Alfred MERCIER1905 - 1977
- Status : Prêtre
- Identifier : 3412
Identity
Birth
Death
Other informations
Missions
- Country :
- Japan
- Mission area :
- 1930 - 1977 (Osaka)
Biography
[3412] MERCIER Alfred, Louis, Joseph, est né le 19 février 1905 à Quesnoy-sur-Deule, au diocèse de Cambrai (actuellement diocèse de Lille, Nord). Il fit ses études primaires à l'école catholique de sa ville natale et ses études secondaires à Tourcoing, puis à Hazebrouk. En 1923, il entra au Grand Séminaire à Haubourdin, et, le 12 septembre 1924, il devint aspirant au Séminaire de Bièvres. Ordonné sous-diacre le 29 juin 1929, diacre le 12 décembre, il reçut l'onction sacerdotale le 29 juin 1930. Destiné à la mission d'Osaka, il s'embarqua le 10 septembre et arriva à Kobé le 22 octobre.
Le Père Mercier commença l'étude de la langue à la paroisse de Takatori sous la direction du Père Jupillat. En 1931, Mgr. Castanier le nomma à Nara, et en 1934 à Sumiyoshi, dont il fut le premier titulaire. Trois ans plus tard, en 1937, il fut nommé curé de la paroisse de Shukugawa (Nishinomiya). En 1940 il fut mobilisé à l'ambassade de France. Il y restera trois mois : ce qui plus tard sera une cause de son arrestation par la gendarmerie japonaise. Soupçonné d'espionnage, il fut arrêté le 7 mai 1945. Longuement interrogé, souvent frappé, torturé, souffrant de la faim et de la soif, il ne pouvait ni réciter les prières de l'Église, ni recevoir l'Eucharistie. Cependant, dit-il par la suite, "je pleurais de joie d'avoir le privilège de souffrir comme le Christ". Le 15 août 1945, le jour de la capitulation du Japon, il fut libéré et ramené à Shukugawa. Il pardonna à ses tortionnaires et ne les dénonça pas. Peu à peu il se remit des suites de son arrestation, grâce aux bons soins et au dévouement de ses paroissiens et de nombreuses personnes. En février 1952, le Père Mercier fut nommé à Sanda, un nouveau poste dont il fut le premier responsable. Il revint à Sumiyoshi quatre ans après, en 1956. À deux reprises, il fut nommé supérieur local : en 1953 et en 1964. En janvier 1961, il assuma la charge de curé de la paroisse de Suma, puis en 1966, il devint curé de Nada. Mgr. Taguchi le prit comme conseiller diocésain en 1972. Il dut cependant se reposer quelque temps au monastère des Trappistines de Nishinomiya. Nommé en 1977 curé de la paroisse de Shimoyamate, il se réjouissait de pouvoir encore être utile. Mais une paralysie intestinale incurable nécessita une hospitalisation immédiate. Opéré le 19 août, il s'endormit dans la paix du Seigneur, trois jours plus tard, le 22 août 1977.
Obituary
Père Alfred MERCIER
Missionnaire d’Osaka
1905 - 1977
Né le 19 février 1905 à Quesnoy-sur-Deule (Nord), diocèse de Cambrai.
Entré aux Missions Etrangères le 12 septembre 1924.
Prêtre le 15 mars 1930.
Parti pour Osaka le 8 septembre 1930.
En Mission à Osaka de 1930 à 1977.
Décédé à Kôbé le 22 août 1977.
Enfance et formation
Les compagnes de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus se demandaient ce qu’on pourrait bien écrire d’elle après sa mort, tant sa vie leur avait semblé ordinaire. Apparemment, la vie du Père MERCIER pourrait laisser la même impression superficielle. Cela tient peut-être à ses origines : à l’instar des plaines de Flandre sans grand relief, l’équilibre de ses qualités naturelles, n’en laissait émerger aucune.
Né à Quesnoy-sur-Deule, le 19 février 1905, d’une famille de neuf frères et sœurs, où la prière en famille, matin et soir, était de tradition, ses parents furent de simples et honnêtes paysans, tout de droiture et de ténacité courageuse dans l’effort. Lui aussi fut un homme simple et paisible cheminant discrètement dans la vie sur la voie du devoir quotidien, au service de Dieu et des autres jusqu’au total oubli de soi.
Depuis son village de 4.500 âmes, il devait parcourir à pied 5 km pour atteindre l’école catholique tenue par des religieuses où il entendait parler des missions par « trois prêtres modèles » chargés de la formation religieuse. De nombreuses vocations y germèrent (29 prêtres vivants lors de son départ !). La sienne date de la fin de ses études primaires. Il s’en ouvrit à ses parents qui lui répondirent : « Si c’est la volonté de Dieu ! » Sa vocation missionnaire se précisa durant ses études secondaires à Tourcoing, puis à Hazebrouck, grâce à des récits missionnaires. Sur le conseil de son curé, il prit contact avec le Père Destombes, alors aspirant, et entra au séminaire de Bièvres en septembre 1924. A la prière du soir, le jour de la rentrée, je fus vivement impressionné par l’attitude de ce nouvel aspirant agenouillé juste en face de moi, bras croisés et yeux clos, comme plongé déjà dans une prière d’offrande de lui-même au Seigneur. Les fonctions honorifiques de sacristain et de réglementaire lui furent bientôt confiées. Au cours de ces années, 18 mois de service militaire lui furent profitables, tant physiquement que surnaturellement, comme il aimait le dire lui-même et la douloureuse épreuve d’un père subitement immobilisé par une atteinte de paralysie ne modifia en rien sa décision.
A Paris, il fut choisi par les Directeurs pour servir de « modèle » au sculpteur de la statue de Théophane Vénard, placée sur la gauche de l’autel de la Vierge, dans la chapelle du séminaire. Comme à Bièvres, il fut l’aspirant exemplaire à tous égards et conquit l’estime générale. Il y fut ordonné prêtre par Mgr de Guébriant, avec 16 confrères, le 29 juin 1930, fête des saints apôtres Pierre et Paul, et reçut le soir même se destination pour le Japon et le diocèse d’Osaka. Malgré la possibilité, chaque année, d’un mois de vacances en famille, il ne rentra au pays natal que pour le mois d’adieux aux siens, après la prêtrise. Rentré à Paris pour les derniers préparatifs, il s’embarqua à Marseille de 10 septembre et débarqua à Kôbé le 22 octobre, après 42 jours de traversée.
Le Japon
Affecté pour un an à la paroisse de Takatori, il s’appliqua, aidé par le Père Jupillat et le catéchiste, à l’étude de la difficile langue japonaise, qu’il continua pendant quelques mois à l’évêché d’Osaka (Kawaguchi). A la mort du Père Villion, il fut envoyé à Nara (89 chrétiens) où la pauvre fut bientôt remplacée par une église de style bouddhique, suivant le désir des autorités locales, pour ne pas déparer l’aspect de cette ville aux nombreux temples, et sur un terrain mieux situé. En 1935, il fonda la paroisse de Sumiyoshi, d’abord dans une maison particulière à Mikage, où il resta seulement deux ans. La mort subite du Père Nagata, vénérable et saint prêtre japonais qui perdit connaissance en distribuant la sainte communion à la messe du dimanche, décida en 1937, de son changement pour l’importante paroisse de Shukugawa, dont il fut le curé jusqu’à l’issue de la guerre. Ce fut la période la plus importante et fructueuse de sa vie, comme aussi la plus douloureuse et méritoire pendant son emprisonnement de 101 jours à la gendarmerie d’Amagasaki. Il conviendrait d’inclure ici la longue relation qu’il fit de sa détention, sur le désir de sa mère et le conseil de son supérieur. Nous en résumerons l’essentiel. Il précise lui-même : « Je me suis décidé à rédiger ce compte rendu.... pour montrer les bons côtés de cet épisode qui, sans cela, resteraient inconnus ; je l’ai fait tout simplement.... ».
Arrestation
Soupçonné d’espionnage, il fut arrêté le 7 mai 1945, dès 7 heures du matin et incarcéré à la gendarmerie d’Amagasaki, dans une cellule-cage de 1 m 45 sur 2, y compris les W.C., avec plusieurs autres détenus. Tandis que ceux-ci subissaient chaque jour deux interrogatoires de deux heures chacun, il n’eut qu’à rester immobile assis sur les talons jusqu’au 14 mai. « As-tu réfléchi ? » (à tes activités d’espionnage) était la seule question qui lui fut posée pendant cette période. C’est parce qu’on fouillait minutieusement les locaux du presbytère et toutes ses affaires personnelles jusque dans les plafonds et sous les planchers, sans pourtant y découvrir le moindre document compromettant. Les deux familles de son personnel furent également fouillées et interrogées sans meilleurs résultats. « Je profitais de ce temps de repos et de silence pour faire ma retraite annuelle », précise-t-il, en toute paix du cœur. A partir du 14 mai, les interrogatoires bi-quotidiens commencèrent aussi pour lui, toujours semblables, plus d’une centaine de fois. Son bourreau, monté sur ses reins, accompagnait de coups de bâton sur la tête l’invariable question : « As-tu réfléchi » pour le forcer à avouer. Ses réponses, évidemment négatives, faisaient redoubler les coups. Ce triste individu agissait en cela plus par haine de l’étranger que par devoir professionnel, le reste du personnel, bien plus sévère, était plus humain. Les soupçons eurent d’abord pour cause sa mobilisation à l’ambassade de Tokyô pendant trois mois, au début de la guerre, où il devait lire les journaux et signaler les articles intéressants. (La gendarmerie supposa qu’il y suivit des cours d’espionnage). Ensuite, après son retour dans sa paroisse, les locaux et la crypte de l’église avaient été réquisitionnés par la marine. Son zèle à visiter ses paroissiens et les malades de plusieurs hôpitaux isolés l’amenèrent à des allées et venues nombreuses a un moment où furent coulés plusieurs navires. La police pensa que ces déplacements avaient pour but d’obtenir des renseignements, ensuite transmis aux Français. Les Japonais d’alors jugeant les autres d’après eux-mêmes, ne pouvaient croire, qu’en temps de guerre, un étranger ne travaille pas pour son pays, ni qu’un missionnaire donne la priorité à la religion sur le patriotisme. A chaque alerte, on enchaînait les détenus par groupes de cinq pour les conduire à l’abri dans la cour, heureuse occasion d’une bouffée d’air pur. De retour en cellule, un vendredi soir, il pensa : « Comme le divin Maître, me voilà ligoté.... J’en pleurais de joie d’avoir le privilège de souffrir comme Lui et avec Lui.... beau sujet de méditation ! »
Au début, en plus d’une boulette de riz à chaque repas, il put recevoir des suppléments, prélevés par ses paroissiens sur leur médiocre ravitaillement, mais il dut bientôt souffrir cruellement de la faim et de la soif, surtout en été, sans parler des moustiques, puces et punaises, du manque total des plus élémentaires soins de propreté. Couvert de sueur et de crasse, presque nu, barbe et cheveux longs et hirsutes, il se proposait parfois pour nettoyer les W.C. et en profitait pour se laver au robinet. Au commencement, il priait pour sa délivrance, mais réflexion faite, il conclut : « qu’il était plus utile au salut des âmes que je reste prisonnier en offrant généreusement mes souffrances ». La plus grande de toutes ces souffrances était la privation du bréviaire, de la Messe et surtout de la sainte Communion. « Pour remplacer la Messe, j’en récitais intérieurement les prières que je savais par cœur et faisais la Communion spirituelle. Un jour je me risquai à demander, qu’avec les suppléments de nourriture, on m’apporta aussi le « Pain d’autel », ce qui fut alors irréalisable. Il lui fallut attendre le 3 juillet, peu après la courageuse visite des PP. Yamanaka et Furuya, qui durent cette faveur à l’intervention d’un capitaine catholique de gendarmerie. Ce matin-là, le sergent plus compréhensif qui l’interrogeait lui demanda s’il désirait communier. « C’est alors qu’un messager vint annoncer la visite du Père Maeda, mon vicaire, qui m’apportait la sainte Communion. On l’introduisit dans un lieu convenable et le sergent eut la délicatesse de m’enlever les menottes... Je ne me contenais plus de joie.... Fortifié et consolé, Dieu m’avait donné les grâces nécessaires pour supporter les souffrances qui, jusqu’au 19 juillet, devaient s’accroître dans des proportions insoupçonnées ».
Si la visite des PP. japonais lui valut d’avoir pu communier et contribua à faire douter le sergent de sa culpabilité, elle intensifia encore davantage la haine de son bourreau et la rigueur des tortures. On lui affirmait que plusieurs de ses confrères, arrêtés et torturés comme lui, avaient avoué avoir collaboré avec lui. Il eut la preuve de ces mensonges sur présentation d’un soi-disant document signé trois jours plus tôt par le Commandant Thiébault, alors qu’il le savait mort depuis trois ans ! Ce dernier périt en mer au cours d’une mission, son bateau ayant été torpillé. Outre les coups de bâton sur sa pauvre tête, on l’obligeait à se tenir tête en bas et pieds au mur ; on le faisait asseoir sur les talons, une pièce de bois sous les cuisses, assez longue pour que les deux gendarmes, montés à chaque extrémité, la transforment en balançoire. Tout cela pour l’obliger à avouer, ce à quoi, il ne consentit jamais. « Aussi, je me préparais à la mort ». Les gendarmes, étonnés de son calme, lui demandèrent s’il ne craignait pas la mort. « Pourquoi, répondit-il, je suis toujours prêt ». Il ne fut jamais frappé par les sergents, sinon légèrement. « Avec eux, je pouvais m’expliquer... Interrogé sur ce que j’enseignais aux catéchumènes, je leur parlais de l’existence de Dieu ; ils m’écoutaient sans m’interrompre ».
Les gendarmes, déconcertés par la sincérité de ses réponses, totalement dépourvues de contradiction, semblaient commencer à admettre son innocence : « Votre cas est difficile, lui confiaient-ils ; nous ne pouvons vous relâcher, parce que, sans avoir de preuves de votre culpabilité, nous avons cependant des soupçons, et vous, vous ne pouvez pas prouver que vous n’avez pas fait d’espionnage ». Ce à quoi je répondis : vous n’avez qu’à me croire sur parole.... Si vous n’avez pas confiance en moi, interrogez n’importe qui, catholique ou païen, quelqu’un qui me connaisse et en qui vous avez confiance. Je suis sûr que personne ne m’accusera d’espionnage ». Ils me répondirent : « Inutile de les interroger, ils me répondront que Mercier est un homme irréprochable, mais qu’ils ignorent s’il a fait de l’espionnage ».
La semaine du 16 au 22 juillet fut la plus pénible... Il ne s’agissait plus d’interrogatoires, mais de séances de tortures qui duraient environ deux heures ». La gendarmerie, sachant la défaite imminente du Japon, voulait à tout prix des aveux arrachés sous la torture. A plat ventre sur le plancher, la tête dans la poussière ou appuyée sur mes chaînes, ils dansaient sur mes reins avec leurs grosses bottes, me piétinaient, me battaient de verges.... C’est durant ce supplice que deux plaies se formèrent aux hanches, occasionnées par le frottement sur le plancher, lorsqu’ils me basculaient avec leurs pieds. Mon bourreau, faute de graisse fondue, dont il voulait m’asperger, s’amusa à me faire de petites brûlures de cigarette sur les jambes ».
Le 16 juillet, il fut encore réconforté par la sainte Communion que, pour la deuxième fois, lui apporta le Père Maeda. « Le 19, on me demanda de chanter un cantique ; couché sur le ventre, je me mis à chanter le Magnificat... en le faisant traîner pour épargner les coups ». Le 22 juillet, un sergent lui demanda : « A supposer qu’on vous fasse souffrir ainsi jusqu’à la mort, finiriez-vous par faire des aveux ? » Le Père répondit : « Faites de moi ce que vous voudrez, tuez-moi si vous le désirez, je n’ajouterai rien à ce que j’ai dit ». De jour en jour il fut autorisé à prendre enfin la position qui lui convenait et à signer un rapport. Ses plaies furent enfin soignées et les tortures cessèrent. Les prisonniers purent sortir 3/4 d’heure chaque jour et se laver. Vraisemblablement, il y avait quelque chose de changé. « La sainte Vierge viendrait-elle me délivrer le jour de la sa fête ? (Assomption) », espère-t-il.
Ce 15 août, à midi, tous, prisonniers y compris, se tinrent au garde-à-vous pour écouter le discours de l’Empereur, mettant fin à la guerre : la sainte Vierge le délivrait en ce jour !
Libéré
Vers 2 heures, on lui coupa les cheveux et on le rasa, puis le meilleur de-s sergents lui dit : « Aujourd’hui, je vous renvoie, vous êtes libre ». Son martyre finissait enfin ! Après un bon repas, un camion réquisitionné le ramena à la paroisse, accompagné de son tortionnaire et des deux sergents. Sur le parcours, il put constater que 70 % des maisons étaient détruites. Quelle joie de retrouver l’église intacte. Les PP. Maeda et Nishida, avec un groupe de paroissiens, m’attendaient à la porte. Avant d’y entrer pour remercier Dieu, je me retournai vers le sergent et lui serrai la main... Ce geste le toucha, il se mit à pleurer et dit aux personnes présentes : « Vraiment Mercier était innocent… prenez bien soin de lui pour qu’il se remette rapidement ». La force de la vérité avait triomphé de la brutalité et de la haine.
Chaleureusement recueilli pendant de longues semaines par une famille chrétienne fervente et grâce aux soins de nombreuses personnes, un médecin militaire japonais, un docteur de Kôbé envoyé par le Père Unterwald, le Consul de France et ses paroissiens, il reprit rapidement des forces. En octobre, les Américains récemment débarqués lui firent une transfusion de sang et lui fournirent tout le nécessaire. Avec une reconnaissance émue, il apprit que durant tout son emprisonnement, une Messe quotidienne avait été célébrée à son intention et même qu’une personne avait offert sa vie pour qu’il revienne vivant, que des démarches, pourtant très compromettantes, avaient été faites en sa faveur par deux évêques japonais. Etonné d’apprendre que tant de personnes avaient osé, en pleine guerre, intervenir pour un étranger soupçonné d’espionnage, il lui fut répondu : « Père, votre arrestation était une honte pour le Japon ». Après tant de souffrances physiques et morales, il conclut avec magnanimité : « Je garde de tout ce qui s’est passé le souvenir de la sympathie qui m’a été témoignée par tant de personnes. Je craignais que mon arrestation n’ait eu de mauvais effets.... Il n’en fut rien, au contraire, les gendarmes eux-mêmes purent constater que les missionnaires ne sont pas des espions. Comme vengeance, c’est tout ce que je souhaite à ceux qui furent les instruments de mon épreuve. ...C’est un sentiment de reconnaissance que je tiens à exprimer à Dieu. Je ne me suis jamais senti si près de Lui qu’en ces jours-là et, s’il m’a retiré vivant de la gendarmerie, il est bien juste que je travaille plus généreusement à son service ». Le Père Mercier évite, intentionnellement d’ajouter qu’un jour, son bourreau vint humblement le supplier de ne pas le dénoncer à l’armée américaine, ce à quoi il répondit : « Soyez tranquille, je ne dirai pas un mot ». Quel exemple de pardon des injures et d’amour des ennemis !
Sanda
En toute simplicité, il reprit la direction de sa paroisse jusqu’à sa nomination à Sanda, alors petite ville de campagne au nord de Kôbé, dont il fut le fondateur en février 1952. A Sanda, il intensifia les visites aux tuberculeux de l’hôpital, commencées naguère depuis Shukugawa ; ses causeries religieuses obtinrent avec le temps d’assez nombreux baptêmes, et il acquit un terrain destiné au cimetière catholique. En fin septembre 1956, il redevint curé de Sumiyoshi qu’il avait fondé en 1935 et dont l’église avait disparu sous les bombes. Nommé par deux fois Supérieur local, il assuma avec calme et charité les responsabilités et difficultés inhérentes à cette charge, sans que son humilité ni sa simplicité n’en subissent quelque atteinte. Ce n’est qu’à l’expiration de son premier mandat, qu’après 30 ans de Japon, il partit en congé. La presse locale rendit compte assez longuement de son passage, comme aussi des conférences et projections qu’il ne manqua pas d’y faire. En janvier 1961, nouveau changement pour la paroisse de Suma, à l’ouest de Kôbé fondée après la guerre, mais installée à neuf sur un nouveau terrain par le P. Froidevaux. Il n’y resta que deux ans, pour prendre en charge son dernier poste en ville de Kôbé à Nada. Comme partout ailleurs, il accepta bien d’autres occupations : confesseur de religieuses et prédicateur de retraites, conférences dans les communautés et écoles catholiques, causeries hebdomadaires aux mamans des enfants de l’école maternelle, professeur de religion à l’Université diocésaine, où ses explications des Evangiles devinrent le texte des 3 volumes qu’il fit éditer par la suite. Il ne savait rien refuser. Une religieuse écrit : « Lui ayant demandé un service en m’excusant de le prendre de court : cela ne fait rien, répondit-il, j’ai pris la résolution de toujours dire oui.… et Dieu s’arrange pour que je puisse faire ce qu’on me demande ». Choisi par Mgr Taguchi comme conseiller diocésain, celui-ci l’en remercia en ces termes le 14 janvier 1972 : « Vraiment vous avez travaillé jusqu’ici.... dans ce diocèse avec esprit de sacrifice, de générosité et de foi profonde et vous avez coopéré toujours efficacement à l’administration du diocèse comme conseiller diocésain.... Je ne sais comment et combien vous remercier ».
Ancien réglementaire, il resta, toute sa vie, même en vacances, fidèle au lever dès 5 heures du matin. Ponctuel en tout et ne s’accordant guère de distractions ni de repos. Là est le secret de tant d’activités consciencieusement assumées, d’où la prière n’était jamais absente. Dépourvu de tout artifice ou duplicité, il restait exactement le même, seul comme on compagnie. Son regard à la fois réfléchi et lointain le révélait comme étant sans cesse sous le regard de Dieu et le contrôle de sa conscience. Ce n’était pas un expansif, ses mercis étaient sincères, mais il ne savait pas les extérioriser « à la japonaise » par des courbettes et des sourires. Il savait dire des bons mots, mais n’en disait jamais. Très sensible malgré les apparences, jamais parole blessante n’effleura ses lèvres, tant il se possédait ! Seul un léger frémissement du nez révélait son combat intime ou son émotion.
Repos
Quoi d’étonnant si après tant de souffrances, de tortures subies et devenu septuagénaire, après une vie de travail intense, sans repos suffisant, la fatigue altéra sa robuste santé ? Remarquant, depuis longtemps ses traits tirés et l’épuisement qu’exprimait son visage, je lui conseillais souvent de se reposer. « C’est vrai, disait-il, que maintenant il me faut le double de temps pour un même travail ». Qui sait, si les centaines de coups reçus sur la tête, ne furent pas aussi la cause d’une atteinte précoce de sénilité ? Ses paroissiens s’en aperçurent : absences de mémoire, lenteur dans la pensée et l’expression, cherchant les mots, oublis inconscients au cours des cérémonies de la Messe ; la formule d’absolution, tant de fois répétée au cours de sa vie, exigeait maintenant la lecture du texte. Ils le firent examiner par un docteur qui lui imposa un repos absolu. Sur son désir et grâce au dévouement charitable et empressé des Trappistines et de leurs aumôniers, qui avaient pour lui tant de respect et d’affection, il passa des semaines au monastère de Nishinomiya, où de longues siestes et une nourriture appropriée lui rendirent sa vigueur physique. Au cours d’une visite, il me confia : « A ce régime, on deviendrait vite paresseux et égoïste ». Il passa aussi une semaine au monastère de Nasu (diocèse de Sandai). Les religieuses le prièrent de leur raconter sa vie au Japon. Comme je lui demandai s’il avait parlé de son emprisonnement : « Oui, répondit-il, mais je n’ai dit que ce qu’il y avait de bien ». Ces quelques paroles résument bien sa personnalité intime et l’élévation de sa vie spirituelle.
Physiquement remis en forme, il se réjouit de venir, sur le conseil de son supérieur, occuper à Shimoyamate les locaux laissés vacants par le retour définitif en France du Père Deyrat, (l’ami de tous, mais aussi handicapé physique), dans l’espoir de pouvoir encore rendre tous les services possibles. Hélas ! quelques semaines plus tard, il dut avouer une constipation prolongée, qui nécessita l’hospitalisation immédiate et une opération urgente. Celle-ci révéla une paralysie intestinale incurable. Il fut opéré dans l’après-midi du vendredi 19 août. L’agonie progressivement douloureuse, se prolongea jusqu’au lundi 22, vers 8 heures 30 du matin. Il avait appris à souffrir : nul doute que jusqu’à la perte de conscience, il n’ait offert à Dieu les douleurs de l’agonie, paisiblement abandonné à sa volonté, comme tout au long de sa vie.
La veillée funèbre et, plus encore, la cérémonie des obsèques le lendemain, réunirent une foule considérable que l’église du Sacré-Cœur ne put contenir. Venue de partout, non par obligation de convenances, mais visiblement émue et fervente, mue par des sentiments de respect, d’admiration, de reconnaissance et d’affection envers celui dont chacun avait tant reçu, la foule fut prise dans une ambiance de profond recueillement et de prière. La Messe fut concélébrée par trois évêques et une bonne cinquantaine de prêtres, mais d’un seul cœur et sans tristesse, tant chacun semblait persuadé que le frère disparu était déjà en possession de la vision béatifique. Les communions furent innombrables. Malgré la pluie et la distance, très nombreuses furent les personnes qui tinrent à assister à l’inhumation au cimetière, situé dans la montagne. Le Père Mercier repose tout à côté de son ami, le Père Mora, décédé l’année précédente et parmi d’autres anciens de notre Société.
De nombreuses citations de lettres seraient à transcrire, tant elles montrent avec sincérité combien il fut unanimement apprécié et aimé. L’une d’elles, d’une religieuse F.E.M. actuellement à Macao, les résume toutes quant aux sentiments exprimés : « La nouvelle de la mort du Père Mercier, notre aumônier si fidèle, si humble et si apostolique, a été un choc pour moi. J’imagine qu’il est mort, comme il a vécu, simplement, humblement, toujours prêt à suivre le plan de Dieu ».
Si, pénétré du souvenir de sa vie exemplaire, on relit les Béatitudes, il apparaît nettement qu’il les pratiqua toutes en perfection. Il fut pauvre en esprit par son détachement de tout, son humilité et sa petitesse. Il fut doux et assoiffé de justice. L’affliction ne lui manqua pas. Il fut miséricordieux jusqu’à l’amour des ennemis ; sa recherche de perfection dans les moindres détails prouvait la pureté de son cœur. Avec tact et charité il fut toujours un artisan de paix et combien ne fut-il pas insulté, calomnié et persécuté de toutes manières, à cause de sa foi au Christ et de son zèle ?
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References
[3412] MERCIER Alfred (1905-1977)
Références biographiques
AME 1930 p. 180. 217. 1933 p. 145. 1934 p. 111 (art.). 1937 p. 134. CR 1930 p. 19. 249. 1932 p. 364. 1933 p. 19. 1936 p. 21. 1937 p. 22. 1939 p. 18. 19. 1940 p. 6. 1948 p. 6. 1949 p. 12. 1950 p. 6. 9. 1951 p. 7. 8. 1952 p. 14. 1953 p. 14. 1957 p. 16. 1960 p. 98. 1961 p.28. 29. 1963 p. 48. 1964 p. 20. 1965 p. 35. 36. 1966 p. 33. 36. 1967 p. 31. 33. 1968 p. 122. 1969 p. 21. 22. 1974-76 p. 29. BME 1924 p. 546. 1930 p. 564. 591. 592. 594. 757. 1931 p. 53. 1932 p. 195. 1933 p. 189. 1934 p. 406. photo p. 815. 1935 p. 41. 496. 1936 p. 503. 1937 p. 113. 785. 1939 p. 702. 845. 1940 p. 108. 1948 p. 155. 1949 p. 33. 549. 694. 1950 p. 430. 1951 p. 40. photo p. 36. 1952 p. 474. 476. 1953 p. 570. 571. 908. 1954 p. 258. 673. 1003. 1955 p. 139. 235. 236. 238. 335. 448. 541. 629. 891. 990. 1956 p. 155. 260. 347. 453. 454. 772sq. 883sq. 1063. 1958 p. 164. 167. 168. 245sq. 534. 735. 1050. 1957 p. 46. 151. 152. 247. 452. 536. 626. 958. 1959 p. 255. 256. 429. 523. 524. 528. 623. 625. 626. 723. 750. 848. 1960 p. 263. 264. 352. 451. 713. 1010. 1961 p. 67. 217. 299. 563. EPI 1962 p. 289. 926. 1963 p. 584. 734. 1964 p. 273. 848. 1965 p. 102. 245. 247. 1967 p. 123. 1969 p. 542 (art.). 1970 p. 363. R.MEP n°115 p. 43. 125 p. 45. 136 p. 79. Enc. PdM. 1P2. 3. ECM janv/fév. 1946 p. 22. 1945 p. 250. 1946 p. 189. EC1 N° 201. 205. 538. 660. 662. 672. 673. 744. NS. 2P41. 4P110. 22/C2. 28/C2. 34P238. 111/C3. 239/137. MEM 1977 p. 84. Lettre au Sup. général. Récit de sa captivité, 24 pages dactylo. (Arch. MEP : DF14).