Jean-Pierre MARTIN1832 - 1886
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0727
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Thaïlande
- Région missionnaire :
- 1859 - 1886
Biographie
[727]. MARTIN, Jean-Pierre, naquit le 17 décembre 1832 à Montmaurin (Haute-Garonne). Il fit ses études classiques au petit séminaire de Montrejeau, et commença ses études théologiques au grand séminaire de Toulouse. Il était tonsuré quand il entra au Séminaire des M.-E. le 18 octobre 1855, fut ordonné prêtre le 29 mai 1858, et envoyé au Siam le 29 août de la même année. Sa formation apostolique achevée, il devint curé de la paroisse de l'Immaculée-Conception à Bangkok ; tout en s'occupant de ce poste, il en fonda un autre à Hatsaké où il éleva un oratoire en l'honneur de sainte Agnès.
Nommé provicaire en 1871, par Mgr Dupond, il devint supérieur de la mission après la mort de l'évêque, et gouverna avec prudence de 1872 à 1875. Mgr Vey le choisit également pour provicaire. Très attaché à sa paroisse qu'il administrait bien, il installa deux écoles, établit l'œuvre de Notre-Dame-de-la-Merci pour venir en aide aux chrétiens tombés dans la misère ou l'esclavage, et fit construire le clocher qui domine l'église de l'Immaculée-Conception. Il mourut du choléra à Bangkok, le 22 avril 1886, et fut enterré dans son église.
Nécrologie
M. MARTIN
PROVICAIRE APOSTOLIQUE DE SIAM
Né………… le17 décembre …1832.
Part……… le 29 août ……1858.
Mort……… le 22 avril ……1886.
« Une intelligence vive, une humilité profonde, une obéissance n'admettant aucune discussion, une charité à toute épreuve, tels sont, écrit M. Perraux, son confrère, les principaux caractères qui distin¬guaient M. Jean-Pierre Martin.
« Né d'une famille de cultivateurs assez à l'aise et craignant Dieu, il se fit remarquer dès son enfance par un caractère ardent, impé¬tueux. Ses espiègleries, ses aventures, ses tours de force joints à ses chutes étaient si nombreux, si fréquents, que sa bonne aïeule répé¬tait toujours que Jean-Pierre ne mourrait pas dans son lit. Un de ses oncles maternels, curé d'une paroisse voisine, discerna tout ce que renfermait de bon cette nature exubérante et le prit avec lui a fin de l'initier aux premiers éléments de la langue latine. Il fut ensuite envoyé au petit séminaire de Montrejeau pour y continuer ses études.
« Ses humanités terminées, il entra au séminaire de philosophie à Toulouse. Il y eut pour directeur le vénérable M. Marshall de Saint-Sulpice pour qui il conserva, jusqu'à la fin de sa vie, une reconnaissance si vive, se traduisant toujours en termes si choisis, si tendres, qu'on sentait de suite combien devait être grande l'affec¬tion que le maître avait su inspirer à son élève. Ce fut à ce digne prêtre qu'il s'ouvrit de sa vocation.
« Il n'éprouvait, a-t-il dit plus tard, aucun attrait pour le ministère paroissial en France et ses aspirations le portaient plutôt à l'apos¬tolat chez les infidèles. Il cherchait cependant encore sa voie, quand il eut occasion d'entendre le P. Lacordaire prêcher, à Saint Sernin, un sermon sur l'amour de Dieu. De retour au séminaire, il se dirigea droit vers la chambre de M. Marshall et lui déclara qu'il voulait être missionnaire.
« Pendant les vacances de la première année de philosophie, il perdit ce bon et pieux directeur appelé à Reims. Le coup lui fut sensible et il fallut plusieurs lettres du saint prêtre pour remettre le cœur en place. Les délais apportés à son départ pour Paris l'affligeaient: il s'en plaignait à son ancien père, lui exposant les raisons qui militaient en sa faveur, raisons qui, selon lui, étaient fortes, solides, voire sans réplique. C'est alors que cet habile maître lui écrivit cette phrase qu'il n'oublia jamais et qui fut pour lui le sujet de nombreuses méditations : « Méfiez-vous de votre expérience de vingt ans. » A la fin de la seconde année de philosophie il eut le plein consentement de son directeur, et son départ pour Paris fut décidé.
« Il passa, comme de coutume, ses vacances au foyer paternel. Rien ne le trahit, et au moment de quitter les siens pour toujours, per¬sonne, pas même sa bonne mère, ne se douta que son départ eût un autre but que le Grand-Séminaire de Toulouse. Il y séjourna en effet quelques jours, puis partit pour Paris.
« Pendant les trois années qu'il passa au Séminaire, tout en étant joyeux, bon condisciple, partisan des exercices fortifiants pour le corps, il fut toujours l'homme de la règle. En vue de se préparer aux privations qu'endure souvent le missionnaire, il s'évertua de toutes les façons, à mater la nature et à vaincre les répugnances qu'elle pourrait avoir. Plusieurs années après son départ on parlait encore, au Séminaire, de ses prouesses en ce genre, mais Dieu seul sait tout ce qu'elles lui avaient coûté. Après l'ordination de la prêtrise il fut destiné à Siam.
« Vers la fin du siècle dernier, Siam avait été agité et désolé par les guerres qui précédèrent et suivirent la ruine de Juthia. Toutes les chrétientés avaient été détruites et dispersées. Il ne restait que celle de Chantaboun, sur la côte orientale du golfe, qui, grâce à son éloignement, s'était trouvée à l'abri de la tourmente. Tout ce qui restait des anciens postes s'était, après que la paix eut été rétablie, réfugié à Bang-Kok, la nouvelle capitale, et depuis ce temps, la mission de Siam s'y trouvait confinée. Là, le pouvoir la tolérait parce que c'était une chose avec laquelle on était habitué à vivre. Quant à en franchir les limites on ne le permettait que sur l'exhibition d'un permis en bonne et due forme. Encore fallait-il faire acte de présence au jour fixé.
« Depuis une quinzaine d'années cependant, plusieurs mission¬naires avaient pu, à la dérobée et avec mille précautions, s'introduire dans quelques endroits de l'extérieur et y former, en cachette, des noyaux de chrétientés chinoises. L'avènement du nouveau roi (1852) avait été le commencement d'une ère de tolérance, enfin le traité conclu en 1856 entre Siam et la France avait mis fin à cet état de choses, et la religion pouvait enfin paraître au grand jour, là où elle s'était introduite en secret. L'évêque pouvait désormais y établir des missionnaires à poste fixe. C'est. ce qui eut lieu. Tous les prêtres à la disposition de Mgr Pallegoix ayant été envoyés dans les districts, il ne restait à pourvoir au commencement de 1859, lors de l'arrivée du P. Martin, que le poste de la Conception à Bang-Kok, alors desservi par un prêtre indigène vieux et infirme.
« Le cher Père obtint de suite l'affection du troupeau confié à sa sollicitude. Il en profita pour améliorer un peu la maison de Dieu, la rendre plus digne de l'Hôte divin qu'elle abrite. Il fit ouvrir de grandes fenêtres qu'il orna de beaux vitraux.
« Quelques-uns de ses chrétiens, en faisant le commerce dans les provinces de l'Est, avaient trouvé, à cinq ou six journées de Bang-Kok, des Cambodgiens avides d'entendre parler de religion. A cette nou¬velle le P. Martin résolut d'aller leur porter l'Evangile. Il y fit de fréquents voyages et eut le bonheur d'en baptiser un bon nombre. Il érigea à Hatsakhe un oratoire en l'honneur de Sainte Agnès et con¬tinua d'administrer ce poste jusqu'au jour où Mgr Vey, espérant qu'un missionnaire en résidence procurerait davantage l'extension du règne de Notre-Seigneur, le confia au zèle d'un autre confrère.
« Nommé Provicaire, en 1871, par Mgr Dupond, le P. Martin prit, après la mort du regretté prélat, la direction de la mission jusqu'au jour où Mgr Vey fut nommé Vicaire apostolique en 1875.
« Cette nomination fut pour lui une nouvelle bien douce et bien agréable. La vie lui parut plus riante et ses épaules se sentirent allégées.
« Sa modestie, en effet, jointe à une certaine timidité, lui causait quelquefois de la crainte. Il était fait, disait-il simplement, pour obéir. Ayant présente à la pensée la parole de l'Ecriture : Vir obediens loquetur victorias, il fut toujours et avant tout un homme d'obéis-sance. Aussi, si quelque reste de la fragilité humaine demeurait encore, au dernier instant, attaché à son âme, je ne doute pas qu'il ne lui ait été remis par Dieu, à cause de l'obéissance qu'il a toujours pratiquée.
« Pour lui, l'autorité était tout. Voulait-on en sa présence se permettre quelque réflexion sur une décision, même de peu d'impor¬tance, lui toujours si doux, si charitable envers tous, on le voyait s'émouvoir et d'un mot ou deux flagellant le délinquant : « Allons, disait-il, vous voulez en savoir « plus que les autres! Moi, je suis pour l'autorité. C'est à elle à répondre de ce qu'elle fait. Cette « notion de l'autorité, très profondément ancrée chez lui, le rendait parfois perplexe, et jugeant les « autres par lui-même, il ne redoutait rien tant que de donner un ordre.
« Mgr Vey ne voulut pas se priver des lumières d'un homme aussi capable qu'il était modeste et défiant de lui-même. Il le nomma son Provicaire.
« La charité fraternelle fut encore une des vertus favorites du cher P. Martin. II se faisait tout à tous, sa société faisait les délices des nouveaux comme des anciens missionnaires. La tristesse tendait ¬elle parfois à s'emparer de vous, il s'en apercevait de suite; son esprit délié donnait vite un tour joyeux à la conversation, il vous narrait une de ses espiègleries d'enfance qui chassait bien loin les idées noires. Le front se déridait malgré vous et la paix rentrait au logis. Quelle joie, quand un confrère de l'extérieur voyait apparaître au loin la barque légendaire du Père provicaire! C'était jour de fête au village, les heures s'écoulaient trop vite; mais au départ, vous sentiez tout le bien que sa visite avait fait à votre âme. Quelle con¬descendance pour les autres ! Votre façon de voir était toujours la bonne pour lui, et c'est à peine s'il consentait à faire connaître la sienne.
« Le cher P. Martin était pour ses chrétiens un véritable père. Si quelqu'un se permettait d'en dire du mal devant lui, il prenait chaudement leur défense envers et contre tous. Il savait par char la généalogie de toutes les familles. Disons de suite qu'il, était payé de retour. En voici une preuve. Un jour le bon P. Martin apprend que l'oratoire d'une nouvelle station, établie à l'extérieur, a été consumé par les flammes: Il doit s'y rendre pour administrer la Confirmation. Il annonce le sinistre à ses chrétiens en même temps que son voyage. Il partait le soir même. Or, quelques jours après, à son arrivée dans le poste incendié, il remettait aux mains du missionnaire une somme très suffisante pour relever l'oratoire, somme que ses chrétiens lui avaient confiée au moment de son départ. Ses ouailles pouvaient, à toute heure du jour ou de la nuit, venir l'importuner pour une affaire ou pour une autre; il les écoutait avec patience, les consolait et tâchait de remédier à tout.
" L'enfance est partout la portion choisie du troupeau, aussi lui prodiguait-il tous ses soins. Pour elle il construisit deux écoles, une pour les garçons, l'autre pour les filles. Chaque mois, il entendait en confession tous les enfants des écoles; deux fois par semaine, il leur expliquait régulièrement le catéchisme. Le chant liturgique faisant ici partie du programme de l'école des garçons, il pouvait se glori¬fier que les siens brillaient par une prononciation latine plus correcte et plus pure qu'ailleurs.
« Une des œuvres du cher Père Martin eut encore pour but le sou¬lagement d'une portion de son troupeau. Notre-Dame de la Merci fut établie pour venir en aide à ceux de ses chrétiens tombés, pour une cause ou pour une autre, dans le misère ou l'esclavage. Bon nombre de familles ont dû à cette œuvre, avec leur retour dans le poste, la conservation de leur foi et probablement leur salut.
« Par ses soin set grâce aux sacrifices que ses chrétiens voulurent à son exemple s'imposer, l'église de l'Immaculée-Conception fut dotée d'un clocher et de trois belles cloches. Un accident, survenu au cours des travaux de construction, faillit tout compromettre. Mais on se remit généreusement à l'œuvre et, le 20 novembre 1885, les cloches, bénites quelques jours avant par Mgr de Géraza, lançaient vers Dieu leur premier chant d'adoration et d'amour:
« Le cher Père devait, on le comprend être aimé de ses chrétiens. Chacun savait qu'il se dépensait tout entier pour tous et que son cœur appartenait à tous. C'est ce qui explique, outre la soudaineté foudroyante de la maladie qui l'a enlevé, toute la douleur qu'ont ressentie ses chrétiens quand la terrible nouvelle s'en répandit dans le camp de la Conception.
« C'était le mercredi saint. Ce jour-là, le cher P. Martin, qui, depuis quelques jours. déjà, se sentait mal à l'aise, s'assit au confes¬sionnal après sa messe, selon son habitude. Il ressentit bientôt les premiers symptômes du choléra, il ne voulut point toutefois abandonner son poste. Homme du devoir, il continua le travail jusque dans la soirée, où les forces lui manquèrent tout à fait. Il consentit alors à laisser avertir le P. Quentric, qui était, à cinq minutes de là, à l'église des Annamites. Lorsque ce confrère arriva, il vit de suite combien la maladie était avancée. Le Père Provicaire demanda à se confesser : « Mettons ordre au plus pressé, « dit-il. » Le P. Quentric lui ayant proposé d'envoyer un exprès à Monseigneur, il n'y voulut point consentir dans la crainte d'affecter Sa Grandeur pour peu de chose. Il indiqua l'endroit où se trouvait son testament en priant de l'expédier chez lui.
« Le docteur mandé en toute hâte près du malade ne put, hélas ! que constater le peu d'espoir qui restait de le sauver. Mgr Vey, arrivé quelques instants auparavant avait déjà pris quelques mesures pour enrayer la maladie, et le bon P. Martin, quoique très agité par la fièvre, au nom de l'obéissance, s'était laissé faire comme un enfant, et demeurait tranquille. Sur les 11 heures, Monseigneur voyant que les remèdes administrés au malade ne produisaient aucun effet et prévoyant le fatal dénouement, lui proposa l'Extrême-Onction qu'il accepta de grand cœur. Il la reçut avec sa pleine connaissance, si sûr de lui-même que voyant Sa Grandeur très émue, il Lui indiquait les cérémonies qu'il fallait faire. On apporta le saint Viatique un peu après minuit, et, à partir de ce moment, le cher Père s'entretint avec Notre-Seigneur jusque vers 3 heures du matin. A ce moment, il perdit connaissance. Cependant lorsqu'on lui suggérait quelques pieuses invocations, on voyait que ses lèvres s'agitaient un peu.
« Le docteur Willis, qui, pendant toute la nuit, avait prodigué ses soins au malade, croyant que le dernier moment était venu, consentit alors à se retirer.
« Sur les 8 heures, le visage prit une teinte violacée, mais le malade restait tranquille. Enfin, à 11 h 20 minutes, sans secousse, au moment où plusieurs confrères, agenouillés près de lui, commençaient le Proficiscere, son âme pleine de résignation et de tranquillité en face de l'éternité, s'envola vers Dieu dans la 54e année de son age et la 28e de son apostolat.
« Vu les cérémonies de la Semaine Sainte, et aussi la maladie qui l'avait enlevé, le corps fut mis en bière le jour même, et le lendemain, Vendredi-Saint, à 10 heures du matin, Mgr de Géraza, entouré des confrères de Bang-Kok, de nombreux Européens et d'une grande foule de fidèles, confia silencieusement à la terre, dans cette église de la Conception en deuil, au milieu des sanglots et des lamentations de ses enfants, les restes de M. Jean-Pierre Martin, provicaire de NN. SS. d'Azoth et de Géraza, et supérieur, pendant deux ans et demi, de la mission de Siam.
Quos orphanos deseris
E cœlo respicias
Sedibus in superis
Non frigescit charitas
Quæ terris efferbuit.
Références
[0727] MARTIN Jean-Pierre (1832-1886)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1874 (janv.), pp. 12, 13 ; 1874 (déc.), p. 26 ; 1875, p. 39. - M. C., vi, 1874, Progrès de la civilisation à Bangkok, p. 65 ; vii, 1875, p. 5.