’écriture, et aussi la couture et même la tapisserie ; dans toutes les paroisses, ce sont encore les enfants de l’école qui exécutent les chants annamites et les chants liturgiques de la Messe et de la bénédiction du Saint-Sacrement.
Les Religieuses furent appelées à un ministère plus consolant encore. Certaines d’entre elles furent chargées du soin de rechercher et baptiser les enfants païens en danger de mort. Plusieurs sont installées à proximité des marchés, où la population est plus dense ; d’autres s’en vont, en barque, au milieu des villages entièrement païens. Grâce aux médecines qu’elles distribuent, elles peuvent aisément pénétrer dans les maisons et y baptiser les enfants moribonds. Ainsi, dans l’espace de 30 ans, elles ont régénéré près de 13.000 petits païens. Ceux qui survivent sont confiés à des familles chrétiennes qui les adoptent, ou à l’orphelinat situé dans les dépendances du couvent ; ils y sont élevés jusqu’à l’âge où on peut les établir convenablement.
Enfin quelques Religieuses dirigent un hôpital, où païens et chrétiens sont reçus avec la même bienveillance : cet asile, pour beaucoup d’âmes encore, est le chemin du ciel.
Catéchistes, maîtresses d’école, infirmières ou baptiseuses, les Amantes de la Croix, si elles ne s’élèvent pas aux sommets de la contemplation, sont pour la tâche que le bon Dieu attend d’elles, des auxiliaires animées d’un grand esprit de foi et d’un dévouement à toute épreuve. Dès le début, elles contribuèrent pour une large part à la propagation de la Foi, et M. Gernot dut à leur concours de régénérer, en quelques années, 1.250 catéchumènes.
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Cai Mong devenait un centre important. En 1868, il comptait 2.300 chrétiens, non compris les 1.400 fidèles éparpillés dans les 17 petits postes du district. La construction d’une nouvelle église s’imposait. Ayant choisi, sur le grand arroyo, un nouvel emplacement, M. Gernot avait envoyé au Cambodge, dès 1866, un notable de la chrétienté, pour y acheter les colonnes et la charpente ; le 2 février 1868, on commençait les fondations, sous les auspices de la sainte Vierge. Deux ans plus tard, au jour de l’Immaculée-Conception, Mgr Miche en faisait la bénédiction solennelle. C’était la plus belle et la plus vaste église qu’on eût construite jusqu’alors. Malgré le terrain vaseux sur lequel elle est élevée, elle a résisté aux typhons et aux inondations : aujourd’hui encore, elle abrite dans ses cinq nefs les nombreux chrétiens de Cai Mong.
Après avoir déplacé le cœur de la chrétienté, il importait de grouper tout autour les principaux organes. M. Gernot commença par le monastère. En 1870, la nouvelle supérieure, Anne Miêu, alla à Mo Cay demander à l’inspecteur les corvées du village, pour remblayer l’emplacement du futur couvent ; sa demande fut accueillie avec faveur. En 1871, la construction était achevée. En 1872, on lui adjoignit une petite chapelle en briques. Un orphelinat et deux écoles, l’une de garçons, l’autre de filles, vinrent s’y ajouter en 1874. Enfin, en 1876, les premiers logements des Sœurs étant devenus insuffisants, furent réservés aux novices, et on construisit, pour les professes, un nouveau corps de bâtiments.
Tant de pénibles travaux n’absorbaient point le zèle du dévoué pasteur. A la vue des heureux résultats obtenus par les Religieuses catéchistes, il songeait à compléter son œuvre par une congrégation d’hommes, dont l’action, plus directe et plus immédiate, devait puis-samment seconder les missionnaires. En 1871, il recruta quelques jeunes gens de bonne volonté, leur donna une instruction et une formation spirituelles plus intenses, et les revêtit de l’habit du Tiers-Ordre de saint François. Dès 1874, les nouveaux moines-catéchistes, au nombre de 26, s’en allaient, deux par deux, dans leurs soutanes brunes, les reins ceints d’une corde, au milieu des villages chrétiens ou païens. L’impression semblait bonne. Néanmoins, cette institution fut transférée ailleurs, en 1875, par Mgr Colombert, qui désirait centraliser l’œuvre des catéchistes ; puis, finalement, elle fut dissoute.
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Le surmenage de ces douze années de labeur avait épuisé les for¬ces de M. Gernot. En 1875, il dut aller chercher à Hong-Kong un renouveau de santé. Sa robuste constitution eut vite repris le dessus, et, dès 1876, nous le retrouvons à Cai Mong, dirigeant ses vicaires français et annamites, menant chaudement la lutte contre l’enfer. Son compte rendu donne, pour cette année, un chiffre de 5.010 chrétiens, répandus en 29 chrétientés, et 14.120 confessions. L’année suivante, sa charge de provicaire, à laquelle il avait été de nouveau nommé en 1873, le rappela à Saïgon pour diriger la Mission, en l’absence de Mgr Colombert que la maladie conduisait en France. Dès le retour du premier pasteur, il quitta sans regret la vie de bureau, peu en harmonie avec son tempérament, et il revint prendre l’administration de son troupeau, qui, se développant sans cesse, comprenait, en 1885, 6.080 fidèles.
Malheureusement, deux années consécutives donnèrent de mauvaises récoltes ; la misère fut grande. Les distributions de la Mission étaient insuffisantes à pourvoir à tous les besoins. Aussi commença bientôt un exode de chrétiens, qui s’en allaient demander leur vie à des pays nouveaux : en 4 ans, 415 paroissiens quittèrent Cai Mong. Ils donnèrent, du moins, à leur père la consolation de leur persévérance et devinrent même le noyau de plusieurs nouvelles chrétientés.
En 1885, M. Gernot entreprit la construction d’un hôpital, qu’il confia à ses Religieuses. La Province n’en possédait pas encore : l’œuvre nouvelle obtint les sympathies de l’administrateur de Bên Tre, qui accorda au Missionnaire les corvées du village et une modeste subvention. Dès la première année, 78 personnes y reçurent l’hospitalité, et 17 païens y trouvèrent la grâce du baptême.
Quoique absorbé par de multiples occupations, le pieux Provicaire caressait depuis longtemps un projet nouveau, tout entier à la gloire de N.-D. de Lourdes, pour laquelle il avait une dévotion particulière. Près de l’église, il voulait élever une chapelle dédiée à Marie : elle serait un vestibule heureux pour aller de la Mère au Fils, et servirait en même temps aux catéchismes et à l’instruction des catéchumènes. En 1890, les remblais furent commencés. Les chrétiens, partageant l’affection de leur père pour Marie Immaculée, offrirent généreusement le concours de leur bourse ou de leurs bras, et, le 11 février 1892. M. Gernot eut la joie de bénir lui-même le nouveau sanctuaire. Désormais, on y accomplit les exercices du mois de mai et du mois d’octobre, et la messe paroissiale y fut célébrée chaque samedi et aux jours de fête de Marie. Cette même année, trois grosses cloches furent offertes par le premier dignitaire de la chrétienté ; deux autres vinrent s’y ajouter en 1896, composant un beau et joyeux carillon, digne de porter vers le ciel et d’annoncer à toute la région les émotions religieuses de cette heureuse famille.
Deux fois encore, le Provicaire dut quitter la direction du troupeau pour administrer les intérêts de la mission. En 1894 mourait Mgr Colombert ; le nouvel élu lui-même ne vécut que trois ans. M. Gernot résida à Saïgon, pour y remplir ses fonctions, jusqu’à la consécration de Mgr Mossard. L’activité de son zèle souffrait avec peine ces périodes d’un labeur plus ingrat ; il en profitait pour prêcher des retraites dans différentes chrétientés. Après avoir remis le gouvernail entre les mains du nouveau pilote, il rentrait à son cher Cai Mong avec une ardeur et un bonheur toujours nouveaux.
En 1896, pour affermir ses chrétiens dans la dévotion à la sainte Vierge, il leur donna une retraite, suivie d’une distribution d’objets de piété, qui devaient rappeler à chacun les résolutions qu’il y avait prises.
D’autre part, pour associer les fidèles à sa charité dans le soulagement des pauvres qui de tous côtés imploraient son assistance, il installa au fond de la grande église la statue et le tronc de saint Antoine. Cette dévotion, chère aux Annamites, rayonna autour de Cai Mong. Bien des grâces spéciales furent obtenues par elle ; et souvent une lettre arrivait au presbytère, adressée à Monsieur le saint Antoine de Cai Mong, contenant quelques piastres en billet ; c’était l’hommage de la reconnaissance.
En 1900, Sa Sainteté Léon XIII mettait sur les autels de nombreux martyrs Cochinchinois. Parmi eux, Cai Mong comptait un de ses enfants, le Bienheureux Minh, prêtre indigène, décapité pour la foi à Vinh Long en 1853. Toute la paroisse fut de la fête, et puisa dans un fervent Triduum un renouveau de vie chrétienne. Le zélé pasteur profitait de toutes les circonstances pour faire croître dans le Christ les âmes qu’il Lui avait conquises.
Cette vie toujours plus intense créa de nouveaux besoins. En 1897, il fallut construire un nouvel orphelinat, pour suppléer à l’insuffisance de l’ancien. D’autre part, le couvent qui abritait depuis 40 ans les Amantes de la Croix, était devenu trop étroit ; une restauration s’im-posait. M. Gernot commença par la chapelle, qu’il achevait en 1904. Vaste, spacieuse, bien aérée, construite en style gothique, avec un portail assez coquet, elle fait l’admiration de tous les visiteurs. Il rêvait d’offrir à la vénérable supérieure, Anne Miêu, comme cadeau pour ses noces d’or qu’elle célébrait en 1907, un couvent nouveau ; il dut abandonner ses projets, en raison de circonstances spéciales indépendantes de sa volonté.
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Ainsi durant quarante ans, M. Gernot avait agrandi et construit sans cesse. Ces extensions successives de la ruche témoignent assez de la vie intense et de la diligence de l’essaim qui l’habitait. Le cœur de ses enfants était, en effet, le véritable asile qu’il voulait offrir à son Maître, et il ne négligea rien pour s’en ouvrir l’entrée. Un certain bien-être matériel active puissamment la vie religieuse. Les Annamites de la Province en étaient trop souvent dépourvus.
Avec un grand sens pratique, M. Gernot se fit leur guide, essayant plusieurs sortes de cultures, qu’il propagea dans toute la contrée. Bientôt la Province de Bên Tre se couvrait de caféiers, de cacaoyers, de mangoustaniers et de sapotiers, qui ramenèrent sinon la richesse, au moins l’aisance et le bien-être dans les familles. Les produits de différentes cultures, qu’il envoya lui-même aux expositions de Cochinchine et d’Europe, lui valurent de nombreuses médailles d’argent et de bronze. Il reçut même, en récompense, du Ministère de l’Agriculture, le titre de chevalier du Mérite agricole.
Par son initiative et avec l’aide de l’administration, un canal fut creusé, reliant les deux bras du Mékong, et rendant les plus grands services à la batellerie indigène. De plus, une route, que l’on est en train d’achever, fut construite, traversant la Province, avec deux superbes ponts en fer.
Bon médecin des âmes, il s’efforçait de soulager aussi les corps. Il avait, dans ce but, quelque peu étudié la médecine, et le succès de quelques-uns de ses traitements étonnait les médecins eux-mêmes.
Un dévouement si complet valut justement à M. Gernot la confiance et l’estime, préparant ainsi le terrain à la bonne semence que le pasteur dispensait sans compter avec les fatigues, tant en chaire qu’au confessionnal. Il était né orateur ; et depuis le sermon du bagne de Toulon, que de fois n’a-t-il pas annoncé la Parole divine ? Il prêchait, chaque dimanche, à l’une, souvent aux deux messes paroissiales. Nous ne saurions compter les multiples conférences qu’il fit au couvent. Chaque année, une retraite de plusieurs jours préparait les Pâques. En dehors de Cai Mong, il donnait des retraites et des missions dans toutes les communautés et chrétientés du Vicariat. Doué d’une voix sonore, il remplissait les églises de sa parole vibrante et pleine de conviction. Il aimait peu les sermons d’apparat ou de cir-constance ; son thème favori était les grandes vérités : la mort, le jugement, l’éternité, l’enfer, qu’il savait adapter à son auditoire.
La chaire est le chemin du confessionnal. « Le confessionnal, c’est l’art par excellence, ars artium, répétait-il souvent ; c’est là qu’on fait le plus de bien aux âmes. Il quittait tout autre travail pour se livrer à ce soin immédiat des âmes, auquel il consacra près de la moitié de sa vie de mission. Son compte rendu accuse, chaque année, de 5.000 à 8.000 confessions ; durant les 50 années de son apostolat, il en aurait ainsi entendu plus de 300.000 : que de labeurs, mais aussi quelle con¬solation !
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Pour accomplir une pareille œuvre, sous un climat déprimant, il fallait un caractère bien trempé et une santé de fer. M. Gernot fut un homme peu ordinaire, à qui la Providence avait largement donné les qualités du corps et de l’esprit. Stature au-dessus de la moyenne, corps robuste, figure franche, ouverte, et encadrée d’une magnifique barbe blanche : il ressemblait à l’un de ces vieux patriarches des temps passés, et inspirait le respect et la vénération. Il a été le seul Européen qui ait soutenu un séjour de 50 ans en Cochinchine sans revoir la France. Au moment de l’Exposition coloniale de Marseille, un compatriote lui disait avec admiration : « Eh bien ! cher Père, on devrait vous envoyer à Marseille : vous y seriez le clou de l’Exposition ! »
La physionomie morale du Provicaire ne nous révèle pas moins de qualités. Un grand esprit de foi, d’obéissance, et une singulière charité, donnant à la fermeté naturelle de son caractère un complément heureux, lui acquéraient toutes les sympathies. L’esprit de foi fut l’âme de sa vie. Mettant de côté tout sentiment d’amour-propre, il cherchait avant tout la gloire de Dieu et le salut des âmes. Les contradictions, les ingratitudes, les épreuves de toutes sortes, qui ne manquèrent point à sa longue carrière, furent impuissantes à le détourner de son but, car il avait sacrifié ses intérêts naturels à une cause plus haute. C’est ainsi qu’il garda jusqu’à la fin l’ardeur de la jeunesse, que Dieu conserve aux serviteurs de ses Autels.
Les pures lumières de la foi avaient nourri en son cœur une obéissance exemplaire aux supérieurs ; le moindre désir de leur part était pour lui un ordre. Il travailla sous la conduite de cinq vicaires apostoliques. Jeune, il avait payé largement aux premiers, d’entre eux le tribut de son cordial dévouement ; plus âgé, depuis longtemps provicaire et plusieurs fois supérieur intérimaire de la Mission, il demeura, comme son Divin Maître, dévoué dans l’obéissance jusqu’à la fin. Quelques mois avant sa mort, lorsque, sur le désir du Vicaire apostolique, M. Dumortier, depuis douze ans fidèle coadjuteur de M. Gernot, dut lui proposer de ne plus dire la sainte messe, il répondit avec calme : « J’obéirai, puisque c’est l’ordre de l’évêque. »
— « Ce n’est pas un ordre, lui dit le vicaire ; c’est un simple désir. »
— « Père, répondit le vénéré malade, le moindre désir de mon évêque est pour moi un ordre. »
Le feu de la même charité, qui faisait de M. Gernot une arme souple et maniable aux mains de ses supérieurs, lui gagnait la confiance et l’affection de tous ceux qui l’approchaient. Les saillies mêmes de son caractère impétueux et prompt à réprimer les abus et les désordres, laissaient toujours paraître et apprécier un cœur d’or et une sincère affection ; jamais personne ne songea à lui en garder rancune.
Ses relations avec ses Confrères étaient gaies, franches, et d’une cordialité toute fraternelle. On allait chez lui, sûr d’y trouver le réconfort d’une loyale et généreuse amitié. Du reste, durant de longues années, les Supérieurs lui confiaient la formation des nouveaux missionnaires. Bien placés pour apprendre la langue et se former au saint ministère, ils trouvaient en lui le modèle achevé et vivant du vrai prêtre. L’un d’eux traduisait en ces termes ces impressions, qui furent celles de tous : « Je remercierai toujours le bon Dieu de m’avoir placé dès le début à Cai Mong : là j’ai vu et compris ce qu’est une âme vraiment apostolique. »
Plein de dévouement pour ses ouailles, d’une affectueuse prévenance pour ses Confrères, M. Gernot apportait encore dans les relations officielles une loyauté et une cordialité qui lui conquirent bien des sympathies et par lui à la cause des chrétiens. En bien des circonstances, il avait prêté un concours loyal et désintéressé à la pacification des esprits ; dès lors, il fut en grande estime auprès des autorités annamites ou françaises, qui la lui témoignèrent en maintes circons¬tances.
Une vie ornée de telles dispositions, capable de produire tant de fruits dans les âmes, tirait sa fécondité du Christ lui-même, par la pratique assidue des exercices de piété et une union intime avec le Divin Maître. Il sut Lui demeurer fidèle en toutes choses et il en reçut dès ici-bas une première récompense.
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L’infatigable énergie avec laquelle, depuis si longtemps, M. Gernot dirigeait son district ne laissait pas penser qu’il pût soudainement succomber à la peine. Aussi, grande fut la stupeur, lorsque le 1er décembre 1907, sans que rien le fît prévoir, une attaque de congestion le terrassa, le laissant une journée entière sans connaissance. Le médecin de Bên Tre, mandé en toute hâte, nous conserva le cher malade, qui reprit quelques jours après le cours de ses occupations.
Mais le mal était très profond ; le vieux lutteur était usé, et cette première défaite fut le signal de sa fin prochaine. Le tremblement de ses mains augmenta ; les jambes devinrent lourdes ; le moral lui-même fut atteint. M. Gernot s’en rendait compte, mais il voulut poursuivre la tâche jusqu’au bout, et il continua de remplir ses devoirs, tout en se préparant à paraître devant le Juge Suprême.
Pourtant, avant de lui donner la récompense du ciel, Dieu daigna consoler son serviteur et lui accorda de célébrer son jubilé sacerdotal le 15 février 1911. Cinq à six mille étrangers, accourus de tous les points du Vicariat, toute la paroisse au grand complet, les religieuses, les représentants du pouvoir civil, plus de cent prêtres français et annamites conduits par leur évêque, vinrent, durant trois jours, s’unir au vieillard vénérable pour remercier Dieu et Lui demander son assistance à la fin d’une carrière si longue et si bien remplie.
Aux cérémonies religieuses succédaient les réjouissances et les chants de fête. Des agapes bien ordonnées et toutes fraternelles réunissaient autour du vieux patriarche toute cette foule que l’amour d’un même père unissait dans une même famille. Le Souverain Pontife honora d’une bénédiction toute spéciale le bien-aimé jubilaire. Tant de témoignages d’affection furent un baume bien doux à son cœur, et comme un avant-goût de la fête plus belle encore que lui préparaient au Ciel les âmes nombreuses qu’il y avait envoyées.
Désormais, en effet, la carrière active de M. Gernot est terminée. Ses forces déclineront lentement ; la paralysie atteindra successivement chacune de ses facultés. Son âme, dans une union continuelle à Jésus, qui vient à lui dans la communion de chaque jour, se détache de plus en plus du corps usé par les travaux. Les soins les plus délicats que lui prodiguaient à l’envi son dévoué coadjuteur, M. Dumortier, ses vicaires, les religieuses et les notables de la chrétienté, demeuraient impuissants devant les progrès de la maladie. Le jour de l’Ascension, une crise se produisit : on administra au moribond les derniers sacrements. Le jour de la Pentecôte, au milieu de sa chère communauté, il rendait très pieusement son âme à Dieu.
La même foule d’amis qui était accourue pour fêter le jubilaire, se rassembla près de son cercueil pour rendre au défunt les derniers témoignages de la reconnaissance et de l’affection. Cette fois, la fête se passait au Ciel, où le cortège nombreux des âmes sauvées par ses soins, célébrait son entrée.
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M. Gernot laisse, à sa mort, le plus beau district de la Mission. Le centre, Cai Mong, renferme 3.050 fidèles ; la seconde partie du district, formée des 35 petites chrétientés voisines, donne un total de 4.200 chrétiens, confiés aux soins de neuf prêtres indigènes. Quatorze enfants de la paroisse, choisis et dirigés avec soin par notre Confrère, ont pris rang parmi les pasteurs et plusieurs autres s’y préparent encore dans les Séminaires. En outre, 200 religieuses, réparties en 52 postes, gouvernent un hôpital, un orphelinat et 44 écoles, où près de 2.000 élèves reçoivent le bienfait de l’éducation chrétienne. Ces chiffres proclament bien haut la fécondité de ces 50 années de labeur et le mérite de l’ou¬vrier.
Qui ad justitiam erudiunt multos, fulgebunt sicut stellœ in perpetuas œternitates.
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References
[0794] GERNOT Charles (1836-1912)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1877, p. 33 ; 1878, p. 36 ; 1886, pp. 205, 209 ; 1896, p. 224 ; 1897, p. 177 ; 1898, p. 171 ; 1899, p. 220 ; 1900, p. 167 ; 1907, p. 213 ; 1911, p. 172. - A. P. F., xli, 1869, p. 142. - A. S.-E., xxiii, 1872, p. 516. - M. C., ii, 1869, p. 25 ; xxvi, 1894, p. 476 ; xliii, 1911, pp. 193, 197. - A. M.-E., 1903, p. 106 ; 1905, p. 11 ; 1908, pp. 10 et suiv. ; 1911, p. 149 ; 1913, Notice, p. 70. - Miss. Quinhon. Mém., 1905, p. 55.
Plants et planteurs, p. 2. - Les miss. cath. franç., ii, p. 488. - La Coch. rel., ii, p. 454.
Notice nécrologique. - C.-R., 1912, p. 464.
Portrait. - M. C., xxxviii, 1906, p. 453. - A. M.-E., 1913, p. 57.