Jean RENAULD1839 - 1898
- Status : Prêtre
- Identifier : 0959
Identity
Birth
Death
Missions
- Country :
- Vietnam
- Mission area :
- 1868 - 1898 (Hué)
Biography
[959]. RENAULD, Jean-Nicolas, né le 1er mai 1839 à Anderny (Meurthe-et-Moselle), fit ses études au collège ecclésiastique de Sierk, au grand séminaire de Metz, et à Rome où il fut ordonné prêtre le 10 juin 1865. Il fut d'abord vicaire à Dornot, près Metz.
Il entra au Séminaire des M.-E. le 14 octobre 1866. Il suivit à Paris des cours spéciaux d'architecture et de dessin, et partit pour la Cochinchine septentrionale le 26 novembre 1867. On espérait qu'il aiderait à la fondation d'un collège que le gouvernement annamite avait paru désirer pendant quelque temps ; le projet échoua. Le missionnaire installa près de Hué une ferme-école pour les orphelins, et la dirigea pendant de longues années.
Après la prise de Hué par les Français en 1885, il remplit les fonctions d'aumônier militaire dans le corps expéditionnaire. Pendant les négociations pour la paix, il servit d'interprète ; ses services lui valurent plusieurs décorations du gouvernement annamite, et la croix de la Légion d'honneur que le gouvernement français lui décerna le 1er janvier 1894.
Il était supérieur du grand séminaire de Hué, quand, au début de 1898, il se trouva réduit à un état d'anémie profonde ; il partit pour Hong-kong, mais il ne put aller au-delà de Tourane où il mourut le 11 mars de la même année. Ses restes reposent à Phu-xuan, près de Hué. Il avait une belle intelligence, une vertu plutôt austère, et une défiance de soi qui paralysa parfois son action.
Obituary
M. RENAULD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE SEPTENTRIONALE
Né le 1er mai 1839
Parti le 26 novembre 1867
Mort le 11 mars 1898
Né à Anderny, le 1er mai 1839, d’une famille très honorable, et pro¬fondément chrétienne, M. Jean-Nicolas Renauld fit ses humanités au collège ecclésiastique de Sierk où ses succès littéraires, son talent pour le dessin non moins que sa piété et l’agrément de son caractère lui assurèrent bien vite l’estime et l’affection de tous, maîtres et élèves. Après cinq années passées au grand Séminaire de Metz, il fut ordonné prêtre à Rome où il était allé compléter ses études théologiques. La paroisse de Dornot, près de Metz, eut les prémices de son ministère ; il n’y demeura qu’une année: il fallait à son âme d’apôtre une vie plus sacrifiée. Une maladie de la gorge qui menaçait de compromettre le succès de son ministère, peut-être même de réduire le jeune prêtre à une insupportable inaction, lui fournit l’occasion de prendre une résolution héroïque ; il fit vœu d’être missionnaire, si Dieu lui rendait la santé : il fut exaucé et il tint parole. Après des adieux déchirants, il quitta sa famille désespérée pour aller passer une année au sémi¬naire des Missions-Étrangères, à Paris, et, le 26 novembre 1867, il s’embarquait pour la Cochinchine septentrionale.
C’était l’époque où l’empereur d’Annam, Tu-Duc, voulant fonder à Hué une école de hautes études, priait Mgr Gauthier, vicaire apostolique du Tonkin méridional, d’aller en France recruter des architectes et des ingénieurs pour le service du royaume et pour l’enseignement dans cette école. M. Renauld avait suivi à Paris des cours spéciaux ; sa science, d’ailleurs, le désignait pour remplir un tel poste. Il partit pour Hué, avec Mgr Gauthier, M. Montrouziès et un docteur en médecine. Mais à l’arrivée des professeurs munis des instruments et des livres nécessaires pour la fondation projetée, la vanité haineuse et jalouse des lettrés empêcha l’exécution du dessein conçu par Tu-Duc.
M. Renauld ne le regretta point : le ministère des âmes l’attirait invinciblement. Il fonda à quelque distance de Hué et dirigea pendant de longues années la ferme-école de la Sainte-Enfance, où il éleva dans les habitudes de la vie chrétienne tant de malheureux orphelins ; architecte, il avait lui-même dressé tous les plans et dirigé la cons¬truction des bâtiments de cette ferme.
Après la prise de Hué par les Français, il devint aumônier militaire de l’armée expéditionnaire. Sa connaissance de la langue indigène, l’autorité dont il jouissait dans le pays le désignèrent comme inter¬prète dans les négociations qui préparèrent la paix.
A ce titre, il rendit d’éminents services à l’amiral Courbet qui le tenait en singulière estime et affection. Un jour, assistant au conseil, il remarqua un capitaine de vaisseau dont le nom lui rappela de loin¬tains souvenirs d’enfance : c’était le capitaine de Maigret, aujourd’hui contre-amiral, qui bien des fois avait fréquenté le château de Malavillers, annexe d’Anderny : c’était le berceau de sa famille.
Les deux compatriotes se reconnurent, et, tombant dans les bras l’un de l’autre, ils s’embrassèrent avec larmes. L’amiral Courbet ému sus¬pendit quelques instants la conférence pour permettre aux deux Lor¬rains de parler plus longtemps du pays natal. Ce fut une joie très douce pour le cœur du pauvre missionnaire.
Son dévouement patriotique faillit lui être fatal. Pendant l’occupation, des mesures de police très sévères furent prises par l’autorité militaire pour interdire l’approche de la citadelle. Le Père, qui ignorait cette défense ou qui ne s’y croyait pas soumis à raison de ses fonctions d’in¬terprète, ramait un jour sur le fleuve qui baigne les murs de la citadelle ; la sentinelle française fit feu, et la balle traversa les joues du Père. Heureusement, la blessure était sans gravité, et il en fut bientôt guéri, grâce aux bons soins que lui prodigua un de ses compatriotes du pays messin, le médecin-major Mangin.
Savant, poli, aimable, pieux, il avait tout pour captiver les cœurs, et les relations qu’il garda avec beaucoup d’officiers témoignent de la profonde estime qu’il inspirait à tous.
M. Renauld fut ensuite nommé supérieur du grand séminaire de Hué ; c’est là qu’il consomma sa carrière apostolique, mettant au service des jeunes gens confiés à ses soins les trésors de sagesse et d’ex¬périence acquis au cours d’une vie si bien remplie et si traversée d’épreuves. Il y a trois ans, le gouvernement français récompensa les services patriotiques du missionnaire par la croix de la Légion d’hon¬neur ; sa modestie était si grande qu’au reçu du pli qui lui annonçait cette décoration, il n’en dit pas un mot aux deux Pères qui l’accom-pagnaient et qu’il défendit même à sa famille d’en répandre la nouvelle à Anderny.
Le missionnaire vieillit vite ; le bon Père était épuisé, anémié ; vers la fin de février dernier, il partit pour Hong-kong dans l’espérance de refaire sous un climat plus doux une santé sérieusement compromise. Les forces l’abandonnèrent en chemin, et il fut contraint de s’arrêter à Tourane où il vient de mourir de consomption, assisté par deux confrères.
Les lignes qui précèdent sont empruntées en grande partie à une notice que M. l’abbé L. Lacombe, professeur au collège Saint-Fourier, à Lunéville, a fait paraître dans la Semaine religieuse du diocèse de Nancy. Nous croyons devoir ajouter les détails suivants fournis par M. Izarn qui a succédé au regretté M. Renauld comme supérieur du grand séminaire de Hué.
« C’est le vendredi 11 mars, jour où l’Église célébrait la fête du Saint-Suaire, que M. Renauld s’éteignit doucement, sans secousse, comme une lampe qui n’a plus d’huile. Il avait travaillé pendant trente et un ans dans la Mission, dont quinze ans en qualité de supérieur du grand séminaire.
« Ce fut une figure bien originale que celle de notre cher confrère. Sa haute taille, ses traits fortement accentués, son œil vif et profond, son front large, la couronne de cheveux qui ornaient sa tête chauve et sa belle barbe blanche lui donnaient l’air imposant d’un de ces person¬nages, moine ou évêque du moyen âge, que nos aïeux peignaient à grands traits sur les vitraux des cathédrales.
« Je n’irai pas jusqu’à dire que M. Renauld fut un homme supérieur ; les hommes supérieurs sont rares. M. Renauld fut un homme d’une grande et belle intelligence, jointe à une modestie qui en rehaussait singulièrement l’éclat. Les confrères qui l’ont connu de près étaient parfois tentés de trouver cette modestie excessive. Elle paralysait, en effet, son action extérieure, et si M. Renauld qui joignait à beau¬coup de perspicacité les talents les plus variés, n’a pas donné toute sa mesure, c’est que, ne pouvant souffrir la médiocrité, et doutant, bien à tort, de ses forces pour accomplir avec les faibles moyens dont on dispose en mission des œuvres achevées, il aima mieux se renfermer dans son rôle plus humble et travailler de toute l’éner¬gie de son âme à sa sanctification et à l’œuvre capitale qui lui avait été confiée : la formation du clergé indigène.
Mais aussi cette œuvre, comme il l’avait à cœur ! Ce n’est pas à lui qu’il eût été nécessaire de rappeler que le règlement de notre chère Société nous oblige à mettre le clergé indigène au premier rang de nos préoccupations, Impendam et superimpendar ipse pro animabus vestris, pouvait-il dire à ses séminaristes, cha¬que jour et à chaque instant. Mais, en retour, il voulait que ses élèves, et particulièrement ceux dont il avait la direction spéciale, se fissent une grande, une très grande idée de la sublimité de leur vocation. Frappé comme il 1’était, d’une part, de la grandeur du sacerdoce et des terribles responsabilités qui l’accompagnent ; d’autre part, dur à lui-même, d’une vertu austère et d’une grande régularité de vie, il ne consentait pas facilement à ouvrir toutes grandes les portes du sanctuaire. Faut-il s’en plaindre ? Est-il per¬mis de penser qu’il les a tenues peut-être un peu trop fermées ? Ce qui est certain, c’est qu’avec l’âge et une plus grande expérience, il avait modifié sa manière de voir. Si dans les premières années de son supériorat au grand séminaire, l’autorité paternelle sans doute, mais ferme jusqu’à l’inflexibilité, donna à la physionomie morale de M. Renauld quelque chose d’un peu raide, dans les dernières années, toutes les richesses de son cœur apparurent au grand jour, et c’est avec la tendresse d’une mère qu’il dirigea dans les voies de la perfection ces jeunes gens au cœur mobile, mais pleins de bonne volonté, qui sont devenus pour la Mission de si précieux auxiliaires. Combien de prêtres sont passés par ses robustes mains, si habiles à manier le marteau et le ciseau qui font des âmes chrétiennes des pierres choisies pour la Jérusalem céleste ? Je ne le sais pas, et peu importe d’ailleurs. Il a travaillé comme un bon ouvrier sur des matériaux préparés avec le plus grand soin au petit séminaire, mais encore bien informes. Et si son humilité ne l’en eût empêché, il eût pu dire en mourant, eu égard aux circonstances et aux diffi¬cultés vaincues : exegi monumentum. »
« La nouvelle de sa mort, écrit M. Lacombe à la fin de sa notice, a produit à Anderny et à Malavillers une profonde sensation. Beaucoup l’avaient connu jeune prêtre et avaient gardé de lui un souvenir ému et respectueux ; le jour où il célébra pour la première fois la sainte Messe dans l’église de sa paroisse natale, il apparut si transfiguré, si religieusement attendri par la grâce que Dieu lui faisait, que les paroissiens en furent vivement frappés, et ils rappellent encore au¬jourd’hui ce souvenir avec émotion.
Le jeudi, 21 avril 1898, M. le curé d’Anderny, entouré de nombreux confrères, célébra un service solennel pour le repos de l’âme du vénéré défunt. Pour rappeler à ses compatriotes les deux grandes passions qui remplirent sans le partager le cœur de l’apôtre, le drapeau français couvrait de ses plis le catafalque à côté du surplis et de l’étole ; et la croix de la Légion d’honneur s’étalait sur les draperies mortuaires au-dessus des nombreuses décorations dont l’avait honoré le roi d’Annam. »
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References
[0959] RENAULD Jean (1839-1898)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1875, p. 33 ; 1877, p. 63 ; 1891, p. 256 ; 1894, p. 225. - A. P. F., lxvi, 1894, p. 66. - M. C., xxvi, 1894, p. 51. - Sem. rel. Lorraine, 1894, p. 94 ; 1898, Notice, p. 389. - Le Lorrain, 1886 [Lettre], n° du 25 avril.
La Coch. rel., ii, p. 430.
Notice nécrologique. - C.-R., 1898, p. 300.