Jean-Marie RENOU1903 - 1977
- Status : Prêtre
- Identifier : 3408
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Identity
Birth
Death
Status
Other informations
Missions
- Country :
- China
- Mission area :
- 1930 - 1936 (Yibin [Suifu])
Biography
[3408] RENOU Jean-Marie est né le 20 août 1903 à Mayet (Sarthe).
Admis aux MEP en 1927, il est ordonné prêtre le 21 décembre 1929 et part le 28 avril suivant pour la mission de Suifu (Chine).
Après l’étude de la langue à Kien Wei, il est nommé à Chu-kentan (1932).
En 1936, il rentre en France en raison de son état de santé. Il est alors envoyé à Ménil-Flin. Pendant la guerre, il est curé de Dormans, où il assiste la communauté juive. Il administre ensuite le foyer des étudiants d’Extrême Orient à Paris (1950-1977).
Il meurt le 1er octobre 1977 à Paris.
Obituary
Père Jean-Marie RENOU
Missionnaire de Sui-Fu
1903 - 1977
Né le 20 août 1903 à Mayet (Sarthe), diocèse du Mans.
Entré aux Missions Etrangères le 13 septembre 1924.
Ordonné prêtre le 21 décembre 1929.
En Mission à Suifu : 1930-1936 et 1948-1950.
En France : 1936 à 1948 et de 1950 à 1977.
Décédé à Paris le 1er octobre 1977.
Enfance et jeunesse
Jean-Marie RENOU naquit le 20 août 1903 à Mayet, canton de la Sarthe, à une trentaine de kilomètres au sud du Mans. La famille Renou était d’origine tourangelle, mais ses parents étaient nés tous les deux dans la Sarthe ; ils se connurent au Mans, se marièrent et ouvrirent un petit commerce de « nouveautés » à Mayet. La famille s’agrandissant au fui des ans, M. Renou acheta en 1911 un fonds plus important, à Falaise, dans le Calvados. Et voilà comment notre confrère de « Manceau » était devenu « Normand ».
Jean-Marie était le troisième enfant, après deux filles, d’une famille qui devait compter 6 filles et 4 garçons. Ses parents étaient de fervents chrétiens, soucieux de leurs devoirs religieux ; ils se chargèrent eux-mêmes de la première éducation chrétienne de leurs enfants. Mais à 6 ans, de petit Jean-Marie fut confié à un cousin germain, l’abbé Terpereau, curé dans 1’Indre. Après sa communion privée, il fut mis en pension chez les Frères des Ecoles chrétiennes, d’abord au Mans, puis à Falaise, enfin à l’âge de 12 ans à Guernesey.
On le voit, il eut une enfance assez mouvementée, comme le sera plus tard la première partie de sa vie missionnaire. Très tôt, il connut l’épreuve. En 1909, sa mère fait une grave maladie, condamnée par les médecins, elle se recommande au Carmel de Lisieux et obtient sa guérison. En 1914, le père tombe malade à son tour à la suite d’une chute malencontreuse qui provoque un hématome à la colonne vertébrale ; maladie qui préfigurait étrangement celle qui devait emporter le fils quelque 50 ans plus tard. Tombé malade en 1914, M. Renou meurt en 1916 après de cruelles souffrances.
Revenu pour les obsèques de son père, Jean-Marie doit retourner à Guernesey pour terminer son année scolaire. Après les vacances, il entre au petit séminaire Ste-Marie de Caen, en octobre 1916. Dès sa première enfance, il avait rêvé du sacerdoce ; il aimait « dire la messe » et prêcher devant ses frères et sœurs. L’éducation profondément religieuse reçue dès sa plus tendre enfance est sûrement à l’origine de sa vocation. Une autre cause a dû jouer et lui faire lâcher les Frères pour entrer au petit séminaire : à Falaise, il avait connu un camarade de deux ans son aîné, René Boisguérin et s’était lié avec lui d’une amitié qui devait durer toute sa vie ; celui-ci étant entré au petit séminaire deux ans plus tôt, il l’y rejoignit. Il y fit de solides études et garda de ses maîtres de plus fidèle souvenir. Il aimait raconter de ces histoires qui égaient la vie des pensionnaires, telle celle-ci :
« Un professeur faisait collection de pierres rares. U’n jour, un farceur lui apporte un morceau de brique peinturluré et le dépose sur un coin de son bureau. Au bout d’un moment, l’élève lui demande ce qu’il en pense ; le professeur prend la brique et la lance par la fenêtre en disant : « Tenez, voilà ce que j’en fais de votre caillou ». Il croyait que la fenêtre était ouverte ; or elle était fermée... On devine le résultat pour la plus grande joie des élèves qui se mettent à fredonner : « Encore un carreau de cassé... »
Il termine ses études secondaires en 1921, à 18 ans. Dès cette époque, il semble bien avoir entendu d’appel des Missions lointaines. Il prend contact avec les Pères de Ste-Croix, on ignore dans quelles circonstances, et passe plusieurs mois chez eux, en Maine-et-Loire. Là il ne se sent pas dans sa voie ; sans doute songe-t-il aux Missions Etrangères, mais il hésite encore. Pour se donner un délai de réflexion, il va passer deux ans au grand séminaire de Bayeux. Enfin il adresse sa demande d’admission à Mgr de Guébriant et est reçu à Bièvres le 13 septembre 1924.
Sa première année de théologie terminée, il fait un an de service militaire au Mont-Valérien, dans les transmissions, mais il est versé bientôt dans le corps des infirmiers. Libéré en octobre 1926, il est retenu quelques mois par des affaires de famille ; c’est seulement en février 1927 qu’il entre à la Rue du Bac où il retrouve son ami Boisguérin. Régulièrement il aurait dû recevoir le sous-diaconat en décembre 1928 ; mais il est retardé de 6 mois pour être allé à Rome sans permission pendant les vacances ! On était rudement sévère en ce temps-là ! Enfin sous-diacre en juin 1929, il est ordonné prêtre par Mgr de Guébriant le 21 décembre 1929 et reçoit sa destination pour Suifu, au Szetchoan où il trouvera plusieurs compatriotes normands : les Pères Champion, Buhot et Boisguérin.
Le départ en mission
La cérémonie de départ, le 28 avril 1930, est prêchée par Mgr Olichon. Ce départ comporte 8 partants dont le Père Magnan destiné à Chungking. Avant de partir le P. Renou va rendre visite à un oncle gravement malade ; en rentrant au séminaire, son taxi est accidenté et il est légèrement blessé ; il se fait soigner dans une pharmacie puis hèle un autre taxi ; à peine démarré, le moteur de la voiture se met à fumer. Il lui faut prendre un troisième taxi pour rentrer Rue du Bac où il se repose de ses émotions le reste de la journée. Ses confrères partent pour Marseille le soir même. Quant à lui, il les rejoint le lendemain et s’embarque avec eux sur le « Porthos », le vendredi 2 mai, pour arriver à Shanghai le 6 juin. Les aventures ne sont pas terminées. On pourrait même dire qu’elles commencent ! Embarqué avec le P. Magnan sur le « Fou Yuen », il remonte le Fleuve Bleu jusqu’à Shache, en amont de Itchang ; là leur vapeur s’échoue sur un banc de sable. Un autre vapeur les prend à son bord et les amène à Chungking, le vendredi 25 juillet. Le dimanche 3 août, il prend le « Chou tong », un tout petit vapeur, vieux et poussif, qui arrive seulement le 7 août à 11 h du soir au port de Suifu où personne ne l’attendait plus....
En Mission
Le Vicaire apostolique, Mgr Renault, place le jeune Père Renou à Kiên Wei, chez le Père Vincent. Ce Père était dans la mission de Suifu un des meilleurs connaisseurs de la langue chinoise. Il faisait lui-même le catéchisme aux enfants de l’école paroissiale ; il invita le P. Renou à assister aux leçons. La méthode n’était pas mauvaise ; seulement voilà ! Les enfants n’avaient d’yeux que pour le nouveau Père, au point d’en oublier les explications données. Pour obvier à ce grave inconvénient, le P. Vincent imagina de placer le jeune Père derrière un paravent. Bien entendu cela ne dura pas longtemps ; le P. Renou trouva vite une autre méthode ; il entra en relation avec des élèves païens des écoles de la ville et en parlant avec eux fit de rapides progrès dans la langue chinoise.
Au début de 1932, il est nommé à Chukentan, à la place du P. Boisguérin qui partait pour Mapien, aux confins du pays lolo. Chukentan, sis entre Kiên-wei et Kia-tin, était le poste idéal pour un jeune ; de fait plusieurs nouveaux s’y succédèrent : Les Pères Buhot, Boisguérin, Renou, Grasland et Pangaud. Les fidèles se partageaient pour moitié en « vieux » et « nouveaux » chrétiens avec de nombreux catéchumènes. Les conversions étaient dues à un vieux catéchiste, Le Wang, très zélé et très ouvert à la mentalité païenne. Grâce à lui, le P. Renou put baptiser 120 païens dont 85 adultes, en juin 1933, dans un village appelé San Kiang tchan (les Trois Rivières), à 40 kilomètres du centre.
Le P. Renou était très généreux ; il donnait largement aux pauvres selon ses moyens et parfois même au-delà de ses moyens. Une telle générosité comporte évidemment des risques. Un vieux lettré, converti par la lecture de livres chrétiens, voulut profiter des largesses du Père. Sa vieille mère était restée païenne et ne voulait pas entendre parler du baptême. « Que faire ? disait le fils ; comment la décider à recevoir le baptême ? Ne pourrait-on pas lui proposer un bel enterrement à sa mort, si elle consent à devenir chrétienne ? — — « Oui, bien sûr », dit le Père Renou. Parole imprudente, oh ! combien. Quelques temps après le bonhomme, en grand deuil, vient se prosterner devant le Père. « Hélas ! dit-il, ma pauvre mère est morte ; du moins ai-je eu la consolation de la baptiser.... après sa mort. Maintenant le Père a promis de lui faire un bel enterrement ». Il fallut bien s’exécuter et lui faire un enterrement de première classe, en grande partie aux frais du Père...
Au début, le P. Renou s’adapta difficilement au climat ; il supportait mal les chaleurs excessives de la canicule. Epuisé à la fin de l’année 1932, il se fait admettre à l’hôpital protestant de Kia-tin ; le docteur diagnostique « une tuberculose pulmonaire avancée ». Heureusement le docteur de Suifu se montre moins pessimiste : « simple faiblesse due au climat et à la mauvaise nourriture ». Bien soigné par les religieuses à l’hôpital catholique de Suifu, il peut retourner à son poste en janvier 1933. Entre temps, on lui avait donné, pour le soulager dans son ministère, le P. Grasland qui resta avec lui d’octobre 1932 à juillet 1933.
Les années suivantes, sa santé se maintient à peu près ; il poursuit son apostolat fécond, baptisant chaque année un bon nombre de païens, sans pourtant retrouver le beau nombre de 1933. Au début de 1936, il tombe malade ; il ne s’agit pas seulement de maladie physique ; le moral aussi est atteint. Comme les autres confrères au cours de l’année 1935, il a
suivi dans la presse la fameuse « Longue Marche » de Mao tse tong ; un moment l’armée rouge a failli submerger la mission de Suifu. Le danger passé, le P. Renou ne s’est pas rassuré comme les confrères. La détermination, le courage, l’esprit de sacrifice de ces gens l’ont fortement impressionné ; une sorte d’angoisse le saisit, le faisant désespérer de l’avenir de l’Eglise en Chine. D’autres ont éprouvé la même angoisse, mais seulement 12 à 13 ans plus tard, alors que les armées communistes submergeaient la Chine tout entière. Avec sa vive intelligence, le P. Renou a compris plus tôt l’immense danger qui menaçait l’Eglise de Chine, mal préparée, pensait-il, devant « la poussée de la révolution sociale », comme il l’écrivait à Mgr Renault.
Trop déprimé pour continuer son ministère, il quitte le Szetchoan au printemps de 1936 et prend quelques mois de repos à Shanghai puis à Hongkong dans la Maison de Nazareth. Ce séjour lui fait du bien et il peut entreprendre le voyage de France où il arrive vers la fin de 1936.
En France
Placé comme prêtre auxiliaire dans une maison de repos à Vernon, il y reste près de deux ans. S’estimant guéri, il envisage de rentrer à Suifu. Mgr Renault lui écrit d’attendre que sa santé soit parfaitement rétablie, sans risque de rechute. Il songe alors à prendre du ministère dans le diocèse de Meaux, mais le P. Robert, alors Supérieur général, qui l’a toujours eu en grande estime, le nomme professeur à Ménil-Flin où il passe l’année scolaire 1938-1939.
Il ne semble pas avoir eu beaucoup de goût pour l’enseignement et la vie sédentaire. La seconde guerre mondiale va le rendre à la vie active. Dès le mois de septembre 1939, il est mobilisé comme infirmier, pense-t-on, mais on manque de renseignements sur sa vie militaire... En septembre 1940, il se trouve dans la région parisienne. C’est alors que le P. Robert l’envoie à Dormans, dans la vallée de la Marne.
A Dormans
A la fin de 1918, il s’était formé une Association pour élever un « Mémorial » aux combattants tombés pendant la bataille de la Marne et « prier pour tous les militaires français et alliés morts à la guerre 1914-1918 ». En 1922, à l’initiative de Mgr de Guébriant, les Missions Etrangères acceptent d’assurer le service de la Chapelle du Souvenir pour un bail de 25 ans.
Le premier chapelain est le P. Roulland, ancien missionnaire de Chungking d’où il avait correspondu avec Thérèse de Lisieux. En même temps il est chargé avec le P. Bréas de former à la vie religieuse les candidats Frères des Missions Etrangères. De santé précaire, il tint pourtant 12 ans. Décédé le 12 juin 1934, il est enterré le 14 juin dans le cimetière de Dormans. Plusieurs confrères lui succédèrent. En 1940, les Pères Depierre et Bréas occupaient la maison. Fuyant les bombardements et l’avance de l’armée allemande, ils se trouvèrent en zone libre au moment de l’armistice. Les Allemands occupent le château et ses dépendances. Le 20 septembre 1940, l’abbé Pelliot, curé de Dormans, écrit au P. Robert pour lui demander de rappeler les Pères Depierre et Bréas. Ne pouvant toucher ces deux confrères, le P. Robert écrit au P. Renou de se rendre à Dormans. Le Père s’y rend le 24 septembre, prend contact avec M. le Curé et le commandant allemand, puis le 26 septembre il revient à Paris pour rendre compte de sa mission au P. Robert.
Au début de novembre, sur ordre du P. Robert, il retourne à Dormans et obtient du commandant allemand l’usage de la chapelle avec une chambre pour lui, à partir du 8 novembre. Il fait réparer la chapelle et s’installe près des occupants. Le commandant allemand se montre d’une correction parfaite à son égard ; apprenant que le Père avait été missionnaire en Chine, il lui confie qu’il avait rêvé lui aussi d’aller en Chine comme pasteur, mais, qu’à son grand regret, des affaires de famille l’avaient empêché de réaliser ses désirs. C’est dire qu’il n’était pas nazi. Il savait bien que son voisin écoutait les émissions de la B.B.C. mais il fermait les yeux, sinon les oreilles.
Grâce à ses relations courtoises avec le commandant allemand, le P. Renou put rendre de signalés services à ses compatriotes, en particulier au vicaire de la paroisse soupçonné de travailler pour la résistance. En 1944, il fit partir des enfants juifs, cachés à Dormans et dénoncés par des traîtres. Cette fois, c’était grave ! Le commandant allemand le fit appeler et lui conseilla de partir au plus vite. Ce qu’il fit en mai 1944. Ce fut le commandant qui paya : envoyé sur le front des Vosges, il tomba au combat pour sa patrie. Grâce à cet homme de bien, le Père Renou avait pu sauver des vies françaises. De ces années dangereuses il avait gardé un tel souvenir qu’il voulut être enterré à Dormans auprès du P. Roulland, son compatriote normand.
Caché à Paris, le P. Renou échappe aux recherches de la Gestapo. Dès qu’il le peut, il demande à s’engager comme aumônier militaire. Toujours bienveillant à son égard, le P. Robert le lui permet pour un an. A l’armée il n’oublie pas Dormans. De Strasbourg il écrit au P. Robert le 11 septembre 1945 qu’il se prépare à remettre en état « notre propriété de Dormans ». Il rêve de faire de la Chapelle du Souvenir un lieu de pèlerinage qui lui donnerait « l’occasion d’exercer un fructueux apostolat auprès de la jeunesse française ». En octobre 1945, au terme de son contrat d’aumônier, il retourne à Dormans ; il y reste encore plus d’un an jusqu’au printemps 1947, époque où se termine le bail de 25 ans consenti aux Missions Etrangères.
Retour à Suif u
Pendant ce temps, son ami d’enfance, René Boisguérin, était devenu Vicaire apostolique de Suifu et avait été sacré le 1er mai 1946. Jamais le P. Renou n’avait oublié le Szetchoan et sa chère mission de Suifu. La nomination de son ami à la tête du Vicariat apostolique ravive son désir de revoir la Chine. Vers le début de 1948 il est de retour à Suifu où il est accueilli avec la joie la plus vive par ses amis d’autrefois. Pourtant il ne réussit pas à se réacclimater. Déjà la première fois, quand il était plus jeune, il avait mal supporté les chaleurs de l’été ; après 12 ans d’absence, il ne pouvait espérer mieux réussir. De plus la situation des missions de Chine s’aggravait de mois en mois car les armées de Mao tse tong avaient commencé leur marche vers la victoire.
L’été de 1948 se passa sans trop de dommages. Il n’en fut pas de même en 1949. Au début de l’été il fait une sorte de dépression nerveuse qui agit sur le cœur et sur l’estomac ; dépérissant à vue d’œil, il fut obligé de partir. Le 3 août, il quitte Suifu pour Hongkong où il est hospitalisé. Il était temps : en deux mois, il avait perdu 22 kilos. Après un séjour de plusieurs mois à l’hôpital Ste-Thérèse, puis à Nazareth, il s’embarque sur la « Marseillaise » pour arriver en France le 30 décembre 1949. A cette date, la mission de Suifu et presque toute la Chine avaient basculé dans l’univers communiste.
Au Foyer des Etudiants d’Extrême-Orient
Le P. Renou s’était sérieusement soigné à Hongkong. Quelques mois en France suffirent pour le remettre complètement sur pied. Aussi le 5 avril 1950 est-il nommé par le Conseil central de la Société comme Directeur du Foyer des Etudiants d’Extrême-Orient à Paris avec le P. Maurice Quéguiner comme conseiller temporaire. Il restera 25 ans à la tête de cette œuvre, jusqu’au bout de ses forces, en juin 1975.
A l’origine de ce Foyer, on trouve encore Mgr de Guébriant. Voyant de nombreux étudiants chinois abandonnés à eux-mêmes, exposés à toutes sortes de dangers, il fonda un Foyer chinois le 24 juillet 1925 et le confia au P. Mollat, ancien missionnaire de Canton. Celui-ci, avec l’aide de la Société des Missions Etrangères et de la Propagande, acquiert une propriété à Bourg-la-Reine et inaugure le nouveau foyer le 3 janvier 1926. Il n’est plus réservé aux seuls étudiants chinois ; il accueille aussi des Vietnamiens et d’autres étudiants originaires de différents pays d’Extrême-Orient. En 1929, le P. Lévêque, ancien de Canton lui aussi, succède au Père Mollat. Sur le conseil du P. Robert, en 1935, après la mort de Mgr de Guébriant, il transfère le Foyer en plein quartier latin. Il s’installe, au fil des années, dans divers immeubles pour venir se fixer au 16 de la rue Royer-Collard. Bientôt la guerre tarit les ressources : le foyer végète. La tourmente passée, courageusement le P. Lévêque relance les activités de cette œuvre jusqu’en 1950, date à laquelle le P. Renou lui succède et prend l’affaire en main.
Le P. Renou est donc le troisième directeur du Foyer. Durant 25 ans, assisté de sa cousine, Mademoiselle Hausseray, et de plusieurs secrétaires, il met tout son cœur et sa belle intelligence au service de cette œuvre et ce au milieu de toutes sortes de difficultés, surtout d’ordre financier. Pour le service de ses étudiants, il noue des relations avec une foule de gens ; son savoir-faire, sa facilité de parole, son aisance avec tous, sa politesse raffinée lui ouvrent partout les portes et les cœurs. Son temps se passe soit à l’accueil, soit en courses dans les Ministères ou Services publics divers ; il est tellement pris par son travail qu’il renonce trop souvent à s’accorder des vacances malgré les conseils de ses amis. Mais on ne peut retracer sa vie durant ces 25 ans ; toutes ses journées se ressemblent ou à peu près. Certes il aurait eu de nombreuses anecdotes à raconter ; s’il avait écrit ses souvenirs, il aurait laissé une œuvre aussi savoureuse que passionnante, car c’était un merveilleux conteur.
Sur sa vie spirituelle il était réservé. Chaque matin il célébrait la messe dans une communauté religieuse rue Gay-Lussac, à deux pas du Foyer. Si on le surprenait assez tôt le matin chez lui, on le trouvait en train de réciter son bréviaire. Mais il avait trop de délicatesse pour étaler, même devant ses amis, ses relations avec le Seigneur. Par contre, il aimait parler de l’Eglise. Il avait connu une des périodes les plus passionnantes de son histoire : jeune aspirant-missionnaire, l’esprit ouvert aux questions philosophiques, il s’était emballé pour le P. Sanson et sa métaphysique de la charité ; il avait lu les ouvrages de Laberthonnière, si bien qu’il passait pour un esprit avancé, en ces temps lointains, très lointains. Arrivé à l’âge mûr, il souriait de ces emballements de jeunesse : « peccatum juventutis meae », aimait-il à dire après Mgr de Guébriant. Au cours de sa vie agitée, il avait acquis trop d’expérience, avait fréquenté trop de monde, pour se laisser séduire si facilement.
Dans le bouillonnement des idées actuelles il était plutôt du côté de la tradition, de tendance conservatrice. Il avait suivi avec un intérêt passionné les efforts de Jean XXIII pour l’aggiornamento de l’Eglise. Mais il ne pouvait souffrir ceux qui rejetaient le Concile de Trente, dogmatique s’il en fût, pour ne retenir que Vatican II, alors que ce dernier Concile s’était voulu purement pastoral. Il s’amusait de certaines tendances modernes. Un dimanche, selon son habitude, il assistait à la messe en clergyman au milieu des fidèles dans une église de Paris. C’était bien avant les conférences du P. Bro sur le « Pouvoir du Mal » Après l’évangile, un jeune prêtre prêcha sur la Croix ou plus exactement contre la Croix. La religion chrétienne, disait-il, est une religion pascale ; nous sommes ressuscités avec le Christ. Cela est vrai, mais ce n’est pas une raison pour se croire déjà assis au banquet céleste. Agacée par ces propos, une dame, sa voisine, se penche vers lui et lui murmure à l’oreille : « On voit bien qu’il n’a jamais eu mal au ventre, celui-là ».
Le P. Renou savait, lui, que le salut de l’homme et du monde passe par la Croix ; il avait vu trop de misères et de souffrances ici-bas pour l’oublier. Et voici qu’à son tour il va vivre dans sa chair ce mystère de la Croix.
Au début de 1974, en descendant de voiture, il s’empêtre dans la ceinture de sécurité et fait une chute. Depuis lors il éprouve une gêne à la colonne vertébrale, gêne qui s’aggrave avec le temps. Tout d’abord cela se traduit par une fatigue plus grande à la marche ; bientôt il lui faut s’appuyer sur une canne pour ne pas tomber. En 1975, incapable de poursuivre son ministère, il donne sa démission et est remplacé par le Père Elhorga. Il ressent douloureusement la séparation d’avec son Foyer ; du moins a-t-il la consolation de voir son œuvre continuer sous un nouveau nom : « Centre France-Asie ».
Il se retire dans un appartement Rue de Tocqueville où il a la joie de recevoir ses anciens élèves et ses nombreux amis. Hélas ! la maladie suit son cours ; il lui faut la petite voiturette d’infirme ....et enfin le lit. Plusieurs docteurs le traitent. En 1976, il fait un séjour à l’hôpital Lariboisière sans résultat : la paralysie continue sa progression inexorable. La position couchée provoque des escarres qui le font cruellement souffrir. Au printemps 1977, un séjour sur la Côte d’Azur ne le soulage pas. Rentré à Paris, il fait des crises de hoquet qui l’épuisent. Durant tout ce temps, Mademoiselle Hausseray, ancienne infirmière, le soigne avec autant de dévouement que de compétence. Elle ne peut que retarder l’issue fatale. Le 1er octobre 1977, il expire après une crise de toux.
Les obsèques ont lieu à l’église St-François-de-Sales le 6 octobre en présence d’une foule nombreuse d’amis français et asiatiques. Monseigneur Boisguérin, très ému, assisté des Pères Dozance et Elhorga, préside la cérémonie religieuse avec 28 concélébrants. Monseigneur Pézeril représente le Cardinal Marty ; Monseigneur Gouet, des Œuvres Pontificales, assiste également à la cérémonie. Le P. Dozance fait l’allocution d’usage rappelant l’amour du P. Renou pour la Chine et le peuple chinois, son dévouement aux étudiants asiatiques, sa patience à écouter les besoins des autres, sa courtoisie digne de la Chine et pour finir sa souffrance qui devait l’identifier au « Christ rédempteur ».
Comme on l’a dit ci-dessus, il avait voulu être enterré à Dormans. De nombreux amis dont une moitié d’Asiatiques accompagnèrent le corps jusqu’au lieu du repos final. Mgr Piérard, ancien évêque de Châlons, le curé de la paroisse, les Pères Salésiens chargés du Mémorial, l’accueillirent à la chapelle et après l’absoute le conduisirent au cimetière. Ses amis, surtout asiatiques, avaient apporté une véritable montagne de fleurs auxquelles s’ajoutait, en un témoignage tout à fait particulier, la gerbe de Madame Lévy, cette Israélite sauvée avec son frère par le R. Renou pendant la guerre.
Et maintenant il repose avec les Pères Roulland et Bonvent des Missions Etrangères dans le cimetière de Dormans, face aux collines qui dominent l’admirable vallée de la Marne, en attendant la Résurrection.
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