Alexandre CORNIER1876 - 1957
- Status : Prêtre
- Identifier : 2527
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Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Japan
- Mission area :
- 1900 - 1915 (Hakodate)
- 1919 - 1928 (Hakodate)
- 1930 - 1931 (Hakodate)
- 1931 - 1957 (Tokyo)
Biography
[2527] CORNIER Alexandre, Mathieu, naquit le 19 août 1876 à St Léopardin d'Augy, au diocèse de Moulins (Allier). Il fit ses études primaires chez les Frères Maristes et commença ses études secondaires au Petit Séminaire de Moulins, pour les terminer au Séminaire des Pères de Sion à Issy-les-Moulineaux. Malgré l'opposition de sa mère, surtout, il demanda son admission aux Missions Étrangères et, sans retourner chez lui pour dire adieu aux siens, il devint aspirant le 15 septembre 1896. Ayant reçu la tonsure le 25 septembre 1897, il reçut les ordres mineurs le 24 septembre 1898. Ensuite sous-diacre le 23 septembre 1899, diacre le 10 mars 1900, il est ordonné prêtre le 24 juin. Destiné à la mission de Hakodaté, il partit le 1er août.
Monseigneur l'envoya d'abord à Morioka comme socius" du Père Deffrennes. En 1901, il est nommé vicaire du Père Lafont à Sapporo. Puis il est chargé du poste de Otaru en 1903. Il y restera douze années, jusqu'à la cession du district aux Pères Franciscains allemands de la province de Thuringe. Durant ces douze ans de ministère apostolique, le Père Cornier dut parcourir son immense paroisse pour visiter les familles chrétiennes dispersées. Un moment, il eut même la responsabilité des chrétiens du sud de Karafuto. Attentif aux besoins des plus pauvres, il eut à s'occuper des prisonniers de guerre russes et polonais, durant la guerre russo-japonaise. En 1915, Mgr. Berlioz nomma le Père Cornier à la paroisse de Hachinoe, mais, mobilisé presque aussitôt, il retourna en France. Affecté à Lyon comme infirmier, il y travailla jusqu'à la fin de la guerre.
De retour au Japon en 1919, il fut nommé curé de Aomori, chef lieu de la province. De là, en 1925, il fut envoyé à Tobetsu, la paroisse où se trouvaient les Trappistes. En 1928, une tenace maladie de foie l'obligea à interrompre ses activités apostoliques. Il repartit pour la France afin de se soigner. Il se rendit à Vichy où l'un de ses frères, prêtre, était aumônier à l'hôpital municipal. Il y suivit une cure qui le guérit, et il repartit pour le Japon en 1930. Il fut nommé à Morioka. En 1931, le diocèse de Hakodaté fut remis entre les mains des Pères Dominicains canadiens et Hakodaté fit partie du diocèse de Sapporo. Le Père Cornier demanda son incardination à l'archidiocèse de Tokyo et Mgr. Chambon le nomma à Omori, dans la banlieue de la capitale. En 1937, à son tour, l'archidiocèse de Tokyo est divisé en deux : Tokyo était confié aux prêtres japonais avec Mgr. Doi comme évêque, et un nouveau diocèse, le diocèse de Yokohama, était créé et confié aux Missions Étrangères, Mgr. Chambon en devenant le premier évêque. Le Père Cornier voulut suivre Mgr. Chambon et fut nommé à Shinkoyasu. Il y vécut les années difficiles de la guerre. En 1945, suite à un bombardement par bombes incendiaires, Yokohama fut en grande partie détruite. L'église et le presbytère de Shinkoyasu furent réduits en cendres. Le Père Cornier se réfugia chez les "Soeurs adoratrices du Saint Sacrement". La paix revenue, une église provisoire fut édifiée. En 1948, le Père quitta la paroisse pour s'installer comme aumônier chez les religieuses qui l'avaient accueilli. Mgr. Wakida, le nouvel évêque, puis son successeur Mgr. Arai, ayant toute confiance en lui, il fit partie du Conseil et même pendant deux années, il fut vicaire épiscopal. En 1955, il demanda à se retirer près de l'hôpital des Soeurs de la Visitation, à Shichirigahama (Kamakura). C'est là que le 12 janvier 1957 il s'éteignit doucement, emporté par une crise cardiaque. Il est inhumé dans le cimetière dit "des étrangers" à Yokohama.
Obituary
In memoriam
Le P. Alexandre Cornier1
Le Père Alexandre Cornier nous a quittés quasi-subitement à l’aube du 12 janvier 1957 à l’âge de 81 ans. Déjà l’an dernier une grave crise d’asthme cardiaque avait failli lui être fatale ; un long séjour à l’hôpital et ensuite le calme de sa retraite à Shichirigahama semblaient lui avoir rendu toute sa vigueur, mais le cœur était trop fatigué pour entretenir la vie dans ce grand corps usé par plus de 50 ans d’apostolat au cours desquels il ne s’était pas ménagé. Ce matin-là, le P. Malin qui dormait dans une chambre toute proche, fut alerté par les appels du P. Cornier lui-même ; les Sœurs accoururent ensuite puis le médecin qui fit une piqûre, mais ce fut en vain et le P. Malin commençait les onctions quand notre confrère rendit le dernier soupir. Ce fut une douloureuse surprise pour nous et pour les nombreux chrétiens de la région de Yokohama qui l’aimaient pour son affabilité et qui venaient volontiers lui raconter leurs peines ou tout simplement passer en sa compagnie un agréable moment.
Le Père Alexandre Cornier naquit le 19 août 1876 à St-Léopardin d’Augy dans l’Allier, au diocèse de Moulins. Nous ne saurions dire comment s’éveilla sa vocation missionnaire, mais nous savons qu’elle fut marquée dès son début par l’offrande d’un grand sacrifice : ses parents, sa mère surtout, s’opposèrent si violemment à sa vocation qu’il dut partir à Paris sans leur faire ses adieux. Il alla finir ses études secondaires au petit séminaire des PP. de Sion et entra ensuite aux Missions-Étrangères sans retourner chez lui. Disons tout de suite que sa mère finira par accepter la volonté de Dieu et bénira son départ en mission ; elle était bonne chrétienne puisqu’elle envoya un autre de ses fils au séminaire de Moulins mais elle était sans doute très sensible et très aimante ; sur ce point notre missionnaire lui ressembla beaucoup et nul ne s’en plaignit. Le Père Cornier fut ordonné prêtre dans la chapelle de la rue du Bac le 24 juin 1900 et partit pour Hakodaté le 1er août de la même année.
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1. CORNIER Alexandre-Matthieu. né le 19 août 1876 à Saint-Léopardin-d’Augy, au diocèse de Moulins. Etudes secondaires au petit séminaire de Moulins, puis à Issy-les-Moulineaux. Entré aux Missions-Étrangères en 1896. Sous-diacre en septembre 1899, diacre en mars et prêtre le 24 juin 1900. Parti pour Hakodaté en août de la même année. Passé au diocèse de Tokyo, puis à celui de Yokohama lors des cessions au clergé japonais. Vicaire général de Yokohama pendant deux ans. Décédé dans cette mission le 12 janvier 1957.
Il y eut cette année-là soixante-dix partants dont quatre pour le Japon. Ce furent, avec lui, le P. Joseph Bois qui, un mois et demi après, le suivit à Nagasaki et qui vient également de le suivre, à un mois et demi d’intervalle, dans la Maison du Père ; puis le P. Chambon, plus tard archevêque de Tokyo, qui le rejoignit à Hakodaté la même année ; enfin le P. Marmonnier, de vénérée mémoire, qui s’arrêta, lui, à Osaka. L’enthousiasme missionnaire était grand en France aux environs de cette année 1900 ; les aspirants affluaient à la rue du Bac et les départs se succédaient au rythme de quatre ou cinq par an. Les missions aussi étaient en pleine expansion et celles du Japon en particulier faisaient concevoir les plus grands espoirs. La découverte des chrétiens de Nagasaki et la proclamation de la liberté religieuse dataient à peine de 30 ans, la hiérarchie avec un archevêché et trois diocèses suffragants dont celui de Hakodaté, était établie depuis 9 ans. On peut être surpris de constater que c’était un cadre encore à peu près vide car, sauf à Nagasaki, les fidèles étaient partout en nombre insignifiant, mais le mouvement était si bien parti que le St-Siège faisait confiance au Japon et à son peuple ; ne pourrait-on pas dire plutôt qu’il faisait surtout confiance aux missionnaires sortis de la rue du Bac qui étaient encore les seuls à former ce cadre dans lequel devait venir se glisser peu à peu la belle figure de la chrétienté japonaise ?
Le diocèse de Hakodaté comprenait deux parties fort distinctes : le “Naichi”ou “pays de l’intérieur” qui forme aujourd’hui les diocèses de Sendai et de Niigata, et le Hokkaido, cette île immense qui forme aujourd’hui le diocèse de Sapporo. Le P. Cornier fut avec les PP. Faurie, Lafon, Hutt, etc., de l’équipe qui sous l’impulsion du si apostolique Mgr Berlioz, créa la mission du Hokkaido.
Après quelques jours passés à Hakodaté auprès de son évêque, le P. Cornier fut envoyé à Morioka pour apprendre la langue et se former au ministère sous la direction du P. Deffrennes, jeune encore mais à qui Mgr Benlioz confiait volontiers les nouveaux arrivés. Sous des airs patelins et naïfs, le P. Deffrennes était extrêmement fin et caustique, avec lui il était difficile de faire le malin. Il savait qu’on le redoutait un peu mais il fut quand même surpris quand le P. Cornier lui dit de but en blanc en arrivant chez lui : “On m’a dit que vous aviez l’art de faire souffrir vos vicaires, j’espère que vous n’allez pas trop me maltraiter”.
— Ne croyez jamais que la moitié de ce qu’on vous dit, lui répondit son curé, pour le reste attendez de juger par vous-même.
— Et combien de temps me donnerez-vous pour me faire un jugement ?
— Le temps que vous voudrez, vous pouvez même repartir dès ce soir si cela vous fait plaisir.
Ce n’était pas le choc de deux inconnus qui se seraient défiés l’un de l’autre, mais une nette et franche prise de contact entre deux fortes personnalités qui avaient une haute idée de leur dignité et de leur mission et balayaient d’avance de leurs relations tout soupçon de petitesse et d’enfantillage.
Ils auraient d’ailleurs été bien attrapés l’un et l’autre si le P. Cornier avait pris au mot son curé ; celui-ci y aurait perdu un charmant compagnon et celui-là un maître précieux. Le P. Cornier qui savait être courageux comme nous l’avons vu, était doué d’un bon naturel, curieux des hommes et des choses, sensible, profondément artiste. Il aima la musique qu’il appréciait en connaisseur ; il aima la poésie : il aura toujours dans un coin de sa bibliothèque les œuvres de Shakespeare qu’il relisait souvent dans leur texte ; il aima la peinture et exécuta lui-même quelques petits tableaux qui dénotaient un réel talent ; mais il resta quand même très positif et aima par dessus tout le commerce des hommes. L’esprit du P. Cornier aussi fut toujours ouvert sur “l’aventure”, et ses qualités naturelles favorisèrent cette vocation d’autant mieux qu’elles furent assumées par tout un ensemble de vertus surnaturelles peu communes. Tout cela fit de notre confrère un homme et un prêtre d’une grande richesse intérieure, vibrant, enthousiaste, la foi ardente et profondément affectueux à l’égard des hommes et de son Maître le Christ.
Avec ce tempérament il a pu parfois donner l’impression de travailler un peu en “dilettante” et “sans rien se casser”; cette impression était fausse pourtant car le P. Cornier fut toujours très appliqué et très actif mais cette activité s’exerçait naturellement, sans à-coups, presque sans efforts. Il apprit convenablement le japonais à Morioka mais son curé eut soin de ne pas le laisser trop longtemps enfermé dans an chambre. Il l’emmenait en promenade une heure durant après chaque repas, il lui montrait la vie japonaise, lui parlait en cours de route des coutumes, des gens, de la langue. Rentré chez lui, le Père Cornier étudiait sous la direction du catéchiste ou causait avec les gens qui venaient le voir. Il inaugura ainsi à Morioka le genre qui lui a toujours si bien réussi : les visites, reçues ou données, au cours desquelles sa politesse, son bon cœur, sa conversation pleine de charme et de piété lui gagnèrent, et par lui gagnèrent à Jésus-Christ tant de cœurs. De Morioka où il resta assez peu de temps, il s’en fut passer une année à Sapporo auprès du P. Lafon et tout de suite après il fut chargé seul du poste de Otaru où il restera 12 ans, en fait jusqu’à la cession du district aux PP. Franciscains de la Province de Fulda en 1915.
Otaru, qui va devenir le seconde ville du Hokkaido grâce à l’activité de son port par où s’exporte le minerai extrait dans la région et les bois, n’était encore qu’une grosse bourgade remplie de chantiers car son expansion commençait. La ville ne comptait que quelques chrétiens ; on avait commencé la construction d’un presbytère que le P. Cornier dut achever et il n’y avait pas d’église. Le Père n’était pas douillet mais il semble avoir passablement souffert, à Otaru, du froid et de l’inconfort d’un poste qui commence ; sans doute aussi, étant donné sa jeunesse, de la solitude à laquelle d’ailleurs il sut bien vite échapper. Il était si bon confrère, si accueillant et si ouvert qu’on lui rendait visite volontiers ; le P. Lafon lui-même, qui ne sortait jamais pour son plaisir, dit-on, allait passer une semaine d’été à Otaru.
Au moment où le P. Cornier commençait son ministère, l’apostolat devenait difficile. Au début de la révolution de Meiji, les Japonais, sevrés depuis trois siècles de tout contact avec l’étranger, manifestaient pour toutes les idées venues d’au delà des mers, une curiosité insatiable, mais la victoire sur la Russie en 1903 éveilla une naïve vanité nationale qui devint très rapidement du mépris pour les étrangers ; les préjugés s’accumulèrent devant la prédication chrétienne, les espoirs qu’avaient fait naître la découverte des chrétiens et le mouvement de conversions du début se dissipèrent comme le brouillard du matin. On se rendit compte alors combien le sentiment religieux des Japonais est superficiel et les missionnaires s’armèrent de patience.
Dire que le P. Cornier resta douze ans à Otaru n’est pas exact ; il resta tout ce temps chargé du poste mais il faisait, comme tous ses confrères, du “junkai” c’est-à-dire des tournées pour instruire les familles dispersées dans son district très étendu. Il eut même la charge des chrétiens du sud de Karafuto et des postes fondés dans cette presqu’île par le P. Faurie, le célèbre botaniste. Ce ministère de Karafuto n’était pas en soi une partie de plaisir. Outre les chrétiens japonais dispersés, il y avait un assez grand nombre de russes et de polonais, anciens prisonniers de la guerre russe-japonaise, restés là pour travailler dans les mines. Les exilés aimèrent tout de suite cet homme, grand et bien bâti, distingué et cependant toujours aimable, causeur infatigable et en même temps très apostolique, attentif à leurs besoins et extrêmement généreux. Le jour des noces d’or du P. Cornier à Yokohama il y a quelques années, l’invité le plus remarqué fut un pasteur protestant japonais qui l’avait vu à l’œuvre à Karafuto. Il fit en termes émus le récit des prouesses du P. Cornier pour aller visiter en des endroits impossibles le moindre chrétien, et des succès que lui valut son zèle et le charme de son sourire. La fatigue endurée pendant ces voyages dans le froid et la neige, l’occasionna des varices qui crevèrent et l’obligèrent à envelopper ses deux jambes dans un appareil ; celui-ci lui causa bien des souffrances et alourdit sa marche pendant tout le reste de sa vie.
Le P. Cornier aima pourtant le Hokkaido, il aima ses paysages immenses et désolés pendant l’hiver, s’humanisant au printemps, rappelant un peu ceux du Plateau Central qui lui étaient familier ; il aima surtout ses gens simples et confiants, d’autant plus sensibles à l’amitié du missionnaire que beaucoup d’entre eux ….. aussi des nouveaux venus dans ce pays neuf. Il s’était attaché à eux et en parlait volontiers, mais comme tous les gens sensibles, il gardait dans son cœur les meilleurs souvenirs.
En 1914 Mgr Berlioz céda la plus grande partie du Hokkaido aux Franciscains de la Province de Thuringe et ne garda que le sud de l’île : la province de Oshima avec Hakodaté ; nos confrères du Hokkaido se replièrent donc sur cette dernière ville et dans le Honshu, qui est aujourd’hui le diocèse de Sendai. Le P. Cornier fut envoyé à Hachinoe, mais la première guerre mondiale venait d’éclater; notre confrère, qui n’avait pourtant pas fait de service militaire, fut mobilisé en 1916 et envoyé à Lyon où il restait infirmier jusqu’à la fin de la guerre. Il fut apprécié des malades, moins pour son habileté à donner des purges et à refaire des pansements que pour sa bonne humeur et son ardent esprit de foi. Il avait le don de s’insinuer, de consoler et de persuader. Durant son séjour à Lyon, il eut des relations suivies avec les Directeurs de la Propagation de la Foi et d’autres personnalités ecclésiastiques qu’il sut intéresser aux missions du Japon ; on le recevait volontiers, “toutes les portes s’ouvraient devant lui “, rapporte un de ses amis.
De retour au Japon en 1919, il fut nommé à Aomori, de ce côté-ci du détroit, poste que, pour des raisons de santé, il échangera plus tard contre celui de Tobetsu, la paroisse des PP Trappistes. Mais une tenace maladie de foie l’obligea à retourner en France ; il se rendit chez son frère, aumônier de l’hôpital municipal de Vichy, et y fit une longue cure qui le guérit. A son retour il fut envoyé à Morioka où il resta jusqu’en l931. Cette année-là, la S. C. de la Propagande remit le diocèse de Hakodaté aux mains des Dominicains canadiens, le siège de l’évêché fut transféré à Sendai tandis que Sapporo devenait vicariat apostolique, et nos confrères durent choisir de se rendre dans l’un des trois autres diocèses confiés à la Société : avec la grande majorité d’entre eux, le P. Cornier choisit celui de Tokyo.
Mgr Chambon nomma le P. Cornier à l’important poste de Omori dans la banlieue de Tokyo. Après 30 ans d’un apostolat très actif mais coupé de multiples pérégrinations, le P. Cornier fut heureux de se trouver à la tête d’une communauté de fidèles compacte et dynamique. Il arrivait à Omori précédé d’une belle réputation. On disait de lui : “Kenson no Shimpu Sam” (le Père humble), mais ce mot de “kenson” contient beaucoup plus que notre “humilité”; il signifie quelqu’un qui n’en ait pas accroire, mais quelqu’un aussi qui s’oublie pour les autres. Ses jambes douloureuses l’obligeaient à une démarche lente toute empreinte de gravité, il en imposait et se serait facilement fait craindre, mais il savait si bien dominer ses mouvements d’humeur, que son visage reflétait la bonté de son âme. Il savait demander des sacrifices pour le Bon Dieu mais il redoutait par dessus tout de faire de la peine. Peut-être était-il un peu faible sur ce point, mais si sa sensibilité l’entraînait un peu trop, son grand esprit de foi dominait toujours cette faiblesse. Un jour qu’il se trouvait en présence d’un malade dont l’état s’était subitement aggravé, il tournait autour de la chambre, s’agitait : “Mais il faudrait faire quelque chose, voyons, ne pas rester comme cela”.— “Et que voulez-vous faire”, lui demande un confrère ?— “Eh bien au moins prier, demander un miracle... Est-ce que nous aurions cessé de croire au Bon Dieu ?” Tout le P. Cornier est là dans ce beau mouvement vers Dieu.
Son zèle et ses solides qualités sacerdotales lui acquirent vite la confiance et l’affection des fidèles de Omori. Il réunit les hommes, les intéressa à la vie de la paroisse et à l’apostolat ; il fut très aimé des jeunes gens auxquels il faisait étudier le Nouveau Testament et spécialement les Actes des Apôtres qu’il commentait avec flamme et savait rendre actuels ; il prit un soin tout particulier de la chorale sans oublier de faire chanter tout le monde autant que possible. Il eut le souci d’aiguiller vers le sacerdoce les jeunes gens qui lui en paraissaient dignes. Le jour de ses funérailles quatre jeunes prêtres japonais qui lui devaient leur vocation entouraient son cercueil et Mgr Arai, évêque de Yokohama, loua particulièrement le zèle qu’avait eu le défunt pour le recrutement sacerdotal.
En 1937 le diocèse de Tokyo fut confié au clergé japonais. Mgr Doi fut nommé archevêque, et les confrères de la Société suivirent Mgr Chambon dans son nouveau diocèse de Yokohama. Le P. Cornier reçut la charge du poste nouvellement fondé de Shinkoyasu dans la banlieue de Yokohama. Il fut là ce qu’il avait été à Omori, l’homme de Dieu à la foi vive, accueillant et serviable. Malgré ses infirmités, il était souvent par les chemins pour rendre visite à ses chrétiens très éloignés du centre ; il avait une prédilection pour les malades dont il savait gagner la confiance et l’amitié ; bref, il savait si bien s’insinuer dans le cœur des gens que c’était souvent pour ne pas lui faire de peine que les tièdes esquissaient leur premier mouvement vers la conversion. “Il était si bon qu’on ne pouvait pas s’en séparer”, nous disait de ses anciens chrétiens de Shinkoyasu le jour des funérailles de leur Père.
En 1945 ce poste fut réduit en cendres au cours du bombardement qui détruisit en quelques heures la ville de Yokohama. Le P. Cornier se réfugia chez les Sœurs espagnoles dites Adoratrices du St-Sacrement et de là se rendit chaque dimanche à Shinkoyasu, dans la maison d’un chrétien, pour y accueillir le retour de son troupeau un instant dispersé. En 1948, le terrain fut nettoyé, un “kamaboko” (quoncet-hutt) installé, qu’un aumônier américain dota de bancs, et le P. Cornier eut la joie d’inaugurer le service religieux dans son poste ressuscité, mais il ne s’y installa pas. Le diocèse de Yokohama fut le premier à être divisé en districts confiés par contrat à diverses congrégations religieuses. Shinkoyasu fit partie du district nord confié aux Franciscains de l’Atonement tandis que les Missions-Étrangères recevaient la préfecture de Shizuoka. Le P. Cornier n’alla pas à Shizuoka, il préféra rester à Yokohama comme aumônier des Adoratrices. Il passa là les dix dernières années de sa vie ; son temps était pris par les confessions, le catéchisme aux jeunes filles que les Sœurs recevaient dans un pensionnat ouvert auprès de leur couvent, et les nombreux visiteurs venus de Shinkoyasu et même de Omori. Mgr Wakita d’abord et puis Mgr Arai eurent en lui une grande confiance ; il fut jusqu’à la fin, membre du Conseil épiscopal et même pendant deux ans vicaire général du diocèse. Le P. Cornier fut pour son évêque un collaborateur dévoué, plein de respect et d’affection ; ce fut sa dernière et peut-être aussi sa plus grands joie en ce monde, de pouvoir servir aussi intimement un Ordinaire japonais.
Ses funérailles eurent lieu à la cathédrale de Yokohama. Son corps repose dans le cimetière de la paroisse du Sacré-Cœur. Ses anciens chrétiens ont voulu se cotiser pour lui élever un monument qui témoignera de l’estime et de l’affection que le P. Cornier a inspiré partout où il est passé.
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References
[2527] CORNIER Alexandre (1876-1957)
Références biographiques
AME 1900 p. 252. 1930 p. 45. CR 1900 p. 254. 1901 p. 43. 1902 p. 49. 1903 p. 36. 1904 p. 45. 1905 p. 20. 1907 p. 57. 1908 p. 40. 1911 p. 38. 1913 p/. 53. 54. 1914 p. 16. 17. 1915 p. 27. 28. 1920 p. 13. 14. 1921 p. 22. 1922 p. 17. 1923 p. 49. 1926 p. 20. 1931 p. 3. 1932 p. 12. 1933 p. 5. 1934 p. 8. 1936 p. 7. 1938 p. 5. 1939 p. 5. 1949 p. 6. 1950 p. 3. 1955 p. 14. 15. 1956 p. 15. 1958 p. 21. 95. BME 1925 p. 693. 1926 p. 295. 1927 p. 44. 1928 p. 431. 1930 p. 253. 1931 p. 505. 523. 1932 p. 623. 1938 p. 102. 1939 p. 482. 708. 1940 p. 675. 1941 p. 389. 673. 1948 p. 157. 1949 p. 500. 1950 p. 493. 551. 1951 p. 37. 40. 1954 p. 227. 1119 p. 1957 p. 190. 957. EC1 N° 157. 165. 189. 207. 612.