Jean PRODHOMME1855 - 1887
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1391
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1878 - ? (Saigon)
Biographie
[1391]. PRODHOMME, Jean-Alexandre, est l'un des trois frères de ce nom qui se sont consacrés à l'apostolat dans la Société des M.-E. Deux travaillent encore : l'aîné est vicaire apostolique du Laos ; le plus jeune, missionnaire du Cambodge. Celui dont il est ici question naquit à Colombiers (Mayenne) le 20 janvier 1855 ; il fit ses études au petit séminaire de Mayenne, et passa quelques années au grand séminaire de Laval. Entré minoré au Séminaire des M.-E. le 2 septembre 1876, il fut ordonné prêtre le 21 septembre 1878, et envoyé dans la Cochinchine occidentale le 30 octobre suivant.
Il reçut sa formation apostolique à Cai-mong ; puis il devint, en 1880, secrétaire de Mgr Colombert et procureur de la mission. Il fut vite très anémié par le climat. En 1886, on le nomma curé de Cho-quan ; y étant tombé gravement malade, il fut envoyé en France. Il succomba dans sa famille, à Colombiers, le 1er juillet 1887.
Nécrologie
M. PRODHOMME (JEAN)
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA COCHINCHINE OCCIDENTALE
Né le 20 janvier 1855.
Parti le 4 novembre 1878.
Mort le 1er juillet 1887.
Le P. Jean-Alexandre Prodhomme naquit à Colombiers, diocèse de Laval, le 20 janvier 1855. Il était le septième enfant de Joseph Prodhomme et de Mélanie Margerie, simples cultivateurs, riches de foi, d’honneur, de vertus chrétiennes. Deux de ses frères appartien-nent à la Société des Missions-Étrangères : le P. Constant Pro¬dhomme, missionnaire à Siam depuis 1874, et le P. Louis, parti pour le Cambodge en 1886 ; deux de ses sœurs sont religieuses : l’une à la Charité de Tours, l’autre à la Charité d’Evron.
« Son enfance se passa calme et douce au foyer paternel ; son premier maître fut le vicaire de sa paroisse.
« En 1869, il entra au Petit-Séminaire de Mayenne. Il fut dès le début un bon élève dans toute l’acception du mot, c’est-à-dire régu¬lier dans sa conduite, appliqué à son travail, simple et vrai dans sa piété.
« Ce fut pendant son année de seconde qu’il parla pour la première fois de son projet de se consacrer à l’apostolat.
« Il était bien malade alors, la fièvre typhoïde l’avait réduit à l’extrémité, il venait de recevoir les derniers sacrements, et autour de lui parents et amis pleuraient comme autour d’un tombeau, lorsque, se penchant vers le prêtre qui le premier lui avait enseigné le latin, il murmura doucement : « Je suis bien mieux, je ne pense pas encore mourir cette fois, et « j’espère que le bon Dieu me fera la grâce d’aller, comme mon frère, apprendre le « catéchisme aux petits Chinois. »
Ce vœu du jeune homme devait se réaliser ; il recouvra ses forces et retourna au Petit-Séminaire.
« En 1873, il entrait au Grand-Séminaire de LavaI.
« Cette vie nouvelle, calme, sérieuse, avec une liberté plus grande, le rendait heureux. « La « vie est si douce, si agréable ici, nous avons des maîtres ou plutôt des directeurs si bons qu’il « serait difficile de ne pas s’habituer. — J’ai passé quatre heureuses années à Mayenne, mais « jamais je n’ai été plus content qu’au Grand-Séminaire. »
« Dès lors la pensée de partir ne le quitte plus, mais il la garde en l’intime de son cœur. Il a l’humilité du dévouement comme d’autres en ont la vanité ; on dirait même qu’il prend souci de cacher son secret, et s’il parle des missionnaires et des missions, c’est comme par hasard et en se jouant : « L’abbé X... est parti aujourd’hui pour les missions, trois prêtres « partent le 10 mai prochain, on dit même que le Petit-Séminaire est rempli de gens qui « veulent aller évan¬géliser les infidèles. Je ne sais qui pousse tout ce monde à se faire « missionnaire. »
« Cependant, à mesure que le moment du départ approche, le séminariste devient plus expansif, non pas avec ses amis ordinaires ou même les plus intimes, mais avec sa sœur aînée, religieuse déjà formée, à qui il ouvre son cœur comme un fils à une mère.
« Voici en quels termes il lui écrit le 5 avril 1874. Sa parole est grave, sérieuse, on sent que l’enthousiasme ou l’imagination n’ont point de part dans la décision qu’il annonce : « La « bonté de Notre-Seigneur envers notre famille, envers moi en particulier, est si grande, qu’il « me semble depuis longtemps que je ne fais pas assez pour lui en témoigner ma « reconnaissance. Je songe à être, moi aussi, missionnaire. »
« A plusieurs reprises, l’abbé Prodhomme demanda à Mgr Wicart l’autorisation de se consacrer aux missions. L’évêque refusa : « Non, je ne veux pas, répondit-il, il me faut des « prêtres et bientôt je n’en aurai plus. » Mais dans ce cœur d’évêque, si grand par sa foi, si passionné pour les âmes ; dans cette intelligence qui compre¬nait si bien tous les besoins et toutes les gloires de l’Église catho¬lique, pareil sentiment ne pouvait longtemps exister. Ne savait-il pas d’ailleurs que donner aux missions c’est donner aux pauvres, et que donner aux pauvres c’est prêter à Dieu qui rend avec usure ? Aussi accorda-t-il bientôt au jeune séminariste l’autorisation demandée.
« Celui-ci annonça aussitôt cette nouvelle à sa sœur, il dit la chose simplement, sans longues réflexions, presque comme s’il s’agissait d’un autre : « Grâces à Dieu, je puis enfin « réaliser mon projet, je vais partir pour le Séminaire des Missions-Étrangères, le 31 août « prochain. C’est une grande faveur que le bon Dieu m’envoie. Prie pour moi. » Tout le P. Prodhomme est dans ces lignes, c’est la simplicité unie à la piété.
« Au mois de septembre 1876, il entrait au séminaire des Missions-Étrangères.
« Le lendemain de l’ordination du sous-diaconat, il écrit : « Je suis sous-diacre. C’est hier « que j’ai pris un engagement éternel. Oh ! comme je suis heureux d’appartenir ainsi au bon « Dieu, de lui parler si souvent en récitant mon bréviaire ! Le Seigneur a bien voulu me « choisir pour être son serviteur, pour le prier au nom de tous. Je ne pouvais refuser ce choix ; « on est trop bien au service de Dieu pour ne pas s’y engager quand il nous appelle. »
« Le moment du départ approche ; il y songe, il s’y dispose par une ferveur plus vive, des prières plus soutenues ; il y prépare ses parents, les rassure sur sa santé, leur fait entrevoir la grandeur de sa vocation : « Je suis toujours le même, joyeux et on bonne santé, ici l’on me « regarde comme l’un des plus forts de la maison. Aussi, sous ce rapport, la vie des missions « qui bientôt va venir pour moi est loin de m’effrayer. Cette pensée des missions m’occupe « beaucoup, car c’est une grande vocation que de s’en aller au loin travailler à la gloire de « Dieu, au salut des âmes ; offrir tous les jours le saint sacrifice : quel acte sublime ! » Et il termine par cette pensée qui semble un pressentiment et reviendra souvent sous sa plume : « La vie est bien courte, et c’est dans peu de temps que pour tous passeront tous les maux. »
« Le 3 novembre 1878, il quittait la France et partait pour Rome. Avant de retourner vers ses chrétiens, Mgr Colombert avait voulu aller se prosterner aux pieds du Père commun des fidèles, lui rendre compte de ses travaux, de ses difficultés et de ses succès ; et il avait eu la généreuse pensée de conduire avec lui les deux jeunes mission¬naires qu’il emmenait en Cochinchine.
« Ce fut avec bonheur que le P. Prodhomme passa quelques jours dans la capitale du monde chrétien ; il en visita presque toutes les églises, alla prier au Colysée et recevoir la bénédiction du Souverain Pontife, « ce beau vieillard aux cheveux blancs, aux vêtements « blancs, que ses photographies représentent bien, mais dont elles ne disent point toute la « bonté. »
« Peu après son arrivée à Saïgon, il fut envoyé à Cai-mong, située dans l’ancienne province de Vinh-long, au milieu de magnifiques jardins plantés de manguiers, d’arequiers, de cocotiers, de bananiers, d’orangers, sur le bord d’un arroyo dont les rives, bordées d’une immense forêt de verdure, enserrent des eaux paisibles, tributaires du Mékong. Cai-mong est le centre d’un vaste district comptant au moins 5,000 chrétiens. La paroisse dc Cai-mong seule en renferme 2,500.
« Aussitôt que le P. Prodhomme connut la langue, il se mit au travail avec ardeur.
« A partir du mois de juin, ma position a quelque peu changé ; à l’occasion du Jubilé, on a « fait de grandes retraites et tous les Pères se sont aidés pendant trois mois ; alors je suis resté « seul, ce qui m’a forcé d’entendre les confessions. A la fin d’août, comme j’étais un peu « habitué au saint ministère, on a enlevé mon confrère, et, malgré le retour de mon Curé et du « Père annamite, j’ai commencé à remplir complètement les fonctions de vicaire. J’ai prêché « mon premier sermon le 7, le second le 16 de ce mois dimanche prochain aura lieu le « troisième ; il paraît que l’on me comprend bien. J’ai beaucoup d’ouvrage ; il faut que je sois « au confessionnal cinq, six, sept heures par jour. »
« Telle était la vie du jeune missionnaire qui terminait sa lettre par ces mots du cœur : « Enfin, je suis heureux, et pourvu que je fasse un peu de bien, ce sera le comble de mes « voeux. »
« Volontiers, le P. Prodhomme serait resté de longs jours à Cai-mong, mais Mgr Colombert l’appela près de lui pour en faire son secrétaire et en même temps le procureur de la Mission ; et volon¬tiers aussi le misionnaire accepta. De tout temps, il n’avait eu d’autres désirs que ceux de ses supérieurs, parce qu’en leur autorité, il voyait l’autorité de Dieu ; dans leur parole, la parole même de Dieu. Si cette fois il exprima un regret, ce fut discrètement, sans plainte ni murmure. « J’ai regretté, dit-il, mes paroissiens, les petits enfants des classes, « les bons jeunes gens qui se confessaient souvent. »
« Bien vite d’ailleurs, il implora comme une grâce de faire quelque ministère ; pour qu’il fût complètement heureux, il avait besoin de voir, sous ses yeux et par ses soins, des cœurs se purifier, des intel¬ligences s’élever, la charité croître. Mgr Colombert le lui permit, et pendant plusieurs mois le P. Prodhomme put aller tantôt au Sémi¬naire confesser les séminaristes à l’époque de leur retraite, tantôt à la Sainte-Enfance faire le catéchisme aux orphelines, ou encore, célé¬brer la messe et prêcher à l’hôpital indigène de Thi-nghé.
« Notre confrère était en mission depuis trois ans à peine ; sa vie n’avait rien eu de particulièrement pénible : pas de longues courses sur les grands fleuves, à travers des forêts, dans les régions sauvages, pas de luttes avec les païens, de difficultés avec les chré¬tiens, et déjà cependant il était épuisé.
« Je vais de temps en temps prendre une semaine de repos au Séminaire, écrivait-il le 25 « septembre 1881, j’y suis allé au com¬mencement de ce mois, j’y rentre demain. Je ne souffre « point, mais je n’ai plus de forces, je suis anémique, mes mains sont blanches à ravir ; hélas ! « à peine peuvent-elles tenir la plume. Il est possible que j’aille bientôt au Sanatorium de « Hong-kong. »
« Le 2 novembre, en effet, il partait pour cette ville, il y resta pendant cinq mois.
« Aussitôt qu’il sentit ses forces se ranimer, il songea à retourner à Saïgon. Pour l’intelligence, pour l’âme et pour le corps, le séjour au Sanatorium n’avait pas été inutile.
« J’ai compris ici, écrivait-il la veille de son départ, ce que maintes fois j’avais entendu « dire: la vie de l’homme sur cette terre est un combat. Partout c’est la même chose ; partout « les missionnaires doivent lutter pour sauver les âmes et pour les défendre ; partout il faut « soutenir des procès, faire des voyages, dépenser son argent, sa santé et sa vie. »
« Revenu à Saïgon dans le courant de mars, il y reprit sa besogne de procureur. Désormais ses lettres ou ses notes prennent une teinte de gravité, presque de tristesse ; il porte plus souvent ses regards vers le ciel, il s’examine avec plus de rigueur, la pensée de la mort lui devient plus familière, on sent que la souffrance a laissé des traces en son âme. « Ma tiédeur « est bien grande, écrit-il pendant sa retraite du 13 au 19 février 1882, mon Dieu, me « pardonnerez-vous ? que de grâces j’ai perdues, que de mérites je n’ai point acquis, et peut-« être aussi que de conversions j’ai négligé d’aider ! » Et plus loin : Si j’allais mourir cette « année ; il n’y aurait rien d’étonnant, car je n’ai guère de forces ; je le veux bien, j’ai « confiance en Dieu, qu’il fasse de moi ce qu’il voudra. — Qu’importe de mourir, qu’importe « de vivre ; faire la volonté de Dieu, tout est là ; on nous le disait au Séminaire, ne l’ai-je point « trop oublié ? »
Les résolutions qu’il prend à la suite de la retraite sont plus nom¬breuses et plus précises. Elles ont principalement trait : — à la célébration de la sainte messe ; « célébrer la messe « lentement, écrit-il, penser à ce que je dis, à ce que je fais, c’est la plus grande action de ma « journée, la plus grande action de ma vie, la plus grande qu’un homme puisse faire. Me « préparer à la chapelle, à genoux, pendant dix minutes au moins. » — A la récitation du « bréviaire ; Psallite sapienter ; bénir Dieu au nom de toute créature, posément, chaque jour, à « la même heure, seul dans ma chambre. » —A la charité envers tous : supérieurs, égaux, inférieurs ; « obéir de suite à Monseigneur, être très ouvert avec lui, ne jamais brusquer « personne, surtout à la procure, quand j’ai cinq ou six confrères à servir, ne pas parler mal « des absents, pas plus que de ceux qui sont présents. » S’il est une résolution que le Père observa, assu¬rément, ce fut cette dernière ; il possédait l’art difficile, délicat, sou-verainement aimable et peut-être assez rare, de relever les qualités d’autrui, de dissimuler ses défauts et de pallier ses fautes.
« Bientôt la maladie saisit de nouveau sa proie ; au mois d’août 1882, le P. Prodhomme reprit le chemin de Hong-kong. Il y trouva et le même empressement et les mêmes soins.
« Dans les loisirs que la maladie lui laisse, il tourne ses regards vers la Société des Missions-Étrangères, vers le Séminaire de Paris. A son frère qui lui parle d’un jeune homme désireux de se con¬sacrer à l’apostolat, il écrit : « Encourage-le, dis-lui ce que ton cœur pourra « te suggérer, mais surtout prie pour lui, il n’y a rien de plus efficace. Oh ! que nous avons « besoin de missionnaires ! tâche d’en trouver beaucoup. » Des Séminaristes il passe aux Frères : « Vous savez, écrit-il à quelques-uns de ses parents, que nous avons des Frères dans « notre Société ; à Saïgon, ils nous ren¬dent de grands services. Si vous connaissiez quelque « jeune homme qui eût le désir de se dévouer aux missions, dites-lui qu’il s’adresse au « Séminaire de Paris, il trouvera où faire le bien et où sauver son âme. »
Si un deuil frappe le Sanatorium, si quelque missionnaire va là-haut recevoir la récompense promise au bon et fidèle serviteur, le P. Prodhomme s’en réjouit plus qu’il ne s’en attriste, on dirait qu’il entrevoit que bientôt ce sera son tour : « Le P. Faure est mort il y a trois « jours, écrit-il, il repose maintenant dans la montagne, à mi-côte entre la maison et la mer ; « ils sont là sept qui dorment leur dernier sommeil, trois d’entre eux ont été mes condisciples ; « cette mort n’a point changé le caractère de la maison, chacun semblait se dire : Moriatur « anima mea morte justorum, et fiant no¬vissima mea horum similia. »
« Lorsqu’il revint à Saïgon, Mgr Colombert lui défendit tout minis¬tère. L’ordre était d’exécution difficile. « Petit à petit, disait en plaisantant le cher Père, on empiète sur la « défense, puisque la nécessité le veut. » Mais hélas ! la santé ne le permit pas long¬temps ; au mois d’octobre de la même année, il retomba malade. Cette fois l’évêque l’envoya à Cai-mong ; il y reprit assez de force pour faire une expédition apostolique, qui fut une de ses dernières joies ; il retomba malade et dut aller se reposer chez un confrère, ensuite chez un autre, puis chez un troisième ; il entra à l’hôpital de Saïgon, où il resta quarante jours, et enfin il repartit pour Hong-¬kong. Il essayait de tranquilliser les siens, leur expliquant que les forces revenaient, qu’il pouvait faire de longues courses, qu’il était capable de retourner à son poste : personne ne s’y trompait, on voyait à n’en pas douter que la carrière du jeune missionnaire approchait de sa fin. Lui-même, s’il essaie de calmer l’inquiétude de sa famille, ne semble pas se faire illusion ; il parle plus souvent de la mort, de la brièveté et des souffrances de la vie, de la résignation à la volonté divine.
Après quelques mois il retourna à Cai-mong, où Dieu lui accorda la grande joie de voir un de ses frères, le P. Louis Prodhomme, nouvellement envoyé dans la Mission du Cambodge.
« Les deux frères passèrent plusieurs jours ensemble près du provicaire : « Le P. Gernot, « mon frère Louis et moi avons promis cha¬cun trois messes en l’honneur de Notre-Dame du « Sacré-Cœur , si je puis reprendre et conserver assez de forces pour faire ma besogne « ordinaire. »
« Notre-Dame du Sacré-Cœur n’exauça pas ces ardentes prières, mais avant de demander au missionnaire le sacrifice suprême, elle lui en imposa un autre.
« Le P. Prodhomme était à Cai-mong, il s’y plaisait : le provicaire, les prêtres annamites, les religieuses, les chrétiens, tous l’aimaient et désiraient le garder près d’eux ; les nécessités de l’administration forcèrent Mgr Colombert de le nommer curé de la paroisse de Cho-¬quan. L’évêque écrivit au missionnaire la lettre suivante, où, sous la brièveté de la forme, se lisent la confiance, l’estime et l’affection : « Les indiscrétions autorisées du P. Gernot vous ont appris « que vous êtes destiné à Cho-quan. Votre santé s’étant un peu solidi-fiée, il faut faire le « sacrifice que vous redoutez, je le sais, mais qui sera béni, parce qu’il sera fait avec bonne « volonté. Venez donc à Cho-quan. Dans cette position, je n’ai de souci qu’au sujet de votre
« santé. Il faudra la ménager sub omni respectu. »
« Le P. Prodhomme obéit immédiatement ; il se montra dans cette paroisse ce qu’il avait été partout, pieux, travailleur, appliqué à tous ses devoirs. Mais, hélas ! la tâche était au-dessus de ses forces.
« Au commencement de cette année, il tomba dans une extrême faiblesse à laquelle aucun soin ne semblait pouvoir remédier ; il fit alors cette promesse que nous trouvons dans ses papiers, et que nous transcrivons avec une religieuse émotion :
« Samedi-Saint, 1887.
« Pour la gloire de Dieu et de Notre-Dame du Sacré-Cœur, la sanctification de mon âme et « le salut des âmes qui me sont confiées.
« Demain, jour de Pâques, je commence, en union avec les Carmélites de Saïgon, les « religieuses d’ici et la paroisse, une neuvaine à Notre-Dame du Sacré-Cœur, pour demander « la santé.
« Si nous sommes exaucés, c’est-à-dire, si je suis évidemment assez fort pour m’occuper « sérieusement de la paroisse et du couvent, ou de tout autre poste où m’enverrait « Monseigneur, sans avoir besoin d’aller me reposer en dehors de la Mission, je promets de « dire neuf messes en l’honneur de Notre-Dame du Sacré-Cœur ; de plus, j’enverrai la relation « de ce fait au Directeur de l’Archiconfrérie, en le priant de la publier dans ses Annales. « Pendant la neuvaine, je vais réciter trois chapelets par jour, avec un Souvenez-vous à Notre-« Dame du Sacré-Cœur après chaque chapelet.
« Cho-quan, 9 avril 1887.
« J. PRODHOMME, Missionnaire Apostolique. »
« Le souhait du pauvre missionnaire, les vœux des religieuses et de la paroisse ne furent point exaucés : la faiblesse fit chaque jour des progrès plus rapides.
« Afin de conserver à la Mission le jeune et saint prêtre qu’il avait amené en 1878, Mgr Colombert se décida à l’envoyer en France.
« Au mois d’avril, le P. Prodhomme s’embarquait pour Marseille, et le 21 mai il arrivait à Paris, d’où il écrivait à sa soeur ces lignes dont le laconisme sonne comme un glas d’agonie : « Me voici de retour en France, à cause de ma santé. Monseigneur a voulu que je vinsse « essayer de ce climat. J’ai une figure de cadavre et je suis encore bien faible. Cependant je « puis encore dire la messe. Prie et fais prier pour mon prompt rétablissement, mais surtout « demande au bon Dieu que je sois bien soumis à sa sainte volonté ! »
« A la maison paternelle, on entoura le malade des soins les plus dévoués, des attentions les plus délicates, des prévenances les plus assidues ; tout fut inutile. La mort arriva à grands pas ; le malade se montra doux, patient, résigné. — Il demanda lui-même l’Extrême-Onction, et la reçut avec un recueillement profond ; bientôt il perdit l’usage de la parole, et le 1er juillet, en l’octave de saint Jean son patron, à l’âge de de 33 ans, après 9 ans d’apostolat, le P. Prodhomme ren¬dit son âme à Dieu.
« Les funérailles eurent lieu le 4 juillet, elles furent solennelles. Les prêtres étaient nombreux : amis, bienfaiteurs, anciens condisci¬ples étaient venus apporter à l’humble missionnaire le tribut de leurs regrets, à sa chrétienne famille, à son évêque qui le pleure, à la Société des Missions-Étrangères dont il était le très digne fils, le triple hommage de leur estime, de leur respect et de leur affection.
« Par une délibération qui l’honore, car elle est une preuve écla¬tante de ses sentiments chrétiens et vraiment patriotiques, le Conseil municipal de Colombiers a donné à perpétuité le terrain dans lequel notre confrère repose.
« Près de ce cercueil à peine fermé, que tant de regrets, de larmes et d’honneurs ont accompagné, il ne nous reste qu’à méditer cette parole que le P. Prodhomme écrivait il y a douze ans : « Il me sem¬ble qu’il est doux de mourir après une vie d’apostolat, et la vie est bien « courte pour payer une telle mort. »
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Références
[1391] PRODHOMME Jean (1855-1887)
Notes bio-bibliographiques. - Sem. rel. Laval, 1883-84, p. 402 ; 1886-87, p. 619 ; Ib., Notice, pp. 686, 721, 738, 766.
Le culte de N.-D. de Lourd., p. 194.
Notice nécrologique. - C.-R., 1887, p. 262.
Biographie. - Le P. Jean Prodhomme, missionnaire apostolique en Cochinchine occidentale, par le P. Adrien Launay, de la Société des M.-E. [Extrait de la Sem. rel. Laval]. - Chailland, rue des Béliers (place des Arts), Laval, 1887, in-16, pp. 28.